La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Motion d'amendement--Débat
21 novembre 2023
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-234 et de l’amendement proposé par la sénatrice Moncion.
Je dirai d’entrée de jeu que ce projet de loi a été difficile à étudier, et je félicite mes collègues qui ont voulu proposer des approches qui répondent de façon sérieuse aux conséquences des changements climatiques tout en étant justes envers les agriculteurs et les gens des différentes régions du pays.
Il est indéniable que le changement climatique a des effets dévastateurs sur les Canadiens et sur les populations du monde entier, notamment en raison de l’augmentation des incendies de forêt et des phénomènes météorologiques extrêmes. Si nous ne prenons pas de mesures décisives visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, les effets du changement climatique ne feront qu’exacerber la montée du niveau des mers, l’acidification des océans, les vagues de chaleur, les tempêtes, les incendies de forêt, les inondations, les sécheresses et les extinctions massives.
En fait, le Canada se réchauffe plus rapidement que le reste du monde. Comparativement à la moyenne mondiale, le Canada se réchauffe deux fois plus vite et l’Arctique canadien, trois fois plus vite.
Chers collègues, en 2021, la température moyenne nationale était supérieure de 2,1 degrés Celsius à la valeur de référence de 1961 à 1990. Toujours en 2021, le village de Lytton, en Colombie-Britannique, a enregistré un nouveau record de chaleur canadien avec une température de 49,6 degrés Celsius, près de 24 degrés Celsius au-dessus de la normale. Le village de Lytton a été détruit par un incendie quelques jours plus tard. Le dôme de chaleur qui a touché la province pendant deux semaines a donné lieu à plus de 1 000 nouveaux records de température quotidiens locaux et a contribué à une saison d’incendies de forêt précoce et plus active que la moyenne. La chaleur extrême a aussi eu des conséquences pour la santé humaine : elle a causé 619 décès en Colombie‑Britannique.
Chers collègues, rappelons que la vague de chaleur mortelle qui a frappé le Québec quelques années plus tôt, en 2018, a causé près de 90 décès.
Le projet de loi C-234, que nous étudions actuellement, vise à élargir les exemptions déjà considérables accordées aux agriculteurs dans le cadre de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, en élargissant non seulement la définition du terme « machinerie agricole admissible », mais aussi celle du terme « combustible agricole admissible » afin d’inclure le propane et le gaz naturel.
Il y a lieu de craindre que ce projet de loi n’affaiblisse le cadre fédéral sur la tarification du carbone du Canada, puisqu’il propose des exemptions propres à un secteur et éliminerait un incitatif financier à la réduction des émissions, même dans les cas où les technologies existantes permettraient d’accroître l’efficacité énergétique.
L’agriculture est essentielle pour le Canada. Nous devons préserver notre capacité à nourrir nos citoyens et les citoyens du monde entier, et les agriculteurs canadiens comprennent l’importance de réduire les émissions, car ils sont les premiers à être touchés par les changements climatiques. C’est pourquoi la politique de tarification de la pollution reflète les réalités de l’industrie agricole canadienne et pourquoi le Canada dispose d’une multitude de programmes pour soutenir et aider les agriculteurs. Nous disposons de systèmes de gestion de l’offre pour le lait, les œufs, les poulets et les produits de l’érable. Nous avons des programmes d’assurance pour les cultures. Nous avons des mesures de protection commerciales. De plus, nous avons des programmes de financement pour les exploitations et le matériel agricoles, ainsi que des lois visant à empêcher la saisie des biens agricoles.
Les plus grands économistes conviennent que la tarification du carbone est considérée comme le moyen le plus économique et le plus efficace de réduire les émissions de carbone. La hausse des prix est un signal fort pour les consommateurs, qui comprennent que les combustibles fossiles deviendront plus chers et que l’adoption de solutions de rechange écologiques se traduira par des économies à long terme. La logique de la tarification du carbone est simple : les émissions s’accompagnent d’un coût environnemental à cause de la pollution qu’elles génèrent, donc les utilisateurs sont encouragés à réduire leurs émissions, surtout en cette période de crise climatique.
Le prix du carbone n’est pas une punition, mais une incitation à chercher des solutions de rechange et à prendre des mesures pour réduire les émissions afin d’atteindre nos objectifs.
Dans le cadre du système fédéral actuel, les agriculteurs sont spécifiquement exemptés de la taxe sur le diésel et l’essence utilisés pour faire fonctionner les moissonneuses-batteuses, les tracteurs, les camions et certaines machines. La taxe sur le carbone payée par les agriculteurs des huit provinces et des territoires en 2023-2024 est estimée par le directeur parlementaire du budget à 13 millions de dollars pour le propane et à 63 millions de dollars pour le gaz naturel, soit un total de 76 millions de dollars. De ce total, 58 % sont payés par les agriculteurs de l’Ontario, 22 % par ceux de l’Alberta, près de 16 % par ceux de la Saskatchewan et près de 4 % par ceux du Manitoba. Les agriculteurs des provinces de l’Atlantique paient moins de 1 % de ce total.
Ce sont les trois provinces de l’Alberta, de la Saskatchewan et de l’Ontario qui ont contesté la constitutionnalité du régime fédéral, comme c’était leur prérogative, au lieu de mettre en œuvre un régime provincial adapté à leur réalité, comme l’ont fait d’autres provinces et territoires.
