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La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Débat

17 juin 2021


L’honorable Diane F. Griffin [ + ]

Propose que le projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale), soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale). Nous avons étudié le projet de loi au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, où nous avons entendu M. Larry Maguire, le parrain du projet de loi, un fiscaliste de Deloitte Canada, et d’autres témoins comme la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, la Fédération canadienne de l’agriculture, le Conseil canadien des pêcheurs professionnels ainsi que le ministère des Finances du Canada.

Au bout du compte, le projet de loi a été adopté par le comité sans amendement.

Comme le sénateur Forest et moi-même avons prononcé nos discours à l’étape de la deuxième lecture il y a moins d’un mois, aujourd’hui, je serai brève. Le projet de loi faciliterait le transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche de génération en génération, et il comporte des mesures de protection pour éviter que les gens ne contournent les règles. Les parties prenantes nous ont dit que le projet de loi aiderait particulièrement les collectivités rurales et les entreprises qui les font vivre.

Le problème dont traite le projet de loi C-208 existe depuis des décennies et, au fil des ans, des parlementaires de toutes allégeances ont présenté des projets de loi pour le corriger. Comme l’a dit Brian Janzen, directeur principal de la fiscalité chez Deloitte, au comité :

Cela fait 25 ans que ce sujet est étudié sous tous les angles [...]

Il s’agit d’un projet de loi très simple qui propose des garanties fondamentales et claires. Il ne laisse pas de place pour les échappatoires [...]

[...] nous n’avons absolument pas besoin de réaliser plus d’études sur ce sujet [...]

Le projet de loi ne peut que faire l’unanimité. Je ne vois pas comment on pourrait s’opposer à aider les petites entreprises à transférer leur activité à leurs enfants. Il s’agit de mettre tout le monde sur un pied d’égalité.

J’ai été surprise lorsque Corinne Pohlmann, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, a fait la remarque suivante :

Remédier à cette iniquité en adoptant ce projet de loi rapidement serait une bonne nouvelle qui tomberait bien dans une année où tant de propriétaires de petite entreprise ont connu leur lot de difficultés.

Honorables sénateurs, je vous demande votre aide. Le projet de loi a reçu l’appui de tous les partis à la Chambre des communes. Votons maintenant et montrons aux agriculteurs, pêcheurs et propriétaires de petites entreprises que nous leur sommes reconnaissants et que nous voulons que leurs entreprises prospèrent dans les collectivités pendant de nombreuses années à venir.

Je vous remercie.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Loffreda, avez-vous une question?

L’honorable Tony Loffreda [ + ]

Oui. La sénatrice Griffin accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Griffin [ + ]

Certainement.

Le sénateur Loffreda [ + ]

J’appuie le projet de loi, mais j’ai une question à poser. Lors de vos travaux pour préparer ce projet de loi et de vos discussions avec son parrain, avez-vous envisagé d’élargir l’admissibilité à toutes les entreprises familiales, et non seulement les petites, ou à la vente partielle d’une entreprise familiale?

Je pose la question, parce que ce ne sont pas toutes les entreprises familiales qui correspondent à la définition d’une petite entreprise qui se trouve dans le projet de loi. De plus, je crois qu’il pourrait valoir la peine d’envisager d’inclure la vente partielle d’une entreprise familiale. La vente partielle faciliterait assurément une transition appropriée et la formation de l’acheteur, au besoin, ce qui, dans bien des cas, s’avère primordial pour assurer la viabilité et le dynamisme des entreprises familiales au Canada. Il serait rassurant de savoir que les petites entreprises pourraient rester admissibles aux mêmes avantages quand elles prennent de l’expansion.

Comme je l’ai dit, j’appuie le projet de loi. Je vous remercie de votre travail à cet égard, et je vous demanderais de nous faire part de vos réflexions à ce sujet.

La sénatrice Griffin [ + ]

Merci de vos questions. La première porte sur le fait que le projet de loi vise directement les petites et moyennes entreprises. Il s’agit d’une décision politique prise à la Chambre des communes pour que les partis appuient le projet de loi. Beaucoup de députés appuyaient l’idée d’aider les petites entreprises à composer avec cette structure fiscale injuste. Toutefois, la représentante de la fédération de l’entreprise indépendante ainsi que le fiscaliste de la firme Deloitte nous ont signalé que le projet de loi devrait être considéré comme un bon début et que, un jour, le gouvernement pourrait vouloir l’étendre aux grandes entreprises. Voilà pourquoi les sommes qui peuvent être envisagées sont plafonnées à ce stade-ci.

Cela ne veut pas dire qu’on ne pourra pas apporter de changements à court ou à long terme lorsqu’on constatera le succès de la mesure. De plus, le gouvernement a bien sûr l’option d’aller plus loin à ce chapitre.

En ce qui concerne la vente partielle d’une entreprise, oui, c’est possible, mais les acheteurs, soit les enfants ou les petits-enfants, doivent avoir le contrôle de l’entreprise, c’est-à-dire qu’ils doivent détenir au moins 51 % des actions pour que la vente partielle soit valide. Cette mesure vise premièrement à assurer que l’entreprise soit contrôlée par la prochaine génération et, deuxièmement, à ce que les parents, soit les vendeurs, ne puissent pas posséder d’actions de l’entreprise acheteuse. Autrement dit, les parents ne peuvent pas participer financièrement à la transaction à titre d’acheteurs et de vendeurs.

Grâce à ces mesures de sauvegarde, j’estime que le projet de loi est effectivement un bon début et j’espère qu’il permettra d’aider beaucoup de petites entreprises au Canada, qu’il s’agisse d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale.

Le sénateur Loffreda [ + ]

Merci de votre réponse, sénatrice Griffin. Comme je l’ai dit, j’appuie le projet de loi.

Au sujet des ventes partielles, il faut tenir compte du fait que, dans une entreprise en transition — j’en ai vu beaucoup au fil des ans —, il arrive qu’on ne veuille pas transférer 51 % des actions aux enfants. On préfère parfois leur transférer une petite portion, afin de les former ou voir s’ils possèdent les compétences en gestion nécessaires pour la faire progresser. C’est important étant donné nos circonstances — si on parle de succession, et je ne veux pas simplement énumérer des statistiques sur le nombre d’entreprises familiales qui changeront de mains, mais il y en a beaucoup. Peut-être devrions-nous entreprendre une étude sur la question. Aucun projet de loi n’est parfait. J’appuie le projet de loi, mais je crois que, dans l'avenir, il devrait viser toutes les entreprises familiales ainsi que les entreprises qui sont partiellement détenues ou vendues, afin de permettre une transition adéquate et de la formation.

Je me réjouis du fait que vous en parliez comme d’un bon départ et je presse tous les sénateurs à l’appuyer parce qu’il s’agit en effet d’un bon départ. Les entreprises familiales méritent d’être traitées équitablement, comme dans toutes les transactions d’affaires et les transitions.

La sénatrice Griffin [ + ]

Je vous remercie de vos observations. Je crois que c’est une excellente suggestion quant aux futurs travaux qui pourraient être entrepris.

Le sénateur Loffreda [ + ]

Merci beaucoup.

