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Le Code criminel
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat
7 février 2023
Honorables sénateurs, avant de nous lancer dans ce débat sur le projet de loi S-250, j’aimerais reconnaître que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel et non cédé de la nation algonquine anishinabe. Les membres de cette nation sont les gardiens et les protecteurs originaux de cette terre, et il est important de leur témoigner notre humilité, notre gratitude et notre respect en les remerciant. Lorsque nous rendons hommage aux ancêtres, nous réaffirmons les relations qui nous unissent les uns aux autres. Ce faisant, nous participons activement à la réconciliation pendant le temps que nous passons ensemble.
Je prends la parole aujourd’hui en tant que marraine du projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation), un projet de loi d’intérêt public du Sénat qui propose de modifier l’article 268 du Code criminel. Cet article porte sur les voies de fait graves, et le projet de loi S-250 vise à créer une infraction relative aux actes de stérilisation sans consentement. J’aimerais expliquer brièvement pourquoi je crois que ce projet de loi est particulièrement important.
La première chose que les gens me demandent lorsqu’ils apprennent que je travaille sur la stérilisation forcée, c’est si cette pratique est encore d’actualité, ou si c’est chose du passé. La réponse simple est non. Cela se produit encore de nos jours, et à l’heure où je vous parle, des femmes sont contraintes de se faire stériliser, qu’elles soient enceintes, qu’elles viennent d’accoucher ou qu’elles se trouvent dans une autre situation. Aujourd’hui, nous expliquerons certaines des raisons qui sous-tendent cette pratique.
Historiquement, le rôle que jouaient les femmes autochtones au sein de leur famille, de leur communauté et de leur nation inspirait un grand respect au sein de leur communauté en tant que procréatrices. Elles étaient les gardiennes des traditions, des pratiques et des coutumes de leur nation. Tout le monde reconnaissait le statut sacré des femmes en raison de leur capacité à donner la vie. C’était une façon d’enseigner et de transmettre les connaissances aux jeunes à qui on montrait la cérémonie sacrée de la naissance et qui y prenaient part. Les femmes étaient vénérées pour leur capacité non seulement d’engendrer une nouvelle vie, mais aussi, par extension, de tisser de nouvelles relations avec le créateur.
Les nouveaux membres de la communauté étaient également reconnus en raison des lois autochtones données par le créateur. Ces lois venaient avec la responsabilité de tisser de nouvelles relations de façon saine et honnête.
Contrairement aux lois naturelles des Autochtones fondées sur le respect et l’équilibre entre les sexes, la common law britannique est fondée sur les traditions juridiques des Romains, des Normands, du droit canonique et du droit anglo-saxon. Dans ces traditions juridiques, la femme mariée se trouvait sous la protection de son mari. En common law, la femme n’avait aucun statut social ou juridique, elle était considérée comme un bien de son père et ensuite de son mari. La naissance était un acte médical jugé important, parce qu’il contribuait à prolonger la lignée patriarcale du mâle.
En revanche, chez les Métis, les Inuits et les Premières Nations, la féminité se décrivait jadis comme une identité sacrée entretenue au moyen d’un système fondé sur le savoir, l’équilibre et l’harmonie. Les femmes avaient un pouvoir politique, social et économique et leur statut au sein de leur communauté et de leur nation reflétait ce pouvoir. Les femmes autochtones étaient le pilier de la famille et avaient un lien étroit avec la terre. Or, étant donné que l’acquisition de terres est devenue l’un des objectifs principaux des colonisateurs, on a assujetti l’identité des femmes autochtones au Canada à divers lois, règlements, politiques et décrets chrétiens, reléguant ces dernières dans une position d’opprimées au sein de la société. Tous ces facteurs contribuent au fait que la stérilisation forcée et contrainte existe toujours au Canada aujourd’hui.
De plus, le Canada a une longue histoire d’eugénisme, une pratique consistant à stériliser les groupes de personnes désignés inaptes à se reproduire. Étant donné leur couche sociale, les femmes autochtones étaient des cibles faciles. Le mot eugénisme vient d’un mot grec qui signifie « bien né » ou « de bonne famille ». Le mouvement eugénique a commencé en Angleterre au XIXe siècle et a donné lieu à des politiques eugéniques qui se sont étendues aux États-Unis, au Canada ainsi qu’à plusieurs pays européens et qui, plus tard, sont devenues célèbres dans l’Allemagne nazie. Une politique de stérilisation chirurgicale a été appliquée aux femmes autochtones contre leur gré au Canada et aux États-Unis.