En 2021, chers collègues, comme vous le savez, la Cour suprême du Canada a conclu que les redevances imposées par la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre sont « [...] des frais de réglementation constitutionnellement valides [...] » et ne constituent pas une taxe à proprement parler.
Fait intéressant, ce sont les premiers ministres de ces trois provinces qui ont écrit aux sénateurs pour les exhorter à adopter le projet de loi C-234, sans amendement. Il vaut toutefois la peine de souligner que ces premiers ministres n’ont jamais appuyé la tarification de la pollution. Je suis tout à fait ouvert — et le gouvernement du Canada est tout à fait ouvert — à ce que ceux qui s’opposent au régime actuel sous la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre et le désapprouvent, comme ces premiers ministres et le Parti conservateur, présentent des suggestions concrètes pour mieux lutter contre les changements climatiques.
Chers collègues, nulle part les changements climatiques ne sont‑ils plus tangibles que dans le secteur canadien de l’agriculture. Comme le fait remarquer Agriculture et Agroalimentaire Canada :
Les changements dans les régimes de température et de précipitations augmenteront la dépendance à l’égard de l’irrigation et de la gestion des ressources en eau, notamment dans les Prairies et l’intérieur de la Colombie-Britannique où les déficits d’humidité sont les plus importants, mais aussi dans les régions où il n’y a pas eu traditionnellement de besoin d’irrigation.
Le ministère ajoute :
Dans de nombreuses régions du pays, les printemps plus humides que la normale présenteront des défis tels que la nécessité de retarder les semis. Les inondations et autres événements extrêmes, y compris les incendies de forêt, peuvent entraîner la perte ou la relocalisation du bétail et endommager les cultures. La fréquence et l’intensité accrues des tempêtes pourraient entraîner des pannes de courant, touchant les systèmes de chauffage et de refroidissement du bétail ainsi que les systèmes d’alimentation et de traite automatisés.
En 2018, les dommages causés par les intempéries aux fermes canadiennes ont atteint 2 milliards de dollars, soit le quatrième coût le plus élevé jamais enregistré. Un article récemment publié dans le Globe and Mail mentionnait qu’en 2016, les feux de forêt en Alberta ont coûté presque 9 milliards de dollars. Les incendies de forêt qui sévissent actuellement dans tout le Canada ne feront qu’empirer d’année en année. Pour reprendre les termes du professeur Mike Flannigan, de l’Université de l’Alberta, ces incendies sont « attribuables au changement climatique ».
Pour les agriculteurs de l’Alberta, nous ne devons pas oublier la « récolte infernale » de 2019. Comme le souligne un article paru dans The Western Producer, la valeur totale estimée des cultures non récoltées en Alberta en raison de phénomènes météorologiques violents cette année-là s’élevait à 778 millions de dollars. Chers collègues, il est évident que nous devons agir maintenant pour lutter contre les changements climatiques afin d’aider les agriculteurs, et c’est certainement la position du gouvernement.
La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre établit des normes nationales minimales de rigueur pour la tarification des émissions de gaz à effet de serre afin de les réduire et elle impose un prix sur le carbone dans les provinces qui n’ont pas adopté de législation pour atteindre les objectifs fédéraux. C’est pourquoi on parle d’un système de filet de sécurité.
La tarification vise à motiver les particuliers et les entreprises à faire des choix de consommation et d’approvisionnement plus durables sur le plan environnemental, à réorienter leurs investissements et à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en remplaçant les produits à forte intensité carbonique par des solutions à faible émission de gaz à effet de serre.
En 2019, le Wall Street Journal a publié la Déclaration des économistes sur les dividendes sur le carbone, qui affirme qu’une taxe sur le carbone offre le levier le plus rentable pour réduire les émissions de carbone à l’échelle et à la vitesse nécessaires. Cette déclaration compte plus de 3 000 signataires, dont près de 30 économistes lauréats du prix Nobel.
Chers collègues, il convient également de souligner que l’essence et le diésel destinés à l’usage agricole représentent environ 97 % des émissions de gaz à effet de serre à la ferme. Ce sont des carburants qui ont toujours été exemptés dans le cadre de ce programme parce que le gouvernement et le programme reconnaissent que les agriculteurs, à l’heure actuelle, n’ont pas le choix de faire fonctionner leur moissonneuse-batteuse ou leur tracteur avec de l’essence ou du diésel.
Le 15 décembre 2021, le gouvernement a présenté le projet de loi C-8, Loi d’exécution de la mise à jour économique et budgétaire de 2021, qui a été adopté par le Parlement et qui a reçu la sanction royale le 9 juin 2022. Le projet de loi prévoyait que le produit de la redevance sur les combustibles payée par les agriculteurs soit remis aux entreprises agricoles dans les administrations assujetties au filet de sécurité fédéral, sous la forme d’un crédit d’impôt remboursable.
Dans le budget de 2021, il a été reconnu que « [...] de nombreux agriculteurs utilisent le gaz naturel et le propane dans le cadre de leurs activités [...] » — deux combustibles qui sont exclus de la définition de « [...] combustible agricole admissible [...] » de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Le gouvernement a donc annoncé son intention de remettre directement aux agriculteurs des provinces et des territoires assujettis au filet de sécurité fédéral une partie du produit de la tarification de la pollution.