L’honorable Éric Forest [ + ]

Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de prendre part au débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale).

J’ai participé aux travaux du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts et je suis heureux de dire que nous avons entendu les fonctionnaires du ministère des Finances, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante ainsi que des représentants d’entreprises du domaine des pêcheries et de l’agriculture.

Les effets pervers de la politique fiscale actuelle, qui pénalise les transferts entre personnes d’une même famille, sont bien connus. Cette politique favorise le démantèlement des entreprises, elle force les entrepreneurs à choisir entre l’avenir de leurs enfants et leur propre fonds de pension et elle contribue à l’accaparement des terres et de nos entreprises par des étrangers.

Je vais m’attarder sur les conséquences du démantèlement d’une entreprise, principalement dans le secteur agricole, car il s’agit d’une question qui me préoccupe particulièrement.

Le Canada, comme l’Europe et les États-Unis, n’échappe pas à la tendance lourde du vieillissement de sa population agricole, ce qui laisse présager un manque de relève et une consolidation faible de nos entreprises.

Il suffit de se promener dans nos rangs et nos villages pour constater une réduction importante du nombre de fermes, une hausse de la taille de celles-ci et, on s’en doute, une augmentation importante de la valeur et de l’endettement des entreprises, ce qui complexifie les transferts d’entreprise.

Les dernières décennies n’ont pas été faciles pour nos producteurs agricoles. Les phénomènes que j’ai évoqués favorisent le démantèlement des fermes plutôt que la poursuite des activités des entreprises familiales.

Lorsqu’une ferme est démantelée, ou pire, lorsqu’une terre est laissée à l’abandon ou réaffectée à des activités non agricoles, on assiste inévitablement à une dévitalisation de nos communautés rurales. Moins d’enfants dans nos rangs, cela finit souvent par la fermeture de l’école, puis du bureau de poste, puis de l’épicerie, puis de la caisse populaire.

Je ne veux pas tomber dans le misérabilisme. Toutefois, je crois qu’un appel à la vigilance est nécessaire alors que l’on perd une ferme par semaine au Québec en ce moment. Nos fermes et nos PME familiales sont importantes pour la vitalité de nos communautés.

Travaillons à assurer leur pérennité en éliminant les tracasseries administratives et, surtout, les iniquités fiscales, plutôt que de favoriser leur démantèlement.

Je crois que le consensus est assez large pour reconnaître que la politique fiscale actuelle est problématique.

Il est aberrant que les entreprises vendues au sein d’une famille soient considérées comme des entreprises « avec liens de dépendance » et traitées comme un dividende, tandis que les entreprises vendues à une entité extérieure à la famille sont considérées comme des entreprises « sans lien de dépendance » et traitées comme un gain en capital.

J’aimerais vous donner une image de l’impact de notre fiscalité. Il est absurde qu’un entrepreneur qui est à la tête d’une petite entreprise évaluée à 2,7 millions de dollars — il ne s’agit pas ici d’une multinationale — soit pénalisé à hauteur de 272 000 $ pour avoir choisi de transférer sa ferme à ses enfants plutôt qu’à un étranger.

Au comité, les témoins se sont dits satisfaits de la solution proposée par le biais du projet de loi C-208. Dorénavant, en considérant la vente d’une entreprise familiale à un enfant — pas un cousin, pas un neveu — comme un gain en capital, on rétablit l’équité fiscale vis-à-vis d’un transfert d’entreprise vers un étranger.

Il restait à déterminer si, dans la mécanique, on ouvrait la porte à l’évasion fiscale.

Les fonctionnaires du ministère des Finances ont évoqué leurs appréhensions devant le comité. Ils ont dit craindre qu’il ne soit difficile de différencier les transferts familiaux légitimes des transferts conçus spécifiquement pour éviter de l’impôt.

Cela dit, l’intention du législateur est clairement exprimée dans ce projet de loi, qui ne vise que les transferts d’entreprise vers les enfants — je répète, les enfants. Ceux qui voudraient tenter de profiter des assouplissements qu’amène le projet de loi C-208 à des fins de planification fiscale abusive risquent de se retrouver devant les tribunaux, en vertu de la disposition générale anti-évitement qui se trouve aux articles 245 et 246 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le législateur dispose donc des outils législatifs nécessaires pour être en mesure d’intervenir si on abuse de ces modifications.

Rappelons aussi que, en exigeant que l’acheteur conserve ses actions pendant un minimum de cinq ans, le projet de loi offre certaines garanties selon lesquelles il s’agit d’un transfert familial véritable, et non d’une manipulation pour éviter de payer de l’impôt.

Chers collègues, je m’arrêterai ici, puisque je souhaite que nous passions rapidement au vote.

Soyons clairs : il n’est pas question d’accorder un traitement préférentiel aux petites et moyennes entreprises familiales, mais simplement de leur donner accès aux mêmes possibilités dont peuvent se prévaloir les personnes qui ne font pas partie de la famille.

C’est un geste simple que nous pouvons poser pour soutenir des entreprises à taille humaine, nos entreprises familiales, et pour appuyer bien des communautés situées hors des grands centres. C’est un geste important qui permettra de contrer la dévitalisation économique et sociale de nos régions.

Comme vous le savez, le projet de loi C-208 a été adopté par une majorité de parlementaires élus de tous les partis. À mon avis, ce serait un manque de respect envers nos régions et un manque de déférence envers la Chambre des élus que de laisser mourir ce projet de loi au Feuilleton, sans au moins tenir un vote sur la question. « Jouer l’horloge » afin d’éviter de se prononcer en tenant un vote formel entacherait assurément les efforts que nous avons faits depuis quelques années pour rendre au Sénat sa pertinence et sa crédibilité.

Merci, meegwetch.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale).

Comme il a été clairement indiqué dans cette enceinte et à l’autre endroit, le gouvernement considère qu’il s’agit d’un important objectif de politique publique. C’est pourquoi le premier ministre a chargé les ministres des Finances et de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire d’unir leurs efforts et ainsi établir des mesures fiscales qui faciliteront le transfert des exploitations agricoles entre les générations. C’est avec la volonté de réaliser cet objectif que le gouvernement étudie soigneusement le projet de loi C-208.

Cependant, le régime fiscal canadien est complexe et il est nécessaire d’utiliser une approche mûrement réfléchie pour réaliser ces objectifs afin d’atténuer les risques d’évitement fiscal, tout en veillant à mettre en place des mesures de sauvegarde efficaces. Or, c’est précisément là où le projet de loi C-208 échoue. En tout respect, le gouvernement n’appuie donc pas ce projet de loi.

En résumé, le projet de loi C-208 vise à modifier deux des règles anti-évitement les plus cruciales et complexes prévues dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Ces règles de dépouillement des gains en capital et des surplus portent sur le traitement des dividendes intersociétés et de la vente d’actions dans les cas où l’exonération cumulative des gains en capital peut être utilisée sans en faire un usage abusif. Par conséquent, il faut faire preuve d’une grande prudence au moment d’apporter des modifications à ces articles de la loi.