L’Alberta et la Colombie-Britannique avaient adopté des lois sur la stérilisation. Entre 1928 et 1973, les deux provinces ont adopté des lois sur la stérilisation qui permettaient à une commission eugénique, composée de quatre personnes, de superviser les cas de stérilisation.
En 1930, la Société eugénique du Canada a été créée, avec pour mission de recenser la stérilisation des femmes qu’elle jugeait inaptes à donner naissance. La Saskatchewan, le Manitoba et l’Ontario ont également présenté des projets de loi similaires, qui n’ont toutefois pas été adoptés. Ils ont néanmoins créé dans le système canadien un fondement selon lequel la stérilisation est une pratique acceptable pour contrôler la population.
En 1988, le gouvernement de l’Alberta a détruit tous les dossiers, sauf 861, sur les 4 785 créés par la commission eugénique. La professeure Jana Grekul les a examinés et a observé ce qui suit :
Les Autochtones (désignés par les mots « Indien », « Métis », « sang-mêlé », « traité » et « esquimau ») étaient nettement surreprésentés. Alors que la population autochtone de la province oscillait entre 2 et 3 % de la population totale au cours des décennies en question, les Autochtones représentaient 6 % de tous les cas recensés.
En octobre 1989, Leilani Muir a découvert qu’elle avait été stérilisée. Elle a intenté une action en justice contre le gouvernement de l’Alberta pour séquestration et stérilisation injustifiées, et elle a gagné sa cause. Dans le cas de Mme Muir, un simple test de QI avait suffi pour la juger mentalement déficiente, et donc candidate à la stérilisation.
Après avoir examiné Mme Muir et découvert qu’elle avait été stérilisée, son médecin a déclaré que l’état de ses organes internes laissait penser qu’elle avait été opérée par un boucher. J’ai entendu des propos similaires de la part de nombreuses femmes autochtones dont j’ai fait la connaissance au fil des ans.
Avec la révélation de l’affaire Muir, le gouvernement de l’Alberta a réagi en proposant de passer outre à la Charte en invoquant l’article 33 pour limiter l’indemnisation des victimes. Cette proposition a suscité un tollé. Le gouvernement de l’Alberta a finalement présenté des excuses en 1999 et il a offert à plusieurs personnes et à plusieurs groupes l’option d’un règlement à l’amiable.
Pour les femmes autochtones, les conséquences sur la santé et les préjugés liés au fait d’avoir été injustement stérilisées sont insurmontables. Bien que ces lois et ces politiques explicitement eugéniques aient été abrogées, les notions et les mœurs sociales racistes et discriminatoires qui en sont à l’origine sont toujours présentes dans la société canadienne et elles sous-tendent nos politiques en matière de santé. En effet, la stérilisation forcée et contrainte existe toujours.
En 2017, après un tollé de la part de femmes autochtones qui avaient été stérilisées dans un hôpital de Saskatoon, j’ai été chargée de mener un examen externe de la pratique de la ligature des trompes dans la région sanitaire de Saskatoon. Bien que de nombreuses personnes se soient manifestées, la Dre Judith Bartlett et moi-même avons interviewé sept femmes qui avaient été stérilisées contre leur gré dans un hôpital de Saskatoon. Cette étude a révélé que les survivantes de la stérilisation forcée et contrainte se sentaient invisibles, victimes de profilage et impuissantes face au système de santé canadien.
Une femme qui se fait stériliser sans avoir donné son consentement ou après qu’on l’ait forcée à y consentir sera extrêmement traumatisée et terrifiée, sachant que le système de santé du pays n’a pas ses intérêts à cœur. La perte de confiance causée par ce traumatisme peut l’amener, par exemple, à éviter de demander des soins de base ou même des soins de première nécessité pour elle-même et pour les membres de sa famille, surtout en ce qui concerne sa santé génésique.
