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La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat

30 octobre 2025


L’honorable Donna Dasko [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole à titre de marraine du projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (données démographiques). Le projet de loi S-213 est identique au projet de loi S-283, qui a été présenté lors de la dernière législature, et pour lequel je suis intervenue le 19 mars 2024.

Le projet de loi S-213 repose sur un principe simple. Il est temps que les Canadiens aient facilement accès à des données démographiques plus complètes et de meilleure qualité sur les candidats aux élections fédérales et sur les mesures prises par les partis politiques fédéraux pour que la Chambre des communes reflète mieux la diversité du Canada.

Le projet de loi S-213 vise à remédier à l’incapacité chronique du Canada à élire davantage de femmes et de citoyens issus d’autres groupes sous-représentés. Les mesures proposées s’appuient sur les recommandations formulées par des entités reconnues qui relèvent directement du Parlement. Elles sont fondées sur la recherche et s’inspirent de la Constitution canadienne ainsi que des lois et des politiques fondées sur les droits mises en place pour accroître la diversité dans d’autres institutions fédérales.

Je cite le directeur général des élections du Canada :

De nombreux groupes sont sous-représentés à la Chambre des communes, et les raisons en sont complexes. L’importance de déployer des efforts pour que le Parlement reflète véritablement la diversité de la société canadienne fait peu de doute. Toutefois, il faut avant toute chose disposer de données de qualité [...]

C’est exactement la raison d’être du projet de loi.

Le projet de loi S-213 ajoute deux dispositions à la Loi électorale du Canada. La première concerne la collecte de données et la communication par le directeur général des élections du Canada de données démographiques sur les participants aux élections, y compris les candidats, les candidats à l’investiture et les candidats à la direction. Le directeur général des élections a demandé qu’on lui accorde ce mandat.

La deuxième, c’est que les principaux partis politiques rendront des comptes sur les mesures qu’ils prennent pour accroître la diversité dans la sélection des candidats, y compris les objectifs et les calendriers quant au nombre de femmes, mais aussi d’autres membres des communautés diversifiées.

Permettez-moi d’expliquer pourquoi je présente ce projet de loi.

Chers collègues, l’augmentation du nombre de femmes élues à une charge publique est un objectif qui me tient beaucoup à cœur depuis plus d’une trentaine d’années. Je milite dans ce domaine depuis très longtemps et, depuis ma nomination au Sénat, je suis déterminée à trouver un moyen pour que le Parlement remédie à la faible représentation des femmes et d’autres groupes sous-représentés.

Je suis également motivée par le désir d’améliorer nos institutions démocratiques en cette période trouble où le monde fait face à des menaces que nous n’avions pas vues depuis la Seconde Guerre mondiale. Bâtir un Parlement qui reflète mieux l’ensemble des Canadiens améliorera les résultats et la prise de décision et renforcera la confiance dans nos institutions démocratiques.

Le temps presse. Nos progrès pour combler les lacunes historiques en matière de représentation ont été lents — c’est le moins qu’on puisse dire —, et les récentes élections fédérales montrent que ces progrès sont fragiles.

Il est tout à fait pertinent que la question dont nous sommes saisis fasse l’objet d’un projet de loi d’intérêt public du Sénat. J’ai déjà dit et je demeure convaincu que le Sénat a non seulement le droit, mais aussi la responsabilité de délibérer et de faire preuve de leadership à l’égard de toute question qui touche notre démocratie et nos institutions démocratiques. Nous ne pouvons pas laisser ce travail à d’autres.

Ce projet de loi va renforcer notre démocratie en obligeant le Parlement et les partis politiques à être plus transparents, dans l’intérêt de tous les Canadiens.

J’aimerais d’abord parler des résultats des élections d’avril 2025. En ce qui a trait à la diversité, les résultats ont été pour le moins décevants. Lors des dernières élections, 104 femmes ont été élues, ce qui représente 30,3 % des sièges à la Chambre des communes, comparativement à 30,5 % en 2021. Il s’agit bien d’une baisse, même si certains pourraient croire que cette baisse de la représentation des femmes n’est pas si grave.

Cependant, lors des 18 élections fédérales tenues depuis 1968, le pourcentage de femmes a augmenté à toutes les élections, sauf en 2006, et maintenant, en 2025. Dans seulement 2 élections sur 18, le pourcentage de femmes a diminué, et les dernières élections en font partie. Il n’y a pas de quoi être fier de cette différence. Certainement pas.

Pourtant, même si nous avons réalisé des progrès, ils ont été très lents. Au cours des dix élections fédérales qui se sont tenues entre 1997 et 2025, la proportion de femmes au Parlement est passée de 20,6 % à 30,3 %, ce qui représente un gain d’environ un point de pourcentage à chaque élection. Cela montre à quel point les progrès sont lents.

L’Union interparlementaire fait un classement du pourcentage de femmes dans les Parlements nationaux du monde entier depuis 1997 et constitue la source la plus fiable pour ces données. En 1997, lors de la création du classement, le Canada occupait le 21e rang dans le monde. Nous sommes maintenant au 70e rang pour le pourcentage de femmes dans notre Parlement. Une autre distinction malheureuse pour notre pays.

Toujours au sujet des élections de 2025, les deux principaux partis politiques du Canada, les libéraux et les conservateurs, occupent actuellement 90 % des sièges à la Chambre des communes. Les deux partis ont désigné beaucoup moins de femmes comme candidates en 2025, malgré la longue période qui a précédé les élections. Les données de la Bibliothèque du Parlement indiquent que 35,6 % des candidats du Parti libéral étaient des femmes, contre 43,6 % lors des élections fédérales de 2021. En 2025, 22,9 % des candidats du Parti conservateur étaient des femmes, contre 33,8 % lors des élections de 2021. Au total, il y avait 627 candidates, contre 763 en 2021.