Cet aspect du projet de loi C-208 pose problème. En effet, dans sa formulation actuelle, le projet de loi n’exige pas que le parent cesse de contrôler l’entreprise ni que l’enfant y participe. De plus, il permettrait au parent de vendre des actions à la société de portefeuille d’un enfant puis d’acheter cette société de portefeuille, ce qui veut dire que l’enfant ne détiendrait aucun intérêt dans l’entreprise.

Chers collègues, ce projet de loi ouvre donc la voie à de graves risques d’évitement fiscal, qui auront une incidence négative sur le cadre financier que le gouvernement a déjà soigneusement tracé dans le budget de 2021. En bref, le projet de loi C-208 procurerait des avantages considérables à certains contribuables, qui pourraient distribuer les surplus d’une entreprise en franchise d’impôt sans faire le nécessaire pour procéder à un réel transfert intergénérationnel.

Quand il a comparu devant le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts à propos du projet de loi C-208, Trevor McGowan, directeur général, Direction de la politique de l’impôt au ministère des Finances, a souligné ce problème :

Ce projet de loi suscite des inquiétudes fondamentales car, bien qu’il soit censé s’appliquer aux transferts d’actions intergénérationnels, il ne contient aucune mesure de sauvegarde visant à garantir qu’il ne servira qu’à de véritables transferts intergénérationnels. Résultat : alors que le défaut des règles actuelles pourrait être que la règle anti-évitement ne prévoit aucune exception pour les véritables transferts intergénérationnels, le projet de loi C-208 aura essentiellement pour effet de créer une échappatoire, puisque aucune mesure de sauvegarde ne fera en sorte qu’il serve seulement à de véritables transferts intergénérationnels.

Par conséquent, des gens riches pourraient se servir de l’échappatoire créée par le projet de loi pour éviter de payer de l’impôt sans procéder à un véritable transfert intergénérationnel de l’entreprise. Lorsqu’on élabore une mesure législative pour faciliter les transferts intergénérationnels, le grand défi consiste à trouver une façon de séparer les véritables transferts intergénérationnels des stratagèmes d’évitement fiscal. Le projet de loi ne le fait pas; plutôt, ses dispositions s’appliquent sans faire de distinction entre ces deux cas de figure.

Par conséquent, chers collègues, il importe d’étudier en détail le fonctionnement de ces règles anti-évitement, les raisons de leur importance et la manière dont le projet de loi C-208 ne protège pas leur intégrité.

Les règles anti-évitement de l’article 84.1 de la loi actuelle empêchent les abus du régime fiscal dans les cas où une personne convertit un revenu de dividendes en gains en capital libres d’impôt ou imposés à un taux inférieur, en vendant les actions d’une société à une autre société avec laquelle elle a un lien de dépendance.

Un exemple simple peut aider à illustrer le type de planification que les règles anti-évitement visent à empêcher. Une personne qui vit en Ontario est visée par la tranche d’imposition supérieure en 2020. Elle détient une société d’exploitation avec 100 000 $ de bénéfices non répartis. S’il tire son revenu sous la forme d’un dividende, le propriétaire paierait environ 48 000 $ d’impôt. Par conséquent, il crée une société de portefeuille et lui vend les actions de la société d’exploitation. S’il est imposé selon les taux des gains en capital, le propriétaire paierait environ 27 000 $ d’impôt, économisant 21 000 $, près de la moitié de la somme qu’il aurait dû payer autrement. Si l’exemption cumulative des gains en capital est disponible, les bénéfices non répartis seront soutirés sans payer d’impôt.

Les règles relatives au dépouillement des surplus mettent fin à ce type d’abus en, dans certaines circonstances, considérant que le particulier a reçu des dividendes imposables de la société de portefeuille liée, au lieu de gains en capital. Cela empêche la personne d’extraire des bénéfices non répartis de la société sans payer d’impôt, en utilisant l’exonération cumulative des gains en capital. Cette règle a pour but d’empêcher les contribuables d’utiliser des sociétés liées pour sortir des gains de leur société au moyen d’une vente.

Je pense que tous les honorables sénateurs conviendront que nous ne devrions pas encourager l’utilisation de telles ventes pour déjouer le système, plus particulièrement ceux d’entre nous ayant travaillé dans le secteur financier. Nous devrions plutôt chercher à mettre en place des mesures soigneusement conçues pour favoriser le transfert intergénérationnel d’entreprises familiales. À cet égard, il est important de noter que, en ce moment, rien dans le projet de loi n’empêche un parent de vendre des actions de l’entreprise familiale directement à son enfant ou à son petit-enfant, en franchise d’impôt, en demandant l’exonération cumulative des gains en capital, qui met actuellement à l’abri de l’impôt jusqu’à 1 million de dollars de gains en capital réalisés lors de la disposition de biens agricoles ou de pêche admissibles.

Les problèmes que le projet de loi C-208 vise à régler surviennent seulement au sein des structures organisationnelles à plusieurs niveaux, où une société en détient une autre.

En résumé, bien que ce projet de loi crée des possibilités de planification pouvant être utilisées dans le cadre du transfert intergénérationnel d’une entreprise, il ne contient pas les garanties nécessaires pour qu’elles ne soient utilisées que dans ce but. Rien n’oblige le parent à cesser d’exploiter l’entreprise ou à réduire sa participation à l’exploitation de l’entreprise. L’enfant n’est pas tenu de jouer un rôle quelconque dans la gestion de l’entreprise. En fait, juste après avoir retiré le surplus de l’entreprise, l’enfant pourrait vendre sa société de portefeuille au parent pour un montant nominal, ce qui l’exclurait complètement.

Malheureusement, comme je crois avoir essayé de l’expliquer, le projet de loi C-208 ouvrirait la porte à de nouvelles possibilités d’évitement fiscal qui profiteraient injustement aux personnes riches. En fin de compte, il offrirait jusqu’à 900 000 $ en franchise d’impôt à de nombreux contribuables fortunés, ou jusqu’à 1,8 million de dollars aux couples qui ne transfèrent aucun pan de leur entreprise à leurs enfants.

Le projet de loi C-208 propose également des modifications à l’article 55 de la loi qui posent problème. Cet article empêche les sociétés de réduire indûment leurs impôts en se versant entre elles des dividendes non imposables excessifs qui, en l’absence de ces restrictions, seraient imposés comme des gains en capital. Cette forme de planification d’évitement fiscal est connue sous le nom de dépouillement des gains en capital.

Le projet de loi C-208 pose des problèmes dans la mesure où il touche deux exemptions à ces règles anti-évitement. Ces exemptions permettent aux entreprises qui se restructurent, en raison de leur situation particulière, de reporter l’impôt sur les gains en capital. La première exemption s’applique à la restructuration de sociétés apparentées, et la seconde s’applique à toutes les restructurations d’entreprises.

Le projet de loi C-208 élargirait la portée de cette première exemption afin qu’elle s’applique aux frères et sœurs, ce qui romprait avec le principe fiscal de longue date voulant que les frères et sœurs soient considérés comme des personnes ayant des intérêts économiques distincts et indépendants pour les fins visées.

