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Deuxième lecture--Suite du débat

28 mai 2024


Honorables sénateurs, le débat sur cet article est ajourné au nom de l’honorable sénatrice Martin, et je demande le consentement du Sénat pour qu’il reste ajourné à son nom après mon intervention d’aujourd’hui.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le consentement est-il accordé?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Il en est ainsi ordonné.

Honorables sénateurs, les Mohawks d’Akwesasne, avec qui nous partageons le majestueux fleuve Saint‑Laurent dans ma collectivité, Cornwall, faisaient partie de ce qui est souvent décrit comme la plus ancienne démocratie participative sur terre : la Confédération des Haudenosaunee.

Comprenant six Nations, le système des Haudenosaunee reposait sur trois principes fondamentaux, soit le principe de la septième génération, la responsabilité de participer, et veiller à ce que tout le monde ait voix au chapitre.

C’est dans cet esprit que je prends la parole aujourd’hui en faveur du projet de loi S-201 de la sénatrice McPhedran, visant à abaisser à 16 ans l’âge de voter au fédéral. Je trouve que cette initiative reflète non seulement ces trois principes, mais aussi leur importance durable dans la société canadienne.

Le premier principe — le principe de la septième génération — est fondé sur la philosophie haudenosaunee selon laquelle les décisions que nous prenons aujourd’hui devraient aboutir à un monde durable pour les sept prochaines générations. Ce n’est un secret pour personne que les changements climatiques et les nombreuses décisions prises par nos politiciens d’aujourd’hui auront de profondes répercussions sur les prochaines générations. Que ce soit l’éducation, le salaire minimum, la réforme du droit ou la politique environnementale, tous ces éléments ont des répercussions durables.

Comment pouvons-nous prendre des décisions plus durables pour les générations futures si elles ne font pas partie de la conversation? Contrairement à ce que certains voudraient vous faire croire, des problèmes tels que la crise du logement et les changements climatiques, qui touchent les jeunes de manière disproportionnée, ne sont pas apparus du jour au lendemain. Ils découlent de décennies de sous-financement et d’inaction. Nous sommes devenus des experts en gestion de crise, mais nous avons souvent négligé de planifier l’avenir. Pourtant, les jeunes ont tout l’avenir devant eux.

En 2022, des recherches menées par l’organisme Les enfants d’abord Canada ont révélé que les mineurs ne sont pas systématiquement moins bien informés sur la politique que les jeunes adultes. D’ailleurs, on a souligné que les jeunes s’intéressent déjà à ce domaine, car c’est leur avenir qui est en jeu.

En mars 2022, j’ai rencontré des jeunes membres du groupe Operation Black Vote Canada dans le cadre d’un événement intitulé « Are You Too Young to Vote? », qui portait sur l’âge de voter. Au cours de cet événement, nous avons parlé de toutes sortes de choses, de TikTok à Beyonce — ma préférée —, de l’environnement à la crise du logement. Nous avons également parlé de ce que cela signifierait pour eux si on abaissait à 16 ans l’âge de voter. L’organisme Les enfants d’abord Canada a tenu compte dans ses recherches de tout ce que ces jeunes ont dit. Si, à l’âge de 16 ans, les jeunes Canadiens peuvent conduire une voiture, consentir à des relations sexuelles, occuper un emploi et même payer de l’impôt sur le revenu, ils devraient pouvoir décider de leur avenir.

Le deuxième principe est la responsabilité de participer. Au-delà des efforts traditionnels pour « inciter les gens à voter » qui dépendent des organisateurs de campagne, nous pouvons stimuler l’engagement citoyen en abaissant l’âge de voter et en inculquant l’habitude de voter systématiquement. En janvier 2022, j’ai rencontré un groupe de jeunes au St. Lawrence College pour leur demander leur point de vue sur le vote et la mobilisation des jeunes. L’un des participants a expliqué que ses parents ne lui avaient pas appris à voter et qu’avec le tourbillon d’informations à retenir au début de ses études universitaires, voter était la dernière chose à laquelle il pensait.

Selon Élections Canada, si une personne vote aux toutes premières élections où elle en a la possibilité, elle votera probablement toute sa vie, tandis qu’une personne qui ne le fait pas a moins de chances de contracter cette habitude plus tard dans sa vie. C’est comme apprendre les bonnes manières ou apprendre à nager, à faire du vélo ou une langue seconde. Ce sont toutes des choses que nous enseignons et renforçons chez les enfants lorsqu’ils sont jeunes, parce que c’est à ce moment-là que les effets sont les plus durables — et c’est logique. Quand nous apprenons des choses à un jeune âge, nous avons plus de chances de les retenir. En Ontario, les enfants suivent généralement un cours d’éducation à la citoyenneté en 10e année. Réduisons donc l’écart entre l’apprentissage de la démocratie et la participation à celle-ci.

Le troisième et dernier principe, c’est que chacun devrait pouvoir s’exprimer, ce qui en fait peut-être le principe le plus important et explique pourquoi le fait d’abaisser l’âge du droit de vote mérite notre attention. On dit qu’il ne faut pas parler de politique, de religion ou de sexe, ce qui a toujours été un problème pour moi parce que ce sont mes sujets de conversation préférés. Invitez-moi à des dîners, les amis. J’adore ça.