C’est ce qu’ont dit toutes les femmes interrogées aux fins du rapport. Elles m’ont dit qu’elles font tout ce qu’elles peuvent pour éviter de consulter un médecin, par peur d’être traumatisées de nouveau.
Pour ce qui est du consentement obtenu de force, une femme autochtone qui a un enfant atteint de la paralysie cérébrale et qui est sur le point de donner naissance à un autre enfant s’est fait dire que, si elle ne consentait pas à subir une ligature des trompes, l’enfant qu’elle allait mettre au monde serait aussi atteint de la paralysie cérébrale. Réfléchissez à cela.
L’examen externe a donné lieu à des recommandations pour changer les choses, y compris des appels à l’action sur les mesures d’aide et de réparation, la formation et l’éducation sur la culture, ainsi que la réforme des lois et des politiques. Il a aussi servi de fondement à des recours collectifs en instance partout au pays, y compris en Saskatchewan, en Alberta, en Ontario, au Manitoba, en Nouvelle-Écosse, en Colombie-Britannique, et maintenant, au Québec.
En 2019 et 2022, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a réalisé deux études sur la stérilisation forcée et contrainte des personnes au Canada. Lors de la première étude, le comité a entendu le témoignage de plusieurs experts en matière de stérilisation. Dans Les cicatrices que nous portons : La stérilisation forcée et contrainte de personnes au Canada - Partie II, une étude approfondie a été menée auprès de survivantes de la stérilisation forcée et contrainte. Les deux rapports ont formulé de fortes recommandations et des appels à l’action visant à éradiquer la stérilisation forcée.
À l’échelle internationale, le Comité contre la torture des Nations unies, la Commission interaméricaine des droits de l’homme et deux rapporteurs spéciaux de l’ONU ont également demandé au Canada de prendre des mesures concrètes à l’égard de ce problème.
En dépit de ces directives, il y a encore une crise au Canada. Comme l’a dit Madeleine Redfern, une témoin qui a parlé des expériences terrifiantes des femmes inuites :
Dans une enquête réalisée dans les années 1970, il a été établi que des centaines de femmes autochtones provenant de 52 collectivités nordiques avaient été stérilisées. [...] qu’au moins 70 femmes inuites avaient fait l’objet d’une stérilisation. À Igloolik, 26 % des femmes âgées de 30 à 50 ans avaient été stérilisées. À Naujaat, anciennement connu sous le nom de Repulse Bay, près de 50 % des femmes dans la tranche d’âge des 30 à 50 ans avaient été stérilisées. À Gjoa Haven, 31 % des femmes avaient été soumises à la stérilisation. Plus de 25 % des femmes à Chesterfield Inlet et à Kugaaruk avaient été stérilisées. Ce sont les seuls cas bien documentés, mais nous savons qu’il y en a eu beaucoup d’autres.
D’autres données provenant du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social révèlent qu’au moins 470 femmes inuites et autochtones ont été stérilisées en 1972 seulement.
Mme Josephine Etowa a parlé de sa participation à un projet portant sur la prestation de services de santé aux femmes noires dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse. Elle a expliqué qu’après avoir examiné les données de l’étude, les membres de l’équipe ont remarqué que « l’hystérectomie revenait sans cesse sur le tapis lors des entretiens en profondeur menés auprès de 237 femmes ».
Le problème des hystérectomies forcées comme moyen de stérilisation, quoique tout aussi révoltant, n’a rien de surprenant. Louise Delisle, une femme noire de la Nouvelle-Écosse, avait 15 ans quand elle a donné naissance à sa fille. Le médecin sur place lui a fait une hystérectomie partielle et elle n’a jamais pu avoir d’autres enfants. Sa mère, qui en avait la garde légale, n’a jamais donné son consentement à cette hystérectomie.
Une autre femme qui a témoigné devant le comité sénatorial a été stérilisée en 2018, à l’âge de 24 ans. Mère de deux enfants, elle a raconté l’histoire de la naissance de son fils. En attente d’une césarienne, elle savait que le bébé était en détresse et qu’il risquait un choc septique. Le médecin l’a informée qu’elle devrait subir une ligature des trompes. Cette femme a expliqué que, en raison de son état d’esprit à ce moment-là, elle était prête à consentir à la stérilisation si cela signifiait qu’on procéderait à la césarienne et qu’on sauverait son bébé.
