Règlement, procédure et droits du Parlement
Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat--Débat
30 avril 2024
Sénateur Plett, dans le cas d’une motion de fixation de délai du gouvernement, les modifications proposées du Règlement prévoient que chaque leader d’un groupe parlementaire disposera de 20 minutes pour prononcer un discours et répondre à des questions. Soit dit en passant, cette disposition ne limite pas les interventions aux cinq leaders de groupe; elle touche « tous » les leaders des groupes reconnus. Les débats sur une motion de fixation de délai étant limités à deux heures et demie, cela signifie que les 100 autres sénateurs, qui ne sont pas des leaders, auront à peine le temps de s’exprimer au cours d’un tel débat. Cela va à l’encontre du principe du Sénat selon lequel tous les sénateurs sont égaux.
Cette modification du Règlement réduit également le temps dont dispose le leader du gouvernement, qui propose la fixation de délai, pour répondre aux questions des autres sénateurs. Cela permet au gouvernement d’éviter de rendre des comptes sur son recours à l’outil le plus draconien pour limiter le débat.
Sénateur Plett, ces modifications du Règlement concernant le débat sur la fixation de délai ne signifient-elles pas que l’opposition ne disposerait potentiellement que de 20 minutes accordées uniquement le leader de l’opposition, sur les deux heures et demie que dure au maximum un débat sur la fixation de délai? Comment peut-on penser que cela permet de demander des comptes au gouvernement sur une mesure aussi draconienne?
Merci beaucoup, sénatrice Batters. Je suis d’accord avec vous là-dessus. De toute évidence, le gouvernement a recours à la fixation de délai pour faire avancer ses projets de loi. Il n’y a donc qu’un seul caucus au Sénat qui s’oppose aux projets de loi du gouvernement, et les droits de ses membres leur sont retirés à deux égards. Premièrement, je disposerai effectivement, en tant que leader du gouvernement, des 20 minutes qui me sont allouées, mais il se peut fort bien que vous n’ayez pas de temps de parole. Tous les autres sénateurs de notre caucus risquent de ne pas avoir de temps de parole. Donc, l’opposition au Sénat n’aurait pas le temps de s’exprimer. Vous avez raison, le leader du gouvernement aimerait bien, dans ce cas-ci, limiter son temps de parole parce qu’il ne veut pas répondre aux questions. Il va donc épuiser ses 20 minutes, et il n’y aura plus de temps pour les questions.
Comme je l’ai dit dans mon discours, je ne vois vraiment pas comment les quatre caucus qui appuient essentiellement les projets de loi, qui appuient la fixation de délai pourraient avoir tout le temps de parole, tandis que le seul caucus qui s’y oppose n’en a pas. Et tout cela se ferait sous les auspices de la transparence, de l’ouverture et de l’équité.
Je suis tout à fait d’accord et je vous appuie, bien sûr.
Je vous remercie. Sénateur Plett, comme vous l’avez souligné dans votre discours, en utilisant la motion du gouvernement pour modifier le Règlement, le sénateur Gold escamote l’étude par un comité. Pendant de nombreuses semaines, le Comité du Règlement, dont je suis vice-présidente, a étudié la question de l’équité entre les groupes. Le comité n’est pas arrivé à un consensus au sujet des modifications au Règlement, dont certaines avaient déjà fait l’objet d’une tentative d’adoption forcée.
Bon nombre des modifications les plus mineures contenues dans la motion omnibus à l’étude ont en fait été approuvées par l’opposition conservatrice au sein du Comité du Règlement. Nous avons essayé de séparer les modifications sur lesquelles on a pu s’entendre de la partie plus grande et plus controversée, au sujet de laquelle il n’y avait pas consensus. Nous aurions alors pu parvenir à un accord sur un grand nombre de modifications. J’ai essayé à deux ou trois reprises de proposer cette avenue au comité, mais les sénateurs nommés par Trudeau ont refusé de donner leur accord; pour eux, c’était tout ou rien. Dix-huit mois se sont écoulés depuis. Aujourd’hui, 18 mois plus tard, le gouvernement Trudeau présente une motion omnibus draconienne au Sénat.
Sénateur Plett, à la lumière de tout ce qui s’est passé, êtes-vous d’avis que le gouvernement Trudeau souhaite empêcher l’opposition de faire son travail?
Encore une fois, je ne peux qu’être d’accord avec vous. J’ai suivi attentivement les travaux du Comité du Règlement. Vous faites de l’excellent travail, et ce, même si je ne souscris pas à certaines propositions que des membres du Comité du Règlement voulaient mettre de l’avant. Je vous félicite, vous, la sénatrice Ataullahjan et les sénateurs MacDonald et Wells, de nous appuyer et de défendre nos intérêts. Cela devient de plus en plus difficile.
Comme le sénateur Gold l’a précisé, je ne veux pas essayer d’attendre un consensus. En fait, je ne ferai aucun effort pour parvenir à un consensus. De toute évidence, comme vous l’avez dit, il y a eu des problèmes dans les travaux du Comité du Règlement même là où il y avait un consensus. Comme je l’ai dit dans mon discours, j’ai eu l’occasion d’être convoqué à titre de témoin, il y a quelques mois. J’avais accepté de participer au sujet de ce que le sénateur Gold nous propose d’intégrer au Règlement. J’ai dit que j’étais favorable lors de cette réunion. Pourtant, toute cette démarche est contournée.
Ce qui aurait dû se produire, à mon avis, sénatrice Batters — bien que je ne suis pas d’accord avec de nombreux éléments de la motion —, c’est qu’elle aurait dû être soumise au Comité du Règlement. Si le Comité du Règlement n’était pas arrivé à un consensus sur un nombre suffisant de points, alors cette motion aurait dû faire l’objet d’un débat approprié au sein du Comité du Règlement, qui aurait pu convoquer des témoins, y compris des experts. D’autres leaders auraient pu être convoqués pour présenter leur point de vue au comité.
Nous n’obtenons rien de cela en ce moment. Le sénateur Gold et Justin Trudeau veulent nous forcer à adopter cette motion de manière précipitée. Ils passent outre le comité. Ils piétinent son président, qui appartient pourtant à leur groupe de sénateurs, et disent : « Le Comité du Règlement n’est pas à la hauteur. Moi, le leader du gouvernement, et moi, Justin Trudeau, savons mieux que quiconque ce qu’il faut faire et nous allons imposer notre solution. Nous ne nous soucierons plus du Comité du Règlement, car il prend trop de temps et il s’attarde trop aux détails. Il tente de relever les problèmes avant de modifier quoi que ce soit et nous ne voulons pas cela. »
Merci, sénateur Plett.
Ma question porte principalement sur l’obsession du gouvernement à l’égard de la réforme du Sénat et son entêtement à vouloir changer ce qui, à mon avis, fonctionne parfaitement bien. Si quelqu’un pouvait éclairer ma lanterne et me dire quel est le problème qu’on tente de résoudre, je pourrais peut-être alors comprendre l’utilité de cette motion. Le Sénat a deux rôles. Le premier rôle consiste à veiller à l’adoption des projets de loi qui émanent d’un gouvernement légitimement élu, et le second rôle consiste à demander des comptes au gouvernement. Ces dernières années, on a constaté qu’il n’y a qu’un petit groupe de sénateurs qui se préoccupent de demander des comptes au gouvernement, alors que nous avons un gouvernement qui est obsédé par l’idée de changer les règles.
La question que je me pose est de savoir pourquoi le gouvernement est si obsédé par la modification des règles et des procédures de cette Chambre du Parlement. La deuxième question que je vous pose... vous avez fait allusion dans votre discours au fait que, depuis 1867, il n’y a jamais eu de modifications des règles de procédure au Sénat du Canada sans un consensus des deux côtés de la Chambre. Est-il déjà arrivé, quelque part dans le monde, que les règles et les procédures d’une Chambre appartenant à la tradition parlementaire de Westminster ont été modifiées unilatéralement par le gouvernement, sans parler de l’utilisation de la fixation de délai pour y parvenir?
Merci, sénateur Housakos. Je répondrai d’abord à votre deuxième question. J’ai posé la même question au sénateur Gold : quand cela a-t-il été fait, dans le passé? A-t-on déjà vu pareille chose dans un Parlement qui fonctionne selon le système de Westminster? Avez-vous un exemple? Il n’a pas pu nous donner un seul exemple.
Nous avons fait beaucoup de recherches sur cette question. Vous en conviendrez probablement, mon discours reposait sur quelques recherches. C’était un discours plutôt exhaustif. Mon personnel a fait beaucoup de recherches pour essayer de trouver ne serait-ce qu’un seul exemple. Nous n’y sommes pas arrivés. J’aurais cru que le leader du gouvernement, avant de présenter une motion de la sorte, se serait au moins assuré de pouvoir nous citer un précédent survenu depuis 1867. Il n’a pas pu nous en donner un. Je ne suis pas arrivé à en trouver un.
Votre première question concerne le fait que nous sommes ici pour étudier les projets de loi du gouvernement et je suis d’accord avec vous là-dessus, sénateur Housakos. Je l’ai déjà dit à de nombreuses reprises. Notre rôle est d’essayer d’améliorer les projets de loi du gouvernement, si possible, d’amender ces projets de loi et de les renvoyer à l’autre endroit. Notre rôle n’est pas d’essayer de défaire les projets de loi du gouvernement.
Nous, les conservateurs, respectons les élections. Nous en gagnons certaines, nous en perdons d’autres. Malheureusement, depuis 1867, nous avons perdu plus que nous n’avons gagné, mais nous avons bon espoir que nous remporterons les prochaines. Nous sommes très optimistes à ce sujet. Nous espérons donc que les sénateurs d’en face accepteront les résultats de ces élections, comme nous avons accepté les résultats des élections depuis 2015.
Le gouvernement actuel était au pouvoir depuis huit ans lorsqu’il a présenté sa première motion de fixation de délai dans cette enceinte, car il n’avait jamais eu besoin d’un tel outil avant. Le sénateur Harder corroborerait certainement mes dires, et le sénateur Gold pourrait le faire aussi, à contrecœur, car il a utilisé la fixation de délai pour quelques projets de loi.