Si on modifiait cette exemption, on se trouverait à accroître les possibilités d’abus et d’érosion de l’assiette fiscale. Ce faisant, on pourrait créer un problème plus grave que celui que l’on tente de régler, notamment parce que les époux ainsi que les parents et leurs enfants sont déjà admissibles à cette exemption, car on présume déjà qu’ils ont des intérêts économiques communs.

Bien que les frères et sœurs ne puissent pas restructurer leur participation à une entreprise sur la base d’un report de l’impôt au titre de l’exemption visée, ils peuvent le faire au titre de la deuxième exemption prévue à l’article 55, qui s’applique à toutes les formes de restructuration d’entreprise.

Il y a moins de possibilités d’évitement fiscal au moyen de ce qu’on appelle l’exemption pour réorganisation papillon, mais si le projet de loi C-208 était adopté, les frères et sœurs pourraient procéder à des restructurations d’entreprise permettant de faire en sorte que des gains en capital d’une entreprise qui sont normalement imposable se transforment en dividendes intersociétés libres d’impôt. Cela créerait de nouvelles possibilités d’évitement fiscal au Canada.

Honorables sénateurs, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-208 créerait des échappatoires dans le système fiscal qui offriraient de nouvelles possibilités d’évitement fiscal aux plus riches, aux dépens des personnes que l’on cherche à aider de façon légitime avec ces mesures. En tout respect, je ne peux pas appuyer le projet de loi C-208, et ce pour toutes les raisons que j’ai mentionnées.

Merci.

Le sénateur Forest [ + ]

Le sénateur Gold accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Gold [ + ]

Absolument.

Le sénateur Forest [ + ]

Comme vous l’avez mentionné lors de votre discours, en décembre 2019, le premier ministre, dans la lettre de mandat du ministre des Finances, lui a demandé de régler cette iniquité.

Quand vous nous parlez maintenant du transfert, vous nous parlez beaucoup des stratégies de sociétés à paliers multiples, de sociétés d’exploitation et de sociétés de portefeuille. Pouvez-vous convenir avec moi, tant donné que le projet de loi C-208 limite la valeur de capitalisation de l’entreprise à 15 millions de dollars, qu’il ne s’agit pas là de multinationales ou de sociétés qui sont en mesure de s’offrir des services juridiques ou des services de fiscalité? On parle ici de PME familiales. Puisqu’on peut limiter ce transfert d’entreprise aux enfants, pour les petites et moyennes entreprises qui ont une valeur maximale de 15 millions de dollars, et puisque l’enfant doit détenir cette valeur de capitalisation pour un minimum de cinq ans, ne s’agit-il pas là, selon vous, de garanties suffisantes pour favoriser l’instauration d’un environnement plus propice au transfert de nos petites entreprises plutôt qu’à leur démantèlement?

Le sénateur Gold [ + ]

Je vous remercie de cette question, cher collègue.

Comme je l’ai dit au début de mon discours, le problème que ce projet de loi vise à régler est important. Il s’agit d’un problème dont le gouvernement reconnaît l’existence. Comme j’ai essayé de l’expliquer dans mon discours, le projet de loi ne comprend pas suffisamment de mesures de sauvegarde pour faire en sorte que les abus potentiels puissent être évités.

Le sénateur Forest [ + ]

C’est un projet de loi important, car le premier ministre a confié la responsabilité de régler cette iniquité au ministre des Finances dans sa lettre de mandat en décembre 2019 — il y a 19 mois.

Peut-on convenir que, d’une part, le Québec a proposé des solutions intéressantes et novatrices afin de remédier à ce déséquilibre fiscal, et que, d’autre part, la Loi de l’impôt sur le revenu, en vertu des articles 245 et 246, qui traitent de l’évitement fiscal, donne tous les outils nécessaires au législateur, si l’on constate des abus ou des brèches dans le cadre de la mise en œuvre du projet de loi C-208, pour apporter les modifications et les correctifs nécessaires pour colmater ces brèches? Pouvez-vous convenir de cela avec moi?

Le sénateur Gold [ + ]

Merci de cette question.

Selon l’information que j’ai et selon les témoignages des fonctionnaires du ministère des Finances, il y a tout de même encore un problème avec le projet de loi actuel. C’est pour cette raison que, à titre de représentant du gouvernement au Sénat, je voulais faire valoir le point de vue du gouvernement dans cette enceinte afin de partager ses préoccupations à l’égard de ce projet de loi.

Le sénateur Forest [ + ]

Il s’agit, en fait, du point de vue des fonctionnaires du ministère des Finances, mais la majorité des élus de l’autre endroit, issus de tous les partis, ont voté en faveur de l’adoption du projet de loi C-208.

Merci beaucoup.

L’honorable Colin Deacon [ + ]

Sénateur Gold, vous avez dit que cette mesure aura un coût considérable. Nous avons posé la question aux fonctionnaires du ministère des Finances qui ont comparu devant le Comité de l’agriculture et des forêts. Ils n’étaient pas en mesure de nous fournir une estimation de ce coût considérable. Nous savons que les règles actuelles ont un effet punitif dans le cas du transfert familial d’une petite entreprise, d’une exploitation agricole familiale ou d’une entreprise de pêche. Or, nous n’avons aucune information disponible concernant le coût de leur modification. Pourriez-vous préciser vos propos à ce sujet, s’il vous plaît?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Merci. Encore une fois, je répète que le gouvernement comprend entièrement l’intention du projet de loi et accepte qu’il existe des iniquités dans le régime fiscal que ce projet de loi vise à corriger. Là n’est pas le problème. Ce qui rend difficile d’estimer le coût est que le coût et l’incidence sur le cadre fiscal dépendront de l’étendue dans laquelle les gens exploitent les échappatoires que j’ai tenté de décrire ou de l’absence de mesures de sauvegarde pour s’adonner à des activités, telles que le dépouillement de dividendes, auxquelles ils ne pourraient pas s’adonner en l’absence de ce projet de loi.

Ainsi, l’estimation de l’incidence potentielle nous oblige à formuler des hypothèses quant à savoir dans quelle mesure les conseillers fiscaux et les propriétaires d’entreprise qui possèdent une structure multiorganisationnelle ou qui décident d’en établir une tireront avantage de ce qu’autorise ce projet de loi. Je crois donc que les fonctionnaires étaient incapables de fournir des chiffres parce qu’on ignore combien de propriétaires profiteront à mauvais escient des mesures envisagées dans ce projet de loi, par opposition au nombre qui s’en prévaudra à bon escient.

Le sénateur C. Deacon [ + ]

Sénateur Gold, saviez-vous que, au Comité des finances de la Chambre des communes, les fonctionnaires du ministère des Finances ont affirmé que ce pouvoir réglementaire pourrait être ajouté et utilisé par le gouvernement à une date ultérieure si cela s’avérait être un problème grave? C’est également ce qu’a affirmé le président de longue date du Comité des finances de l’autre endroit, Wayne Easter. Je me demande simplement si vous étiez au courant.

Le sénateur Gold [ + ]

Oui, merci de votre question. Je savais, évidemment, comme tous les législateurs, qu’il est toujours possible de légiférer pour corriger les problèmes qui découlent de l’application d’une loi. Je crois que ce problème a été réglé au comité.