Une autre témoin a raconté ce qui suit :
Si l’on tient compte du sang que j’avais perdu, de la douleur, de l’épuisement et de l’absence de ma famille, je trouve contraire à l’éthique qu’on m’ait même demandé de faire un choix au sujet d’une intervention dont je ne savais pas qu’elle était permanente. Pourtant, dans les deux heures qui ont suivi l’accouchement, je me suis fait stériliser au bloc opératoire.
Parmi les autres exemples de méthodes coercitives, mentionnons le fait de recourir à des termes médicaux intimidants, de ne pas informer explicitement les femmes que les procédures de stérilisation sont permanentes et de menacer de prendre en charge le nouveau-né si la mère ne signe pas le formulaire de consentement.
Même si la portée et la gravité des stérilisations forcées n’ont pas été déterminées avec exactitude — nous avons besoin de données fiables sur le sujet —, mon bureau a recensé plus de 12 000 femmes autochtones qui ont subi une stérilisation forcée ou contrainte de 1971 à 2018 au Canada.
Que pouvons-nous faire? Comment le projet de loi contribuera-t-il à mettre fin à ces atrocités?
Le Canada s’enorgueillit d’avoir un système de santé fondé sur cinq principes fondamentaux : intégralité, gestion publique, transférabilité, accessibilité et universalité. Ces principes sont énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Deux d’entre eux sont particulièrement pertinents ici, soit les principes d’accessibilité et d’universalité, sans oublier que deux articles de la Charte canadienne des droits et libertés soulignent l’importance du droit, pour tous les Canadiens, d’avoir accès aux soins de santé.
Voici tout d’abord ce que dit l’article 15 :
La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.
De même, l’article 7 stipule :
Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
Malheureusement, ce droit à l’accès aux soins de santé n’est pas la réalité pour tous, en particulier les populations marginalisées et vulnérables qui ont été privées de leurs droits reproductifs par des stérilisations forcées et qui continuent de l’être, bien qu’elles ne représentent qu’une petite partie de toute la population du pays.
La stérilisation forcée n’est pas une affaire du passé; c’est une réalité troublante du présent. Elle est également illégale en vertu du droit canadien. Par exemple, l’article 265 du Code criminel porte sur les voies de fait; l’article 267 porte sur l’infliction de lésions corporelles; l’article 268 porte sur les voies de fait graves. De plus, toutes les provinces et tous les territoires ont des lois exigeant le consentement aux soins et aux traitements médicaux. À ce jour, aucune accusation n’a été portée, à ma connaissance.
Je vais maintenant expliquer aux sénateurs pourquoi le projet de loi S-250 est la meilleure prochaine étape pour s’assurer que nous respectons les principes de la Charte et que nous protégeons les populations qui sont le plus souvent touchées. Ce projet de loi apporterait des modifications importantes au Code criminel, notamment en établissant explicitement que l’acte de stériliser une personne contre sa volonté ou sans obtenir le consentement approprié est une infraction criminelle au Canada.
Le projet de loi S-250 modifie l’article 268 du Code criminel, qui porte sur les voies de fait graves, pour ajouter une nouvelle infraction liée aux actes de stérilisation. Ainsi, le nouveau paragraphe 268.1(7) prévoit que quiconque participe à une forme de contrainte pour faire ou tenter de faire accomplir un acte de stérilisation sur une personne est coupable d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de 14 ans.
De plus, le nouveau paragraphe 268.1(2) prévoit qu’il n’est pas possible, dans le cas de la nouvelle infraction liée à un acte de stérilisation, d’invoquer comme défense l’article 45 du Code criminel, selon lequel toute personne « est à l’abri de responsabilité pénale lorsqu’elle pratique sur une autre, pour le bien de cette dernière, une opération chirurgicale » si « l’opération est pratiquée avec des soins et une habileté raisonnables » et qu’il est raisonnable de pratiquer l’opération étant donné l’état de santé de la personne et les détails du cas.