Jerome H. Black et Andrew Griffith ont analysé la diversité des candidats lors des dernières élections dans leur article intitulé « The diversity of candidates and MPs stalled for some groups in this election », qui est paru dans Options politiques en mai dernier. Ils ont constaté que le nombre de candidats issus de minorités visibles avait légèrement augmenté en 2025 par rapport à 2021. La majorité de ces candidats étaient des hommes, soit 65 %, tandis que les femmes représentaient 35 % de tous les candidats issus de minorités visibles élus. Le nombre de candidats autochtones a diminué en 2025 par rapport à 2021. Il y a eu une baisse importante du nombre de candidats et de députés LGBTQ élus.

Malheureusement, les auteurs n’ont pas été en mesure de se prononcer sur les candidats handicapés en raison d’un manque de données.

Une comparaison entre le pourcentage de candidats recensés dans cette étude et les données du recensement montre que la représentation des Autochtones, des minorités raciales et des Canadiens LGBTQ laisse encore beaucoup à désirer.

J’attire votre attention sur une nouvelle ressource bienvenue, intitulée Black on the Ballot: Black Canadians in Electoral Politics, publiée en janvier 2025, qui comprend une série de données sur les 74 Canadiens noirs qui se sont présentés aux élections à la Chambre des communes entre 1968, l’année où Lincoln Alexander a été élu pour la première fois, et 2021. Sur ces 74 candidats, 32 étaient des hommes et 42, des femmes. Sur les 20 candidats élus, 12 étaient des hommes et 8, des femmes, soit 60 % et 40 % respectivement.

Chers collègues, cela fait des décennies que les partis politiques et la société civile déploient des efforts et prennent, de bonne foi, des mesures volontaires, même si elles ne sont que partiellement efficaces, pour améliorer la représentation à la Chambre des communes. Or, nous ne pouvons nier le fait que nous sommes à la traîne par rapport aux attentes légitimes des Canadiens et par rapport à la plupart des autres pays du monde.

Nous sommes également en retard par rapport à ce que nous avons accompli dans d’autres sphères de la société et ailleurs dans le système démocratique. Pensez aux progrès réalisés au cours des 50 dernières années en ce qui concerne la Constitution, la Charte des droits et libertés et la Couronne au Canada. Pensez à la représentation ici, au Sénat, au sein de la magistrature, aux postes de direction, au sein de l’administration publique et de la fonction publique, ainsi que dans les industries sous réglementation fédérale. Les progrès réalisés dans ces domaines ont été plus importants.

Les résultats que nous avons obtenus au Parlement ne reflètent pas nos aspirations, nos valeurs, notre approche de l’égalité et de la lutte contre la discrimination, ni l’image que nous projetons sur la scène internationale. À mes yeux, ces résultats sont indéfendables, et j’espère qu’ils le sont pour vous également.

Passons maintenant aux dispositions du projet de loi S-213. Soyons clairs : le projet de loi ne prévoit pas de modifications structurelles du système électoral canadien. Il ne dit pas aux partis ou aux participants aux élections ce qu’ils doivent faire et il ne limite pas la liberté d’un parti de choisir les candidats ou les procédures de sélection des candidats qui, selon lui, représenteront le mieux ses intérêts. Le projet de loi ne dit pas : « Faites ceci. » Il dit plutôt : « Dites aux Canadiens ce que vous avez décidé de faire. »

Le projet de loi s’appuie sur quatre sources : premièrement, les recommandations du directeur général des élections du Canada demandant à ce qu’Élections Canada recueille des données démographiques de haute qualité sur les participants aux élections; deuxièmement, les recommandations du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes dans son rapport d’avril 2019 — que j’appellerai « le comité » ou « le rapport du comité » — où il demande également l’amélioration des données démographiques et une représentation accrue de femmes issues de la diversité chez les élus; troisièmement, la vaste expérience fédérale sur l’équité en matière d’emploi, fondée sur des rapports sur des plans d’action visant à promouvoir la diversité en milieu de travail, au sein des conseils d’administration et aux postes de direction; et quatrièmement, des décennies de recherche nationale et internationale sur les femmes en politique.

Malheureusement, peu de recherches ont été menées sur d’autres aspects de la diversité.

L’article 1 du projet de loi établit un seuil minimal en deux volets pour ce qui est de rendre publics des renseignements sur la diversité. Au minimum, les rapports doivent porter sur les groupes désignés définis à l’article 3 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Ces groupes sont les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les personnes qui font partie des minorités visibles. C’est ce que définit cette loi.

De plus, le projet de loi donne au directeur général des élections et aux partis politiques la possibilité d’ajouter d’autres motifs s’ils le jugent nécessaire. La collecte de données ne doit pas nécessairement se limiter à ces groupes.

Comme vous vous en souvenez peut-être, le ministre fédéral de l’Emploi et du Développement social du Canada a confirmé en décembre 2023 que le gouvernement fédéral avait l’intention de modifier la Loi sur l’équité en matière d’emploi afin d’y ajouter deux nouveaux groupes désignés : les personnes noires et les membres de la communauté 2ELGBTQI+.

De plus, cela permettrait de mettre à jour trois autres groupes : les Autochtones, les personnes racisées et, pour correspondre à la Loi canadienne sur l’accessibilité, les personnes handicapées. Cet engagement de la part du gouvernement a été réaffirmé dans le budget fédéral du Canada d’avril 2024, et j’exhorte le gouvernement fédéral à honorer cet engagement qu’il a pris à au moins deux occasions.

Les conseillers juridiques m’ont assuré que toute modification apportée à la définition de « groupes désignés » sera intégrée aux dispositions de ce projet de loi lorsqu’elles entreront en vigueur.

Les articles 4 et 5 de ce projet de loi autorisent le directeur général des élections à recueillir des données démographiques sur les participants aux élections et à en faire rapport. Comme je l’ai mentionné, le directeur général des élections et le comité ont tous deux recommandé cette mesure. Le directeur général des élections est tenu de fournir, sur une base volontaire et confidentielle, un questionnaire d’auto-identification à tous les candidats visés par la Loi électorale du Canada, y compris les candidats visés à l’article 67, les candidats à l’investiture visés à l’article 476 et les candidats à la direction visés à l’article 478.

Ces données démographiques doivent inclure au minimum, comme je l’ai mentionné, les groupes désignés en vertu de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, et le format des données doit permettre la désagrégation et l’analyse de variables intersectionnelles.

