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La Loi sur le droit d'auteur

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Suite du débat

29 octobre 2024


L’honorable Colin Deacon [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui comme porte-parole bienveillant pour le projet de loi C-294, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (interopérabilité).

Nous avons reçu ce projet de loi en juin dernier, et sa progression jusqu’à présent est due aux efforts importants déployés par son parrain, le député Jeremy Patzer, de la Saskatchewan, et, dans cette enceinte, par le sénateur Housakos.

Comme je l’ai mentionné il y a quelques instants lorsque j’ai parlé du projet de loi C-244, ce projet de loi et le projet de loi C-294 traitent tous les deux des conséquences imprévues découlant de l’application de la loi sur le droit d’auteur à la suite de l’augmentation rapide de la numérisation de l’ensemble de nos appareils, machines, dispositifs et outils. Les deux projets de loi concernent l’utilisation imprévue des mesures techniques de protection, en particulier d’une manière qui a entraîné une augmentation des coûts et d’autres problèmes qui nuisent particulièrement aux consommateurs, aux agriculteurs, aux pêcheurs et aux petits entrepreneurs.

Je ne veux pas répéter l’historique des mesures techniques de protection, que je viens de dresser dans mon discours en tant que parrain du projet de loi C-244. Vous ne voulez probablement pas que je le répète non plus. Je me contenterai de dire qu’une mesure technique de protection est un verrou numérique. Dans le cas de l’interopérabilité, une mesure technique de protection empêche le transfert continu des données, ce qui rend en substance une pièce d’équipement ou un appareil de remplacement inutilisable parce qu’il ne peut pas communiquer avec d’autres appareils.

Concentrons-nous sur l’importance de l’interopérabilité, sur les moyens par lesquels ce projet de loi entend améliorer l’interopérabilité entre les appareils et sur les préoccupations qui pourraient en découler.

Pourquoi l’interopérabilité est-elle importante? Nos vies sont remplies d’appareils connectés. Notre montre-bracelet est connectée à notre téléphone intelligent, qui nous indique le nombre de pas que nous faisons chaque jour, notre rythme cardiaque et d’innombrables autres choses. Notre téléphone intelligent se connecte sans fil à l’écran et au système audio de notre voiture, ce qui nous permet d’écouter des balados, de répondre à des appels et de trouver notre chemin. Nous augmentons ou réduisons la température chez nous ou dans une pièce donnée sans même être à la maison ou dans cette pièce, et nous changeons une chanson que nous écoutons sans nous lever de notre fauteuil. Nous pouvons même voir qui sonne à la porte quand nous ne sommes pas à la maison et même quand nous ne sommes pas au Canada.

Ce monde est connu sous le nom d’Internet des objets. Cependant, tous les fabricants ne jouent pas franc jeu dans ce monde connecté de l’Internet des objets. Permettez-moi d’expliquer en termes très simples l’importance de l’interopérabilité.

Imaginez que, chaque fois que vous achetiez un ordinateur portable d’une nouvelle marque, vous deviez également acheter une nouvelle imprimante, de nouveaux câbles, un nouvel écran et de nouveaux écouteurs parce que les anciens ne se connecteraient pas à votre nouvel ordinateur à cause de mesures techniques de protection ou de connecteurs uniques.

Imaginez que vous ayez chez vous une imprimante qui ne fonctionne qu’avec votre ordinateur portable, mais pas avec les autres ordinateurs ou appareils mobiles de la maison. Un monde sans interopérabilité entraînerait des tracas, des coûts et du gaspillage. C’est un exemple des barrières physiques qui apparaissent quand l’interopérabilité n’est pas universellement requise.

Bref, la vie est plus facile quand les obstacles à l’interopérabilité sont levés. Le projet de loi C-294 a pour objectif d’empêcher que la Loi sur le droit d’auteur soit utilisée de façon à limiter l’interopérabilité par le recours aux mesures techniques de protection ou aux verrous numériques.

Je veux que ce soit clair : l’application du projet de loi se limite à assurer l’interopérabilité des appareils, des logiciels et de toute autre donnée dans les situations où les mesures techniques de protection ont été utilisées d’une manière contraire à leur utilisation prévue. Tout comme le projet de loi C-244, le projet de loi C-294 ne protège aucun acte susceptible de constituer une violation du droit d’auteur au sens de la Loi sur le droit d’auteur.

