La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat
12 mars 2020
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en appui au projet de loi S-215, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre relativement aux exemptions pour les activités agricoles.
Tout d’abord, je tiens à remercier la sénatrice Griffin d’avoir présenté cette importante mesure législative qui tombe à point nommé. Nous avons beaucoup entendu parler de cet enjeu pour l’ensemble du secteur agricole partout au pays. Il faut faire quelque chose à ce sujet. Comme on le sait, la taxe sur le carbone, ou la tarification de la pollution, est entrée en vigueur l’an dernier au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan. Depuis, elle est aussi entrée en vigueur en Alberta.
Maintenant que toute une saison agricole est passée, on commence vraiment à constater les effets qu’a cette taxe sur les agriculteurs de ces provinces. Ceux-ci ont déjà droit à une exemption en ce qui concerne le diésel, mais le projet de loi S-215 les rendrait également admissibles à une exemption pour les autres combustibles qu’ils utilisent. Plus précisément, ce projet de loi modifierait les définitions de « machinerie agricole admissible » et de « combustible agricole admissible » qui se trouvent dans la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.
Selon la version actuelle de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, un « bien qui sert au chauffage ou au refroidissement d’un bâtiment ou d’une structure semblable » n’est pas de la « machinerie agricole admissible ». Ce projet de loi ferait en sorte qu’il le devienne.
En outre, la loi définit actuellement le « combustible agricole admissible » comme un « type de combustible qui est de l’essence, du mazout léger ou un combustible visé par règlement ». Le projet de loi modifierait cette définition pour la remplacer par un « type de combustible qui est de l’essence, du mazout léger, du gaz naturel commercialisable, du propane ou un combustible visé par règlement. »
L’un des groupes les plus touchés par cette augmentation des coûts est celui des producteurs de grains canadiens. Comme vous le savez sans doute, nous avons eu l’année dernière une saison de croissance particulièrement pluvieuse dans de nombreuses régions du Canada. En fait, elle a été surnommée la « récolte infernale ». Sans surprise, cela a eu un impact négatif sur le rendement des céréales. Cet impact négatif a été aggravé par les volumes supplémentaires de propane et de gaz naturel que les agriculteurs ont dû utiliser pour sécher leur grain.
Comme l’a dit la sénatrice Griffin dans le discours qu’elle a prononcé à l’étape de la deuxième lecture, « Le séchage du grain n’est pas une activité facultative » pour ces agriculteurs. Les agriculteurs ne fixent pas les prix, de sorte que les coûts supplémentaires sont absorbés dans leurs coûts de production, ce qui augmente leurs charges financières respectives et rend notre secteur agricole beaucoup moins concurrentiel.
Il ne s’agit pas d’une augmentation mineure. L’Association des producteurs agricoles de la Saskatchewan, l’une des régions les plus durement touchées, estime que, rien que cette année, une exploitation agricole individuelle de 5 000 acres subira un manque à gagner net de 8 000 $ à 10 000 $ en raison de la taxe sur le carbone. Ils s’attendent à ce que ces chiffres atteignent entre 13 000 $ et 17 000 $ d’ici 2022, ce qui représente 12 % du revenu net des agriculteurs.
Le chauffage ou la climatisation des bâtiments de ferme constitue une autre dépense importante pour les agriculteurs. Dans certaines régions du pays, les éleveurs de bétail et de volaille, notamment, dépensent déjà des sommes importantes pour chauffer leurs bâtiments pendant l’hiver. Cette dépense est nécessaire à la survie et à la santé des animaux, mais la facture est maintenant beaucoup plus salée à cause de l’ajout de la taxe sur le carbone.
Chers collègues, je comprends la gravité et le caractère immédiat de la crise climatique. Je n’essaie en aucune façon d’en minimiser l’importance. Je ne dis pas non plus être contre la tarification de la pollution. Je dis tout simplement que cette taxe n’a pas le même effet sur tous les secteurs et qu’elle devrait être modifiée de manière à faire moins de tort aux agriculteurs. En plus de nous fournir nourriture et fibres, en soi un rôle crucial, ils ont aussi un rôle important à jouer dans la lutte contre les changements climatiques. Les agriculteurs jouent déjà, et peuvent continuer de jouer, un rôle important dans l’atténuation des émissions de carbone. Cette taxe sur le carbone, le coût supplémentaire qu’elle leur impose, n’en tient pas compte. Ce coût supplémentaire vient limiter de beaucoup leur capacité d’investir dans de nouvelles technologies vertes ou de prendre toute autre mesure de réduction des émissions de carbone.
Les agriculteurs et les autres acteurs du secteur agricole ont déployé beaucoup d’efforts et innové de différentes façons afin de réduire leur empreinte carbone. La séquestration du carbone, plus particulièrement, constitue un moyen très efficace de réduire les émissions. Je reviendrai sur cette question plus en détail dans une allocution ultérieure.
Il convient de signaler que le projet de loi est appuyé par des organismes agricoles de partout au pays, notamment les Producteurs de grains du Canada et leurs organismes membres, de même que la Fédération canadienne de l’agriculture, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, l’Alberta Wheat Commission, et bien d’autres.
L’exemption de la taxe sur le carbone pour les activités agricoles est également appuyée par des politiciens de toutes les affiliations. Pour ces raisons, je vous demande d’adopter le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture afin qu’il puisse être renvoyé au comité, où nous pourrons entendre les parties intéressées, y compris des agriculteurs et des organismes agricoles, et donner aux représentants du gouvernement l’occasion d’expliquer et de défendre les politiques en vigueur.
Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.