Honorables sénateurs, nous en sommes à la première journée de la troisième lecture de ce projet de loi, un projet de loi d’initiative parlementaire. Je veux que les honorables sénateurs comprennent l’importance pour nous, membres de la Chambre de deuxième examen objectif, de connaître la position du gouvernement au sujet du projet de loi, position que j’ai exposée dans mon discours.

Vous avez tout à fait raison, sénateur Deacon, de dire qu’il sera possible de corriger ultérieurement les problèmes dont j’ai parlé. Je crois cependant qu’il est simplement prudent et responsable que le Sénat soit informé de l’existence de ces problèmes dans le cadre de ses délibérations.

Le sénateur C. Deacon [ + ]

Merci, sénateur Gold.

Le sénateur Loffreda [ + ]

Est-ce que le sénateur Gold accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Gold [ + ]

Bien sûr.

Le sénateur Loffreda [ + ]

Je suis sensible à votre discours et au fait que les échappatoires fiscales ne sont pas souhaitables. Nous luttons farouchement pour éviter l’évasion fiscale. C’est important pour nous tous. Savez-vous toutefois que le milieu comptable appuie largement ce projet de loi? Le projet de loi jouit d’un appui énorme. Il comporte une restriction — une période de cinq ans —, les ventes partielles sont interdites et, comme le sénateur Forest l’a dit, il s’applique strictement aux petites entreprises. J’ai toujours dit que toute relation est fondée sur la confiance. Pourquoi ne pouvions-nous pas faire confiance aux petites et moyennes entreprises pour progresser et s’adapter en conséquence?

Le sénateur Gold [ + ]

Pour répondre à votre question, sénateur, je suis bel et bien conscient du soutien du milieu de la fiscalité. Comme je l’ai dit, j’ai simplement profité de cette occasion pour faire part des préoccupations du gouvernement et expliquer pourquoi je ne peux pas appuyer le projet de loi.

Sénateur Gold, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Gold [ + ]

Oui, bien sûr.

Merci. Sénateur Gold, nous avons appris qu’à l’autre endroit, les trois partis — ou les quatre, mais au moins trois — n’ont pas appuyé le point de vue du gouvernement. Je me demande si vous pouvez nous expliquer la situation. Vous avez un argument convaincant. Je dirais que l’argument sur les échappatoires persuaderait certainement au moins deux des trois principaux partis à l’autre endroit. Je me demande si vous pouvez nous expliquer pourquoi le gouvernement n’a pas obtenu le soutien d’au moins un des autres partis pour donner du poids à votre argument. Merci.

Le sénateur Gold [ + ]

Merci. Je ne connais vraiment pas la réponse à cette question. Il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire. À cet égard, il a reçu l’appui de députés du caucus libéral ainsi que d’autres députés. Il ne fait aucun doute qu’il s’attaque à un vrai problème concernant les sociétés agricoles ou de pêche, qui touche des circonscriptions ou des collectivités. Je comprends totalement qu’on ait appuyé le projet de loi.

Bien sûr, je respecte le travail de l’autre endroit. Je respecte aussi notre rôle de sénateurs, qui est de donner notre point de vue sur les mesures législatives, comme nous l’avons fait et comme nous le faisons actuellement. Voilà pourquoi j’estime qu’il convenait que je fasse part de mes préoccupations.

Je suis toujours heureux de répondre aux questions, mais je sais que d’autres intervenants veulent prendre la parole, alors c’est ainsi que je conclurai ma réponse, et j’espère que nous pouvons poursuivre le débat.

L’honorable Brent Cotter [ + ]

Le sénateur Gold accepterait-il de répondre à une autre question à ce sujet?

Le sénateur Gold [ + ]

Oui, merci.

Le sénateur Cotter [ + ]

Sénateur Gold, je n’avais pas l’intention de prendre part au débat, mais, bien franchement, je suis estomaqué par la position du gouvernement du Canada dans ce dossier. Je vais vous poser une question qui n’est pas vraiment précise. Je suis d’accord avec vous : certaines personnes se livrent à un évitement fiscal inapproprié. Toutefois, presque tous les autres acteurs du gouvernement du Canada ont indiqué que le secteur agricole et agroalimentaire est l’un des piliers essentiels de la prospérité au Canada. Je parle au nom des agriculteurs, un peu moins des pêcheurs, mais on s’entend en général pour dire que la mesure peut renforcer la communauté agricole.

J’aurais cru que, par votre entremise, le gouvernement du Canada aurait évité de se placer en opposition et qu’il aurait proposé des suggestions pour lutter contre l’évitement fiscal afin que le projet de loi soit adopté au Sénat plutôt qu’il fasse l’objet d’une opposition. Je suppose que je ne comprends tout simplement pas pourquoi le gouvernement du Canada ne fait aucune suggestion, sous forme d’un ou deux amendements par exemple, pour que le projet de loi fonctionne comme il le souhaite. Merci.

Le sénateur Gold [ + ]

Merci. C’est une question légitime. D’après ce que j’ai compris, notamment à la lumière des témoignages que les fonctionnaires ont livré au comité, le gouvernement travaille sur le dossier mais il est complexe. Vous avez vraisemblablement obtenu un meilleur résultat que moi en fiscalité à la Faculté de droit, car j’ai tout juste eu la note de passage. En fait, la fiscalité est un domaine très complexe.

Ils n’étaient pas prêts, même si cela fait partie de leur mandat et qu’ils y travaillent. Par conséquent, il serait présomptueux de ma part de proposer des amendements au nom du gouvernement, sans en avoir reçu instruction et alors que les fonctionnaires ne sont pas prêts.

Il s’agit peut-être de choisir le moment opportun, mais nous y sommes. Je souhaitais faire part de la position du gouvernement comme il m’incombe de le faire. Quoi qu’il en soit, je vous remercie de la question qui est bien sûr fort légitime.

L’honorable Yuen Pau Woo [ + ]

Honorables sénateurs, je suis ravi de participer au débat sur le projet de loi C-208.

J’aimerais remercier la sénatrice Griffin du leadership dont elle a fait preuve à l’égard de ce projet de loi, ainsi que les sénateurs qui ont participé au débat.

Les intentions qui sous-tendent cette mesure sont louables. Nous convenons tous de l’importance de l’équité fiscale, des fermes familiales et de la prospérité des secteurs de l’agriculture et des pêches. Cependant, le Sénat a étudié ce projet de loi extrêmement rapidement, et est maintenant sur le point de voter à l’étape de la troisième lecture. Je crains que nous ayons procédé trop rapidement sans faire un examen suffisamment minutieux pour prendre une décision éclairée.

Je note, par exemple, que le projet de loi a été renvoyé au comité après seulement deux interventions à l’étape de la deuxième lecture. En toute déférence, je précise que ces interventions ont examiné les détails du projet de loi, mais n’ont fait que peu de cas des principes qui le sous-tendent et des conséquences globales qu’il pourrait avoir.