La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre prévoit des programmes conçus expressément pour soutenir les agriculteurs canadiens. Comme je l’ai dit, la plupart des combustibles employés par les exploitations agricoles font déjà l’objet d’une exemption de la redevance sur les combustibles qui s’applique normalement. Le projet de loi C-234 vise à étendre l’exemption en élargissant la définition de « machinerie agricole admissible » pour y inclure non seulement « un bien qui sert au chauffage ou au refroidissement d’un bâtiment ou d’une structure semblable utilisés pour l’élevage ou le logement d’animaux de ferme ou pour la culture de végétaux », mais aussi « une machine industrielle ou un moteur stationnaire ou portable, notamment un séchoir à grain ». Le projet de loi inclut aussi « le gaz naturel commercialisable et le propane » dans la définition de « combustible agricole admissible ».
Le projet de loi C-8, par le biais de son crédit d’impôt, a restitué le produit de la taxe sur les carburants aux agriculteurs d’une manière qui ne va pas à l’encontre de l’objectif et des avantages d’une telle taxe, qui est d’induire des changements de comportement qui conduiront à des réductions généralisées des émissions.
L’approche du gouvernement actuel en matière de lutte contre le changement climatique ne consiste pas simplement à fixer un prix sur la pollution, mais plutôt à mettre en place un cadre à multiples facettes comprenant des investissements publics substantiels dans la recherche, le développement et l’adoption de technologies propres pour le secteur de l’agriculture.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le gouvernement s’est engagé à verser plus de 1,5 milliard de dollars pour accélérer les progrès du secteur agricole en matière de réduction des émissions et pour demeurer un chef de file mondial de l’agriculture durable, ainsi que 495,7 millions de dollars pour le Programme des technologies propres en agriculture.
Le projet de loi à l’étude, le projet de loi C-234, propose de remplacer un système conçu pour induire un changement de comportement, y compris chez les agriculteurs, par un système qui accorde aux agriculteurs un allègement financier temporaire pendant huit ans.
Le projet de loi C-234 comporte une disposition de temporisation de huit ans, période au terme de laquelle l’exemption serait réexaminée. Toutefois, tel qu’il est rédigé, ce réexamen et toute prolongation ultérieure ne seraient pas du ressort des législateurs.
L’amendement de la sénatrice Moncion élimine le mécanisme inclus dans le projet de loi C-234 pour prolonger les exemptions au‑delà de la période de temporisation par une résolution du gouverneur en conseil ou par toute autre méthode qui n’exige pas l’approbation du Parlement. Son amendement respecte entièrement la substance du projet de loi, y compris la clause de temporisation de huit ans, et il permet aussi au Parlement de prolonger l’exemption, s’il le juge nécessaire, en adoptant un nouveau projet de loi. Plus important encore pour nous, il garantirait le respect de la procédure parlementaire; tout projet de loi ultérieur ferait l’objet d’un débat approfondi et d’une étude appropriée en comité.
Chers collègues, notre rôle au Sénat est de procéder à un examen approfondi des lois adoptées par l’autre Chambre. Cela s’applique tant aux projets de loi d’initiative ministérielle qu’aux projets de loi d’initiative parlementaire comme le C-234. Il est tout à fait approprié pour le Sénat de proposer des améliorations significatives et, à mon avis, de veiller à ce que le Parlement ait son mot à dire dans la décision de prolonger ou non l’exemption dans huit ans. Cela relève de notre compétence, et je soutiens respectueusement qu’il s’agit d’une amélioration notable de la loi actuelle.
Sans l’amendement de la sénatrice Moncion, la prolongation après huit ans pourrait se faire par l’adoption d’une simple résolution dans les deux Chambres ou par une décision de l’exécutif, sans examen et surveillance parlementaires ou sans examen et étude en comité, tous des éléments essentiels du travail que nous accomplissons au Parlement et dans cette assemblée. L’amendement de la sénatrice Moncion augmente les probabilités qu’une éventuelle prolongation fasse l’objet d’un examen en bonne et due forme et d’une audience équitable.
Pour ces raisons, du point de vue de la politique et du processus, je suis d’avis que cet amendement mérite le soutien des sénateurs.
Honorables collègues, plus nous pourrons préciser clairement aux agriculteurs quand prendra fin l’exemption prévue dans le projet de loi C-234, plus ils seront susceptibles de mettre l’accent sur des technologies écoénergétiques au cours des années à venir.
D’autres amendements pourraient encore être présentés avant la fin de notre débat sur ce projet de loi. Il nous incombe d’en discuter et de déterminer leur bien-fondé. Pour ce qui est de cet amendement en particulier, veiller à ce que le Parlement et le Sénat aient toutes les chances d’étudier toute prolongation de cette exemption revient simplement, à mon avis, à faire notre travail.
En conclusion, je remercie tous les groupes d’intervenants qui se sont fait entendre. Ces derniers mois, les sénateurs ont eu l’occasion de rencontrer près d’une vingtaine de représentants de divers groupes qui appuient le projet de loi C-234 ou qui s’y opposent. Comme toujours, leurs excellentes réflexions ont été très utiles pour nos études.
Merci beaucoup de votre attention.
Sénatrice Moncion, voulez-vous poser une question?