Le nouveau paragraphe 268.1(3) permet toutefois une exception: il précise que le paragraphe (2) ne s’applique pas à l’acte de stérilisation exécuté par un médecin qui a obtenu le consentement éclairé de la personne et qui a suivi les mesures de sauvegarde énoncées dans les nouveaux paragraphes 268.1(5) et 268.1(6).
Les mesures de sauvegarde prévues comprennent notamment celles-ci : avant d’exécuter l’acte de stérilisation, le médecin doit informer la personne de tous les moyens de contraception temporaires; il doit s’assurer que la personne comprend qu’elle peut retirer son consentement en tout temps, jusqu’à la dernière minute avant l’acte de stérilisation; et il doit être convaincu que la personne comprend les renseignements fournis et qu’elle a consenti à l’acte de manière éclairée et sans pressions extérieures.
Enfin, le nouveau paragraphe 268.1(4) précise qu’il n’y a pas de consentement si la personne :
a) est âgée de moins de dix-huit ans;
b) est pour quelque raison incapable de donner son consentement à l’acte de stérilisation;
c) n’a pas enclenché une demande de stérilisation de manière volontaire.
Le paragraphe 268.1(6) est très important, car il ajoute une dernière occasion de retirer le consentement, qui doit être donné avant l’acte de stérilisation.
Pour résumer l’importance de ce projet de loi, les droits génésiques des femmes vulnérables et marginalisées sont mieux protégés en rendant illégale la stérilisation forcée dans le Code criminel. Voilà un outil de plus qui contribue à éradiquer de telles pratiques.
Il est important de noter que l’appel à l’action no 19 du rapport de 2015 de la Commission de vérité et réconciliation demande au gouvernement fédéral de combler les écarts dans les résultats en matière de santé entre les collectivités autochtones et les collectivités non autochtones et d’inclure la santé maternelle parmi les indicateurs en matière de santé. On en parle également dans ce projet de loi.
On peut définir la justice reproductive comme suit :
[...] le droit humain de conserver son autonomie corporelle, d’avoir des enfants ou de ne pas en avoir, et d’élever ses enfants dans des communautés sécuritaires et durables.
Comment pouvons-nous nous vanter d’avoir un système de santé qui promeut les principes de l’universalité et de l’accessibilité pour tous alors que nous soustrayons certaines personnes à la protection offerte par ces mêmes normes en matière de soins?
Sur un autre point, la mise en œuvre de ce projet de loi établit un cadre législatif qui reconnaît explicitement que la stérilisation contrainte et forcée compte parmi les legs du colonialisme, du racisme et de la discrimination systémique au Canada. La stérilisation contrainte et forcée constitue une crise nationale, et il faut s’y attaquer résolument, une fois pour toutes.
La question est simple. Pourquoi ces femmes se font-elles ligaturer, brûler et couper les trompes sans leur consentement? Ces pratiques horribles sont largement surreprésentées chez les femmes autochtones, les femmes handicapées, les femmes racisées, les enfants intersexués et les personnes placées en institution.
Ces statistiques n’ont rien d’une coïncidence. Il est évident que les pratiques de stérilisation sont mises en œuvre pour empêcher des groupes particuliers de pouvoir se reproduire dans la société canadienne. Bref, il s’agit d’une forme moderne d’eugénisme.
Sur un troisième point, le projet de loi donnerait suite aux recommandations du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, notamment la recommandation 1, « Qu’un projet de loi soit déposé afin d’ajouter une infraction relative à la stérilisation forcée et contrainte dans le Code criminel ».
De plus, le Comité des Nations unies contre la torture, la Commission interaméricaine des droits de l’homme et deux rapporteurs spéciaux de l’ONU ont réclamé que le Canada prenne des mesures concrètes sur cette question en donnant suite à la directive suivante du Comité des Nations unies contre la torture :
Adopter des mesures législatives et des politiques pour prévenir et incriminer la stérilisation forcée des femmes, en particulier en définissant clairement l’obligation d’obtenir le consentement préalable, libre et éclairé de l’intéressée avant une opération de stérilisation et en faisant mieux connaître l’existence de cette obligation aux femmes autochtones et au personnel médical.
Le projet de loi répondrait également aux pressions internationales pour que le Canada soit tenu responsable de l’injustice qu’il a infligée à certains groupes marginalisés et vulnérables.