Au comité, le projet de loi a bénéficié d’un solide appui de la part des agriculteurs, des pêcheurs et des comptables qui, bien entendu, bénéficieront tous des changements proposés. Par contre, les représentants du ministère des Finances ont émis de sérieuses réserves au sujet de ce projet de loi, mais le rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts n’en fait aucune mention, pas même dans les observations. Ces réserves ont été balayées du revers de la main dans ce qui semble être un empressement à passer à l’étude article par article. Rien dans le rapport ne reflète les points de vue divergents entendus au comité, ce qui donne l’impression que le projet de loi a reçu une note parfaite.

Avant que vous ne votiez au sujet de ce projet de loi, chers collègues, je vous demanderais à tout le moins de lire le procès-verbal des séances du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts et de vous attarder à l’ensemble des témoignages, y compris les réserves exprimées par les représentants de Finances Canada.

En gros, ils craignent — je vais un peu répéter ce que le sénateur Gold a dit — que les modifications proposées n’ouvrent la porte à de nouvelles possibilités d’évitement fiscal qui iraient bien au-delà des activités de pêche et d’agriculture. Par exemple, tel qu’il est rédigé, le projet de loi ne contient aucune mesure de protection destinée à empêcher un membre d’une famille de constituer une société qui recevrait des actions de l’entreprise agricole d’un parent ou d’un grand-parent, pour ensuite remettre l’entreprise au parent ou au grand-parent afin qu’il l’exploite. Les économies d’impôts pourraient être considérables, mais il doit être clair qu’un tel geste n’a pas pour but le transfert intergénérationnel d’une entreprise agricole ou de pêche, mais bien l’évitement fiscal pur et simple.

Certains pourraient croire qu’une légère perte fiscale serait un prix acceptable à payer pour préserver les entreprises agricoles ou de pêche familiales, mais songez à ceci : ce projet de loi ne vise pas seulement les entreprises agricoles ou de pêche, mais bien toutes les entreprises admissibles. Selon le directeur parlementaire du budget, il y avait 1 674 310 entreprises admissibles en 2014, dont 50 000 étaient des entreprises agricoles et 4 000 des entreprises de pêche. Calculez cela comme vous voudrez, chers collègues, mais cela signifie que les entreprises agricoles et de pêche représentent à peine 3 % des entreprises admissibles, et ce chiffre est probablement trop élevé, car le nombre d’entreprises agricoles et de pêche a probablement chuté au cours des sept dernières années.

Ce projet de loi ouvrira la voie à des occasions d’évitement fiscal non seulement pour les 3 % d’entreprises agricoles et de pêche sur lesquelles nous semblons concentrer notre attention, mais aussi pour les 97 % d’autres entreprises qui sont admissibles.

Comme ce projet de loi a été examiné par le Comité de l’agriculture et des forêts, très peu d’attention a été accordée aux utilisateurs — ou aux abuseurs — potentiels de l’exemption proposée parmi les entreprises des secteurs non primaires. Le projet de loi aurait-il dû être étudié par le Comité des banques ou le Comité des finances?

Il est trop tard maintenant, mais je suis convaincu que notre examen collectif de ce projet de loi comporte de sérieuses lacunes.

Même si ce projet de loi était uniquement axé sur les activités liées à l’agriculture et à la pêche, enlever une mesure contre l’évitement fiscal ouvre la voie à une planification fiscale plus rigoureuse qui dépasse largement ces secteurs. Le dépouillement des surplus ou des actifs concerne toutes les entreprises, peu importe le secteur. C’est pourquoi une telle exemption dans un secteur augmentera les risques de litiges dans les autres secteurs. L’Agence du revenu du Canada aura encore plus de difficultés à défendre ses mesures visant à réduire l’évitement fiscal dans tous les secteurs du régime fiscal.

Je comprends que le projet de loi est présenté comme une façon d’améliorer l’équité fiscale. Il est fondé sur l’idée que la vente des actifs d’une société devrait être traitée de la même manière, qu’ils soient vendus à des membres de la famille ou à des tiers. Il y a une certaine logique dans ce point de vue. Notons toutefois, chers collègues, que lorsqu’on vend quelque chose à des membres de la famille, ce n’est pas, par définition, une opération sans lien de dépendance. À moins d’être prêts à dire que les opérations entre personnes apparentées sont des opérations sans lien de dépendance, nous ne pouvons tout simplement pas traiter ces deux catégories d’opérations de la même façon, car cela porterait atteinte à un principe essentiel de la politique fiscale et risquerait d’avoir des conséquences imprévues considérables.

Certains d’entre vous se souviendront peut-être que nous avons eu une discussion semblable en 2017. Nous débattions alors d’une disposition de la loi d’exécution du budget qui visait à limiter la possibilité, pour les sociétés privées sous contrôle canadien, de distribuer quelques actions parmi les membres de leur famille. Ceux qui soutenaient cette distribution d’actions utilisaient des arguments semblables à ceux qu’on entend actuellement pour le projet de loi à l’étude : c’était une façon pour les propriétaires de sociétés privées — souvent des médecins et des avocats — de conserver les surplus au sein de la famille sous la forme d’épargnes pour la retraite. Les arguments sont très semblables. Nous avons rejeté ces arguments en 2017, à juste titre je crois, et c’était justement, croyez-le ou non, pour des raisons d’équité fiscale.

Nous devrions rejeter le projet de loi à l’étude pour les mêmes raisons.

Il se pourrait que l’on puisse concevoir un amendement ou un ensemble d’amendements pour éviter certaines conséquences imprévues de ce projet de loi. Nous avons entendu un certain nombre d’idées au comité à cet égard. Cependant, encore une fois, on n’a pas tenté d’explorer ces options davantage, que ce soit au comité ou dans le cadre des observations accompagnant le rapport.

Ajoutons que l’équité fiscale est essentiellement fonction de la différence de traitement fiscal entre les gains en capital et les dividendes, qui se situe actuellement à environ 20 points de pourcentage. La situation varie selon la province où on se trouve. Cet écart découle des politiques en place, et on peut le réduire en changeant le taux d’imposition applicable aux gains en capital ou aux dividendes, ce qui pourrait avoir comme effet positif de réduire l’inégalité des revenus et de la répartition de la richesse dans ce pays.

Cependant, cette option n’a pas été explorée dans ce comité, et on peut le comprendre, car c’est le Comité de l’agriculture et des forêts qui s’est penché sur la question. Cela dit, cela vient renforcer l’argument que j’ai avancé plus tôt, soit que nous aurions dû demander au Comité des banques, au Comité des finances, ou à ces deux comités, de se pencher également sur ce projet de loi.

Enfin, ce projet de loi a été présenté comme la solution à la disparition des fermes familiales. Je suis très sceptique par rapport à cette proposition. La baisse du nombre de fermes familiales dans ce pays a beaucoup plus à voir avec les modèles d’affaires qu’avec les règles fiscales. D’ailleurs, si une entreprise agricole accuse des pertes, son transfert au sein d’une famille pourrait avoir pour seul effet de transférer la responsabilité de ces pertes à la génération suivante.

