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La Loi sur l'assurance-emploi—Le Règlement sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Motion d'amendement--Suite du débat

25 octobre 2022


L’honorable Diane Bellemare [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour donner mon appui à l’amendement. Je serai assez brève; j’avais préparé un discours comme celui de la sénatrice Ringuette, mais j’ai trouvé le sien très convaincant.

D’abord, je voudrais dire que je comprends très bien l’objectif du projet de loi S-236 et que je comprends pourquoi plusieurs sénateurs l’ont appuyé. L’existence de deux régions pour l’Île-du-Prince-Édouard est une anomalie qui date de 2014. Avant cette date, il n’y avait qu’une seule région pour cette province. Dans le contexte des travaux entourant l’étude de ce projet de loi, plusieurs ont dit que la création de ces deux régions résultait de démarches entreprises par certaines personnes à l’autre endroit. C’est la raison pour laquelle on aurait divisé l’Île-du-Prince-Édouard en deux régions.

Plusieurs ont évoqué cette anomalie. Il semblerait, selon le commissaire des travailleurs et travailleuses, que quatre régions ont été créées à ce moment-là, et ce, de façon assez spontanée et arbitraire. Je comprends pourquoi plusieurs sénateurs souhaitent mettre fin à cette anomalie de double région.

Pourquoi? Parce que cela crée toutes sortes d’incongruités et d’iniquités. Comme vous le savez, comme un chômeur reçoit des prestations en fonction de son lieu de résidence, deux chômeurs de la même entreprise, mais qui résident dans l’une ou l’autre des régions pourraient avoir droit à des montants différents pour des semaines différentes. Il y a donc matière à réflexion et il faut changer les choses.

Toutefois, je suis plutôt d’accord avec ce que la sénatrice Simons a dit au comité, soit que ce n’est pas vraiment le rôle du Sénat de faire de la microgestion. D’une certaine façon, cela demeure de la microgestion d’amender l’annexe de la Loi sur l’assurance-emploi, et ce n’est pas à nous de le faire. On peut souligner des anomalies, mais ce n’est pas à nous de le faire; c’est vraiment au gouvernement de faire ces changements.

Je suis également très sensible aux propos de la sénatrice Ringuette, qui a éloquemment affirmé, à la suite de la publication du rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget (DPB), que celui-ci a calculé que le fait de fusionner les deux régions entraînerait une perte de 76,6 millions de dollars entre les exercices 2021-2022 et 2025-2026. Cela représente beaucoup d’argent que les gens de l’Île-du-Prince-Édouard ne recevraient pas, selon le Bureau du directeur parlementaire du budget. Je suis donc sensible à cet argument.

Troisièmement, le gouvernement veut faire une réforme de l’assurance-emploi. Elle est en cours et elle devrait être substantielle. Ce serait à ce moment-là, je crois, la bonne manière de corriger l’anomalie et de revoir la complexité du régime actuel. En effet, il ne faut pas se mettre la tête dans le sable : le régime actuel de l’assurance-emploi est d’une complexité inouïe.

Il y a 66 régions au Canada et, selon la région où l’on se trouve et le taux de chômage qui y est associé, chaque personne a des semaines différentes pour devenir admissible à l’assurance-emploi. Une fois que l’on y est admissible, la durée des prestations est également différente. Il y a des tableaux qui contiennent 29 lignes et 11 colonnes. Cela signifie qu’il y a plus de 400 cases possibles qui peuvent s’appliquer à un Canadien en matière d’assurance-emploi; il faut donc corriger cela.

Je ne connais aucun pays qui fait de la région un critère d’admissibilité. Dans certains pays, l’âge et le revenu peuvent servir de critères d’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi, mais jamais la région.

En fait, ce qu’il faut se rappeler, c’est que tout le régime que nous avons est issu d’une réforme qui a eu lieu en 1976, la réforme Axworthy, qui a eu de bons et de moins bons résultats. À l’époque, ce qu’il faut dire, c’est que l’assurance-emploi visait principalement à gérer le chômage. On se trouvait à une période, dans les années 1990 — et je le rappelle, parce que c’est important de le rappeler — où la politique monétaire avait un impact immense sur le taux d’activité au Canada. La politique monétaire fonctionnait comme aujourd’hui, avec des ententes, et elle visait une fourchette de taux d’intérêt, mais sa cible à l’époque était le taux de chômage naturel.