Le directeur général des élections doit publier un rapport contenant les données anonymisées dans les 90 jours suivant la réception du rapport d’élection à la suite d’une élection générale, et le Président de la Chambre des communes doit déposer ce rapport à la Chambre.

Je note aussi que le rapport Black on the Ballot préconise la collecte de données ventilées par race sur les candidatures et les fonctions occupées dans la sphère politique canadienne.

L’article 3 du projet de loi exige que les principaux partis politiques fédéraux divulguent leurs plans d’action en matière de diversité. Le projet de loi met en œuvre une partie importante des recommandations 8 et 9 du rapport du comité, mais il élargit la portée de ces recommandations au-delà des candidates issues de la diversité pour englober tous les groupes visés par l’équité en matière d’emploi.

Il est important de souligner ce que ce comité de la Chambre des communes a demandé en 2019. Il a demandé que les partis enregistrés fassent rapport publiquement de leurs efforts visant à recruter davantage de candidates issues de la diversité. Il a invité les partis enregistrés « [...] à se fixer des objectifs et à faire rapport publiquement de leurs efforts visant à désigner plus de candidates [...] ». Il les a également invités à établir des comités de recherche de candidates en vue des élections générales et des élections partielles fédérales.

Dans le projet de loi, les plans d’action en matière de diversité doivent être publiés par les partis politiques enregistrés dont les candidats ont obtenu, lors de l’élection générale, la plus récente, soit au moins 2 % du nombre de votes validement exprimés, soit au moins 5 % du nombre de votes validement exprimés dans les circonscriptions où le parti a soutenu un candidat. Ce seuil de déclaration est tiré directement de l’article 444 de la Loi électorale du Canada.

À l’heure actuelle, sur 16 partis politiques enregistrés, les 5 partis représentés dans le cadre de la 45e législature atteignent ce seuil.

Selon le projet de loi, le directeur général des élections a le pouvoir de veiller à ce que les partis respectent leurs obligations en matière de production de rapports.

Le projet de loi S-213 exige qu’un parti qui atteint le seuil rende publics sur son site Web :

[...] toute règle qu’il applique ou qu’appliquent ses associations de circonscription en ce qui concerne la désignation des candidats; [...]

Dans une certaine mesure, les cinq partis à la Chambre des communes le font déjà.

Soit dit en passant, l’actuel directeur général des élections a formulé cette même recommandation en 2024 à la Commission d’enquête publique sur l’ingérence étrangère, qui l’a adoptée.

Les mesures prévues dans le projet de loi concernant la présentation, par les partis, de renseignements relatifs à la diversité s’inspirent de dispositions fédérales comparables qui s’appliquent à l’emploi dans le secteur public, aux entrepreneurs fédéraux et aux sociétés privées sous réglementation fédérale. Plus précisément, les exigences en matière de déclaration visant les partis politiques s’inspirent du règlement sur la présentation de renseignements relatifs à la diversité prévu à l’article 172.1 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Depuis 2020, les « sociétés ayant fait appel au public » — qui sont généralement des sociétés constituées en vertu de cette loi et qui offrent leurs actions au public — doivent chaque année rendre compte des mesures qu’elles prennent pour accroître la diversité au sein de leur conseil d’administration et de leur équipe de direction en ce qui concerne les groupes visés par la Loi sur l’équité en matière d’emploi ainsi que tout autre groupe que les sociétés choisissent d’inclure.

Ces règles fédérales s’inspirent des règles provinciales régissant les valeurs mobilières, qui exigent des sociétés inscrites à la Bourse de Toronto qu’elles rendent compte de la représentation des femmes, et sont en vigueur depuis décembre 2014.

Vous avez peut-être entendu ces régimes fédéral et provinciaux être qualifiés de systèmes du type « se conformer ou s’expliquer ». Les entreprises ont la possibilité d’indiquer comment elles se conforment aux exigences de divulgation ou d’expliquer pourquoi elles choisissent de ne pas s’y conformer. Les entreprises établissent les politiques, les plans et les échéanciers qui leur conviennent le mieux, et les actionnaires leur demandent des comptes comme ils l’entendent.

Chers collègues, je me suis appuyée sur le régime de divulgation des sociétés parce qu’il constitue un excellent modèle pour rendre compte de la diversité, et je m’appuie sur lui parce qu’il fonctionne. L’éditorial du 22 janvier 2024 du Globe and Mail indiquait ceci à propos de l’approche « se conformer ou s’expliquer » :

Il s’agit d’une première étape fondamentale : il est essentiel de quantifier la situation actuelle. Les règles de divulgation ont contribué à faire avancer les choses [...]

La représentation des femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées à la Bourse de Toronto a franchi la barre des 30 % pour la première fois cette année, et, en 2025, il y a également eu des améliorations dans la représentation des minorités visibles, des personnes handicapées et des Autochtones.

La divulgation des renseignements relatifs à la diversité dans les entreprises fonctionne également d’une autre façon importante. Le principe « se conformer ou s’expliquer » a changé le discours. Il a fait bouger les choses. Il a braqué les projecteurs sur le manque de diversité au sein des conseils d’administration et parmi les cadres supérieurs. Il a relevé la barre de ce qui est considéré comme un résultat acceptable, et il n’y aura pas de retour en arrière; on ne peut qu’avancer. C’est précisément ce que nous devons faire en ce qui concerne la diversité dans la sélection des candidats.

L’importance de ce bulletin public va en grandissant. Selon les premières indications provenant des documents soumis pour 2025, les décrets du président Trump qui ciblent les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion dans les secteurs public et privé ont peut-être un effet négatif sur la divulgation d’informations relatives à la diversité par des entreprises publiques canadiennes, et sur les résultats concrets dans ce domaine. L’accès à des informations de qualité nous aidera à relever ce défi au Canada, tout comme nous relevons d’autres défis venant des États-Unis et d’autres pays.