En réalité, au cours des cinq ou six dernières années — même si je n’étais pas leader pendant toute cette période; j’étais whip, et je travailler avec notre leader de l’époque —, nous avons réussi à négocier des dates pour les votes sur chaque mesure législative. Nous n’avons jamais garanti que nous allions soutenir les projets de loi du gouvernement, car ce n’est pas notre rôle. Cependant, nous avons négocié des délais. Nous avons négocié des délais, sénateur Housakos, sur des mesures législatives comme les projets de loi C-69, C-48 et C-11. Le gouvernement a fait adopter tous les projets de loi qu’il nous a présentés, à l’exception des deux derniers, et maintenant le sénateur Gold a perdu patience et ne veut plus entendre l’opposition ni tenir un débat en bonne et due forme. À son avis, discuter d’une question pendant quelques heures comme nous l’avons fait ce soir est un débat en bonne et due forme. C’est ce que pense le leader du gouvernement au Sénat.
Pour ce qui est d’en débattre convenablement, même si je n’approuve pas cette approche, j’aurais préféré que le sénateur nous accorde un délai raisonnable en nous disant qu’il veut faire adopter la motion avant l’ajournement pour l’été. Cela aurait été relativement raisonnable et nous aurait permis d’étudier la proposition dans une certaine mesure. Or, il n’est pas de cet avis, et selon lui, deux ou trois heures suffisent pour en débattre convenablement. Comme la sénatrice Batters l’a souligné, on est prêt à fixer un délai et à nous priver de notre droit de parole, y compris pendant le débat sur la fixation de délai, afin de faire adopter cette motion à la hâte.
Tous les projets de loi d’initiative ministérielle qui ont été présentés par ce gouvernement incompétent ont été adoptés rapidement au Sénat. On cherche encore une fois à précipiter les choses avec une attitude rappelant celle de Goliath face à David.
Sénateur Plett, le gouvernement actuel a été élu en 2015, puis réélu en 2019 et en 2021 et, comme vous l’avez indiqué à juste titre, l’opposition a été plus qu’accommodante. Nous avons respecté les résultats de ces élections. Le gouvernement a été plus interventionniste en imposant — unilatéralement — à cette Chambre ses plans de réforme du Sénat sans respecter la Constitution. Nous avons acquiescé à toutes ces mesures.
Croyons-nous toutefois que c’est approprié, une fois de plus, à un moment où il change les règles et les procédures en ces derniers jours de son règne? Est-il approprié pour le gouvernement de se présenter dans cette Chambre nommée composée d’une pluralité de sénateurs nommés et de dire « Nous allons recourir à la fixation de délai pour changer les règles de fonctionnement de cette Chambre » à un moment où, manifestement, il perd le soutien — le soutien démocratique — de la population?
Encore une fois, merci, sénateur Housakos. Très facilement, le sénateur Gold aurait pu au moins dire : « Je vais présenter une motion, et ce sera une motion pour la présente session, un ordre sessionnel. » Mais il s’en moque maintenant. Il a le pouvoir. Il a l’appui des sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants et, en grande partie, de ceux du Groupe progressiste du Sénat et du Groupe des sénateurs canadiens. Il n’a donc pas besoin de ces pouvoirs pour l’instant. Mais il pense à l’avenir et Justin Trudeau aussi. Ils savent que, d’ici un an à un an et demi, ils seront dans l’opposition. C’est pourquoi il s’efforce d’ores et déjà de créer au moins deux partis de l’opposition. Son parti et le Groupe des sénateurs indépendants seront les deux partis de l’opposition. C’est pourquoi il faut faire vite. C’est pourquoi on ne peut pas procéder avec un ordre sessionnel.
Nous verrons si le sénateur Gold nous permettra de présenter des amendements. Pour l’instant, tout porte à croire que nous n’y aurons pas droit. Nous verrons s’il nous autorisera à présenter des amendements afin de déterminer s’il s’agit d’une mesure dont il estime avoir besoin pour faire avancer le programme du gouvernement. Car si c’est tout ce dont il a besoin, nous pouvons le faire sous la forme d’un ordre sessionnel, puis cela s’effondrera au moment des élections, et le prochain gouvernement n’y sera pas tenu.
Cependant, je soupçonne qu’il n’acceptera pas un tel amendement, parce qu’il en a plus besoin pour après les élections qu’avant.
Sénateur Plett, en vous écoutant, je me suis demandé si vous pensiez que l’opposition conservatrice avait agi de manière responsable. Après tout, nous étions en mesure de rejeter le premier budget. Je me souviens d’avoir siégé au Comité des finances, le sénateur Harder était alors leader du gouvernement, et nous avons appuyé le budget.
Encore une fois, sénatrice Ataullahjan, je vous remercie. Votre remarque est excellente. Le fait est que nous croyons qu’il est de notre devoir, en tant qu’opposition, de nous opposer, mais pas de défaire ce gouvernement. Ce n’est pas notre rôle. Notre travail consiste à nous opposer à la mesure législative et, habituellement, à l’amender. Notre rôle n’est pas de défaire le gouvernement. Notre rôle n’est pas de rejeter un budget. Vous avez tout à fait raison. Lors des premiers votes, étrangement, nous avons constaté que certains sénateurs avaient besoin d’aller prendre un café lorsque le budget a été mis aux voix, et ils n’étaient pas toujours de retour en temps voulu pour un vote. Vous avez donc tout à fait raison.
Notre parti a joué son rôle de parti de l’opposition de manière responsable. Je suis là depuis le début du gouvernement actuel, et je pense que nous avons certainement été un parti de l’opposition très responsable. Nous avons des sénateurs tels que la sénatrice Marshall, qui relève les lacunes de ces budgets, et ce, mieux que quiconque au sein du gouvernement. Même après avoir pris connaissance de ces lacunes, nous veillons à ce que le gouvernement ne perde pas de votes sur le budget.
Vous avez raison, sénatrice Ataullahjan. Nous sommes plus que conciliants et plus que justes. Nous sommes un parti de l’opposition très responsable.
Sénateur Plett, vous avez fait beaucoup de recherche. Pouvez-vous me dire s’il existe une autre assemblée législative parlementaire ailleurs dans le monde démocratique où l’opposition ne jouit pas de droits et de privilèges spéciaux?
Merci, sénatrice Ataullahjan. Comme je l’ai dit plus tôt, j’ai posé cette question au sénateur Gold lorsqu’il a prononcé son discours parce que je n’ai pas été en mesure de trouver des exemples. Le sénateur Gold n’en a pas donné non plus. Si les sénateurs ont des exemples, dites-le-moi, car je ne crois pas qu’il y en ait.
Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Oui, bien sûr.
Je comprends ce que vous dites à propos du gouvernement qui tente de faire avancer son programme, mais vous avez parlé dans votre discours de la réduction de la durée de notre pause repas, qui aurait lieu de 19 heures à 20 heures. Je me demande seulement quel est le motif de cette proposition. Nous avons quitté le Sénat à 18 heures. Le temps de trouver un endroit où manger, il est 18 h 10, et 50 minutes ne sont pas suffisantes pour manger et revenir ici. Pourquoi réduire d’une heure la durée de la pause? Pourquoi a-t-elle lieu de 19 heures à 20 heures? Cette période ne semble pas suffisamment longue.
J’appuie entièrement vos propos, sénatrice Marshall. Il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles une pause-repas a lieu de 18 heures à 20 heures, même celle-ci. J’ai réussi à me rendre à une réception qui a eu lieu aujourd’hui sur la Colline, à laquelle participaient des hommes et des femmes en uniforme, des policiers et des policières de partout au pays. Ces personnes sont venues dans bon nombre de nos bureaux. Elles tenaient une réception ce soir et avaient invité bon nombre d’entre nous. Je me suis précipité là-bas. J’ai réussi à manger un peu. Quelques-uns de mes collègues étaient présents.
Nous avons parlé à de nombreux policiers, nous les avons remerciés des services qu’ils rendent à la société et nous nous sommes dépêchés de revenir ici. Il nous a fallu une pause de deux heures. Cela aurait été totalement impossible avec une pause d’une heure.
Pas plus tard qu’hier soir, j’ai rencontré un sénateur qui m’a dit : « Vous savez, je ne me suis jamais rendu compte de ce que vous faites pendant ces pauses pour le souper, parce que je ne fais pas partie d’un caucus comme le vôtre. » Je lui ai expliqué que nous utilisons ce temps pour rencontrer des intervenants dans nos bureaux. Je rencontre des gens du Manitoba qui viennent en visite et qui aimeraient souper avec moi. Habituellement, les mardis et les jeudis, j’ai du temps de 18 heures à 20 heures, parce que c’est l’heure de la pause. Comme vous le savez, nous tenons souvent nos réunions de caucus de 18 heures à 20 heures. Tout cela serait autrement impossible.
À mon avis — et je n’ai entendu personne dire le contraire —, la motion propose de mettre la pause du souper de 19 heures à 20 heures dans l’espoir qu’à 19 heures, nous aurons réglé la plupart des éléments à l’ordre du jour et que nous n’aurons pas besoin de revenir après le souper, puisque nous préférerons ne pas être ici après 20 heures. Je suis payé pour être ici pendant trois jours, du matin jusqu’à minuit. C’est notre horaire de travail, mais ce n’est pas vraiment celui que certains souhaitent. Ils préféreraient travailler seulement pendant les trois quarts de chaque journée et voudraient donc qu’on raccourcisse un peu tout cela.
C’est la seule raison qui semble motiver le changement proposé, à mon avis. Personne n’a réussi à me répondre à ce sujet. Je suis d’accord avec vous. De toute évidence, si vous allez souper au restaurant et que vous devez commander, une heure ne suffit pas. Je suis de votre avis.
Serait-ce parce qu’en réduisant d’une heure la pause du souper, nous pourrions tout régler avant minuit? Je crois n’être jamais restée ici jusqu’à minuit. Était-ce la raison du changement, selon vous? Je me le demande.
