DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — Le décès d'April Burey
14 décembre 2023
Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à ma chère et regrettée sœur, April Burey, et pour lui témoigner ma reconnaissance.
Sa vie a été beaucoup trop courte, mais elle a su laisser une trace indélébile dans la société canadienne, tout comme elle laisse des souvenirs impérissables aux membres de sa famille, à ses étudiants, à ses professeurs et à ses amis, dont quelques-uns sont parmi nous aujourd’hui. En se portant farouchement à la défense des droits de la personne, des droits des personnes handicapées, de l’égalité des sexes et de l’égalité raciale, elle s’est engagée dans une grande entreprise que nous perpétuons.
En 1997, April a comparu devant la Cour suprême du Canada à titre d’intervenante-conseil pour plusieurs organismes de défense des droits des Noirs. Pour la première fois, après des siècles d’inégalité raciale au sein des tribunaux, la Cour suprême a enfin accepté d’examiner une plainte pour partialité judiciaire fondée sur la race. Selon la professeure Constance Backhouse, qui a dernièrement publié l’ouvrage Reckoning with Racism : Police, Judges, and the RDS Case, il s’agit de « l’affaire relative aux questions raciales la plus importante du Canada ».
April a été un grand esprit, une autrice prolifique et une professeure marquante. Dans un article qui a été publié dans le Dalhousie Law Journal, elle a présenté ses réflexions sur cette affaire, un jalon de la jurisprudence canadienne. Son objectif, écrit‑elle :
[...] est de nous ramener de manière posée, réfléchie et bienveillante à la valeur fondamentale qui sous-tend l’article 15, la Charte dans son ensemble et j’irais même jusqu’à dire les lois de toute société fondée sur l’égalité universelle. Cette valeur fondamentale est l’égalité des plus vulnérables et des plus démunis d’entre nous.
Elle poursuit ainsi :
Je suis convaincue que l’arrêt R.D.S, parce qu’il efface la notion de dichotomie, nous amènera tous à constater que l’égalité est indivisible.
Cette semaine correspond à celle où j’ai été assermentée sénatrice dans cette vénérable enceinte, mais aussi à celle où ma sœur, April Burey, nous a quittés pour un monde meilleur. C’était le 12 décembre 1999, il y a 24 ans, et elle avait seulement 39 ans. C’est la sclérose en plaques qui l’a emportée.
April est née le 30 mars 1960. Notre père, Eric Burey, était fonctionnaire, et notre mère, Mary, était enseignante. On ne voyait à peu près jamais April sans un livre. Elle a obtenu un baccalauréat en français et en espagnol de même qu’un diplôme en droit de l’Université Dalhousie, où elle a terminé majore de promotion. Elle a fait sa maîtrise en droit à Harvard, où elle s’est spécialisée en droit public international.
L’ex-juge de la Cour suprême Ian Binnie et l’avocate Lois Lehmann, qui étaient tous deux amis avec April, ont rendu hommage à son travail et à sa vie dans la section « Lives Lived » du Globe and Mail :
[...] April Burey était une ardente défenseure des droits de la personne, mais aussi l’une des exportations jamaïcaines les plus exubérantes que le Canada ait jamais vues : avocate, militante pour les droits des Noirs, poète, universitaire [...]
Je terminerai sur les mots d’un autre des amis d’April, l’ancien professeur de droit Leon Trakman :
April, ma tendre amie et, disons-le, ma plus chère sœur, tu étais un grand esprit. Tu l’as toujours été. C’est ce qui faisait ton charme. Ta foi, c’était ta personnalité. Le corps n’était qu’un accident de parcours. Ta foi, c’était aussi ton humanité. C’est elle qui t’a fait briller. Les étoiles ne seront pas déçues.
Je t’aime, ma sœur.