On avait tellement peur de l’inflation et des anticipations inflationnistes qu’à la Banque du Canada, le radar était le taux de chômage non accélérationniste de l’inflation, qui était évalué à 8 % pour le Canada dans son ensemble. C’était le taux à partir duquel les taux d’intérêt augmentaient. Quand le taux s’approchait du taux naturel de 8 %, la Banque du Canada resserrait sa politique monétaire. De plus, rappelez-vous que les taux hypothécaires étaient très élevés à ce moment-là.

Lorsqu’on a un taux de chômage de 8 % et que c’est celui que l’on veut atteindre, imaginez le taux de chômage dans certaines régions. Il peut devenir très élevé dans les Maritimes et être plus faible ailleurs. Il y avait des disparités régionales très importantes et il y en a toujours.

Aujourd’hui, le problème est différent pour plusieurs raisons, dont le vieillissement de la population qui est inéluctable. Même s’il y a une récession actuellement, il y aura une augmentation du taux de chômage, mais ce dernier sera probablement plus faible qu’il l’aurait été par le passé en raison du vieillissement de la population. Donc, une récession amènera des retraites plus rapides et le taux de chômage total augmentera, mais il n’augmentera pas aussi fortement que par le passé.

Aujourd’hui, avec les changements technologiques qui sont rapides, avec les gens qui changent souvent d’emploi — et je le répète, avec le vieillissement de la population —, nous vivons une ère de pénurie de main-d’œuvre. À cet effet, l’assurance-emploi devrait être réformée pour faire face également à ces problèmes de pénurie de main-d’œuvre.

J’invite le comité à se pencher là-dessus, si l’amendement est accepté, et à revoir le projet de loi S-236. Je l’invite également à le revoir à la lumière de la prochaine réforme et de ce que le comité pourrait suggérer de plus sur le plan de la réforme de l’assurance-emploi.

C’est tout ce que j’avais à dire. Merci.

L’honorable Dennis Glen Patterson [ + ]

Sénatrice Bellemare, depuis 2014, les comités de la Chambre des communes ont recommandé à deux reprises de rétablir une seule zone d’assurance‑emploi pour l’Île-du-Prince-Édouard, et vous avez parlé de la réforme du régime d’assurance-emploi. Par respect pour les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard, ne confondons pas leur problème précis avec la question plus vaste de la réforme de l’assurance-emploi que vous avez préconisée.

N’est-ce pas le rôle du Sénat de travailler au nom de nos régions et de traiter en priorité les questions d’intérêt régional?

La sénatrice Bellemare [ + ]

J’en conviens, sénateur Patterson, mais il faut tenir compte du rapport du directeur parlementaire du budget, qui a calculé que l’Île-du-Prince-Édouard, après la fusion, verra l’ensemble des prestations diminuer. Donc, avec l’effet multiplicateur dans la région, ce n’est pas très utile de promouvoir la croissance.

Je crois que dans le contexte actuel, on peut bien attendre. Voilà ma réponse.

Le sénateur Patterson [ + ]

Je vous remercie de votre réponse, sénatrice Bellemare. Je ne suis pas sûr de l’exactitude des statistiques du Bureau du directeur parlementaire du budget, car, en 2021, le Huitième rapport annuel sur la pauvreté des enfants et des familles à l’Île-du-Prince-Édouard a souligné que la circonscription fédérale de Charlottetown, qui est plus petite que la zone d’assurance-emploi de Charlottetown, a le taux le plus élevé de pauvreté chez les enfants, à 25 %, et de pauvreté chez les personnes en âge de travailler, à 24,4 %.