Sénatrice Marshall, je pense que le raisonnement était que nous terminerions tout avant 19 heures et que nous retournerions ensuite à la maison. Il est difficile de tout terminer pour 18 heures. Comme vous le savez, sénatrice Marshall, nous n’avons pas été très coopératifs lorsque la Présidente nous a demandé de ne pas tenir compte de l’heure. Nous répondons généralement par la négative. Nous le faisons probablement plus souvent que d’autres sénateurs.
Cela signifie que nous devons revenir à 20 heures, même s’il ne reste qu’une heure de travail. C’est la bonne façon de procéder. Nous ne pouvons qu’espérer que la plupart des travaux soient terminés à 19 heures, de sorte que nous n’ayons pas à revenir du tout.
Sénateur Plett, selon vos recherches, existe-t-il d’autres Chambres dans le monde démocratique où il n’y a pas d’opposition officielle désignée au Sénat, pour le Sénat au gouvernement?
Non. Comme je l’ai dit plus tôt, sénateur MacDonald, j’espère que, si nous posons la question assez souvent ici, le sénateur Gold prendra peut-être la parole pour poser une question et que sa question nous offrira possiblement une réponse. Jusqu’à présent, je ne l’ai pas vu le faire. Selon mes recherches, il n’y en a pas.
Au Sénat, le Groupe des sénateurs indépendants est présenté comme étant indépendant. À la Chambre des communes, les députés indépendants disposent-ils d’un temps de parole illimité, du droit de reporter les votes ou de tout autre droit conféré à un parti reconnu?
Non, pas du tout. Encore une fois, sénateur MacDonald, j’essaie de comprendre pourquoi on ferait une telle chose ici, mais je ne suis pas sûr de comprendre quel est le but d’accorder ces pouvoirs à d’autres. Comme l’a souligné à juste titre le sénateur Gold, nous n’enlevons de droits à personne. Eh bien, si on ajoute un demi-verre d’eau à un demi-verre de scotch, ce dernier devient un peu moins fort. C’est la même chose dans le cas présent. Si on accorde les mêmes pouvoirs à quelqu’un, on dilue les pouvoirs de quelqu’un d’autre.
Quoi qu’il en soit, cette règle n’empêche pas notre whip de reporter les votes, mais elle permettra aux autres whips, aux agents de liaison, aux facilitateurs et aux dompteurs de lions de reporter également les votes.
Je ne sais pas ce qui motive cette mesure parce que le fait est que, encore une fois, il y a un caucus de l’opposition et quatre caucus du gouvernement, et le gouvernement a déjà le droit de reporter les votes. L’opposition a le droit de reporter les votes. On n’élargit pas vraiment la portée d’une mesure en accordant à trois autres membres du gouvernement le droit de reporter les votes. Cette mesure ne fera que créer davantage de problèmes.
Comme je l’ai dit, quand vient le temps de s’entendre sur la sonnerie, la Présidente demande au whip du gouvernement si les whips se sont entendus. Habituellement, il s’agit du whip de l’opposition et du whip du gouvernement. Maintenant, elle devra demander à la cantonade si les sénateurs se sont entendus. Supposons qu’un vote ait lieu aujourd’hui et que la sénatrice Seidman déclare : « 30 minutes ». La sénatrice LaBoucane-Benson a beau accepter, si la sénatrice McPhedran, une sénatrice non affiliée, dit « non », la sonnerie sera automatiquement fixée à une heure.
Encore une fois, il ne s’agit que d’une tentative pour se donner une image vertueuse. C’est vraiment le seul but de cette motion : se draper dans la vertu. La raison pour laquelle j’affirme cela, c’est que la motion ne changera rien.
Il faut dire que les libéraux sont passés maîtres dans l’art de dire à tout le monde : « Nous faisons cela pour vous. » Ils ne font rien pour personne. À part le fait que quelques personnes de plus pourront reporter un vote, c’est le statu quo. Je ne vois pas pourquoi certains voudraient pouvoir reporter un vote, parce que, habituellement, ils veulent que les projets de loi soient adoptés. C’est plutôt notre groupe qui veut reporter des votes habituellement. Il peut arriver que le gouvernement, quand il craint le résultat, demande le report d’un vote, mais c’est habituellement l’opposition qui le fait. Maintenant, les quatre ou cinq groupes du gouvernement pourront le faire.
Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Bien sûr.
Je vous remercie.
J’ai essayé d’écouter attentivement chaque mot de votre intervention avant le souper. Ce soir, je reviens pour poser une question très élémentaire : quel est le problème ici?
Je voudrais vous poser une question à ce sujet — non pas au sujet de toutes les préoccupations que vous pouvez avoir concernant les différentes modifications, mais concernant l’idée que ces travaux ont été précipités, étudiés à toute vitesse ou imposés. Je ne suis pas leader d’un groupe; ce que je suppose, en tant que sénatrice qui travaille avec tout le monde, c’est que nous avons consacré du temps à la modernisation ou à l’amélioration du Règlement depuis le jour où je suis devenue membre du Comité sur la modernisation. J’ai passé du temps au Comité du Règlement, où j’ai appris qu’il faut discuter au Sénat de certaines questions, mais que dans le cas d’autres questions, il est possible de les regrouper pour en discuter au Comité du Règlement.
J’envisage peut-être cette question avec un bagage différent, et d’autres sénateurs qui viennent d’arriver et n’ont peut-être pas eu ces expériences. Là où je veux en venir ce soir, c’est à l’effet de précipitation, de contrainte, à l’impression que quelque chose est imposé. Est-ce que cela signifie que les leaders de chaque groupe, ensemble ou individuellement, n’ont pas eu l’occasion d’en discuter? Cela veut-il dire qu’il n’y a pas eu un processus de consultation pendant lequel vous avez eu le sentiment que votre participation et votre voix avaient du poids avant que ces travaux n’arrivent à cette table? Est-ce la raison pour laquelle vous avez l’impression que tout va si vite?
Je veux comprendre cela d’une manière générale. J’ai l’impression que c’est un problème récurrent, et je voulais connaître votre opinion à ce sujet.
Merci beaucoup, sénatrice.
Oui, j’ai parlé à maintes reprises de l’adoption précipitée ou imposée d’initiatives gouvernementales. Je pense que c’est un problème inhérent au gouvernement actuel depuis quelques années. Le représentant du gouvernement au Sénat nous dit régulièrement : « Nous allons recevoir tel ou tel projet de loi. Je ne sais pas exactement quand nous l’obtiendrons, mais puis-je avoir votre accord pour que nous le fassions adopter très rapidement lorsqu’il arrivera ici? »
Nous devrions peut-être au moins voir la mesure législative.
J’ai été accusé par le ministre de la Justice ou le ministre de la Défense nationale, à l’autre endroit, de retarder l’adoption du projet de loi C-21 alors qu’il n’avait même pas encore été adopté par la Chambre des communes ou, du moins, alors qu’il n’avait pas encore été renvoyé au Sénat. Malgré cela, on m’a accusé d’en retarder l’adoption. Puis, lorsque nous l’avons reçu ici, il aurait fallu l’adopter à toute vitesse. C’est ce que le gouvernement nous dit de faire pour des mesures législatives ordinaires.
Comme je l’ai dit plus tôt, d’une manière ou d’une autre, je fais partie des agents politiques depuis l’époque du sénateur Harder et le début de celle du sénateur Gold, et nous sommes parvenus à étudier des projets de loi très controversés, notamment le projet de loi C-69, la loi qui interdit la construction de pipelines, ainsi que les projets de loi C-48 et C-11. Il s’agissait de projets de loi auxquels nous nous opposions au plus profond de nous-mêmes, mais j’ai négocié avec le gouvernement des délais qui nous donnaient un certain temps pour en débattre, et nous garantissions qu’à une certaine date, il y aurait un vote. Cela ne voulait pas dire que nous allions voter pour. Le sénateur Gold dit toujours : « À telle date, je veux que ce soit adopté. » Je suis désolé, mais, à telle date, vous voulez un vote. Vous voulez peut-être qu’il soit adopté, mais je ne veux pas qu’il le soit.
Nous avons donc coopéré sur ce point, monsieur le sénateur.
Le sénateur Gold a parlé de cette motion jeudi, il y a deux semaines. C’est comme si c’était hier au Sénat. Je suis le leader de l’opposition et j’en parle aujourd’hui. La menace de la fixation de délai plane déjà sur nos têtes à l’heure actuelle, alors que le sénateur Gold ne cesse de répéter : « Je veux un débat approfondi et rigoureux. » Je pense que ce sont les mots qu’il utilise. « Cependant, mais je vais proposer la fixation de délai après une journée et demie. »
Le sénateur Dalphond affirme parfois que les leaders se réunissent à huis clos. Je ne pense pas que ce soit le cas. Encore une fois, je risque d’être réprimandé pour l’avoir dit, mais, oui, monsieur le sénateur, les leaders ont discuté de cette question aujourd’hui. Ils étaient quatre contre un. Ils ont dit : « Nous voulons que ce soit adopté maintenant. » J’ai dit : « Pouvons-nous avoir quelques semaines? » Ils ont répondu : « Non, nous voulons que ce soit adopté maintenant. » C’est quatre contre un.
Qu’est-ce que cela va changer pour les sénateurs? Qu’est-ce que cela va changer pour les Canadiens? Que nous adoptions cette motion cette semaine ou dans deux semaines, qui, au Canada, le saura? Quoi qu’il en soit, sénateur, on ne nous donnera pas la possibilité de proposer des amendements en bonne et due forme.
J’ai fait part de bon nombre de mes réserves à l’égard de cette proposition. Il y a environ quatre, voire cinq amendements légitimes que nous aimerions au moins proposer. Nous n’aimons pas cette motion, mais nous devrions au moins travailler ensemble pour tenter de l’améliorer. Il faudrait au moins nous écouter et prendre en considération les amendements que nous avons à proposer. On pourra ensuite débattre de ces propositions d’amendement et les mettre aux voix.