Dans l’article II de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, on souligne que sont considérées comme un génocide les « mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe », ce qui, selon moi, s’applique à la stérilisation forcée.
Le Canada pourrait donner le bon exemple sur la scène internationale en prenant des mesures concrètes pour s’attaquer à son propre passé et à ses pratiques actuelles de stérilisation forcée.
En conclusion, j’aimerais remercier tous mes collègues parlementaires, qui m’ont apporté un soutien incroyable. J’aimerais également remercier le Comité sénatorial permanent des droits de la personne et tous les intervenants qui ont travaillé sans relâche à faire avancer ce projet de loi. Plus de 200 membres du cercle des survivantes pour la justice reproductive, qui a été récemment incorporé, ont communiqué avec mon bureau afin d’exprimer leur appui massif envers le projet de loi, de même que des dirigeants de petites et grandes communautés de partout sur l’île à la Tortue. Leur dévouement à cette cause est à l’origine de ce projet de loi essentiel.
Surtout, j’aimerais remercier les femmes qui m’ont fait confiance, qui m’ont téléphoné, qui m’ont écrit ou qui m’ont trouvée pour me raconter leur histoire en personne, de même que les femmes courageuses qui sont venues témoigner. J’encourage d’autres femmes à communiquer avec moi. Je n’abandonnerai jamais cette cause.
Je tiens à remercier Tracy Bannab et Brenda Pelletier d’avoir été les premières femmes à se manifester. Elles ont subi une quantité effroyable de violence raciale et d’attaques ciblées sur les médias sociaux pour avoir raconté leur histoire. Sans leur rôle de catalyseur, nous ne serions pas ici aujourd’hui. Je tiens à remercier Betty Ann Adam de m’avoir appelée ce jour-là et d’avoir révélé au monde entier ce qui arrivait aux femmes autochtones.
Merci à toutes les survivantes de la stérilisation forcée qui ont contribué à la réalisation de ce projet de loi. Votre bravoure et votre audace lorsqu’il s’est agi de vous exprimer sont remarquables, et vous avez toutes apporté des changements positifs pour les générations à venir.
En tant que sénateurs, nous devons utiliser notre plateforme pour nous battre au nom de celles qui n’ont pas la possibilité de s’exprimer et nous efforcer de redonner forme à leur avenir reproductif. Grâce au projet de loi S-250, nous pouvons faire un pas vers l’éradication de cette violence flagrante. Unissons-nous et soyons du bon côté de l’histoire.
Meegwetch, merci, pour toutes nos relations.
La sénatrice Boyer accepterait-elle de répondre à une question?
Oui.
Merci, sénatrice Boyer. Je vous remercie de votre détermination inébranlable et du leadership dont vous faites preuve dans ce dossier. En tant que membre du Comité sénatorial des droits de la personne, j’ai entendu les déclarations des témoins. Vous savez comment ces témoignages ont été déchirants, comment ils m’ont arraché le cœur. Le projet de loi représente un pas important.
Dans le cadre des témoignages devant le Comité sénatorial des droits de la personne, nous avons entendu parler d’une procédure intentée par certains témoins, si je ne me trompe pas, devant une cour provinciale. J’aimerais vous demander où en est cette affaire et quelles répercussions le jugement aura sur le projet de loi. Merci.
Je vous remercie de votre question. Je n’ai rien à voir avec les litiges. Cependant, je peux vous mettre en contact avec des gens qui sont au courant.
Je sais qu’il y a beaucoup de litiges, ce qui suppose que beaucoup de femmes se font entendre. L’affaire impliquant la Saskatchewan attend en ce moment la certification, je crois que ce sera fait sous peu. Une fois que ce sera entamé, on en verra aussi dans d’autres provinces. Il s’agit d’un outil de plus. Le projet de loi dont nous sommes saisis est un outil, et les recours collectifs en sont un autre. En tout, à mon avis, il doit y avoir une énorme approche à plusieurs volets pour venir au bout du problème. Il ne s’agit là que de deux outils. Nous devons faire participer les associations médicales. Nous devons élaborer une énorme approche nationale. Merci d’avoir soulevé la question des litiges parce que je pense que c’est un outil important. Cependant, je n’ai rien à voir avec les litiges.