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L'étude sur le service extérieur canadien et d'autres éléments de l'appareil de politique étrangère au sein d'Affaires mondiales Canada

Douzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international et demande de réponse du gouvernement--Ajournement du débat

6 février 2024


Propose :

Que le douzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Plus qu’une vocation : le Canada doit se doter d’un service extérieur adapté au XXIe siècle, déposé auprès du greffier du Sénat le mercredi 6 décembre 2023, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre la parole à titre de président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international afin de commencer l’étude du douzième rapport du comité, intitulé Plus qu’une vocation : le Canada doit se doter d’un service extérieur adapté au XXIe siècle, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 6 décembre 2023.

Jusqu’à cette étude, il s’était écoulé plus de 40 ans depuis qu’un examen approfondi de notre service extérieur avait été réalisé.

La dernière fois était en 1981, lors de la publication du rapport de la Commission royale d’enquête sur la situation dans le service extérieur dirigée par Pamela McDougall, une ancienne diplomate canadienne.

Aujourd’hui, notre service extérieur est confronté à de nouveaux défis.

Le monde d’aujourd’hui est de plus en plus instable et violent, ce qui a des conséquences sur nos relations commerciales, nos chaînes d’approvisionnement, notre souveraineté et notre influence dans le monde. En outre, il y a une augmentation significative des urgences consulaires et humanitaires.

Notre service extérieur est plus que jamais sous pression, mais il regorge de professionnels dévoués et hautement qualifiés qui travaillent dur chaque jour au service du Canada et des Canadiens.

Cela dit, pour être en mesure de continuer à promouvoir et à défendre les intérêts du Canada au pays et à l’étranger, un travail important reste à faire pour que notre service extérieur puisse relever les grands défis d’aujourd’hui, de demain et des décennies à venir.

La question clé qui a guidé notre étude était la suivante : Affaires mondiales Canada et le Service extérieur canadien sont-ils adaptés à leur mission? Le comité a répondu par l’affirmative, mais avec plusieurs réserves.

Au cours des 16 réunions qui ont eu lieu entre avril 2022 et juin 2023, nous avons été guidés par 22 heures de témoignages d’experts, allant de ministres actuels et anciens — dont un ancien premier ministre — à des professionnels à la retraite, en passant par des universitaires, de jeunes agents en service et des membres de réseaux dirigés par des employés au sein du ministère.

Nous avons formulé 29 recommandations visant à renforcer les capacités déjà considérables de notre service extérieur.

Parmi les préoccupations du comité figure la dotation en personnel. Le Service extérieur subit encore les effets d’une suspension du recrutement sur une période de 10 ans, entre 2009 et 2019.

Nous avons appris qu’Affaires mondiales Canada s’est appuyé sur des sous-traitants à court terme et des étudiants, mais ce n’est pas la bonne façon de développer une main-d’œuvre chevronnée qui peut aider le Canada à être un chef de file mondial au XXIe siècle.

Une statistique qui continue de m’interpeller personnellement est la suivante : l’âge moyen d’un agent du Service extérieur n’ayant pas le rang de cadre ou de dirigeant est actuellement de 47 ans.

À mon avis, il s’agit là d’une conséquence directe d’un recrutement irrégulier et d’un manque de planification, ce qui laisse penser que les talents pourraient être mieux gérés.

Les événements récents ont également souligné l’importance d’un service extérieur capable de réagir avec agilité aux situations d’urgence. Par exemple, des Canadiens ont été évacués de zones de conflit telles que le Liban, l’Afghanistan, l’Ukraine, le Soudan et la bande de Gaza — en grande partie grâce à notre service extérieur.

Nous avons toutefois appris que ce que l’on appelle la « capacité de pointe » — c’est-à-dire la capacité de déployer rapidement des ressources pour gérer des événements en constante évolution — doit être accrue.

Les Canadiens à l’étranger doivent avoir la certitude qu’ils pourront compter sur le Service extérieur en cas de besoin.

Dans sa neuvième recommandation, le comité encourage donc vivement Affaires mondiales Canada à mener une campagne annuelle de recrutement d’agents débutants du Service extérieur afin de pourvoir les postes vacants et de créer la capacité de pointe nécessaire.

L’amélioration des compétences et des aptitudes des agents du Service extérieur peut également se faire par la voie d’autres initiatives. Le comité a d’ailleurs formulé plusieurs recommandations dans ce sens. Par exemple, les témoins nous ont dit qu’il y a de nombreux avantages à encourager les détachements et à embaucher des personnes ayant des parcours professionnels différents, y compris des personnes en milieu de carrière. En même temps, nous avons appris que la culture du ministère favorise les connaissances acquises grâce à l’expérience des affaires internationales.

Bien que je puisse certainement témoigner des avantages d’une telle expérience, les questions internationales englobent un vaste éventail de sujets.