Allons-nous tenter d’ajourner le débat? Est-il possible que nous tentions de reporter des votes? C’est indéniable. Cela fait partie des moyens dont l’opposition dispose. Quoi qu’il en soit, la motion sera quand même adoptée. Rien ne changera dans cette enceinte ou au pays d’ici au 21 juin ou peu importe la date de notre dernière séance. Les choses ne vont ni s’améliorer ni s’aggraver si cette motion est adoptée le dernier jour de séance.
Pourquoi procéder en quatrième vitesse? Quelqu’un dit : « Nous attendons cela depuis neuf ans », alors qu’est-ce qui nous empêche donc d’attendre 60 jours de plus?
J’espère avoir répondu à votre question.
Sénateur Plett, accepterez‑vous de répondre à une question?
Oui.
Merci.
Je crois vous avoir entendu faire valoir que ces changements aux règles ne sont pas nécessaires, puisque tous les sénateurs peuvent exercer librement toutes les fonctions sénatoriales et participer sur un pied d’égalité à n’importe quelle activité.
Sénateur Plett, puis-je participer à la période des questions aux ministres? Puis-je participer ouvertement aux déclarations de sénateurs? Suis-je informée à l’avance des hommages qui seront rendus aux sénateurs retraités ou décédés?
Vous avez dit que tout sénateur peut être nommé à un comité. Cela signifie-t-il que le Comité de sélection me nommera directement à un comité? Grâce au sénateur Housakos et à vous, j’ai l’honneur de siéger au Comité des affaires sociales, car vous avez eu la gentillesse de me céder une place; cependant, comme vous me le rappelez de temps à autre, vous pouvez me la retirer.
Ma question, sénateur Plett, la voici : si tout sénateur peut participer de manière égale à n’importe quelle activité, comme vous l’avez affirmé, cela signifie-t-il qu’un groupe doive libérer un siège à un comité pour que j’en fasse partie?
Voyez-vous quoi que ce soit dans les règles proposées qui mettrait tous les sénateurs sur un véritable pied d’égalité, y compris ceux qui ne sont pas membres d’un caucus?
Merci beaucoup, sénatrice McPhedran. Après ce soir, je pense que nous devrons peut-être discuter de ce siège au Comité des affaires sociales. Non, sénatrice McPhedran, nous sommes très heureux que vous soyez membre de ce comité.
Je pense que nous vous avons, à l’occasion, cédé du temps de parole pendant la période des déclarations de sénateurs, et peut-être même pendant la période des questions. Cependant, vous avez raison, sénatrice McPhedran : il y a des limites.
Premièrement, je crois sincèrement que tous les sénateurs sont égaux. Vous avez le droit — et vous exercez ce droit aujourd’hui — de prendre la parole pour participer au débat et poser des questions. Vous avez les mêmes droits que tout le monde dans cette enceinte. Nous pouvons en débattre, tout comme nous pouvons débattre de la question de savoir s’il faudrait élargir le rôle des sénateurs non affiliés. Sénatrice McPhedran, comme je l’ai dit à maintes reprises, ici même et lors de rencontres des leaders, la question des sénateurs non affiliés relève, selon moi, du gouvernement. Ma bonne amie et actuelle leader adjointe était aussi leader adjointe à l’époque où nous formions le gouvernement. Elle avait pris sous son aile les sénateurs indépendants non affiliés et veillé à leur trouver diverses fonctions pour qu’ils accomplissent diverses choses. Je maintiens depuis le début que c’est la responsabilité du gouvernement. Comme pour beaucoup d’autres choses, il s’est entièrement dérobé à ses responsabilités à cet égard — et parfois à l’égard d’autres sénateurs et d’autres caucus — mais dans ce cas précis, c’est au gouvernement qu’il incombe pleinement de veiller à ce que les sénateurs se voient attribuer certaines fonctions.
Bref, sénatrice McPhedran, la motion à l’étude ne change rien pour vous. Elle ne porte pas atteinte à vos droits et elle ne vous accorde rien de plus. Elle ne vous donne rien. Nous perdons quelque chose. D’autres gagnent quelque chose. Votre situation demeure la même. C’est peut-être une bonne chose. Cela ne l’est peut-être pas. Ce n’est pas l’objet du débat de ce soir. Mais la motion à l’étude ne vous aide en rien.
Diriez-vous que ce que vous venez de décrire tient de l’égalité ou de l’obligation inhérente au privilège?
Je pense que c’est de l’égalité. La raison pour laquelle je pense qu’il s’agit d’égalité, c’est que vous avez autant le droit de rejoindre un caucus. Je crois aux caucus. C’est ma conviction profonde. Je pense qu’il devrait y avoir deux caucus : un caucus du gouvernement et un caucus de l’opposition. Je pense que tout sénateur devrait avoir le droit d’être un sénateur indépendant, et nous en avons toujours eu. La sénatrice McCoy était indépendante. La sénatrice Anne Cools était une sénatrice indépendante à l’époque où nous avions deux caucus, et ils fonctionnaient très bien. Je sais qu’ils ont parfois fait enrager la sénatrice Martin parce qu’elle voulait des certitudes, alors que la sénatrice Cools connaissait probablement le Règlement du Sénat mieux que quiconque au Sénat.
C’est vrai.
Elle savait donc comment s’assurer de parvenir à ses fins.
Je suppose que je suis de cette école, sénatrice McPhedran. Je sais que cette sénatrice indépendante était vraiment mon égale. Je suis désolé, mais je pense que vous êtes aussi l’égale de n’importe qui ici. Vous n’avez peut-être pas les mêmes possibilités. Dans une certaine mesure — c’est peut-être votre choix et si ce n’est pas votre choix, alors c’est le choix du gouvernement — d’être dans cette position et non pas celui de l’opposition.
Je ne sais pas à quel point mon intervention ressemblera à une question, mais écouter tout ce débat a fait remonter quelques réflexions que j’ai tous les jours ici. Je suis très heureuse de faire partie de ce groupe de sénateurs, le Groupe des sénateurs canadiens. J’ai siégé dans d’autres caucus. J’ai siégé à titre de sénatrice indépendante. Les préoccupations que j’avais à l’époque n’ont fait que prendre de l’ampleur.
Nous avons déjà parlé de ce sujet, c’est-à-dire le recours à des projets de loi omnibus, où le gouvernement met tout et n’importe quoi dans un projet de loi budgétaire, sachant très bien que, selon la tradition, les sénateurs ne font pas obstacle aux projets de loi budgétaires, pas plus que nous les modifions. Je pense toutefois que cette approche est utilisée de manière abusive, comme on a pu constater une hausse du recours à cet instrument au fil des ans.
Nous invitons des députés — des ministres — à participer à la période des questions ici et ils font souvent preuve du même manque de respect envers le processus que dans leur propre Chambre. Ils ne répondent pas à nos questions. Les réponses ont souvent un caractère hautement politique. Donc, je me pose des questions au sujet de cette partie du processus.
À la Chambre des communes, les libéraux et les néo-démocrates profitent régulièrement de leur majorité au sein des comités pour mettre fin au débat et l’étouffer. Cela a été le cas pour de nombreux projets de loi sur lesquels je me suis penchée. Ils mettent fin à l’examen. Ils bloquent même de simples questions, puis les projets de loi nous parviennent en piètre état. Ils n’ont pas fait l’objet d’une présentation ou d’un examen approprié à l’autre endroit, pas plus qu’ils n’ont fait l’objet d’amendements appropriés, et ils arrivent sur nos bureaux accompagnés d’un échéancier et voilà maintenant qu’on propose une restriction permanente concernant le débat au Sénat.
Je crains que trop de gens dans l’arène politique, certainement dans les médias et, à mon avis, dans le public en général, ne comprennent pas vraiment ce que nous faisons ici. Le second examen objectif est une partie essentielle de notre système parlementaire. Notre travail est encore plus important lorsque les gouvernements sont élus avec une majorité ou qu’ils bénéficient d’un appui qui leur permet d’agir comme s’ils détenaient la majorité.
J’ai examiné le travail de nos collègues les sénateurs Greene et Massicotte. Au fil des ans, leurs propositions de réforme n’ont pas été bien reçues lorsque la balance du pouvoir, politiquement parlant, était différente. Je suis très préoccupée par ce que je considère être une baisse de respect de la part de nos collègues parlementaires de l’autre endroit. C’est le message qu’ils ne cessent de nous envoyer. C’est un manque de respect à l’égard de notre rôle.
Était-ce une question?
Oui. Êtes-vous d’accord?
Votre Honneur, je peux trouver une question dans l’intervention de la sénatrice. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’une question.
Sénatrice Wallin, je suis d’accord avec vous. En toute honnêteté, le manque de respect a commencé il y a quelques années et il s’est aggravé au fil du temps. Il ne fait aucun doute que la situation est pire maintenant qu’elle ne l’a jamais été.
J’ai été membre du gouvernement au Sénat, comme vous, sénatrice Wallin — nous étions collègues au sein du gouvernement —, et nous recevions parfois des projets de loi qui ne nous plaisaient pas trop et d’autres qui étaient trop volumineux. Toutefois, ce n’était rien en comparaison avec ceux d’aujourd’hui. Les gens diront : « Eh bien, Stephen Harper l’a fait, lui. » Certes, mais on en a tiré des leçons, puis on a foncé tête baissée et empiré la situation.
Sénatrice Wallin, je ne me souviens pas qu’on nous ait déjà demandé d’adopter un projet de loi avant de l’avoir reçu. Pourtant, c’est ce qu’on nous a demandé de faire dans ce cas-ci. Ensuite, on nous dit qu’on nous respecte. On nous dit régulièrement ceci : « Je ne sais pas quand je recevrai ce projet de loi, mais quand je le recevrai, pouvez-vous me garantir que vous l’adopterez très rapidement? Oh, en passant, il se peut que je demande le consentement parce que je vais vouloir qu’il soit adopté très rapidement. »
Il ne fait aucun doute que cela a empiré au fil des années. Nous faisons partie d’un caucus national. Certains des membres de mon parti à l’autre endroit ont-ils toujours le respect qu’ils devraient, à mon avis, avoir pour nous? Non, pas toujours. Toutefois, notre caucus nous témoigne beaucoup de respect parce que nous faisons partie de ce caucus.