Oui, j’aimerais poser une question au sénateur Gold.
Sénateur Gold, acceptez-vous de répondre à une question?
Avec plaisir.
Sénateur Gold, vous avez mentionné que les feux de forêt ont coûté 9 milliards de dollars et vous avez également parlé d’une somme de 778 millions de dollars liée au dôme de chaleur qui a causé la perte de certaines récoltes. Pouvez‑vous nous dire qui paie pour cette somme de 9 milliards de dollars et pour cette somme de près d’un milliard de dollars qui est liée à la perte de récoltes? Qui assume la facture de ces pertes, quand on arrive à la fin de tous les processus qui ont été mis en place?
Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je ne dispose pas de données exactes relativement aux sommes d’argent, mais c’est nous qui payons, et les agriculteurs en particulier; ce sont les contribuables et les gouvernements qui doivent payer pour faire en sorte que les familles puissent retourner à leur domicile s’il n’a pas été touché par les incendies. Les agriculteurs, eux, paient lorsque leurs récoltes ne satisfont pas à leurs besoins ou à leurs attentes.
Bref, le coût imposé au Canada, aux citoyens canadiens, à l’industrie et aux gouvernements qui doivent nous soutenir en ces circonstances difficiles est énorme. Le coût est énorme; malheureusement, il ne va pas diminuer.
Bien qu’on ne puisse pas prédire l’avenir, les experts nous répètent que, sans un effort sérieux en vue de réduire le plus rapidement et le plus efficacement possible les émissions de gaz à effet de serre et la pollution, on continuera de subir les dommages et les conséquences liés aux changements climatiques.
J’ai une question complémentaire.
Vous avez mentionné plusieurs payeurs, mais vous n’avez pas parlé des compagnies d’assurance, qui jouent un rôle important. Les compagnies d’assurance assument le coût des primes, mais est-ce que, au bout du compte, ce sont tous les Canadiens qui voient leurs primes d’assurance augmenter et qui paient la facture?
Si je comprends bien l’ensemble de vos commentaires, vous arrivez au même constat en disant que ces incidents coûtent cher à l’ensemble des Canadiens.
Ultimement, d’une façon ou d’une autre, c’est nous qui payons la note, que ce soit par le biais de nos impôts ou de nos primes d’assurance.
Je suis moi-même en période de renouvellement des assurances chez moi, et cela coûte cher. Vous avez tout à fait raison : le fardeau économique qui découle des changements climatiques est très lourd.
Cela ne veut pas dire qu’il est facile d’être un agriculteur au Canada ou que les agriculteurs n’ont pas besoin de notre soutien. Ce n’est pas du tout cela. Cependant, lorsqu’on fait l’analyse d’un projet de loi ou d’un programme gouvernemental, on doit tenir compte de l’ensemble des coûts. On doit comprendre, de façon adéquate et responsable, les coûts et les bénéfices de tel programme ou de tel projet de loi.
Merci de votre discours, sénateur Gold. La taxe sur le carbone ne me pose pas de problème au quotidien. Si je ne m’abuse, vous savez déjà que je suis fermement convaincu de la nécessité de lutter contre le changement climatique, puisque je dirige le groupe de travail du Sénat sur l’environnement et le changement climatique, dont l’objectif est de faire de notre assemblée une organisation carboneutre. De plus, comme je vis à un endroit qui se trouve à 12 pieds au-dessus du niveau de la mer, j’ai un intérêt personnel à veiller sur l’océan Atlantique.
Dans votre discours, vous avez omis de mentionner deux choses, à moins que cela m’ait échappé. D’une part, pourquoi a-t-on omis les combustibles les plus propres qu’utilisent les agriculteurs? Quelle est la raison de cette omission alors qu’au départ, des exemptions ont été accordées pour l’essence et le diésel, mais non pour le gaz naturel et le propane?
D’autre part, je me demande quand le gouvernement envisage de commencer à utiliser une technique reconnue à l’échelle mondiale. Le Canada doit commencer à séquestrer le gaz carbonique atmosphérique. Il faut retirer le carbone de l’atmosphère, et les agriculteurs peuvent jouer un rôle très important à cet égard. Quand le Canada commencera-t-il à tirer parti du rôle extrêmement important que ceux-ci peuvent jouer dans la séquestration du carbone? Le projet de loi dont nous sommes saisis ne permettra qu’une réduction minime du carbone que produisent les agriculteurs.
Je vous remercie, sénateur Gold.
Je vous remercie de votre question, qui comporte deux volets. Le gouvernement n’a pas commis d’omission lorsqu’il a choisi d’exempter seulement le diésel et l’essence utilisés par les agriculteurs partout au pays. Il reconnaissait plutôt que les agriculteurs qui utilisent une moissonneuse-batteuse, un tracteur ou un camion n’ont pas le choix. Même si, comme je l’ai dit, ces carburants comptent pour 97 % des émissions d’une exploitation agricole, le gouvernement a jugé nécessaire et approprié d’exempter ces carburants de la tarification de la pollution lorsqu’ils sont utilisés à des fins agricoles, en reconnaissance de l’important rôle des agriculteurs. C’était loin d’être une omission. C’était un choix stratégique mûrement réfléchi de la part du gouvernement, qui est en droit de prendre une telle décision dans le cadre de l’approche globale adoptée en matière de lutte contre les changements climatiques.