Selon le projet de loi S-213, qui s’appuie sur un modèle désormais bien établi au Canada, les partis politiques fédéraux enregistrés qui atteignent le seuil fixé seraient tenus de publier sur leur site Internet des renseignements sur les programmes qu’ils ont mis en place pour favoriser une plus grande diversité dans la sélection des candidats, notamment parmi les groupes désignés, ainsi que sur le recours à des comités de recherche officiels et à des politiques écrites concernant le repérage de personnes appartenant à chaque groupe désigné et leur nomination comme candidates.

Ces dispositions reconnaissent qu’il est peu probable qu’il existe une solution unique pour tous les groupes sous-représentés. Ce qui fonctionne pour un groupe ne fonctionnera pas nécessairement pour un autre. Il faut donc faire preuve de souplesse, ce que respecte le projet de loi S-213.

Les partis peuvent décider de ne mettre en œuvre aucune de ces initiatives, mais, dans ce cas, ils doivent exposer les raisons de leur refus — comme le dit l’expression « se conformer ou s’expliquer » — et préciser s’ils ont prévu un échéancier en vue de se conformer à ce qui est demandé.

Chers collègues, j’aimerais maintenant aborder les dispositions finales de l’article 3 du projet de loi, également inspirées de ce modèle, qui traitent directement de la situation des femmes dans la politique électorale fédérale telle qu’elle ressort de la recherche. Le projet de loi exige des partis qu’ils publient des renseignements sur trois mécanismes relatifs aux candidates : toute règle relative au remplacement d’élus sortants lorsque le parti est au pouvoir; toute règle relative à l’accès à des circonscriptions où une victoire électorale est possible; tout objectif volontaire que les partis se sont fixé concernant la nomination de femmes avant une date précise; et les progrès cumulatifs réalisés.

Le recours à des objectifs n’est pas une nouveauté pour les partis politiques fédéraux. Ce qui est nouveau, c’est l’idée de garantir aux Canadiens l’accès à l’information concernant les objectifs fixés par les partis.

Je vous invite maintenant à prendre un peu de recul par rapport aux détails du projet de loi afin de considérer la situation dans son ensemble et de comprendre l’écart indéniable et persistant entre les sexes à la Chambre des communes. Laissons-nous guider par les faits et par la recherche, et non par les mythes et les faux-fuyants.

Premièrement, les électeurs ne sont pas responsables de l’écart entre les sexes. Les recherches montrent qu’il n’y a pas de préjugé significatif à l’encontre des femmes au sein de l’électorat. Les Canadiens votent pour des partis. Si le parti que vous soutenez présente une candidate, vous voterez pour ce parti; le sexe du candidat n’a pas d’influence. Une étude contrôlée portant sur plus de 21 000 candidats qui se sont présentés à la Chambre des communes depuis 1921 montre que les candidates reçoivent autant de voix que leurs homologues masculins lorsque l’on contrôle les conditions. C’est le premier point.

Deuxièmement, les femmes ne sont pas responsables de l’écart entre les sexes. Abacus Data a mené une enquête nationale en janvier 2022 pour le compte d’À voix égales. Je citerai deux conclusions clés.

Un nombre égal de femmes et d’hommes, 5 % dans chaque cas, déclarent avoir absolument l’intention de se présenter à des élections pour l’obtention d’une charge publique dans l’avenir. Voilà le bassin de candidats potentiels au pays, et il est composé d’autant de femmes que d’hommes.

Cependant, lorsqu’il s’agit de faire le saut en politique, les hommes sont deux fois plus susceptibles que les femmes d’avoir été sollicités : 14 % des Canadiens déclarent avoir été approchés ou invités à poser leur candidature, comparativement à seulement 7 % des Canadiennes. Deux fois plus d’hommes que de femmes ont donc été sollicités pour se présenter à des élections. C’est là le nœud du problème.

De plus, des recherches menées au Canada ont démontré que les partis ont tendance à privilégier les hommes dans les circonscriptions où ils pensent avoir un avantage électoral, dans les circonscriptions qu’ils détiennent déjà et dans les circonscriptions qu’ils jugent à leur portée. Les partis sont plus enclins à nommer des femmes dans les circonscriptions où la lutte s’annonce moins serrée. Le rapport Black on the Ballot suggère également que les candidats noirs sont nommés dans des circonscriptions où les partis qu’ils représentent sont moins compétitifs.

Le fait est que les processus de sélection des candidats des partis politiques sont le principal facteur responsable de l’écart entre les sexes.

Tout Canadien qui souhaite devenir député à la Chambre des communes devra presque assurément le faire sous la bannière d’un parti politique, car ce sont les partis politiques qui contrôlent l’accès à l’autre endroit. Dans une étude réalisée en 2019, le Samara Centre for Democracy a conclu que :

Plus de 99 % des députés [...] élus au Parlement canadien au cours des 30 dernières années ont agi à titre de représentants d’un parti politique [...]

Les partis politiques contrôlent l’accès au Parlement.

Cette même étude souligne que les candidats, qui étaient auparavant nommés à l’issue d’une course à l’investiture dans leur circonscription, sont maintenant nommés par les responsables nationaux de la campagne électorale du parti. L’étude révèle que, dans 83 % des cas, un seul candidat est en lice ou le candidat est carrément nommé sans la moindre course à l’investiture.

De nombreuses recherches internationales montrent que la diversité de la représentation ne peut être améliorée qu’en mettant en œuvre des mesures ciblées et intentionnelles. Les données recueillies par ONU Femmes indiquent que 93 pays ont choisi d’imposer, par la voie législative, des quotas en matière de genre. La plupart de ces pays affichent de meilleurs résultats que le Canada.

Le projet de loi S-213 n’impose pas de quotas, même volontaires. Il s’appuie plutôt sur les témoignages d’experts entendus par le comité permanent selon lesquels l’amélioration de la transparence des processus de sélection des candidats utilisés par les principaux partis est la prochaine étape minimale pour améliorer les résultats en matière de représentation. Selon les experts, ma démarche est l’effort minimum à entreprendre.

Nous ne devons pas perdre de vue le fait que les principaux partis politiques du Canada bénéficient d’avantages publics importants, notamment le remboursement des dépenses électorales par les contribuables, la possibilité de délivrer des reçus fiscaux aux donateurs, l’accès aux listes électorales, etc. Les contribuables leur accordent des avantages.