Cela ne veut pas dire que tout le monde doit faire de même, mais c’est l’un des avantages de faire partie d’un caucus national. S’il y avait un caucus libéral national, il pourrait peut-être susciter et imposer un certain respect. Toutefois, ce n’est pas le cas. Il y a trois membres du gouvernement ici qui n’admettent pas qu’ils font partie du gouvernement. Au fond, cela signifierait que nous n’avons donc pas de gouvernement au Sénat. Comment pouvons-nous nous attendre à un certain respect, puisque ce respect n’est pas nécessaire?
Je suis d’accord; cela va mal depuis longtemps, mais la situation n’a jamais aussi mauvaise que maintenant, et les gens sont en colère. Dans tout le pays, les gens sont en colère. C’est l’une des raisons pour lesquelles on commence à prêter attention au Sénat : dans tout le pays, les gens sont en colère. Quand nous parlons ici — et je l’ai déjà dit, le discours que j’ai fait l’année dernière a été vu plus de 700 000 fois. C’est assez considérable. C’est parce que les gens sont en colère, et ils écoutent, et ils disent : « Que fait le gouvernement? »
La période des questions du Sénat commence à susciter l’intérêt au pays en raison des questions que l’opposition pose au gouvernement. Nous commençons à attirer l’attention partout au pays, en grande partie parce que les Canadiens sont en colère, ont peur ou, bien franchement, ont faim, car ils n’arrivent pas à se nourrir en raison du gouvernement.
Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?
Oui.
Vous avez dit que vous aimiez le modèle des deux caucus, comme celui qui existait dans le bon vieux temps : un caucus libéral et un caucus conservateur.
Je vais précéder ma question d’un commentaire. Depuis le début de la Confédération, il y a toujours eu deux caucus. La joute, ou la game, si on veut parler en bon franglais, c’était que le caucus ou le parti au pouvoir contrôlait le caucus du même parti au Sénat. Tout cela se faisait par un processus de nomination, puis en plaçant les bons joueurs aux bons endroits, et enfin en faisant imposer la ligne de parti aux caucus au Sénat, qui était la même que dans les caucus de l’autre endroit.
Ce jeu où le parti au pouvoir contrôle le Sénat est de plus en plus documenté par les politicologies, et il ne permet pas au Sénat de s’acquitter de son rôle de Chambre du second examen objectif parce que parfois, dans le passé, nous avons été obligés de suivre la ligne de parti du gouvernement de l’heure.
Ce fait est documenté, alors comment croyez-vous qu’un Sénat composé de deux caucus puisse être indépendant s’il est contrôlé par l’autre endroit?
C’est exactement ce que nous disons.
Je crois que vous répondez à ma place, sénatrice Bellemare. Vous devriez le savoir, puisque vous avez fait partie de tous les caucus et avez fait partie du gouvernement deux fois. En tant que conservatrice, vous avez fait partie du gouvernement, puis vous avez été leader adjointe du gouvernement pour les libéraux. Je crois que vous avez plus d’expérience que quiconque à savoir comment cela fonctionne.
Le système à deux caucus fonctionne bel et bien, et nous ne sommes pas contrôlés par l’autre endroit. Mon caucus n’est pas contrôlé par l’autre endroit. Pas du tout. Quoi que vous en disiez, ce n’est pas le cas.
Nous influençons l’autre endroit.
Je mets quiconque ici au défi de consulter le registre de nos votes.
Nous sommes fondamentalement conservateurs. Nous partageons une même philosophie.
Le gros bon sens.
Nous sommes animés par le gros bon sens, et il fut un temps où c’était aussi votre cas, sénatrice Bellemare, parce que vous étiez une conservatrice. Désolé, je ne voulais pas laisser entendre que vous ne faites pas preuve de bon sens, mais vous n’êtes pas une conservatrice pleine de bon sens.
Nous avons des valeurs conservatrices et nous croyons fermement au programme du Parti conservateur du Canada. C’est pour cette raison que nous travaillons pour lui. C’est pourquoi beaucoup d’entre nous travailleront fort aux prochaines élections pour faire élire un conservateur plein de bon sens.
Cela ne signifie pas que nous sommes contrôlés par l’autre endroit. C’est plutôt que nous sommes animés par une conviction profonde. Même à l’autre endroit, sénatrice Bellemare, il y a des catégories de vote. Du côté des conservateurs, le chef peut voter différemment qu’un grand nombre des députés parce qu’ils ont des catégories de vote. Nous n’avons pas de tels mécanismes.
Nous assistons au caucus national — la plupart d’entre nous, mais pas tous — sans y être obligés. En fait, nous ne sommes même pas tenus d’être membres de ce caucus. Nous pouvons être membres du caucus ici, sans l’être du caucus national. Peu importe l’angle qu’on adopte, ce n’est pas possible. Nous ne sommes pas contrôlés.
Je suis le premier président du Parti conservateur du Canada. J’ai contribué à fonder ce parti. J’ai presque 74 ans. Il me reste un an. Je sais que beaucoup d’entre vous ont hâte, mais il me reste encore un an pour vous irriter.
J’ai 74 ans, et je n’imagine pas me faire imposer une discipline de parti par qui que ce soit. Pierre Poilievre et moi sommes-nous du même avis sur 85 % des enjeux? Oui. Nous sommes tous les deux conservateurs. Nous avons des valeurs conservatrices. Sommes‑nous d’accord sur tout? Non. Il a présenté son point de vue à propos de certains enjeux pour lesquels vous connaissez ma position. Bref, nous ne sommes pas toujours d’accord, mais nous sommes tous les deux conservateurs.
Sénateur Plett, le gouvernement Trudeau limite aussi la capacité qu’a l’opposition de demander des comptes au gouvernement en fixant une limite au nombre de questions écrites que peut soumettre un sénateur : cette limite est de quatre par sénateur. Peut-être s’agit-il, selon le gouvernement Trudeau, d’une façon d’harmoniser la pratique du Sénat et celle de la Chambre en ce qui concerne le nombre maximal de questions écrites. Fait important, toutefois, le caucus des sénateurs conservateurs ne compte que 13 membres alors qu’à la Chambre des communes, l’opposition conservatrice compte environ 120 députés, qui peuvent tous poser quatre questions écrites. La différence est considérable.
Sénateur Plett, certaines des questions écrites cruciales que vous posez se retrouvent dans les nouvelles des principaux réseaux du pays. Cela s’est produit le mois dernier, quand la réponse du gouvernement à votre question écrite a révélé que le gouvernement Trudeau avait déjà dépensé 40 millions de dollars pour son programme de rachat d’armes et ce, sans avoir racheté aucune arme.
Sénateur Plett, le nombre maximal de questions écrites que propose la motion ne nuirait-il pas considérablement au pouvoir de l’opposition?
J’allais sortir la pile de réponses que j’ai reçues aujourd’hui, mais je ne suis pas censé utiliser d’accessoires.
Sénatrice Batters, vous avez tout à fait raison. C’est quelque chose qui irrite le gouvernement au plus haut point. J’ai d’excellents employés qui font un travail de recherche formidable pour moi — et, en fait, pour mon parti et pour les conservateurs de tout le pays — et qui ne cessent de mettre en lumière la corruption qui règne au sein du gouvernement.
C’est un problème pour ce gouvernement — le gouvernement Trudeau, la coalition Trudeau-Jagmeet Singh. Il est censé répondre aux questions auxquelles il ne veut pas répondre. Il se dit : « Il y a ces embêtants conservateurs d’en face qui ont le culot de nous poser des questions. Ils ont l’audace de nous poser ces questions, alors nous allons limiter ces questions. » Voilà ce qui se passe. Cela nuit à l’extrême au rôle de l’opposition.
Pourquoi pas cinq? Pourquoi pas six? Pourquoi pas illimité? Nous ne sommes plus que 13 membres, bientôt 12, mais ils ont si peur de nous. Le sénateur Gold a si peur de nous qu’il doit présenter une motion pour que je ne puisse plus lui poser de questions.
J’attends le jour où il essaiera de supprimer la période des questions parce que, bien sûr, nous ne faisons que reprendre les notes d’allocution, selon lui. Nous ne faisons que reprendre les notes d’allocution. Il n’aime pas nos questions. Moi non plus je ne les aimerais pas, surtout si je ne pouvais pas y répondre.
Sénateur Plett, le gouvernement Trudeau dépeint la participation de sénateurs au caucus national d’un parti politique comme une mauvaise chose. Vous êtes un fier membre du caucus conservateur depuis votre nomination au Sénat. Pouvez-vous nous faire part de la façon dont vos discussions avec des députés de partout au Canada lors du caucus national et de votre caucus régional vous ont aidé à faire votre travail? Comment les sénateurs peuvent-ils contribuer au travail de leurs collègues élus dans le cadre de ce système?
Merci. Bien sûr, sénatrice Batters. Au caucus national lui-même, nous sommes évidemment des membres à part entière. Ceux d’entre nous qui le souhaitent sont membres à part entière de ce caucus national. J’ai ma place, avec le reste de l’équipe de direction, pour rédiger le rapport du Sénat. On nous pose des questions. Nous avons la possibilité de le faire, mais nous ne sommes pas obligés de le faire. Au-delà de cela, nous faisons tous partie du même groupe. Nous pouvons échanger des idées. Il peut arriver qu’un député demande de l’aide dans sa circonscription. Quand un sénateur d’expérience vient donner un coup de main, c’est inestimable pour un député. C’est aussi utile pour les recherches. Nous pouvons nous communiquer le résultat de nos recherches respectives. Il arrive que mon bureau fasse des recherches pour un député. Un député peut me poser une question sur un enjeu donné et je demande à des membres de mon personnel de lui donner un coup de main.