Cela me permet de faire le lien vers le second volet de la question. Il est vrai que des économistes du monde entier — des lauréats du prix Nobel, ou autres, et, notamment, des économistes modérés et conservateurs — reconnaissent que la tarification de la pollution est l’instrument de politique le plus efficace pour créer les incitatifs permettant d’obtenir un changement de comportement, en plus d’être l’outil le plus rentable. Toutefois, ce n’est pas le seul outil dans l’approche adoptée par le gouvernement, qui a un plan complet de lutte contre les changements climatiques. Espérer que d’autres partis — ou, à tout le moins, un autre parti — auront un plan quand ils accéderont au pouvoir n’apporte qu’un mince réconfort. En ce moment, le gouvernement a un plan, et il est en droit de légiférer pour mettre en œuvre son plan et faire des choix stratégiques, ce qu’il fait. À cet égard, comme en font foi les documents que l’ancien ministre de l’Environnement a préparé pendant son mandat et que le ministre actuel met de l’avant, de nombreux dossiers sont examinés dans le cadre d’une approche globale visant à réduire les émissions et à tirer parti de la technologie, qu’il s’agisse de la séquestration du carbone, dont vous avez parlé, de l’hydrogène propre et de bien d’autres solutions.
Ce qu’il importe de souligner ici, c’est que, parmi tout l’arsenal de politiques, de programmes, d’incitatifs, de subventions et de remboursements que nous pouvons déployer, la tarification de la pollution est l’outil qui est fondamentalement le plus efficace, le plus sensible aux marchés et le moins coûteux. Oui, elle fait augmenter le prix de la pollution. C’est pour cela qu’elle fonctionne. Elle change les comportements. Le gouvernement s’est efforcé de prévoir des mesures de soutien pour les agriculteurs et d’autres pendant la transition, pour aider ceux qui sont obligés de se chauffer avec du mazout, une des formes de combustibles fossiles les plus polluantes. On peut penser à l’exemption de trois ans accordée aux provinces de l’Atlantique — votre coin de pays — et aux généreux incitatifs et soutiens financiers pour l’achat de thermopompes. Ce sont des mesures ciblées qui incitent au changement et qui aident les gens à prendre le virage. La séquestration du carbone est un outil parmi tant d’autres.
Oui, on reconnaît que c’est un outil, mais il demeure que nous sommes l’un des seuls pays qui ne s’en sert pas. Pourtant, nous punissons de plus en plus les agriculteurs pour le peu de carbone qu’ils produisent en comparaison de l’immense quantité qu’ils peuvent stocker. Ce déséquilibre est troublant. Savez-vous si cela va changer, avez-vous quelque information que ce soit à cet égard? Tout ce que ceux d’entre nous qui ont posé la question à Agriculture et Agroalimentaire Canada ont entendu, c’est que le ministère ne s’y intéresse pas.
Je vous remercie de votre question. Il ne faut pas oublier que la lutte contre les changements climatiques n’est pas seulement une initiative du gouvernement fédéral. Elle comprend la participation des provinces, de l’industrie et des agriculteurs, qui jouent un rôle de premier plan et qui innovent. Des provinces de l’Ouest jouent un rôle de premier plan dans le développement et la mise en œuvre de nouvelles technologies. Un peu partout au pays, des projets-pilotes testent diverses approches.
Par conséquent, pour répondre à votre question, nous débattons d’un projet de loi auquel le gouvernement s’oppose, mais, plus important encore, nous débattons d’un amendement qui rétablirait la surveillance et l’examen parlementaire si le gouvernement du moment choisit de prolonger cette exemption au-delà des huit années prévues. Nous, les parlementaires — ceux d’entre nous qui seront toujours ici; compte tenu de mon âge, je ne serai qu’un observateur —, aurons l’occasion d’examiner le dossier et de poser des questions au gouvernement du moment.
Ma question est simple. Donc, si l’amendement est adopté, allez-vous voter en faveur du projet de loi?
Le gouvernement appuie cet amendement. Je voterai en sa faveur.
Comme les sénateurs le savent, si cet amendement-ci ou d’autres sont adoptés, le projet de loi, tel que modifié, sera mis aux voix en troisième lecture. Comme le Sénat aura alors fait le nécessaire pour améliorer le projet de loi, je m’attends à ce que celui-ci soit adopté. Il sera ensuite retourné à la Chambre des communes, où il sera ajouté à l’ordre de priorité.
Bon nombre de sénateurs, j’en suis sûr, savent que le système de la Chambre diffère considérablement du nôtre — je répondrai avec plaisir aux questions à ce sujet. Quand un projet de loi d’initiative parlementaire est amendé, il est placé automatiquement dans une liste en vue d’un débat. Il est inscrit dans un calendrier ordonné. Le projet de loi sera débattu à la Chambre des communes en fonction de l’ordre de priorité. La Chambre des communes, l’opposition et le gouvernement — puisque le gouvernement est minoritaire — pourront étudier les amendements apportés par le Sénat et décider ce que la Chambre en fera.
Cela dit, le point important pour le moment, c’est que nous appuyons l’amendement. Il améliorera le projet de loi.