Je voudrais maintenant profiter de l’occasion pour répondre à certaines des principales préoccupations qui ont été soulevées au comité concernant le projet de loi C-294.

La première de ces préoccupations serait que le projet de loi C-294 crée des menaces à la propriété intellectuelle en permettant le contournement des mesures techniques de protection. Ce n’est pas le cas. D’ailleurs, la Loi sur le droit d’auteur permet déjà l’interopérabilité, mais seulement dans le cas de logiciels.

Toutefois, comme l’a dit au comité quelqu’un d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada :

[…] avec le nombre croissant de produits avec logiciel qui comprennent des MTP, par exemple de l’équipement agricole, réaliser l’interopérabilité peut exiger plus que rendre deux programmes d’ordinateur interopérables.

Ce projet de loi élargirait donc les autorisations d’interopérabilité pour favoriser la compatibilité des informations provenant de modules complémentaires tiers sans compromettre la propriété intellectuelle de base.

Ainsi, dans le cas des grandes entreprises qui se préoccupent de leurs logiciels propriétaires ou uniques, le système juridique est encore assez fort pour empêcher le piratage ou d’autres violations de la confidentialité de l’information. Ce projet de loi garantit donc que les logiciels propriétaires seront protégés, ce qui est crucial pour les accords commerciaux et de propriété intellectuelle du Canada, dont l’Accord Canada—États-Unis—Mexique.

J’en viens donc à la prochaine préoccupation soulevée par ce projet de loi, à savoir la possibilité qu’il mette en péril les accords et les obligations du Canada en matière de commerce international. Il s’agit d’une préoccupation légitime, car il est essentiel que nous restions un partenaire fiable en nous conformant aux normes mondiales. Une fois de plus, nous avons été rassurés, au comité, sur le fait que ce projet de loi cadre avec l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. En fait, le Comité de l’industrie et de la technologie de la Chambre a accepté des amendements du gouvernement pour s’assurer que le projet de loi était conforme à l’Accord Canada—États-Unis—Mexique et à d’autres accords commerciaux, ce qui nous permet de respecter nos obligations internationales tout en renforçant nos industries nationales, comme l’agriculture et la fabrication d’équipement agricole, qui bénéficieraient grandement du projet de loi.

Enfin, certains craignent que le projet de loi C-294 propose une réforme législative fragmentaire plutôt qu’une refonte complète de la Loi sur le droit d’auteur. Je conviens qu’un examen plus complet est nécessaire pour relever pleinement les défis modernes en matière de droit d’auteur à l’ère numérique. Toutefois, ce projet de loi est un pas dans la bonne direction. Un fonctionnaire du ministère nous a assuré du soutien à ce projet de loi, car il s’harmonise avec le mandat du ministre et les consultations en cours du gouvernement sur l’interopérabilité.

Lors des délibérations du comité, on s’est également demandé si ce projet de loi allait assez loin. La professeure Alissa Centivany, de l’Université Western, qui est aussi une chercheuse respectée dans ce domaine, laisse entendre que le projet de loi ne va pas assez loin pour rendre l’interopérabilité obligatoire. Dans un mémoire qu’elle a présenté au comité, elle a fait valoir ce qui suit :

Le gouvernement devrait mettre en œuvre une législation complète qui rend obligatoires intentionnellement la réparabilité, l’interopérabilité et la durabilité.

Plus loin, elle poursuit :

Il devrait créer des programmes, des politiques et des initiatives permettant aux consommateurs, aux entreprises et aux établissements d’accroître l’efficacité et de réduire le gaspillage grâce à la réparabilité, à l’interopérabilité et à la durabilité.

D’autres autorités législatives — notamment l’Union européenne — donnent l’exemple en matière d’interopérabilité intentionnelle, comme en témoigne l’adoption récente de la norme USB-C comme norme universelle pour les dispositifs de recharge.