En fait, bien que j’admette être d’accord relativement aux deux autres exemples, nous devons nous demander pourquoi on a fait de la politique un sujet si tabou, voire polarisant, alors que la politique concerne absolument tout. La politique concerne les trottoirs, les écoles, les propriétaires, les garderies, la santé mentale, les jeux de hasard, la langue, l’internet, etc. Qu’est-ce qui n’est pas politique? Voter permet aux gens de participer à ce processus.

Lorsque j’étais jeune, mes parents, deux enseignants, m’ont emmenée à l’élection partielle d’un conseiller scolaire. Ils prêchaient par l’exemple et m’ont fait comprendre l’importance du bulletin de vote. Je n’ai jamais manqué un vote de toute ma vie. Le bulletin de vote représente un lien viscéral avec un processus plus large.

Chers collègues, les perspectives de nos jeunes, dans les nouvelles idées qu’ils apportent, sont une immense richesse dans la normalisation d’un discours politique respectueux et d’un engagement civique dès le plus jeune âge. Écouter davantage les jeunes et faire preuve d’empathie peut grandement contribuer à créer un meilleur climat politique. Ce n’est un secret pour personne que nous avons du travail à faire à cet égard.

L’un des aspects que je préfère dans mon mandat de sénatrice, ce sont les rencontres avec des jeunes dans les écoles et quand ils nous rendent visite au Sénat. J’ai passé mon dernier anniversaire en compagnie de 48 élèves, et chacun de ces enfants aurait toute ma confiance pour voter. Rencontrer des élèves et entendre leurs idées toutes neuves me donne foi en notre avenir, une denrée rare en politique, mais le temps est peut-être venu.

Abaisser l’âge du vote est une grande idée, je le comprends, mais j’estime que ce n’est pas une raison pour ignorer la voix des jeunes. Des projets de loi comme celui-ci ont été rejetés ou rayés du Feuilleton par le passé, mais cela devrait-il nous arrêter dans notre élan? Faudrait-il baisser les bras chaque fois qu’un projet de loi n’est pas adopté? Au contraire, le fait que 10 projets de loi de ce type ont été déposés depuis 2011 est la preuve qu’il s’agit d’une préoccupation importante et constante pour les Canadiens.

Le discours du sénateur Tannas sur ce projet de loi a abordé des questions importantes, comme la règle de la question résolue. Je l’ai écouté avec beaucoup d’intérêt. J’ai beaucoup réfléchi à ses arguments et j’ai fait des recherches sur les obstacles auxquels ce projet de loi pourrait être confronté. Je ne veux pas que nous supposions ici que la règle de la question résolue pourrait être appliquée à l’autre endroit. C’est aux députés de prendre cette décision. Il est logique d’étudier ce projet de loi ici, dans un Sénat nommé. Dans la Chambre élue, un débat sur l’abaissement de l’âge du vote peut conduire à envisager la question sous l’angle d’une possible perte de sièges, ce qui peut contribuer à limiter le débat, alors qu’ici, nous pouvons tenir une étude approfondie sans cette contrainte.

J’ai fait ma vie en tant qu’élue et en tant que politicienne nommée. Je comprends la nervosité qu’on ressent quand un vote se tient sur une question importante qui pourrait nous affecter lors des prochaines élections. Ici, dans cette enceinte, la discussion porte davantage sur la défense des minorités, sur les questions difficiles et sur le fait de penser au-delà d’un cycle électoral.

Peu importe ce qu’il adviendra du projet de loi S-201, je veux que mon point de vue soit porté au compte rendu. Je souhaite apporter ma contribution et ma voix à ce louable projet. Mais si vous n’êtes toujours pas convaincus — et même si vous l’êtes —, je vous encourage à participer à l’événement formidable que la sénatrice McPhedran a mentionné plus tôt. Demain, le Sommet Vote16 s’entamera à 14 heures; vous pouvez consulter le site vote16.ca pour tous les détails. Je tiens à remercier la sénatrice McPhedran de son travail acharné et son dévouement sans faille à cette cause et à cet événement. Sa ténacité est indispensable.

En conclusion, je dirai que le projet de loi me donne l’espoir dont j’ai tant besoin — l’espoir que nous puissions prendre de meilleures décisions pour les prochaines générations, l’espoir que nous puissions rendre la population plus engagée sur le plan civique et l’espoir que nous puissions considérer les défis du discours politique comme des occasions de changement positif.

Je vous prie de faire preuve d’indulgence tandis que je lis mon dernier paragraphe, que j’ai fait traduire dans la langue de la génération Z :

Honorable gang, attendre jusqu’à 18 ans pour voter, c’est tellement cringe. Mais le projet de loi S-201 va changer ça! Les jeunes d’aujourd’hui, ils sont hype et vraiment su’a coche — c’est pourquoi nous devons arrêter de les ditcher. Sinon, comment pourrons-nous dire qu’ils nous feelent? Avoue, ce projet de loi a du swag et rend le système électoral trop nice. Je trippe fort dessus, ayt.

Merci. Nia’wen.

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