L’un des moyens d’encourager le développement de l’expertise dans divers domaines se retrouve dans la vingtième recommandation du comité, selon laquelle les fonctionnaires devraient saisir les occasions temporaires, comme les détachements et les échanges, à l’intérieur et à l’extérieur de la fonction publique fédérale.

Notre pays regorge de connaissances et d’expériences, mais pour les mettre à profit, il faut sortir des sentiers battus, ce qui n’est pas le propre d’un ministère aussi peu enclin à prendre des risques qu’Affaires mondiales Canada.

De plus, à la recommandation 12, le comité exhorte Affaires mondiales Canada à recruter plus de professionnels en cours de carrière qui travaillent dans d’autres ministères ou, plus important encore, à l’extérieur du gouvernement.

Cette approche contribuerait immédiatement à enrichir l’ensemble des compétences du ministère et représenterait une autre façon de lui donner plus d’outils.

L’étude a révélé qu’on privilégie les connaissances générales plutôt que la spécialisation dans des domaines précis, notamment en raison des difficultés de recrutement.

Un bon généraliste peut passer d’un dossier à l’autre au besoin, ce qui offre souplesse et capacité d’adaptation au ministère dans des circonstances qui changent parfois rapidement.

Cependant, il est clair que les spécialistes sont essentiels à la mission d’Affaires mondiales Canada. La Russie et la Chine continueront de retenir l’attention du monde pendant des années. Par conséquent, les spécialistes de la Russie et de la Chine — des gens qui ont une compréhension approfondie des langues, des cultures et des objectifs de ces pays et de leur gouvernement — ont une valeur inestimable.

Le développement de ces capacités prendra du temps et de l’argent, mais les retombées en vaudraient largement la peine. C’est pourquoi, à la recommandation 18, le comité exhorte Affaires mondiales Canada à augmenter ses investissements dans la formation en langues étrangères et à offrir aux employés canadiens qui ont appris une langue étrangère la possibilité de maintenir cette expertise linguistique tout au long de leur carrière.

Ce point est aussi lié à la recommandation 17 du comité sur l’utilisation égale du français et de l’anglais au sein du ministère et le maintien de la formation en langues officielles pour les nouveaux employés ayant le statut ab initio.

À la recommandation 26, le comité encourage également Affaires mondiales Canada à ouvrir une voie pour les spécialistes qui seraient tenus de maintenir, avec l’appui de la formation pertinente, une expertise géographique, fonctionnelle ou linguistique précise.

Les conditions du service extérieur pourraient également être améliorées.

Les directives sur le service extérieur prévoient des indemnités et des avantages sociaux pour le personnel en poste à l’étranger dont la révision s’impose depuis longtemps; là encore, beaucoup de choses ont changé depuis 1981.

Cela inclut les besoins particuliers des agents affectés en famille, y compris ceux qui ont des familles recomposées ou séparées, ceux qui ont des parents âgés et des enfants ayant des besoins particuliers, les agents dont le partenaire a sa propre carrière ou encore les agents célibataires affectés seuls.

C’est pourquoi le comité, dans sa 23e recommandation, insiste fortement sur la nécessité de moderniser complètement les directives sur le service extérieur, afin de s’assurer qu’elles sont adaptées aux réalités actuelles et changeantes auxquelles sont confrontés les fonctionnaires du Canada.

Même si de bons progrès ont été réalisés parmi les agents opérationnels afin de refléter la diversité canadienne, cette diversité devrait aussi être visible au sein de la haute direction et des chefs de mission. En ce qui me concerne, j’aimerais voir davantage de représentants des peuples autochtones.

Du côté positif, en date de juin 2023, 50 % des chefs de mission du Canada étaient des femmes. Ce n’est pas rien, mais la promotion de la diversité ne s’arrête pas là. Par conséquent, dans sa dixième recommandation, le comité encourage Affaires mondiales Canada à faire ressortir et éliminer les obstacles auxquels se heurtent certains groupes minoritaires au sein du ministère, dont les Canadiens noirs et asiatiques et les Autochtones.

Le Canada a besoin d’un service extérieur solide et efficace. Qu’il s’agisse de négocier des accords de libre-échange, de fournir une analyse experte sur les tendances et les problèmes ou de venir en aide aux Canadiens qui fuient des zones de conflit, le Service extérieur a de vastes responsabilités qui ont un effet sur les Canadiens ici comme à l’étranger.

Le rôle essentiel que jouent les agents du service extérieur est une des principales raisons pour lesquelles plusieurs de nos principaux alliés, dont l’Allemagne, la Norvège, le Royaume-Uni et les États-Unis, ont eux aussi entrepris un examen de leur propre service extérieur.

Le comité a mené deux missions d’information importantes et productives en lien avec cette étude. La première s’est déroulée à Washington, en décembre 2022, et la deuxième à Londres, Oslo et Berlin en septembre 2023.