Honorables collègues, le Canada a perdu le tiers de ses agriculteurs et les deux tiers de ses jeunes agriculteurs en une seule génération, mais ce n’est pas à cause des politiques fiscales, comme le confirment des études sur la nature et la structure changeantes de l’agriculture au Canada. En Ontario, par exemple, pour chaque dollar investi dans des terres agricoles dans les années 1970, l’agriculteur pouvait espérer obtenir 4,7 ¢ en rendement net. Ce chiffre est tombé à environ 1 ¢ au cours de la dernière décennie.

C’est la même chose au Manitoba. Dans les années 1970, un dollar investi dans des terres agricoles rapportait, en moyenne, 8,7 ¢ en revenu agricole net. Au cours des 25 dernières années, la baisse des revenus nets combinée à la hausse du prix des terres fait qu’aujourd’hui, les agriculteurs manitobains ne génèrent que 2 ou 3 ¢ pour chaque dollar investi dans leurs terres.

Je vais expliquer cela d’une autre manière : le nombre de fermes au Canada a considérablement diminué, passant d’environ 300 000 il y a une génération à environ 200 000 aujourd’hui. Le revenu agricole net réalisé au cours de la dernière décennie était en moyenne de 3,5 milliards de dollars par an. Supposons qu’il faille 75 000 $ de revenu net pour faire vivre une famille. Cela signifie qu’un revenu global annuel de 3,5 milliards de dollars pour l’ensemble du secteur ne peut faire vivre que 47 000 familles agricoles, et il y en a 200 000. Le fait est que la plupart des familles agricoles canadiennes travaillent dans un secteur qui ne peut tout simplement pas les soutenir financièrement.

Le problème des faibles revenus nets des exploitations familiales est complexe et il est lié à la structure du secteur agroalimentaire moderne. On ne pourra pas le modifier du jour au lendemain. Toutes les politiques qui facilitent le transfert des actifs agricoles au sein de la famille, mais qui ne s’attaquent pas à certains de ces problèmes structurels ne contribueront guère à enrayer la baisse du nombre d’exploitations familiales.

On pourrait même affirmer que transférer une société agricole hors de la famille pourrait être bénéfique pour cette exploitation si le nouveau propriétaire avait un modèle d’affaires plus efficace pour faire fonctionner son entreprise. Je ne parle pas nécessairement d’une grande société anonyme. Il pourrait s’agir d’une autre famille souhaitant faire partie de l’entreprise avec de nouvelles idées sur la façon de la faire fonctionner. Les transferts intergénérationnels ne sont pas le seul moyen de conserver les exploitations agricoles familiales.

J’ai entendu des membres du comité se dire d’avis que, même si le projet de loi est imparfait, nous devrions l’adopter, car cela incitera le gouvernement à trouver les solutions réglementaires nécessaires ou même à élaborer un nouveau projet de loi qui réglera le problème. Honorables sénateurs, cela revient à dire que nous devrions adopter un projet de loi boiteux afin d’obtenir une bonne loi. On ne nous demande pas d’adopter une bonne loi qui n’est pas parfaite, comme c’est souvent le cas, mais de commencer par adopter une loi boiteuse. Je ne pense pas que ce soit une bonne façon de voir notre rôle d’assemblée qui réfléchit et délibère attentivement. En fait, je pense que c’est une approche irresponsable du travail de législateur.

Je comprends également que beaucoup parmi vous répondent aux demandes des gens qu’ils représentent et qui sont favorables au projet de loi. Ce n’est pas une surprise, étant donné qu’il y a peut-être 2 millions d’entreprises admissibles au pays qui pourraient en bénéficier. Soit dit en passant, 97 % d’entre elles ne sont pas dans le secteur de l’agriculture ou de la pêche. Nous avons tous entendu parler d’une entreprise qui est touchée. Que les députés, dans l’autre endroit, subissent des pressions destinées à les faire voter pour un projet de loi populiste est compréhensible, mais j’ose croire que nous sommes moins vulnérables à de telles pressions.

Bien entendu, nous devons être sensibles aux besoins des gens et des régions que nous représentons, mais, de par sa nature, le Sénat nous permet d’avoir une vue d’ensemble à long terme et de résister aux mesures de l’autre endroit qui ne répondent pas au critère de l’intérêt national.

Honorables sénateurs, au cours des dernières années, il y a eu de nombreux discours prononcés dans cette enceinte où l’on s’inscrivait en faux contre l’évitement fiscal ou ce que certains appellent la planification fiscale abusive. Le projet de loi va dans le sens inverse. Je ne doute pas un instant qu’il encouragera l’évitement fiscal ou la planification fiscale abusive. Si vous pensez que c’est acceptable parce qu’il s’agit de petites entreprises plutôt que de mégasociétés, je vous répondrai que la fiscalité devrait fonctionner selon les mêmes principes, peu importe la taille.

De surcroît, la notion voulant que le projet de loi vise principalement de petites entreprises familiales est erronée. Les exemptions proposées dans le projet de loi permettent des transferts intergénérationnels pouvant atteindre la barre des 15 millions de dollars en biens corporels et imposables. Selon Statistique Canada, en 2011, moins de 0,5 % des sociétés privées comptant moins de 500 employés avaient des biens valant plus de 7 millions de dollars, donc que la valeur des biens de plus de 99,5 % des sociétés privées est inférieure à cette somme.

Je vais résumer. Le projet de loi repose sur deux éléments : l’équité fiscale et la protection des fermes familiales et des entreprises de pêche. Il s’agit de deux objectifs valables, et je félicite mes collègues de les défendre. Cependant, le projet de loi comporte des lacunes pour trois raisons : il ne peut pas véritablement s’attaquer à la question de l’équité fiscale sans empêcher adéquatement l’extraction de la plus-value lors des transactions avec des apparentés; les fermes familiales et les entreprises de pêche ne constituent qu’une très faible proportion des entreprises qui seraient touchées par cette exemption; le projet de loi ne constitue aucunement une solution aux problèmes structuraux affectant les fermes familiales et, d’une certaine manière, il risque d’accélérer le recul de ce secteur.

J’aimerais que nous ayons plus de temps pour étudier ce projet de loi. Quoi qu’il en soit, si cela n’est pas possible, j’espère que vous vous joindrez à moi pour le rejeter. Je ne vous propose pas de rejeter l’équité fiscale ou les fermes familiales, mais d’affirmer de notre rôle de législateurs qui adoptent une perspective large et qui résistent à des mesures certes populaires, mais contraires à l’intérêt public.

Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Housakos, avez-vous une question?

L’honorable Leo Housakos [ + ]

Le sénateur Woo accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Woo [ + ]

Oui, bien sûr.

Le sénateur Housakos [ + ]

J’ai écouté le débat très attentivement. J’essaie de comprendre la position du gouvernement dans ce dossier et, bien franchement, j’essaie de comprendre la vôtre aussi. Voici essentiellement ce que je crois comprendre : punissons des millions de citoyens respectueux des lois pour quelque chose que les personnes qui ne respectent pas les lois pourraient faire. Au bout du compte, ceux d’entre nous qui ont évolué dans le milieu des affaires et qui ont travaillé dans le domaine de la comptabilité savent que les échappatoires avec Revenu Canada sont nombreuses pour quelqu’un qui ne veut pas respecter les lois ni payer de l’impôt.