Interrogé sur les limites du projet de loi, un représentant d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada a reconnu que même si le gouvernement fédéral ne peut pas faire appliquer directement les normes sur les produits — qui relèvent souvent de la compétence des provinces —, ce projet de loi n’empêchera pas les progrès futurs du cadre d’interopérabilité du Canada. Il a souligné que la Loi sur le droit d’auteur n’entraverait pas les nouveaux développements ni l’évolution des normes d’interopérabilité. Il s’agit là d’un élément important pour garantir que la Loi sur le droit d’auteur soutient les progrès technologiques au lieu de les entraver.

Chers collègues, le projet de loi C-294 représente une occasion cruciale de créer une économie canadienne plus compétitive et plus innovante. Il offrirait aux innovateurs canadiens de nouvelles possibilités de développer des technologies compatibles avec les plateformes existantes. Il permettrait également au Canada de parvenir au même niveau que ses principaux partenaires commerciaux, tels que les États-Unis et l’Union européenne, en rendant les règles du jeu plus équitables pour nos entreprises et en favorisant un environnement concurrentiel sain.

Je félicite le député Jeremy Patzer pour le dépôt du projet de loi C-294, que je soutiens pleinement. J’espère qu’il en sera de même pour vous et j’encourage le Sénat à mettre la question aux voix.

Je vous remercie, chers collègues.

L’honorable Leo Housakos [ + ]

Le sénateur accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur C. Deacon [ + ]

Certainement.

Le sénateur Housakos [ + ]

Merci, sénateur Deacon, pour votre travail dans ce dossier et merci d’assumer le rôle de porte-parole pour le projet de loi C-294. Je vous félicite également de votre travail pour le projet de loi C-244. Ces deux projets de loi sont intrinsèquement liés. Les deux jouissent d’un appui généralisé à la Chambre des communes. Les porte-parole se sont exprimés à propos de chacun des projets de loi, tout comme les parrains. Y a‑t‑il la moindre raison de ne pas adopter immédiatement ces projets de loi?

Le sénateur C. Deacon [ + ]

Je suis tout à fait d’accord avec vous. Si le Sénat veut bien les adopter immédiatement, j’en serais ravi, car parfois, les législatures sont précaires. Ce travail dure depuis des années dans la présente législature, et des progrès s’effectuent partout dans le monde. Merci, sénateur Housakos, de votre question.

Les consommateurs canadiens ont tout à gagner avec ces projets de loi. Je doute qu’il reste bien des choses à débattre à leur sujet. J’espère que nous pourrons procéder à leur mise aux voix à l’étape de la troisième lecture et qu’ils pourront recevoir la sanction royale. Merci.

Sénateur Deacon, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur C. Deacon [ + ]

Absolument, sénatrice Burey.

Merci, sénateur Deacon, pour tout le travail que vous avez accompli. En tant que médecin, j’aimerais apporter mon point de vue sur ce dossier, car j’ai eu le malheur de tenter de modifier des dossiers médicaux électroniques, ou DME. L’interopérabilité des DME est lacunaire, ce qui entraîne des problèmes importants, notamment des risques pour la sécurité du patient, un manque de coordination, la nécessité de répéter sans cesse les antécédents médicaux d’un patient et l’épuisement professionnel du corps médical.

Pourriez-vous parler de cela et des coûts de plus en plus importants que cela occasionne?

Le sénateur C. Deacon [ + ]

Merci, sénatrice Burey. Ce qui m’étonne, c’est à quel point les entreprises qui exercent un pouvoir monopolistique peuvent avoir un effet négatif sur la vie quotidienne de millions de personnes dans le monde.

Je crois fermement au principe de la concurrence. Je crois que la concurrence fait avancer le monde et qu’elle offre aux consommateurs, ainsi qu’aux entreprises, des services plus novateurs et plus rentables. J’imagine que lorsqu’on arrive au point où les marges de profit sont si importantes — comme dans le domaine des soins de santé — et où les revenus récurrents occupent une telle place, il faut aider les consommateurs, les entreprises et les gouvernements canadiens pour que les fabricants se livrent une concurrence équitable et n’érigent pas d’obstacles artificiels, sinon tout le système ralentit, tout coûte plus cher et le temps consacré à tenter de surmonter ces obstacles artificiels nuit à la productivité des services importants comme les soins de santé.

Je suis tout à fait d’accord avec vous. Merci.

L’honorable Bernadette Clement [ + ]

Je propose l’ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Convoquez les sénateurs pour un vote à 17 h 51.

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