Une question que le comité a gardée à l’esprit pour rappeler la raison d’être de cette étude est la suivante : « Pourquoi le service extérieur est-il important et pourquoi les Canadiens devraient-ils s’en préoccuper? »

C’est précisément en raison du large éventail de fonctions du ministère, et du service extérieur en particulier, que les Canadiens doivent veiller à ce que leur service extérieur soit prêt à les servir aujourd’hui et à l’avenir. Ce qui se passe dans le monde a des répercussions sur notre pays, qu’il s’agisse de sécurité économique ou de sécurité physique, et le service extérieur du Canada est en première ligne pour atténuer les effets négatifs et tirer parti des occasions.

Cela touche au cœur même de la recommandation 1 de la commission, à savoir que le ministère des Affaires étrangères doit mieux communiquer aux Canadiens ce qu’il fait, et plus particulièrement, ce que le service extérieur fait. Le rôle du service extérieur ne peut pas être bien compris si le ministère ne le fait pas connaître au public. Il est vrai que notre service extérieur est confronté à de nombreux défis, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, mais, comme je le crois fermement, les agents du service extérieur du Canada sont les meilleurs au monde dans ce qu’ils font.

Un travail difficile nous attend et ce que le comité a recommandé n’est pas une fin en soi — nous n’avons même pas commencé à calculer les coûts. Le ministère sait également que le chemin à parcourir ne sera pas facile, puisqu’il a lancé son propre examen interne en mai 2022.

Je suis persuadé que le gouvernement examinera notre rapport avec sérieux et prendra les mesures qui s’imposent, à la lumière des recommandations du comité. Certaines de ces recommandations font écho à celles qu’avaient formulées Mme McDougall et la commission royale il y a 43 ans, ce qui est déjà révélateur.

Nous devons veiller à ce que nos collaborateurs talentueux disposent des outils, des compétences, du financement et du soutien politique cohérent et non partisan dont ils ont besoin pour faire leur travail. On dit souvent que la politique étrangère ne figure que rarement, voire jamais, sur les bulletins de vote, mais les Canadiens s’en apercevraient certainement si le Canada n’avait pas de service des affaires étrangères. C’est pourquoi le service extérieur est important.

Quand le comité a lancé son étude en avril 2022, il avait pour objectif de réaliser un examen approfondi et réfléchi du service extérieur du Canada et de l’appareil de politique étrangère d’Affaires mondiales Canada.

En tant que président, je suis très fier du résultat de cette étude, c’est-à-dire de cet excellent rapport que je considère comme une feuille de route que le ministère pourra utiliser pour moderniser le service extérieur tout en tenant compte des enseignements tirés de son propre examen de l’avenir de la diplomatie.

Je tiens à remercier les membres du comité, notamment le vice‑président, le sénateur Harder — qui a été mon patron à Affaires mondiales Canada dans nos vies antérieures — ainsi que les autres sénateurs qui ont participé aux réunions au cours de cette étude.

Je tiens également à remercier les professionnels hautement qualifiés et dévoués qui ont travaillé d’arrache-pied pour que l’étude et le rapport deviennent réalité.

Je tiens à remercier, sans ordre particulier, la greffière de notre comité, Chantal Cardinal, et notre ancienne greffière, Gaëtane Lemay, qui est aujourd’hui à la retraite, ainsi que leurs équipes de la Direction des comités. Je remercie les analystes de la Bibliothèque du Parlement, Nadia Faucher et Brian Hermon, ainsi que ma directrice des Affaires parlementaires, Christina Cail.

En ce qui concerne le rapport final comme tel, je veux remercier Amely Coulombe, agente de communication du comité, et Michel Thérien, le graphiste de la Direction des communications du Sénat qui a eu l’idée de l’image de la couverture du rapport, qui a fait couler beaucoup d’encre, à savoir une pile de disquettes obsolètes.

Enfin, même si vous ne verrez pas le nom des membres du personnel des sénateurs dans les rapports des comités, je tiens à remercier le personnel des membres du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international de leur excellent travail et de leurs contributions à notre étude et à ce rapport.

Chers collègues, alors que l’étude du rapport se poursuit, ce qui donnera lieu à l’adoption du rapport et à une réponse du gouvernement, j’encourage mes collègues du comité et les autres sénateurs intéressés à en parler ici au Sénat.

Tout comme le service extérieur bénéficierait des points de vue de personnes autres que celles qui travaillent à Affaires mondiales Canada, le rapport bénéficierait des points de vue de sénateurs autres que ceux qui siègent à ce comité.

En tant que président du comité et ancien agent qui a fait carrière dans le service extérieur et qui est fermement résolu à contribuer à la réussite de notre service extérieur aujourd’hui et à l’avenir, j’ai eu l’honneur de diriger cette étude générationnelle. Merci.

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