Les avantages s’accompagnent de responsabilités, auxquelles j’ajouterais l’approche ciblée et délibérée en matière de diversité que prévoit le projet de loi S-213.

Il ne sera pas bien taxant de fournir tous les ans en ligne les politiques et les pratiques en matière de diversité. Les principaux partis politiques sont modernes. Ce sont des organismes à la fine pointe qui emploient du personnel spécialisé. Ils disposent de sites Web accessibles.

L’article 6 du projet de loi prévoit que celui-ci entrera en vigueur deux ans après avoir reçu la sanction royale, ce qui constitue un délai de mise en œuvre généreux.

Chers collègues, pour conclure, le projet de loi S-213 constitue une prochaine étape raisonnable pour remédier à l’incapacité chronique du Canada à élire davantage de femmes et de personnes issues de groupes historiquement sous-représentés à la Chambre des communes. Il impose les mêmes obligations de déclaration raisonnables que nous imposons déjà à d’autres institutions au Canada. Nous possédons énormément d’expérience avec ce type de dispositions.

Grâce à ce projet de loi, nous aurons accès à des données démographiques importantes qui nous font actuellement défaut, surtout en ce qui concerne les Autochtones, les personnes handicapées, les membres des minorités visibles et d’autres groupes sous-représentés. Nous disposerons des données qui nous font actuellement défaut.

Nous pouvons également nous attendre à faire bouger les choses afin de créer un Parlement qui reflète mieux la société canadienne dans l’intérêt supérieur de notre démocratie.

J’espère que vous conviendrez que le projet de loi mérite de passer à la prochaine étape du processus, soit l’étude en comité pour obtenir la rétroaction des Canadiens.

Chers collègues, je vous invite à poser vos questions et à appuyer ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Merci.

L’honorable Denise Batters [ + ]

La sénatrice Dasko accepterait-elle de répondre à des questions? J’en ai beaucoup.

La sénatrice Dasko [ + ]

Oui, je répondrai aux questions.

La sénatrice Batters [ + ]

Je suis la porte-parole pour ce projet de loi. En examinant le projet de loi, un certain nombre de questions me viennent à l’esprit.

Vous avez mentionné que les cinq partis représentés à la Chambre des communes sont inclus. Selon la définition à l’article 446.1 du projet de loi, les changements s’appliqueraient :

[...] aux partis enregistrés dont les candidats ont obtenu lors de l’élection générale la plus récente soit au moins 2 % du nombre de votes validement exprimés, soit au moins 5 % du nombre de votes validement exprimés dans les circonscriptions où le parti a soutenu un candidat.

À la suite de la dernière élection générale, le Parti vert est-il inclus?

La sénatrice Dasko [ + ]

Je ne peux pas dire avec certitude si le Parti vert est inclus à ce moment-ci. Je dois revoir les données.

Cette disposition figure déjà dans la Loi électorale du Canada. Elle sert de seuil aux partis pour réclamer le remboursement de leurs dépenses électorales et d’autres avantages. Elle existe dans la loi et s’appliquera à ces partis. Je ne sais pas si le Parti vert dépasse ce seuil. Il faudrait que je vérifie.

La sénatrice Batters [ + ]

Pour les candidats, le Parti vert est loin d’atteindre ce seuil. Dans le cas des candidats pris individuellement, le seuil est de 10 %.

La question suivante concerne certaines parties du projet de loi qui utilisent des expressions différentes. Parfois, il s’agit de « données démographiques », parfois de « diversité » et parfois de « groupes désignés ». Certains articles du projet de loi n’utilisent pas de définitions uniformes à cet égard.

Par exemple, la partie qui traite du questionnaire d’auto-identification, qui doit être rempli par tous ceux qui se présentent comme candidat à la députation, mais aussi par ceux qui veulent être investis par leur parti et devenir candidats, ce qui pourrait représenter plusieurs milliers de personnes. Que doit-il contenir? Le projet de loi ne précise pas quelles données démographiques doivent être incluses dans ce questionnaire d’auto-identification. En outre, il utilise trois définitions différentes qui prêtent à confusion dans le même article.

La sénatrice Dasko [ + ]

Je pense que le projet de loi est clair. Les données qui doivent être incluses sont des paramètres figurant dans le questionnaire des groupes désignés. Voilà ce qui doit être inclus. D’autres données peuvent être incluses dans un questionnaire, mais celles du questionnaire des groupes désignés sont les données de base qui doivent être incluses.

Il y a quatre groupes désignés, et il y aurait des questions relatives à chacun d’entre eux, ce qui constituerait la base du questionnaire, peut-être aussi avec d’autres paramètres. Si le projet de loi devait être adopté, j’espère qu’il sera possible d’ajouter d’autres données au questionnaire, en plus de celles qui sont requises.

Il est assez clair que ce genre d’information doit être incluse dans un questionnaire.

La sénatrice Batters [ + ]

En fait, ce n’est pas le cas. Le paragraphe 535.1(1) qui est proposé comprend trois expressions différentes et ne fournit pas vraiment de précisions à ce sujet.

Voici ma prochaine question. Au paragraphe 535.1(3), on peut lire ceci : « Les données démographiques recueillies comprennent des variables pertinentes pour chaque groupe désigné. » Qu’est-ce qu’on entend par « variables pertinentes »?

La sénatrice Dasko [ + ]

Le terme « variables » désigne un élément d’information qui peut prendre diverses valeurs. C’est ce que le projet de loi exige. Les variables sont des mesures différentes.

Les études effectuées pourraient constituer une variable. D’autres variables pourraient être ajoutées. Le but est de préciser qu’il y a des données de base dans le questionnaire, mais que d’autres variables pourraient être ajoutées. Ce serait laissé à la discrétion du directeur général des élections au moment de préparer ce questionnaire. Voilà ce qu’est une variable. Il pourrait s’agir de différentes mesures.

La sénatrice Batters [ + ]

En plus de demander aux gens leur âge, leur sexe, leur appartenance à une minorité visible, et d’autres données de cette nature, pourrait-on également leur demander leur niveau de revenu et de scolarité? Est-ce prévu dans votre projet de loi? Le projet de loi ne dit rien à ce sujet.

