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La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Suite du débat

21 novembre 2024


Honorables sénateurs, le débat sur cet article est ajourné au nom de l’honorable sénatrice Pate, et je demande le consentement du Sénat pour qu’il reste ajourné à son nom.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Le consentement est-il accordé?

Son Honneur la Présidente [ - ]

Il en est ainsi ordonné.

Honorables sénateurs, beaucoup d’entre vous se souviennent peut-être qu’à l’automne 2018, le Sénat a adopté le projet de loi C-83, qui visait à mettre fin à l’isolement cellulaire au Canada. Il y a eu un certain nombre de votes, et un amendement a été adopté. En fin de compte, l’amendement a été rejeté par le gouvernement, et tous les groupes et caucus au Sénat ont exprimé leur appui à la version non amendée du projet de loi. Après l’adoption du projet de loi, la regrettée sénatrice Josée Forest-Niesing, ainsi que les sénateurs Pate et Klyne, sont passés à l’action, en organisant des visites dans diverses prisons du pays pour leurs collègues du Sénat. Cette initiative visait à déterminer si la mise en œuvre du projet de loi allait vraiment permettre de remplacer l’isolement cellulaire par un placement dans des unités d’intervention structurée — je pense que seul le nom a changé — et de donner suite aux mesures jugées si importantes.

Beaucoup d’entre nous ont visité des établissements pénitentiaires. Je crois qu’environ 40 sénateurs ont effectué des visites de suivi. Je me suis rendu au pénitencier de Dorchester au Nouveau-Brunswick, à l’établissement de Springhill en Nouvelle-Écosse, ainsi qu’à l’établissement Nova pour femmes dans la même province. J’ai de vifs souvenirs de ma visite à l’établissement de Springhill, car la sénatrice Forest-Niesing était censée y être, mais elle est entrée à l’hôpital cette semaine-là et, malheureusement, n’en est jamais ressortie.

Ce travail est vraiment à sa mémoire. En effet, le projet de loi S-230 dont je parle aujourd’hui est une mesure législative qu’elle avait l’intention de présenter.

Le projet de loi inclut des recommandations du Sénat qui ont été acceptées et envoyées à la Chambre, mais que le gouvernement a rejetées. Le sujet a donc été étudié par le Sénat. Les 40 sénateurs qui ont fait ces visites ont notamment formulé des observations. La sénatrice Pate a consigné beaucoup de données, et son équipe a travaillé fort pour produire un rapport sur nos conclusions collectives, qui s’intitule Senators Go to Jail. Je pense qu’il a peut‑être été téléchargé à de nombreuses reprises parce que les gens ont mal compris le titre. Cela dit, c’est vraiment un document important. Je vais me contenter de dire que, après chaque visite, je me demandais pourquoi nous appelons nos prisons des « établissements correctionnels ». Parmi les personnes qui vont en prison, 99 % réintègrent la société. Je ne pense pas que nos façons de faire dans les prisons créent des conditions propices à la réussite. C’est plutôt le contraire.

Je pense que nous devons y réfléchir en tant que société, parce que, ma foi, pourquoi un entrepreneur s’en soucierait? Quand je pense aux sommes d’argent qu’on dépense, je pense aux établissements de santé mentale, et la sénatrice Pate en connaît beaucoup plus que moi à ce sujet. Dans les établissements de santé mentale pour femmes, on dépense un demi-million de dollars par an par personne. Est-ce qu’on obtient les résultats escomptés? Les prisons à sécurité maximale pour hommes coûtent plus de 200 000 $ par an par personne. Est-ce qu’on crée les conditions de réussite qui feront baisser les taux de récidive quand les gens qui sortent de prison? Est-ce qu’on leur donne les moyens de se réinsérer dans la société de façon fructueuse?

Là où le bât blesse, c’est avec les unités d’intervention structurée. Ceux d’entre nous qui sont mariés depuis longtemps savent que quand il y a escalade d’un conflit, on s’attire généralement beaucoup plus d’ennuis. Nous en avons tous fait l’expérience. Savoir désamorcer une situation est une compétence qui s’apprend et c’est une question de culture. Cette compétence est mise en pratique dans les établissements où elle est privilégiée. S’il faut recourir à l’isolement et à des unités d’intervention structurée, c’est qu’on a tout au long du processus et qu’on n’a pas créé les conditions de réussite.

Je respecte vraiment le travail assidu de la sénatrice Pate pour tenter d’apporter des changements culturels là où ce bât blesse, lorsqu’on fait fausse route et que des gens finissent dans ces unités d’intervention structurée. Nous avons commis des erreurs en cours de route. Nous dépensons beaucoup d’argent dans ce domaine.

Nous savons tous que des franges de la population sont surreprésentées dans les établissements correctionnels du Canada et que 50 % des femmes incarcérées sont des Autochtones. Nous savons tous que de nombreux groupes marginalisés sont surreprésentés dans le système carcéral. L’organisme de surveillance comptait une personne autochtone et une personne noire, qui contribuent toutes les deux à l’abandon de cette pratique et à la décision d’exercer une surveillance.

Nous devons avoir voix au chapitre. Les sénateurs sont tous autorisés à entrer dans une prison pour la visiter, et nous avons la chance d’en sortir. Je l’ai fait à trois reprises et ce sont des expériences que je ne peux pas oublier. En tant qu’entrepreneur, je dois dire que nous dépensons beaucoup d’argent dans ce domaine. Il y a toutes sortes d’approches différentes qui sont adoptées ailleurs dans le monde.

Nous ne devons pas oublier que 99 % des personnes qui vont en prison en sortiront. Mettons-nous en place les conditions nécessaires à leur réussite? Risquent-elles de causer d’autres préjudices, que ce soit envers elles-mêmes, ceux qui les entourent ou leur collectivité, ou s’engageront-elles sur la voie de la réussite parce que la peine qu’elles purgent dans nos établissements correctionnels a marqué un tournant dans leur vie?

Je suis loin d’être convaincu que c’est ce qui se passe en ce moment. Je salue les efforts de la sénatrice Pate pour nous diriger vers une voie parallèle, possiblement sous la forme d’expériences dans certains établissements. Une telle approche nous aidera à emprunter un chemin légèrement différent à l’avenir.

Nous avons les ressources nécessaires. Le problème existe. Nous n’obtenons pas de résultats positifs.

Merci de votre travail, sénatrice Pate.

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