En revanche, dans la circonscription d’Egmont, qui est la plus à l’ouest de la province et entièrement dans la zone d’assurance‑emploi de l’Île-du-Prince-Édouard, le taux de pauvreté chez les enfants est de 19,4 %, et le taux de pauvreté chez les personnes en âge de travailler est de 14,7 %. C’est la disparité dont vous avez parlé en ce qui concerne l’accès des travailleurs pauvres de Charlottetown aux prestations, puisqu’il leur faut 700 heures de travail par rapport à 560 heures pour les travailleurs dans la zone de l’Île-du-Prince-Édouard.

Les auteurs de ce rapport ont recommandé que le gouvernement fédéral mette immédiatement fin à la division de l’Île-du-Prince-Édouard en deux zones d’assurance-emploi, ce qui mettrait fin à la disparité qui existe actuellement entre les prestataires d’assurance‑emploi dans cette province.

À la lumière de cette information tirée du rapport annuel sur la pauvreté des enfants et des familles de 2021, ne concluez-vous pas que l’adoption du projet de loi S-236 profite en fait aux travailleurs pauvres de l’Île-du-Prince-Édouard, étant donné que les taux de pauvreté les plus élevés se trouvent dans la zone de l’assurance‑emploi de Charlottetown? Ne devrions-nous pas écouter les experts en la matière de l’Île-du-Prince-Édouard?

La sénatrice Bellemare [ + ]

Je savais que vous alliez poser une question sur les taux de pauvreté. Je n’ai pas eu le temps d’étudier le sujet en détail. Ce n’est pas à moi de l’étudier. C’est pour cela qu’il y a un amendement qui propose que le rapport du directeur parlementaire du budget soit revu; il sera alors possible d’examiner amplement le problème de la pauvreté et de déterminer si elle est vraiment liée au nombre de semaines de prestations et à la durée des prestations.

On sait, par ailleurs, que les taux de chômage changent. En septembre 2022, le taux de chômage à l’Île-du-Prince-Édouard était de 8,3 % au total, alors que, dans la région de Charlottetown, il était de 7,3 % et de 8,7 % à l’Île-du-Prince-Édouard en excluant Charlottetown. Avec un taux de chômage à 8,3 %, il s’agit quand même d’une légère amélioration. Je ne suis vraiment pas certaine que la différence entre les taux de 7,3 %, 8,3 % et 8,7 % soit considérable. Ce sera à vous d’en juger et de nous faire rapport de tout cela après les travaux du comité.

L’honorable Ratna Omidvar [ + ]

Sénatrice Bellemare, votre intérêt pour l’assurance-emploi et la réforme de l’assurance-emploi est bien connu dans cette enceinte.

J’ai été frappée par les interventions de la sénatrice Ringuette et ses conversations avec les deux commissaires de l’assurance-emploi qui n’ont pas été tout à fait francs, peut-être parce que la question n’a pas été posée directement ou indirectement. Je ne suis pas en mesure de le dire.

Cette enceinte est saisie d’un projet de loi, et votre proposition est de créer un conseil consultatif auprès de la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Croyez-vous que l’existence d’un tel conseil consultatif aurait aidé les deux commissaires de l’assurance-emploi à répondre aux questions de façon plus complète?

La sénatrice Bellemare [ + ]

Je vous remercie de la question, sénatrice Omidvar. En fait, le comité consultatif que je propose de créer vise justement à aider la commission actuelle à faire son travail, donc à commenter, à réfléchir, à proposer et à recevoir des témoignages. La commission aurait également un mandat d’initiative. Elle pourrait donc recevoir des demandes de l’extérieur, faire ses propres analyses et les présenter aux commissaires.

Dans mon projet de loi, les commissaires seraient parties prenantes de ce comité consultatif, de cette commission élargie, si l’on veut, justement dans le but de permettre d’avoir un regard objectif et de développer des solutions communes pour un problème qui est identifié.

Chers collègues, j’espère que nous pourrons en discuter librement davantage quand vous participerez aux débats sur mon projet de loi.

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler brièvement de l’amendement de la sénatrice Ringuette au projet de loi S-236, qui porte sur l’assurance-emploi à l’Île-du-Prince-Édouard.