Sénatrice McCallum, vous n’avez manifestement pas obtenu de réponse à votre question, comme c’est généralement le cas pendant la période des questions. Je peux vous dire que sais déjà comment je voterai, sénatrice McCallum. Je n’en dirai pas plus.
Honorables sénateurs, j’aimerais moi aussi m’exprimer sur ce projet de loi. Je suis heureux que le sénateur Gold, malgré tous ses efforts, ait fini par admettre que le gouvernement s’y oppose. En effet, bien qu’il se garde généralement d’intervenir dans le cadre des affaires émanant des députés, il a dérogé à sa règle dans ce cas‑ci.
Chers collègues, nous avons tous passé la semaine dernière dans nos provinces et nos régions respectives. C’est également mon cas. Je viens d’une région très rurale, qui compte un grand nombre de céréaliculteurs, d’éleveurs de porcs et de producteurs laitiers, qui dépendent tous de différents modes de chauffage et de séchage. Dans ma province, certains agriculteurs sont encore en train de récolter le maïs, et celui-ci doit être séché.
En fin de semaine dernière, j’ai assisté à un match de hockey auquel participait mon petit-fils cadet. Des agriculteurs sont venus me voir pour me remercier, ainsi que notre parti, de ce que nous faisons pour eux. Ils m’ont expliqué à quel point ils se sentaient abandonnés par le gouvernement, par le sénateur Gold, par le ministre Guilbeault et par le premier ministre, et à quel point ils attendaient avec impatience les prochaines élections, lorsque nous présenterons notre plan de lutte contre le changement climatique. La première mesure de celui-ci consistera à supprimer la taxe sur le carbone.
Chers collègues, j’aimerais prendre un instant aujourd’hui pour faire des observations sur ce qui s’est passé dans les dernières semaines. Dans son mot de bienvenue aux nouveaux sénateurs, la sénatrice Cordy a parlé d’une « saison des folies ». En effet, nous en avons au moins deux par année. Nous étions assurément dans ce genre de période le jeudi 9 novembre.
Je tiens à le souligner parce que les Canadiens doivent savoir ce qui se passe dans cette enceinte. Les Canadiens nous regardent. Croyez-moi, les Canadiens ont commencé à s’intéresser au Sénat, plus que pendant toutes les années que j’ai passées ici, depuis que le premier ministre a invoqué cette terrible Loi sur les mesures d’urgence, ce qui n’était pas du tout nécessaire. Depuis ce temps, les gens de partout au pays observent ce que fait le Sénat. Ils nous regardent aujourd’hui.
Des agriculteurs sont à Ottawa aujourd’hui; certains sont dans cette enceinte. Je les remercie d’être venus. Je remercie les agriculteurs qui sont à Ottawa aujourd’hui. Cette semaine, ils comptent rester ici. Ils veulent qu’on adopte ce projet de loi.
Je tiens à parler des transgressions qui ont eu lieu ici dernièrement parce que je crois que c’est important. Les déclarations de sénateurs d’aujourd’hui ont indiqué à quel point il est important de parler des transgressions dont nous avons été témoins ici.
Des questions de privilège sont maintenant soulevées parce que des opinions ont été exprimées et que des gens sont frustrés par les tactiques dilatoires. Le Sénat existe depuis un peu plus de 150 ans, et il a toujours fonctionné de cette façon. On encaisse les coups.
Certains sénateurs étaient là pendant la période que j’appelle « la belle époque », quand les situations comme celle qui est survenue jeudi avant la semaine de pause se réglaient autour d’une bière entre adversaires. Au lieu de cela, aujourd’hui, on accuse les autres.
Je ne sais pas de qui on parle dans une des questions de privilège. Je dois dire que — c’est peut-être de moi, d’un autre sénateur ou d’un groupe de sénateurs —, comme l’a mentionné plus tôt le sénateur Wells, une sénatrice m’a traité d’« intimidateur » le jeudi avant la semaine de pause ici au Sénat. On m’a traité d’« intimidateur » et je voudrais en parler un instant.
Je n’aime pas qu’on me traite d’« intimidateur ». Je n’aime pas non plus agir en intimidateur, mais je suis quelqu’un de passionné. Je suis passionné et déterminé à défendre les causes auxquelles je tiens. Jamais je ne m’en excuserai. Je me battrai férocement pour défendre ces causes et mon parti, mais je veux le faire dans le respect, chers collègues, et si je ne l’ai pas fait lors de notre dernière séance, ce n’était pas acceptable.
Ma femme m’a demandé quand nous allions commencer à nous comporter comme des adultes au lieu d’agir comme des enfants d’école. Nos débats commencent à ressembler à la période des questions à la Chambre des communes. J’en suis en partie responsable.
Je vais vous dire, chers collègues, quelque chose de très personnel. Le gouvernement actuel n’a pas encore rendu illégal le fait de se rendre dans sa propre chambre à coucher pour prier. Je suis sûr qu’il planche sur un projet de loi pour rendre cela illégal, mais ce n’est pas encore chose faite. Il rend illégales les prières lors des cérémonies du jour du Souvenir. Mais prier en privé n’est pas encore illégal.
Je fais la prière suivante tous les soirs : « Mon Dieu, aidez-moi à ne pas laisser les autres dicter mon attitude; ne laissez pas les autres dicter ou attiser mes frustrations; aidez-moi à être professionnel — têtu, peut-être, mais toujours professionnel. » Voilà ce que je demande à Dieu.