Il m’est difficile de comprendre que le Parlement et le gouvernement ne se montrent pas sensibles à un problème qui touche des millions de Canadiens. Ma question porte sur le sujet principal de votre discours. Vous avez parlé d’équité fiscale, sénateur Woo. En ce moment, si un Canadien veut vendre sa petite entreprise à un membre de sa famille, ce membre de la famille devra payer beaucoup plus d’impôt que le ferait un étranger. À votre avis, peut-on parler d’équité fiscale?

Le sénateur Woo [ + ]

Merci de la question, sénateur Housakos. La question sous-jacente est de savoir si une vente au sein de la famille est considérée comme une opération entre personnes apparentées. Selon un principe bien établi du droit fiscal, les transactions au sein de la famille sont considérées comme de telles opérations. C’est pour cette raison que les transactions, qu’il s’agisse d’une vente, d’un transfert de biens ou du versement de dividendes, ne sont pas traitées de la même façon si elles concernent un membre de la famille ou une tierce partie externe. À moins que nous soyons disposés à contourner ou à nier ce principe de droit fiscal, nous aurons du mal à concilier la différence que vous avez soulignée.

Le gouvernement a dit qu’il voulait régler le problème, mais il est très troublant. Il faudra déployer bien des efforts pour tenir compte du fait que les opérations entre personnes apparentées doivent être traitées de façon particulière, tout en tentant de satisfaire les intérêts des propriétaires de petites entreprises, plus particulièrement d’entreprises agricoles ou de pêche familiales, qui souhaitent sincèrement garder leur entreprise au sein de la famille.

Le sénateur Housakos [ + ]

Sénateur Woo, ne croyez-vous pas qu’il serait plus raisonnable de corriger maintenant l’iniquité dans le système et d’encourager le gouvernement à continuer de tenter d’éliminer les échappatoires fiscales, comme on cherche à le faire depuis des décennies sans trop de succès?

Le sénateur Woo [ + ]

Merci de la question. Si vous avez prêté attention au discours du sénateur Gold ou écouté les témoignages au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, vous saurez qu’il existe déjà des mécanismes permettant aux agriculteurs et aux pêcheurs de transférer leur entreprise de manière progressive, en utilisant la réserve de 10 % qu’ils peuvent accumuler au fil du temps, sans que cela alourdisse leur fardeau fiscal.

Cela signifie essentiellement qu’ils vendraient directement l’entreprise à leurs enfants, plutôt que par l’intermédiaire d’une structure organisationnelle, et qu’ils procéderaient progressivement — comme y a fait allusion, je crois, le sénateur Loffreda — afin que les enfants et petits-enfants puissent disposer d’un peu plus de temps pour apprendre les ficelles du métier et acquérir les compétences nécessaires pour diriger l’entreprise.

Il existe donc déjà des mécanismes, et nous devrions y prêter attention au lieu d’adopter un projet de loi imparfait qui, premièrement, touchera bien plus que les entreprises agricoles ou de pêche familiales, et, deuxièmement, créera inévitablement des possibilités d’évasion fiscale.

Le sénateur Forest [ + ]

Est-ce que le sénateur Woo accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Woo [ + ]

Oui, bien sûr.

Le sénateur Forest [ + ]

Vous avez très bien défini l’environnement structurel problématique qui prévaut au sein des secteurs primaires, particulièrement dans l’agriculture et les pêches. La situation est d’autant plus problématique — et c’est un élément qui n’a pas été mentionné, mais qui fait partie de la réalité — que ce sont deux secteurs qui travaillent avec des quotas de production.

La valeur des entreprises et cette iniquité fiscale encouragent fortement les gens de ces secteurs à démanteler leurs entreprises. Cela signifie qu’ils vendent leurs quotas, leurs troupeaux et leurs équipements plutôt que de les transférer. Actuellement, il y a trois éléments du projet de loi qui me semblent importants. Vous les avez d’ailleurs soulignés : en premier lieu, la capitalisation maximum de 15 millions de dollars; deuxièmement, l’obligation de vendre aux enfants, et non pas à la famille éloignée; enfin, que l’acquéreur garde l’entreprise en service pendant au moins cinq ans.

Je pense que l’on devrait réfléchir aux problèmes structurels du secteur agricole et des pêches, particulièrement pour les PME. Cependant, ces trois éléments ne nous donnent-ils pas une certaine assurance — à tout le moins minimale — pour que nous tentions d’atteindre cet objectif, soit de niveler l’iniquité fiscale qui existe actuellement entre une transaction qui s’effectue entre les membres d’une même famille et une transaction qui se fait entre des personnes qui n’ont pas de lien familial?

Le sénateur Woo [ + ]

Je vous remercie de votre question, sénateur Forest.

En ce qui concerne la question de l’équité fiscale, comme je l’ai dit, ce projet de loi tente de créer un équilibre entre les ventes à des membres de la famille — qu’il s’agisse d’enfants ou de petits-enfants — et les ventes à des tiers. Il y a un déséquilibre, comme je l’ai dit — et c’est la raison pour laquelle nous en sommes rendus là —, parce que les ventes à des membres de la famille sont des transactions entre personnes apparentées. C’est ce qui constitue le point de départ. Bien entendu, nous pourrions ne pas nous en préoccuper en disant : « Laissons faire. Admettons que les transactions entre les membres d’une famille ne constituent pas des transactions entre personnes apparentées. » Cela s’avérerait dévastateur pour l’ensemble du code fiscal. Ce serait extrêmement problématique et cela donnerait lieu à des litiges, non seulement dans ce secteur, mais dans une pléiade d’autres secteurs que je ne connais pas tous, mais pour lesquels la question des transactions entre personnes apparentées se pose assurément.

L’équité fiscale peut être abordée sous divers angles, sénateur Forest. Je crois que ce projet de loi l’aborde à partir de la perspective très étroite d’une transaction, en comparant une vente à des membres de la famille à une vente à des tiers sans vraiment tenir compte du problème sous-jacent voulant que toute vente à un membre de la famille soict traitée d’une manière spéciale, puisqu’il s’agit d’une transation entre personnes apparentées.

Je comprends vos observations sur les problèmes structuraux dans les secteurs de l’agriculture et des pêches. J’espère que le Comité de l’agriculture et des forêts mènera une étude exhaustive sur le sujet et qu’il s’y attaquera de façon très rationnelle. Il faut aller au-delà des solutions pour aider les gens à se rendre au fil d’arrivée, si je peux m’exprimer ainsi, au risque de perpétuer des activités inefficaces. Il s’agit plutôt d’examiner l’ensemble du système afin de le rendre viable pour les agriculteurs, les fournisseurs d’équipement agricole et les consommateurs. Ce type de projet de loi, qui tente de réparer une petite pièce d’une machine très complexe, pourrait en fait rendre le tout encore plus inefficace. Ainsi, même si le projet de loi peut plaire en raison de son objectif d’équité fiscale, je ne crois pas que l’argument selon lequel il est bénéfique pour le secteur agricole en tant que tel tienne la route. Le secteur agricole est aux prises avec des problèmes beaucoup plus graves qui ne seront pas résolus par ces modifications au code fiscal.

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