C’est de la collaboration. C’est un travail d’équipe. D’ailleurs, nous formons une grande équipe. Je le dis encore, je regarde avec une certaine compassion — en quelque sorte — les sénateurs qui ne font partie d’aucune équipe parce qu’on se sent un peu seul quand on vient ici, à Ottawa, et qu’on ne fait pas partie d’un groupe de camarades ou qu’on ne travaille pas, de façon générale, à l’élection du très honorable premier ministre et des députés.
Je sais que de nombreux sénateurs disent qu’ils ne sont pas libéraux, mais ils recueillent des fonds, et ils font une grande partie de cela. Je pense que c’est formidable de faire partie de cette équipe et de participer, comme nous l’avons fait encore ce soir, en allant à une réception et en étant là avec nos collègues, qui sont — oui — des députés de l’opposition. Au cours de la réception aujourd’hui, j’ai eu une excellente discussion avec mon amie Judy Sgro. Nous avons eu une très bonne discussion. Ensemble, Judy Sgro et moi-même avons présenté la Loi fédérale sur le paiement rapide des travaux de construction pour les entrepreneurs du pays. Ainsi, nous avons appris à travailler en mettant parfois la partisanerie de côté.
Honorables sénateurs, j’ai écouté mon amie et collègue la sénatrice Bellemare faire la leçon au Sénat en soutenant qu’il est inapproprié que des gouvernements exercent une influence et un contrôle sur les sénateurs dans cette enceinte. Sénatrice Bellemare, je suis ici depuis maintenant 16 ans. J’étudie avec ferveur notre processus parlementaire au Sénat. Je vous rappelle que vous êtes la présidente du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, et je pense qu’aucun de vos prédécesseurs n’aurait toléré dans cette enceinte qu’un leader du gouvernement propose une motion qui modifie unilatéralement les règles et les procédures sans passer par le comité. Je vous encourage à consulter tous les anciens présidents du comité, tous les anciens Présidents du Sénat, libéraux ou conservateurs. Ils vous diront à quel point c’est déplorable.
Je sais que vous n’êtes pas ici depuis assez longtemps pour le savoir, sénateur Cardozo, mais, dans une période de questions, il y a un débat et une période de discussions, et nous avons l’occasion dans le cadre du débat de répondre aux questions posées par nos collègues. Cela ne vous plaît peut-être pas, mais c’est ainsi.
Sénateur Plett, il y a quatre groupes dans cette enceinte. Il ne fait aucun doute qu’il y a un groupe qui critique très vigoureusement le gouvernement. Puis, il y a trois autres groupes qui, et je pense que tout le monde le reconnaît maintenant — les médias, le public et les gens d’en face —, se livrent la plupart du temps à un second examen objectif et dont les votes révèlent leur position sur des enjeux politiques. Dans l’ensemble, ils ne sont pas aussi solides que l’opposition.
Voici mes questions. Peut-on dire sans risque de se tromper que le gouvernement préfère aujourd’hui avoir deux groupes au Sénat : un groupe des sénateurs indépendants, qui a été nommé par le gouvernement, ainsi que le caucus de l’opposition, qui critique vigoureusement et quotidiennement le gouvernement et lui demande des comptes? Tente-t-il ainsi de réduire les critiques et d’élever au même niveau un groupe de sénateurs qu’il a nommés, et qui ont l’habitude de l’appuyer plus que le de critiquer?
Merci, sénateur Housakos. J’aimerais revenir brièvement sur vos premières observations, car je suis d’accord avec vous pour dire, tout d’abord, qu’il est scandaleux que le sénateur Gold empiète complètement sur les responsabilités du Comité du Règlement avec cette motion. Encore une fois, il agit ainsi parce qu’il ne veut pas de transparence. Il veut faire adopter la motion à toute allure. Si on renvoyait la question à un comité, il y aurait des audiences. On pourrait faire comparaître des témoins qui souligneraient les lacunes de la motion. Il a tenu la présidente à l’écart en lui disant simplement qu’elle est incapable de faire adopter quoi que ce soit, même si on s’est entendu sur bien des choses au sein de ce comité, comme la sénatrice Batters et d’autres l’ont souligné.
Premièrement, sénateur Housakos, vous avez tout à fait raison de dire que le gouvernement cherche essentiellement à faire obstacle à l’opposition.
Il suffit de voir tout ce qui est proposé pour limiter le nombre de questions que nous pouvons envoyer — ce qui est probablement l’un des aspects les plus choquants — et limiter notre temps de parole sur une motion de clôture de telle sorte qu’il se pourrait qu’aucun sénateur de l’opposition à part moi ne puisse prendre la parole pendant 20 minutes.
Cela étoufferait complètement l’opposition. Ensuite, ils viennent dire que cette mesure ne nuit pas à l’opposition. En fait, elle coupe l’herbe sous le pied de l’opposition, car ils ne veulent pas de transparence. Ils ont honte de ce qu’ils font. Ils essaient de faire tout cela sous le couvert de l’obscurité pour faire adopter la motion le plus rapidement possible et pour que, dans quelques semaines ou un mois, les gens aient oublié ce qui s’est passé.
C’est ainsi que le gouvernement agit. C’est ainsi que le premier ministre agit systématiquement. Comme je l’ai dit dans mon discours il y a une semaine, il fait quelque chose, puis il s’excuse. Il vole de l’argent à quelqu’un? « Je m’excuse. Voici un chèque. » Il tripote une journaliste? « Je m’excuse. Je ne savais pas que vous étiez une journaliste d’envergure nationale. » Toutefois, cette expérience a été instructive non seulement pour moi, mais aussi pour le reste du pays.
C’est ce que fait le premier ministre. Il s’excuse au nom du pays tout entier, et non en son nom propre. Il fait adopter des choses à toute vapeur au Sénat et à l’autre endroit. Aujourd’hui, il a fait en sorte que le Président désigne notre chef par n’importe quel nom, et ce n’est pas grave. Mais lorsque notre chef s’est levé pour se défendre, on l’a prié de quitter la Chambre. Voilà le genre de gouvernement que nous avons à l’autre endroit. C’est le genre de régime incompétent qui règne là-bas, et cela s’infiltre ici et se manifeste également sur les banquettes ministérielles.
J’ai une question à vous poser, sénateur Plett. Avez-vous déjà vu, à la Chambre ou au Sénat, une situation où des règles de procédure ont été modifiées sans le consentement de l’opposition officielle? Cela s’est-il déjà produit?
Je critique trop souvent le sénateur Gold en disant : « Je demande une réponse en un mot. Répondez-moi en un seul mot. » Alors, à votre question, je répondrai par un seul mot, sénateur Housakos : non.
Sénateur Plett, il me déplaît toujours de soulever des questions lorsque quelqu’un n’est pas au Sénat, mais ma bonne amie, la sénatrice Lankin, n’est pas là. Je tiens toutefois à soulever ce point. Le gouvernement lui a confié la responsabilité de faire adopter les modifications au Règlement. Je suis membre du Comité du Règlement. Ma collègue, la sénatrice Bellemare, a toute ma confiance pour gérer ce comité. Je suis curieux de savoir si la sénatrice Lankin, à qui on a confié cette responsabilité, s’est déjà adressée à vous, vous a contacté ou vous a demandé de discuter de ces changements?
Oui, pour être juste envers la sénatrice Lankin, sénateur MacDonald, elle m’a appelé. Elle m’a demandé si nous pouvions nous rencontrer pour discuter de la motion. Évidemment, ce n’est pas un compte rendu textuel parce que cela remonte à un certain temps, mais, en gros, je lui ai répondu : « Oui, sénatrice Lankin, je serais prêt à m’asseoir avec vous et à en discuter, mais permettez-moi de vous dire d’emblée que je m’oppose à votre motion. Je m’oppose à la prémisse de votre motion. Je ne vois pas grand-chose que je peux soutenir dans votre motion. Je me demande donc si nous perdrions notre temps en nous rencontrant. » Nous en sommes restés là.
La sénatrice Lankin est venue à Ottawa. C’était une semaine de relâche, alors elle était à la maison, et j’étais moi aussi à la maison. Comme nous avons discuté au téléphone, je ne sais pas où elle se trouvait. J’étais chez moi. Nous sommes venus à Ottawa et j’ai à tout le moins pris la motion en compte parce que — je le répète en toute honnêteté — j’avais essentiellement donné la même réponse au sénateur Gold. Toutefois, comme les gens le savent, je suis un peu impulsif. J’avais pris connaissance de la motion; je ne l’aimais pas. J’étais frustré et j’ai répondu que je n’aimais aucun élément dans la motion. Lorsque je suis arrivé ici, je me suis dit que nous pourrions peut-être au moins en discuter. Par conséquent, une rencontre a été prévue avec la sénatrice Lankin dans mon bureau pour discuter de la motion plus en détail afin de voir s’il était possible de trouver un terrain d’entente.
Ensuite, la sénatrice Lankin a rencontré le sénateur Gold. Ensemble, ils ont décidé de ne pas se donner la peine de discuter de la motion avec moi parce que j’avais été trop catégorique sur le fait que je n’aimais pas la motion. Alors, pourquoi perdre leur temps à en discuter davantage?
Comme le sénateur Gold semble avoir recours à une motion pour contourner le processus des comités, nous n’entendrons pas l’avis des experts. Nous ne pourrons pas examiner les changements comme devrait le faire le Sénat. Nous sommes censés être maîtres chez nous — nous l’avons déjà été. La sénatrice Bellemare est une personne très compétente à la tête du Comité du Règlement. Je fais partie de ce comité.
Pensez-vous qu’il est approprié de court-circuiter le Comité du Règlement lorsqu’il s’agit d’apporter des changements aux règles fondamentales du Sénat?