La sénatrice Dasko [ + ]

Le projet de loi indique sans détours quelles questions constituent la base du questionnaire. Il donne également la possibilité d’ajouter d’autres questions qui mesurent les variables démographiques. Cette décision est laissée à la discrétion du directeur général des élections au moment d’élaborer le questionnaire. Le directeur général peut recevoir les observations de certains groupes, par exemple la communauté LGBT, afin qu’une question soit incluse dans le questionnaire. Le projet de loi fixe un nombre minimum de questions, mais prévoit la possibilité d’en ajouter d’autres.

On pourrait certainement ajouter des questions sur le niveau d’éducation, en plus de celles sur les quatre groupes. Vous avez mentionné l’âge. L’âge est en fait automatiquement indiqué, car les candidats doivent vérifier qu’ils sont en âge de voter pour pouvoir se présenter. Cela fait déjà partie des renseignements de base. D’autres mesures peuvent être ajoutées. C’est précisément ce qui était prévu.

Comme je l’ai dit dans mes observations, il y aura des changements. On s’attend à ce que la Loi sur l’équité en matière d’emploi soit modifiée afin d’inclure davantage de groupes dans la désignation de base. Si les changements proposés par le gouvernement entrent en vigueur, ce projet de loi reflétera automatiquement les modifications.

La sénatrice Batters [ + ]

Merci. J’aimerais avoir des précisions sur le paragraphe 535.11(1) qui est proposé, car il est indiqué que le directeur général des élections ne disposerait que de 90 jours après une élection générale pour publier son rapport sur toutes les données démographiques obtenues auprès des milliers de candidats. C’est très court.

Je pense que le directeur général des élections aurait besoin de beaucoup plus de temps pour obtenir les renseignements des candidats aux élections, des personnes qui dépensent beaucoup d’argent — souvent 100 000 $ par candidat —, et veiller à ce que cette somme importante leur soit restituée. Ne serait-il pas nécessaire de donner au directeur général des élections plus de temps pour recueillir toutes ces informations?

La sénatrice Dasko [ + ]

Merci pour cette question. Ce délai nous a semblé raisonnable. Je pense qu’il est tout à fait possible de soumettre un rapport dans ce laps de temps.

La sénatrice Batters [ + ]

Je me pose aussi la question suivante : le directeur général des élections a de nombreuses obligations importantes pendant la campagne électorale et après, souvent immédiatement après le scrutin. Élections Canada vient d’ailleurs de connaître des problèmes importants pendant la campagne électorale du printemps dernier. Je parle notamment de l’ingérence étrangère et parfois même de principes de base. Rappelons par exemple que le site Web d’Élections Canada a été en panne pendant des heures le jour même des élections, et ce, même si la grande majorité des publicités d’Élections Canada encourageaient les électeurs à consulter son site Web pour obtenir de l’information sur les bureaux de vote, les candidats, les pièces d’identité à présenter, ce genre de chose, mais sans donner de coordonnées plus précises. Le jour du scrutin, tous ces gens se sont rendus sur le site Web pour découvrir qu’il était en panne — panne qui a duré plusieurs heures — et qu’ils n’y avaient pas accès.

Avant d’assumer les nouvelles responsabilités qui sont mentionnées dans votre projet de loi et qui sont assorties des longs délais que l’on sait, est-ce que les responsables d’Élections Canada ne devraient pas d’abord s’assurer de bien maîtriser les bases, c’est-à-dire ce qui compte le plus pour les Canadiens?

La sénatrice Dasko [ + ]

Merci de votre question.

Je suis tout à fait d’accord avec vous : à notre époque, il est devenu très compliqué d’organiser des élections. Avec l’ingérence étrangère et d’autres questions de ce genre, il est très difficile de tenir des élections, et c’est sans parler de la pression provenant des médias, de la population et des citoyens.

Selon moi, il faut absolument que les parlementaires voient à ce qu’Élections Canada dispose des ressources nécessaires pour s’occuper de ces nouveaux problèmes très difficiles. Je suis d’accord avec vous : il s’agit de questions tout à fait nouvelles, et nous devons nous assurer que cet organisme puisse les régler de manière à établir un lien de confiance avec le système électoral.

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) [ + ]

La sénatrice Dasko accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Dasko [ + ]

Oui.

Le sénateur Housakos [ + ]

Merci, sénatrice. L’expérience menée par le gouvernement Trudeau afin de rendre le Sénat indépendant au cours de la dernière décennie est une chose, mais voir quelqu’un qui a adopté le Sénat indépendant avec autant d’enthousiasme présenter un projet de loi de cette nature est vraiment déconcertant. Bon nombre des personnes nommées par le gouvernement libéral au cours de la dernière décennie sont des femmes fantastiques qui ont été très partisanes à un moment ou à un autre de leur vie — il s’agit d’anciennes candidates, donatrices et organisatrices du Parti libéral, ou de femmes qui participaient au processus de recrutement et qui, dans certains cas, se sont présentées aux élections et ont été élues.

Ce que nous faisons au Sénat ne va-t-il pas à l’encontre de l’objectif de votre projet de loi, selon lequel l’une des conditions pour accepter de siéger ici est de se soustraire au processus politique partisan? Comme vous l’avez souligné à juste titre dans votre discours, c’est le processus des partis qui permet d’obtenir plus de ceci, moins de cela et tout le reste.

La sénatrice Dasko [ + ]

Merci de votre question, sénateur. Si je comprends bien votre question, je dirais, comme je l’ai mentionné dans mes remarques, que le Sénat a un rôle très important à jouer pour garantir la solidité de la démocratie et maintenir la confiance des Canadiens.

La Chambre des communes est une chambre partisane, et nous ne pouvons l’ignorer lorsque nous discutons de démocratie, car elle est la gardienne du Parlement, et le Parlement est le cœur de notre démocratie.