J’y parviens parfois, mais pas toujours. Ce jeudi-là, je me suis mis en colère — très en colère. Je ne crois pas avoir dépassé les limites du professionnalisme, mais je me suis mis en colère.
Jeudi, lorsque nous avons voulu débattre du projet de loi C-234 et que nous avons voulu tenir un vote pour aider les agriculteurs de l’ensemble du pays, on a eu recours à une motion d’ajournement pour nous en empêcher, ce que j’ai trouvé très difficile à accepter. La sénatrice Moncion a proposé un amendement dont nous avons brièvement discuté, elle et moi. Elle avait parfaitement le droit de proposer cet amendement; cela ne fait aucun doute. Je ne conteste absolument pas son droit de proposer cet amendement.
Bien qu’il était futile, cet amendement vise à torpiller le projet de loi. Soyons clairs : c’est le but de l’amendement. Peu importe l’angle sous lequel on l’observe, l’objectif est de torpiller le projet de loi. Lorsque le sénateur Gold dit que cela ne torpillera pas le projet de loi, il ne dit pas la vérité. Un amendement torpillerait ce projet de loi. Il ne verra pas le jour. Nous ne le renverrons pas à la Chambre. Lorsqu’il en a parlé, le sénateur Cotter a été clair à ce sujet. C’est le but de cet amendement.
Néanmoins, à l’étape de la troisième lecture, nous présentons des amendements qui n’ont pas été adoptés en comité. Je ne vais donc pas blâmer quelqu’un d’autre d’avoir fait exactement ce que nous avons parfois fait, probablement pour faire obstruction. Mais soyons au moins honnêtes là-dessus.
Ensuite, alors que la sénatrice Moncion n’avait pas fini de parler, ou du moins qu’elle venait à peine de s’asseoir, la sénatrice Clement s’est empressée d’ajourner le débat. La Présidente était debout en même temps que la sénatrice Clement, ce qui, comme vous le savez sans doute Votre Honneur, ne se fait pas. Lorsque la Présidente se lève, nous devons être assis, ce que j’ai fait remarquer à la sénatrice Clement. Je ne sais pas si elle m’a entendu, mais je lui ai fait remarquer qu’elle ne devrait pas être debout lorsque la présidente est debout.
Lorsque la Présidente s’est assise, il y avait trois sénateurs debout par ici, et la sénatrice Clément, ce qui fait quatre sénateurs. Le sénateur Tannas était debout de l’autre côté de l’enceinte.
La sénatrice Clement s’est vu accorder la parole en premier et nous sommes alors intervenus. La présidente a alors demandé à la sénatrice Batters si elle avait une question, et la sénatrice Batters a répondu que oui. Elle a posé une question à la sénatrice Moncion et la sénatrice Moncion y a répondu. Je crois qu’il y a eu seulement une question. Le sénateur Wells et moi-même nous sommes levés immédiatement, tout comme la sénatrice Clement. Nous nous étions levés afin de prendre part au débat. La sénatrice Clement a ajourné le débat et la Présidente lui a accordé la parole.
Je me suis levé pour invoquer le Règlement. J’ai invoqué le Règlement. La Présidente m’a entendu. Je n’ai toujours pas obtenu de décision au sujet de ce recours au Règlement et, pourtant, nous voilà toujours en train de débattre.
Elle a ensuite de nouveau donné la parole à la sénatrice Clement pour qu’elle propose l’ajournement du débat. Or, comme cette dernière nous l’a expliqué, ainsi qu’à iPolitics, elle avait décidé d’ajourner le débat parce que d’autres sénateurs souhaitaient prendre la parole. Pour paraphraser ses propos, elle souhaitait faire ajourner le débat du fait que d’autres députés souhaitaient prendre la parole.
Le fait de vouloir faire ajourner le débat du fait que d’autres sénateurs souhaitent s’exprimer est quelque peu contradictoire. Je peux comprendre qu’un sénateur souhaite ajourner le débat lorsqu’on demande de passer au vote et qu’il n’est pas prêt à se prononcer. Ainsi, lorsqu’un sénateur propose l’ajournement du débat, la motion d’ajournement doit faire l’objet d’un vote. Quel que soit le résultat du vote, on passe ensuite à autre chose. Cependant, si un sénateur souhaite prendre la parole dans le cadre du débat, la présidence ne peut recevoir de motion d’ajournement. Pourtant, c’est ce qui s’est passé.
Nous avons demandé une sonnerie d’appel et nous étions contrariés, à juste titre, je pense. Nous étions très légitimement contrariés parce que nous souhaitions débattre d’un amendement.
Le sénateur Wells, le parrain de ce projet de loi, était debout. Il est le parrain du projet de loi, mais il n’a pas été autorisé à prendre la parole, parce que la Présidente a jugé qu’une motion d’ajournement pouvait avoir préséance sur un débat. Je n’ai jamais vu cela. Depuis que j’ai été appelé au Sénat en 2009, une chose du genre ne s’est produite que deux fois.