Absolument pas. Sénateur MacDonald, je vous demande — ainsi qu’à la sénatrice Batters, au sénateur Wells et à la sénatrice Ataullahjan, qui sont tous membres du Comité du Règlement — de poser cette question à la présidente lors de la prochaine séance du comité : « Pourquoi ne débattons-nous pas cette motion dans cette salle? » C’est là que cette discussion devrait avoir lieu. Vous devriez poser la question suivante à la présidente et exiger une réponse : « Est-ce que le sénateur Gold vous a téléphoné pour vous dire “Je prends le relais. Vous n’êtes pas à la hauteur, alors je vais faire avancer le dossier”? »
Ironiquement, comme je l’ai dit dans mon discours, le 7 mai, votre comité tiendra une réunion afin de discuter d’une partie de ces règles. Encore une fois, que devons-nous faire de tout cela? Ça n’a aucun sens. Cela démontre l’incompétence absolue de tout ce qui se passe ici. Nous allons examiner deux fois certaines règles, mais je vous en prie, sénateur MacDonald, j’aimerais obtenir moi-même la réponse. J’aimerais que vous posiez la question à la présidente du Comité du Règlement, et peut-être qu’à la période des questions je pourrai poser la question à la présidente du Comité du Règlement si on m’autorise à poser une question à la présidente d’un comité. Manifestement, le sénateur Gold en a assez de mes questions, mais peut-être que je pourrai obtenir une réponse de la part de la sénatrice Bellemare.
Mes collègues des deux côtés du Sénat ont posé de très bonnes questions. J’ai quelques questions à poser au leader.
Je suis encore un peu étonnée et ébranlée par cette motion du gouvernement à la portée très large et je pense à l’importance du Comité du Règlement et du processus en place. Même lorsqu’une règle est débattue au Comité du Règlement et qu’elle fait l’objet d’un consensus, elle est renvoyée au Sénat, où elle y est également débattue, ce qui constitue une mesure de reddition de comptes supplémentaire.
En tant que leader adjointe, je me souviens qu’une légère modification du Règlement qui nous aurait facilité un peu la vie dans l’organisation générale du Sénat avait été acceptée par le Comité du Règlement, mais, quand elle a été renvoyée au Sénat, l’ancienne sénatrice Cools s’y était opposée. Elle avait de bonnes raisons, et nous avons eu un bon débat à ce sujet. Par conséquent, même si nous faisions partie d’un gouvernement majoritaire et que nous aurions vraiment pu imposer son adoption — il y a différentes façons de le faire, même dans le cadre des autres affaires —, nous ne l’avons pas fait. Nous avons reculé parce que n’importe quel sénateur, y compris un sénateur indépendant qui n’appartient à aucun groupe, peut dire « non » et refuser son consentement à n’importe quel moment durant les travaux fondamentaux du Sénat. Ce processus est très important, sénateur Plett. Je suis sûr que vous vous souvenez de cette époque.
Je suis très préoccupée par la façon dont nous procédons avec une motion du gouvernement qui peut faire l’objet d’une fixation de délai. Nous ne disposons pas d’un second examen objectif pour cette décision, mais il s’agit d’une motion d’une portée très vaste. Pourriez-vous nous en parler, s’il vous plaît?
Oui, tout à fait. Merci beaucoup, sénatrice Martin. Vous avez tout à fait raison. Au fil des ans, les modifications aux règles, que ce soit au sein du Comité du Règlement ou même au Sénat, ont fait l’objet d’un certain consensus, à tout le moins. À l’heure actuelle, nous n’avons droit à aucun consensus. Vous avez donc tout à fait raison.
De toute évidence, le processus aurait dû être... Tout d’abord, comme je l’ai dit, la motion devrait être renvoyée au Comité du Règlement. Sinon, nous devrions être en mesure de tenir, comme le dit le sénateur Gold, un débat approfondi et rigoureux, mais ce n’est pas le cas. Le sénateur Gold dit qu’il s’agit d’une motion du gouvernement, et c’est bien cela. Il l’a présentée comme une motion du gouvernement.
C’est choquant.
Mais quand quelqu’un — c’était le sénateur Housakos, je crois — lui a demandé sans ambages si cette motion venait de lui ou de Justin Trudeau, il a répondu que le Cabinet du premier ministre n’avait rien à voir là-dedans. Si c’est le cas, et puisque le sénateur Gold dit qu’il n’est pas le leader du gouvernement, mais plutôt le représentant du gouvernement, il ne devrait pas avoir le droit de présenter une motion du gouvernement. Il ne fait pas partie du gouvernement, comme il le reconnaît lui‑même. Il s’agit donc essentiellement d’un projet de loi d’initiative parlementaire; le sénateur ne devrait donc pas avoir le droit de fixer un délai.
De plus, le gouvernement ne devrait pas changer le Règlement.
Le sénateur Gold ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, mais il veut tout avoir, en fait. Il commence par affirmer être un représentant du gouvernement et non un leader, mais ajoute qu’il fixera tout de même un délai. Notre collègue et ami l’honorable sénateur Furey fait ensuite toutes sortes de contorsions pour dire au sénateur Gold : « Je vous considérerai comme le leader, que cela vous plaise ou non, parce qu’en tant que représentant, vous ne pouvez pas fixer de délai. Je changerai donc votre titre et je déclarerai que vous êtes le leader. »
Le matin.
Étant donné qu’il avait une autre motion de fixation de délai à présenter, il est demeuré le leader pendant les semaines ou les mois suivants, puisque c’était nécessaire. Puis, tout à coup, aujourd’hui, il n’est plus le leader et est désormais de nouveau un représentant. Par conséquent, s’il n’est pas le leader du gouvernement et s’il ne s’agit pas d’une motion de Justin Trudeau, le sénateur Gold n’a pas le droit d’en faire une motion du gouvernement.
Vous avez donc tout à fait raison, sénatrice Martin; il fixe un délai à une motion d’initiative parlementaire. Pour la première fois dans l’histoire du Canada, un projet de loi d’initiative parlementaire fera l’objet d’une motion de fixation de délai. Je n’arrive pas à le comprendre.
Donc, comme je l’ai dit, je suis sous le choc après cette motion sans précédent, une motion du gouvernement pour modifier toutes ces règles. Je m’intéresse au Règlement, comme je sais que mes homologues s’y intéressent.
J’essaie de comprendre comment cela fonctionnera. En ce qui concerne les comités, en tant que leader adjointe, je suis membre d’office. Par conséquent, je serai comptée dans le quorum et je pourrai voter, qu’il s’agisse de l’étude article par article ou de n’importe quelle motion proposée. La tradition veut que nous informions nos homologues. J’ai donc envoyé un message à la sénatrice LaBoucane-Benson pour lui faire savoir que j’allais à un comité, parce que je suis la marraine d’un projet de loi, et je faisais partie du quorum, qui a été atteint, et le comité a tenu sa réunion.
Dans les règles proposées dans cette motion, les leaders deviendront tous membres d’office, et les membres d’office sont pris en compte dans le calcul du quorum. Avec le nouveau système du gouvernement, il pourrait y avoir une réunion de comité avec seulement le leader du gouvernement et les leaders des groupes reconnus présents, et le quorum pourrait être atteint sans qu’aucun membre du comité ni personne de l’opposition ne soit présent.
Oui.
Donc, le sénateur Gold aurait le seul vote.
Le seul vote.
Est-ce l’idée que vous vous faites d’un processus démocratique?
C’est exact. En Corée, non loin de l’endroit où vous avez grandi, ce serait considéré comme un processus démocratique, bien entendu. Je pense que le sénateur Gold considérerait que ce processus est très démocratique, parce que c’est lui qui a le vote.
C’est insensé.
Si je devais être ce leader unique, je trouverais aussi qu’il s’agit d’un processus raisonnablement démocratique.
Ce sera peut-être le cas dans un an.
Tout à fait. C’est le prochain leader du gouvernement, peu importe qui ce sera, qui pourra en profiter. J’espère que je serai sur un terrain de golf quelque part. Le prochain leader du gouvernement pourra se servir de cette règle et organiser de nombreuses réunions des comités où il sera le seul à pouvoir voter.
Oui. Je le répète, sénatrice Martin, je n’arrive absolument pas à comprendre le raisonnement. Je ne sais pas qui a rédigé cette motion. J’essaie de voir où des erreurs auraient pu se glisser au moment de la rédaction de la motion. En mon for intérieur, j’essaie de me convaincre que personne n’est assez malveillant pour vouloir faire ce que propose la motion. Je veux croire qu’il s’agit d’une erreur.
Le fait qu’on nous ait prévenus que nous recevrons probablement bientôt un avis de fixation de délai... Si nous ne nous dépêchons pas, ce sera peut-être ce soir, qui sait? Il y aura une motion de fixation de délai et nous n’aurons pas l’occasion de proposer des amendements qui nous permettraient de voir si des erreurs ont été commises.
Je pense que, en toute logique, il s’agit d’une question au sujet de laquelle le sénateur Gold me dirait : « Je suis d’accord avec toi, Don. Cela n’a pas vraiment de sens. » Ou encore : « Je suis d’accord avec vous, l’opposition devrait avoir l’occasion de se prononcer au sujet des motions de fixation de délai. » L’opposition devrait pouvoir le faire.
Quelqu’un a rédigé ce libellé et a commis une erreur; du moins, c’est ce que j’ose croire parce que les gens font des erreurs. Nous le découvrirons au cours des prochains jours quand les amendements seront présentés, espérons-le. Nous saurons si c’est une erreur. Nous saurons si le sénateur Gold est démocratique et s’il accorde de la valeur à un débat rigoureux. Pour lui, un débat rigoureux se résume à ceci : « Je n’ai plus rien à dire. Votons. »
Je souhaite découvrir combien d’entre nous aimeraient que leur opinion soit entendue au cours des prochains jours. Nous verrons dans quelle direction la motion ira à partir de là.
Monsieur le leader, je regarde les changements que le leader du gouvernement veut apporter au Règlement afin que les deux titres soient mentionnés : le leader du gouvernement et/ou le représentant du gouvernement, ou « Government Representative ». Pourtant, le 25 avril 2023, le Président Furey a rendu une décision pour dire que le sénateur Gold, en tant que représentant du gouvernement, était effectivement leader du gouvernement.