Les sénateurs doivent apporter leur contribution. Je crois qu’il est de notre responsabilité d’intervenir activement lorsqu’il s’agit de maintenir, de bâtir et de renforcer la démocratie. Je considère le projet de loi comme un moyen très important d’y parvenir. Nous avons un rôle important à jouer, que nous soyons partisans ou non. Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il y a beaucoup de gens partisans formidables, et je les connais aussi bien que vous, mais il s’agit ici de renforcer la démocratie et la Chambre des communes.

J’ai relevé une déficience qui me semble très importante et j’ai proposé une solution qui, selon moi, nous permettrait d’y remédier, une solution pratique et raisonnable, une solution que d’autres institutions fédérales ont déjà mise en œuvre, conformément à la législation et à la réglementation. Je pense que nous pouvons nous inspirer de ces modèles. Ce sont d’excellents modèles que nous pouvons adopter et mettre en œuvre à la Chambre des communes, mais je pense que nous devons aller plus loin. Je pense que l’on ne peut pas se contenter d’occuper le 70e rang dans le monde en matière de représentation des femmes.

Tous les partis doivent faire mieux. C’est ce que ce projet de loi vise à encourager, compte tenu de notre expérience et des preuves fournies par les experts. Les quotas fonctionnent, mais je n’étais pas prête à présenter cette initiative. Je pense que l’approche que j’ai proposée est très raisonnable et que nous pouvons espérer des changements positifs.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Sénatrice Dasko, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps? Quelques autres sénateurs voudraient poser des questions.

La sénatrice Dasko [ + ]

Si les sénateurs le souhaitent, je serais heureuse de demander plus de temps. Merci.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Le sénateur Housakos [ + ]

Si j’ai bien entendu — et je ne veux pas vous prêter des propos que vous n’avez pas tenus —, je crois que vous reconnaissez que nous devons faire plus. En demandant aux parlementaires de se dégager du processus politique partisan, nous n’obtenons pas les résultats que vous recherchez avec ce projet de loi, mais je suppose que nous pourrons en débattre une autre fois.

Êtes-vous d’accord pour dire qu’Élections Canada a un seul mandat, et il consiste à faire en sorte que nos élections soient libres et justes? Tel est son mandat. Il ne consiste pas à influencer les résultats. Dès qu’une démocratie a une loi qui dicte quels doivent être les résultats aux élections, on s’engage sur une pente savonneuse. Vous conviendrez que dans tous les Parlements conçus selon le modèle de Westminster, la seule Chambre où les résultats sont entre les mains de personnes dont les pouvoirs dépassent largement ceux de l’électorat est le Sénat. Voilà pourquoi celui-ci est probablement la Chambre la plus diversifiée dans le système de Westminster, ce qui est positif. L’un des résultats positifs d’une assemblée nommée et non élue comme la nôtre est sa grande diversité. En fait, on vous dira que sa diversité est disproportionnée par rapport à celle de la population, et cela fait partie de l’équilibre que nous servons ici.

Vous conviendrez certainement que lorsqu’on se met à tenter de définir des facteurs tels que la couleur, la religion ou la langue à l’autre endroit, on remplace soudainement la pureté d’un processus électoral juste et ouvert par ce que dicte quelqu’un, et je crois qu’il s’agit là d’une pente très savonneuse.

La sénatrice Dasko [ + ]

Je vous remercie de la question, sénateur. Le projet de loi ne prévoit pas de résultats précis. Il propose un processus pour que les partis fournissent des rapports. Il s’agit d’un mécanisme pour produire des rapports, et c’est ce qu’ils font. Il n’y a pas de résultat ni de pourcentage prévu. Aucune mesure n’est requise, si ce n’est de rendre compte de ce qu’ils font. Cela devrait être clair, et je suis désolée si ce n’était pas tout à fait clair dans mes observations.

Deuxièmement, le directeur général des élections a demandé ce mandat. Il l’a demandé dans des rapports à la suite des élections fédérales de 2019 et de 2021. Il m’a dit qu’il recevait beaucoup de demandes d’information sur la question précise de la diversité des candidats. Élections Canada reçoit des appels de gens qui veulent plus de renseignements et qui se demandent pourquoi ils ne peuvent pas les obtenir.

Il a dit très clairement que, à l’heure actuelle, il n’a pas le mandat de recueillir ces données. Il ne peut pas le faire s’il ne reçoit pas de mandat législatif en ce sens, et c’est ce que ce projet de loi vise à faire. Il vise à lui fournir ce qu’il a demandé. On peut voir cela dans les recommandations qu’il a formulées dans ses rapports après les élections de 2019 et de 2021. Il mènerait cette activité et ce processus et, encore une fois, cela ferait partie du mandat qu’il a demandé. Merci.

L’honorable Salma Ataullahjan [ + ]

Sénatrice Dasko, accepteriez-vous de répondre à une question?

L’honorable Donna Dasko [ + ]

Oui.

La sénatrice Ataullahjan [ + ]

Il y a un terme que j’entends souvent, « minorités visibles ». Qu’est-ce que cela signifie?

La sénatrice Dasko [ + ]

Honnêtement, sénatrice, je ne sais pas trop comment répondre à cette question. Le gouvernement a laissé savoir qu’il allait redéfinir la terminologie. L’expression « minorités visibles » ne serait plus utilisée. Il opterait plutôt pour les termes « groupes racisés » et « Noirs ». C’est ce que le gouvernement propose pour modifier la Loi sur l’équité en matière d’emploi afin d’inclure davantage de groupes.

On pourrait en conclure que l’expression « minorités visibles » n’est pas assez précise. Des communautés ont présenté leurs arguments pour que la terminologie soit modifiée. Cela explique peut-être l’origine de cette idée.

L’honorable David M. Wells [ + ]

J’invoque le Règlement. Lorsque la sénatrice Dasko s’est vu accorder du temps de parole supplémentaire, ce qui est une procédure normale, ce temps est généralement défini : cinq minutes, épuisement de la liste, trois questions supplémentaires ou quelque chose de ce genre. Cela n’a pas été le cas; il s’agissait d’une autorisation illimitée que vous avez demandée au Sénat. Il s’agit d’un privilège accordé aux leaders au cours de débats sans limite de temps, mais généralement pas au parrain d’un projet de loi pour son discours à l’étape de la deuxième lecture.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Je vous remercie de votre question. Si le temps de parole n’est pas défini, nous accordons généralement cinq minutes. Ces cinq minutes sont presque écoulées. Par conséquent, si vous souhaitez poser une question supplémentaire ou demander plus de temps, il s’agira de cinq minutes supplémentaires.