Comme vous le savez tous, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a étudié le projet de loi S-236 plus tôt cette année. Au cours de ces travaux, nous avons entendu des témoignages en faveur des modifications au système actuel, qui divise l’Île-du-Prince-Édouard en deux zones distinctes aux fins de l’assurance-emploi.

Le 7 septembre dernier, des mois après la conclusion de l’étude du projet de loi S-236 par le Comité l’agriculture, le directeur parlementaire du budget a publié une note sur l’évaluation du coût de la mesure législative qui a suscité de nouvelles inquiétudes chez des sénateurs.

Honorables sénateurs, j’aimerais dire que, avant et après la présentation de l’amendement de la sénatrice Ringuette, des sénateurs m’ont dit qu’ils seraient prêts à renvoyer le projet de loi au Comité de l’agriculture pour qu’il puisse mener un examen complet de l’information maintenant disponible avant de le renvoyer à l’autre endroit.

Chers collègues, compte tenu de ce que j’ai entendu, je pense que l’amendement devrait être modifié. Par conséquent, j’aimerais proposer un sous-amendement. Avant de le faire, en tant que président du comité, je pense que je dois parler de différents éléments au sujet de l’amendement initial et de ses répercussions sur les travaux du Comité de l’agriculture.

Comme nous l’avons entendu, l’amendement original de la sénatrice Ringuette prévoyait que le comité entende le directeur parlementaire du budget et fasse rapport d’ici le 15 novembre 2022. Cette première partie est compréhensible, étant donné le rôle direct du directeur parlementaire du budget dans la publication de son rapport d’évaluation des coûts, et ses répercussions subséquentes sur ce projet de loi. Cependant, le comité pourrait aussi souhaiter entendre d’autres témoins, qui n’avaient peut-être pas tous les faits en main lorsque nous les avons entendus au printemps dernier.

Il est impératif que le comité soit en mesure d’entendre toute source d’information pertinente sur la question, afin d’éclairer le rapport du comité sur ce projet de loi. Nous ne pouvons pas nous limiter au seul avis du directeur parlementaire, étant donné que l’information publiée en septembre par son bureau est à la fois nouvelle pour nous et pour les témoins que nous avons entendus précédemment. On ne peut pas supposer que cette information n’aura pas de répercussions sur leurs opinions, puisque nous reviendrons sur ce projet de loi en sachant que ce rapport pourrait également changer nos opinions.

En gardant cela à l’esprit, je demande au Sénat de considérer les conséquences que cet amendement aurait sur le comité, et en fait sur la capacité de tous les comités du Sénat à être maîtres de leurs propres travaux et à convoquer des témoins autres que le directeur parlementaire du budget.

Bien que les comités sénatoriaux reçoivent des directives du Sénat, je crois qu’il est crucial qu’ils conservent la capacité de prendre leurs propres décisions et de convoquer des témoins en dehors de ceux recommandés afin de pouvoir mener des délibérations bien équilibrées.

Dans la même veine, je suis également préoccupé par la mention dans la motion d’amendement de la sénatrice Ringuette indiquant que le comité doit faire rapport au Sénat au plus tard le 15 novembre 2022. Nous savons tous que le calendrier des travaux du Sénat est fluide. Nous devons demeurer flexibles. Pour accommoder un effort global en vue d’examiner les nouveaux renseignements qui ont été obtenus, j’estime qu’il serait prudent que le comité détermine la date à laquelle il fera rapport de ce projet de loi au Sénat. Il est entendu que nous le ferons rapidement pour éviter qu’un délai inutilement prolongé ne pénalise davantage les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard.

Je tiens à préciser que je n’essaie nullement de ralentir l’étude de ce projet de loi. J’estime qu’il serait préférable d’abroger entièrement la deuxième partie de la motion d’amendement de sorte que le Comité de l’agriculture et tout autre comité sénatorial touché par une telle motion à l’avenir puissent effectuer leurs travaux dans un délai qui reflète la quantité de travail nécessaire.

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