Le premier cas était très différent, car les sénatrices Lankin et Petitclerc, concernant le projet de loi sur l’hymne national, nous ont piégés, et elles ont fait ce qu’il fallait. Il s’agissait d’un projet de loi dont on avait débattu pendant un certain temps. Elles voulaient que le projet de loi soit mis aux voix. Nous ne voulions pas en débattre plus longtemps, mais nous ne voulions pas voter non plus, parce que nous pensions perdre le vote. Nous avons donc fait en sorte qu’il n’y ait pas de vote. Je crois que le siège de la sénatrice Petitclerc était juste en face de celui de la sénatrice Lankin, et, pendant que la sénatrice Lankin s’asseyait, la sénatrice Petitclerc a levé la main. Le Président lui a donné la parole, la sénatrice Petitclerc a proposé la question préalable et ce fut la fin de l’épisode.
Je suis allé discuter avec le Président, mais il avait raison.
La sénatrice Lankin et moi en avons discuté. Elle a gagné, et je l’accepte, mais c’était dans une situation où quelqu’un voulait proposer le vote et quelqu’un d’autre voulait tout arrêter. Il ne s’agissait pas d’une situation où quelqu’un voulait débattre. Je n’ai jamais vu une telle situation.
Je ne sais pas pourquoi la sénatrice Clement a agi de la sorte, mais je sais qu’elle ne l’a pas fait sans aide — c’était clairement un effort concerté; je comprends. Malgré tout, on nous a ensuite traités d’intimidateurs parce que nous étions en colère. Nous n’étions pas en colère parce que nous venions d’essuyer une défaite, mais parce que cela ne s’était pas fait dans les règles. C’est toujours vrai; la situation n’a pas été corrigée.
Nous devons maintenant traiter une question de privilège qui découle de cette situation. Je ne soulève pas de question de privilège à ce sujet. J’en ai discuté avec la sénatrice concernée. Pour moi, c’est du passé. Je n’ai pas besoin d’un recours; c’est réglé.
Je serai toujours passionné et je me battrai encore. Je ferai tout en mon pouvoir pour faire avancer la cause des conservateurs. Dans le cas qui nous occupe, il ne s’agit pas de défendre les conservateurs, mais les agriculteurs.
Chers collègues, le projet de loi vise à soutenir les agriculteurs. Ces derniers sont à la fois intelligents et efficients. Ils savent ce qui est bon pour eux. S’il y en a qui se sont sentis offusqués quand j’ai dit que les gens de Montréal et de Toronto qui n’ont jamais mis les pieds sur une ferme ne savent pas mieux que les agriculteurs ce qui est bon pour eux, j’espère que vous ne soulèverez pas une question de privilège, parce que je vais le répéter : les agriculteurs savent mieux qu’un avocat ou un plombier de Montréal ou de Toronto ce qui est bon pour eux. Je ne changerai pas d’avis à ce sujet.
Jeudi dernier, le 9 novembre, j’ai reçu deux groupes d’agriculteurs dans mon bureau, l’un après l’autre. Le premier groupe comprenait des producteurs de grains et des producteurs de porcs qui ne dépendent pas de la gestion de l’offre; en fait, ils s’y opposent. Ils sont venus à mon bureau pour parler de deux choses. Ils m’ont fait comprendre très clairement ce qu’ils voulaient, disant : « Nous souhaitons parler de deux choses, sénateur. La première est le projet de loi C-234. Vous devez le faire adopter, sénateur. Nous avons besoin de ce projet de loi. Nous devons pouvoir chauffer nos granges, et nous devons pouvons sécher notre grain. Nous avons besoin que le projet de loi C-234 soit adopté. »
Puis, ils ont ajouté : « Nous voulons aussi parler du projet de loi C-282, sénateur. Vous devez le bloquer. C’est un mauvais projet de loi qui nuira à nos négociations. » Il s’agissait bien du projet de loi C-282, n’est-ce pas, sénatrice Gerba? Le sénateur Woo m’a regardé d’un air perplexe, et je voulais m’assurer que j’avais le bon numéro de projet de loi.
Les agriculteurs voulaient que je veille à ce que le projet de loi soit rejeté. Les six personnes qui étaient dans mon bureau étaient d’accord. Nous en avons discuté, et je leur ai dit que j’étais déjà très occupé par ma lutte concernant le projet de loi C-234, et qu’on allait se pencher sur le projet de loi C-282. J’ai dit que c’était sur la liste des priorités du Groupe progressiste du Sénat, que, lors des réunions préparatoires, nous avions négocié en fonction des priorités des autres groupes, que, selon moi, le projet de loi C-282 faisait partie de la liste et qu’il serait renvoyé à un comité en temps opportun.
Ces gens sont partis, puis, le groupe suivant qui est entré était un groupe de producteurs laitiers, de producteurs de poulet et de producteurs d’œufs. Ils ont dit : « Monsieur le sénateur, nous avons besoin de votre aide en ce qui concerne deux projets de loi. Nous voulons que vous adoptiez le projet de loi C-234 parce que nous devons chauffer les bâtiments où se trouvent nos poulets et nos œufs. Nous avons besoin de votre aide en ce qui concerne le projet de loi C-234. Que pouvez-vous faire pour nous aider? » Je leur ai dit ce que nous faisions. Je leur ai demandé : « Quel est l’autre projet de loi? » Ils ont répondu que c’était le projet de loi C-282. Ils ont dit : « Monsieur le sénateur, nous voulons que vous adoptiez le projet de loi C-282 le plus rapidement possible. »