Étant donné que je suis reconnu comme le prochain intervenant sur la liste, je pense que ce temps m’inclurait.

Son Honneur la Présidente [ + ]

J’ai invité la sénatrice Ataullahjan à poser une question complémentaire. Comme je l’ai dit, je crois qu’il reste 16 secondes.

Sénatrice Dasko, demandez-vous plus de temps pour répondre à plus de questions?

La sénatrice Dasko [ + ]

Je peux répondre à une autre question.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Ce sera la question complémentaire de la sénatrice Ataullahjan. Demandez-vous cinq minutes de plus, sénatrice Dasko?

La sénatrice Dasko [ + ]

Oui.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

La sénatrice Ataullahjan [ + ]

Sénatrice Dasko, personnellement, j’ai cessé d’employer le terme « minorités visibles » il y a très longtemps, car je le trouve quelque peu offensant. Je pense que pour décrire certains de vos collègues, il serait plus approprié d’utiliser le terme « personnes racisées ». Êtes-vous d’accord?

La sénatrice Dasko [ + ]

Oui, je suis d’accord avec vous. Je viens de revoir les modifications proposées par le gouvernement. Le terme sera « personnes racisées ». C’est ce qui est proposé dans le cadre des modifications apportées à la Loi sur l’équité en emploi. C’est donc dire que le premier terme que vous avez mentionné ne sera plus utilisé.

Merci, sénatrice Dasko. Accepteriez-vous de répondre à une question de ma part? Peut-être avons-nous déjà établi que vous êtes disposée à le faire. Merci.

C’est un projet de loi intéressant que vous avez présenté, et je le soutiens pleinement. Le moment pour le faire est intéressant, parce que, si l’on y réfléchit bien, avant 1929, les femmes ne pouvaient pas être nommées au Sénat, et cela n’a changé qu’en 1929; la première femme a été nommée en 1930. Un siècle plus tard, la majorité des sénateurs sont des femmes.

Je voudrais vous poser une question sur l’état d’esprit actuel et sur la décision que vous anticipez. Je constate qu’il y a une opposition considérable — vous y avez fait allusion — aux politiques de diversité, d’équité et d’inclusion aux États-Unis. Il est indéniable que cette tendance se répand en partie de ce côté-ci de la frontière.

Vous attendez-vous à ce que ce type d’opposition à tout ce qui touche à la diversité, à l’équité et à l’inclusion fasse partie du débat que vous lancez?

La sénatrice Dasko [ + ]

Je vous remercie de votre question. Je pense effectivement que nous allons ressentir ici l’influence de ces développements aux États-Unis. Je pense même que nous commençons déjà à la ressentir.

Je pense toutefois que nous sommes résilients et que, en tant que Canadiens, nous aurons la force de continuer à valoriser la diversité et les progrès que nous avons accomplis.

Je pense que nous serons capables de trouver un moyen de traverser cette épreuve. J’essaie d’être optimiste quant à l’issue de ces événements.

Disons que j’essaie de rester optimiste et que je pense que nous avons toutes les raisons de continuer dans la même voie. Ce projet de loi est un effort dans ce sens, alors j’essaie de rester optimiste.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) [ + ]

Sénatrice Dasko, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

La sénatrice Dasko [ + ]

Oui.

La sénatrice Martin [ + ]

De notre point de vue, lorsque nous allons au caucus national, les résultats des dernières élections ont donné lieu à un groupe de candidats très diversifié provenant de l’ensemble du Canada. Je sais qu’en tant que parti, nous maintenons certainement un système fondé sur le mérite. Que les meilleurs candidats se présentent. C’est ensuite à l’électorat de décider.

Je crains qu’il y ait également un risque de poser un geste purement symbolique et que des gens ne soient pas récompensés pour le travail qu’ils ont accompli et leur mérite, si nous commençons à dicter certains des paramètres dont vous parlez et à mettre en place des systèmes dans lesquels nous faisons des concessions ou tentons d’imposer certains résultats. Je crains que l’on s’éloigne d’un système fondé sur le mérite. Depuis les dernières élections, je constate les changements en matière de diversité au Parlement, qu’il s’agisse du personnel, des fonctionnaires ou des parlementaires.

J’essaie donc de comprendre la nécessité de votre projet de loi, qui semble s’éloigner d’un système véritablement fondé sur le mérite et d’un système électoral juste et démocratique.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Sénatrice Dasko, il reste très peu de temps. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

La sénatrice Dasko [ + ]

Je ne devrais probablement pas demander plus de temps.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

La sénatrice Dasko [ + ]

Oui.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

La sénatrice Dasko [ + ]

Je vous remercie de votre question. Tout d’abord, j’ai cité des chiffres qui montrent une baisse marquée du nombre de femmes candidates au sein de votre parti ainsi que du Parti libéral. À mon avis, ce n’est pas un signe encourageant.

Le projet de loi vise à résoudre le problème de l’extrême lenteur des progrès réalisés pour assurer la diversité à la Chambre des communes. Les mesures de déclaration qui s’appliquent actuellement à de nombreuses autres institutions fédérales sont raisonnables.

Si vous estimez avoir fait d’énormes progrès en matière de diversité, vous devriez être heureuse de produire les rapports exigés par le projet de loi. Je pense que vous seriez heureuse de le faire. Vous pourriez en informer le directeur général des élections. Vous pourriez en informer les Canadiens parce que le rapport leur est destiné. Vous pourriez informer les Canadiens des mesures que vous avez prises pour obtenir des résultats. Cela ferait partie de votre processus de reddition de comptes, qui vous permettrait de vanter ce que vous avez accompli. Je pense donc que vous devriez considérer cette mesure législative avec un certain optimisme et y voir un changement bénéfique. Merci.

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