Pouvez-vous expliquer pourquoi, selon vous, il veut effectuer ce changement et avoir un Règlement qui dit, en résumé, « être ou ne pas être »?
Sénateur Carignan, je me pose la même question.
On dit souvent qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, mais cela semble être ce que le sénateur Gold souhaite. Il veut porter le titre de son choix quand cela lui convient. Puis, lorsqu’il en a besoin pour parvenir à ses fins, il change de refrain et décide de porter un autre titre.
Vous avez raison. Le Président Furey a effectivement déclaré que le sénateur peut s’attribuer le titre de représentant du gouvernement s’il le désire, mais, en réalité, peu importe la désignation qu’il choisit, il demeure le leader du gouvernement.
Le Président Furey n’est pas ici, cela dit. Nous n’avons pas encore demandé à la Présidente actuelle de se prononcer là-dessus. Nous le ferons peut-être éventuellement, si le sénateur Gold continue d’insister pour dire qu’il est le représentant du gouvernement. Nous contesterons peut-être encore sa motion de fixation de délai et demanderons à notre nouvelle Présidente de se prononcer là-dessus, alors nous verrons si elle considère qu’il est le leader du gouvernement, car jusqu’à présent, on ne lui a pas posé cette question.
Je ne suis pas en train de l’aviser que c’est ce que nous ferons, mais si le sénateur Gold persiste dans son absurdité, nous devrons peut-être poser la question de nouveau pour tirer la chose au clair.
J’aurais évidemment beaucoup de questions, mais quel est le risque, avec ce précédent, qu’un leader du gouvernement — ou un représentant du gouvernement — change le Règlement et qu’il utilise le pouvoir du gouvernement pour faire cela dans un Sénat qui se dit plus indépendant que jamais du gouvernement? Selon vous, quel risque ce précédent pose-t-il?
Je pense que le risque que cela pose lors de la prochaine année et demie est très grand. Au bout du compte, je pense que la motivation du sénateur Gold est de s’assurer que la règle est en place lorsque Pierre Poilievre deviendra premier ministre, car c’est à ce moment-là qu’il aura besoin de ce deuxième parti de l’opposition.
Le sénateur Gold a presque le même âge que moi. Il est donc probable que nous serons ailleurs qu’au Sénat à ce moment-là. Néanmoins, il prépare la voie à une opposition libérale.
Je pense que le leader du gouvernement conservateur au Sénat ne s’attribuera pas le titre de représentant du gouvernement. Il admettra qu’il est le leader du gouvernement. Par conséquent, au moins une partie de cette règle sera, pendant un certain temps, mise de côté après les prochaines élections.
Merci à tous nos collègues pour cette intéressante conversation que vous avez entre vous. Nous vous écoutons aussi.
Sénatrice Coyle, avez-vous une question?
Oui, j’ai une question.
Comme vous le savez, sept autres sénateurs, peut-être huit — sans parler des autres qui ne l’auraient pas annoncé — veulent prendre la parole à ce sujet ce soir. C’est indiqué à l’ordre du jour. Des représentants de votre parti ont assisté à la réunion de préparation. Vous êtes au courant. Nous le sommes tous.
Pensez-vous conclure la conversation avec votre caucus bientôt pour permettre aux autres de débattre de ce sujet très important? Après tout, nous avons tous parlé de l’importance du débat de ce soir. Pourrons-nous entendre d’autres points de vue ce soir?
Merci, sénatrice Coyle, de cette question très importante.
La sénatrice McPhedran ne fait pas partie de notre caucus. La sénatrice Bellemare ne fait pas partie de notre caucus. La sénatrice Marty Deacon ne fait pas partie de notre caucus. La sénatrice Wallin ne fait pas partie de notre caucus. Je ne suis pas d’accord : ce n’est pas un débat entre nous.
Le Sénat est un endroit où débattre. Sénatrice Coyle, après cette question, j’espère que je pourrai en parler jusqu’à minuit parce que j’ai autant le droit...
Non, vous avez encore plus le droit à titre de leader.
... de prendre la parole pour débattre de cette question que quiconque dans cette enceinte.
Si c’est important pour vous, sénatrice Coyle, vous devriez vouloir nous entendre tous. Vous devriez vouloir entendre les questions et les réponses. D’ailleurs, nous avons posé des questions au sénateur Gold la semaine dernière et nous n’avons pas obtenu de réponses.
Sénatrice Coyle, il y aura beaucoup de temps. Si le leader du gouvernement ne présente pas de motion de fixation de délai, vous et tous les autres sénateurs — tous les 96 — devriez avoir la possibilité de prendre la parole, ce qu’il ne permettra pas. Ce n’est pas moi qui vais présenter une motion de fixation de délai, c’est lui. Votre question devrait s’adresser à lui, pas à moi.
Oui. Je suis désolée de vous avoir contrarié. Je suis désolée que nous risquions tous d’être punis ce soir à cause de mon intervention.
Je suis d’accord avec vous, sénateur Plett, pour dire que chacun devrait avoir le droit de s’exprimer sur le sujet et de participer à un débat honnête et ouvert. Oui, je veux entendre tous ceux qui veulent s’exprimer sur ce sujet. J’aimerais simplement vous demander quand nous pourrons entendre les autres personnes qui veulent participer au débat.
Quand tous les sénateurs qui veulent me poser des questions n’auront plus de questions à me poser.
Je tiens à préciser que je suis prêt à répondre à des questions. Je ne pose pas de questions; je réponds aux questions, contrairement à ce qu’a fait le leader du gouvernement quand on lui a posé des questions. Il ne répond pas. De toute évidence, vous ne voulez pas qu’on parle de tous les problèmes, car c’est ce que font mes collègues et d’autres sénateurs. Ils soulignent les lacunes de cette motion. J’ai l’impression que la majorité des sénateurs qui prendront la parole après certains d’entre nous vont plutôt faire l’éloge de cette motion.
Nous faisons donc le contraire. Nous la soumettons à un second examen objectif, sénatrice Coyle. Même votre question m’indique ce que vous pensez de cette opposition et de notre participation au débat, car il s’agit bien d’un débat.
Sénateur Plett, la motion présentée par le sénateur Gold dit que le président et le vice-président d’un comité peuvent demander une réunion. Que se passe-t-il s’il y a plus d’un vice-président dans ce comité? La demande doit-elle être faite par le président et tous les vice-présidents, ou seulement par le président et l’un de ces vice-présidents?
Si j’ai bien compris — et je me permets d’être un peu facétieux —, si aucune de ces deux personnes n’est membre de l’opposition, seuls le président et un vice-président suffiront. S’il se trouve que l’un d’entre eux est membre de l’opposition, je suis sûr qu’il faudra l’accord d’un autre membre.
Oui. Je constate également que, selon l’une des modifications proposées, il faudrait l’accord, en réponse à une demande du président et du vice-président, de la majorité des sénateurs suivants : le leader du gouvernement, le leader de l’opposition et les leaders ou facilitateurs des trois autres partis reconnus.
Il est donc possible que l’on demande une réunion de comité avec seulement une majorité, ce qui, bien entendu, pourrait exclure totalement l’opposition. Des réunions de comité pourraient désormais avoir lieu, avec le soi-disant caucus du gouvernement et d’autres groupes affiliés au gouvernement ou appuyant le gouvernement qui votent pour, et les autres qui votent contre. Historiquement, le gouvernement et l’opposition se partagent la présidence et la vice-présidence de nombreux comités sénatoriaux. L’obligation pour les deux parties de se mettre d’accord sur une réunion constituait une garantie que le gouvernement et l’opposition soient d’accord. Mais maintenant, sept comités n’ont ni président ni vice-président issu de l’opposition.
Est-ce là ce que veut le gouvernement, à savoir organiser des réunions de comités sans que l’opposition donne son accord?
Sénatrice Batters, il semble effectivement que ce soit le cas. Comme je l’ai dit il y a quelques minutes, bien franchement, j’aime aussi voir le bon côté des gens. J’aime leur donner le bénéfice du doute. C’est ce que j’aimerais faire, et c’est ce que je vais faire, parce que nous découvrirons la vérité. Jusqu’à présent, la menace d’une motion de fixation de délai plane au‑dessus de nos têtes, mais il n’y a eu ni motion ni avis de motion. J’aimerais encore croire que le sénateur Gold retournera à son bureau, demandera à son personnel de relire cette motion et lui demandera : « Avons-nous commis des erreurs? »
J’aimerais croire que personne n’est malfaisant au point de vouloir carrément détruire l’opposition en un seul soir. J’aimerais croire qu’ils réexamineront la question et qu’ils reviendront peut‑être en disant : « Vous savez, nous devrions peut-être retirer cette motion et recommencer » ou, à tout le moins, « Nous sommes certainement ouverts à tous les amendements qui pourraient améliorer ce document pour en faire un document raisonnable ». Ce n’est pas ce qu’ils font en ce moment. Ils ne cessent de dire : « Nous n’enlevons rien à l’opposition. Nous ne faisons qu’accorder à d’autres certains des mêmes droits. » Ce n’est tout simplement pas vrai. Vous avez souligné, j’ai souligné et d’autres ont souligné les nombreux domaines où ce projet de loi nous coupe l’herbe sous le pied et nous empêche de faire le travail pour lequel on nous a envoyés ici.
Tous les sénateurs dans cette enceinte sont ici pour une raison précise. Oui, nous avons critiqué le processus de nomination, et nous avons critiqué beaucoup de choses. Toutefois, je crois que chaque sénateur est ici pour accomplir un travail. Nous sommes également ici pour faire un travail; pourtant, il semble que nous soyons les seuls que tout le monde critique à peu près unanimement, bien que nous soyons le ciment du Sénat. Franchement, s’il n’y avait pas le caucus conservateur et s’il y avait seulement trois, quatre ou cinq caucus indépendants, cet endroit s’écroulerait. Nous devrions tous au moins reconnaître ce fait, même si nous croyons tous en notre droit d’être indépendants. S’il n’y avait pas de groupes cohérents et cohésifs, tout s’écroulerait. C’est pourtant ce qu’on nous demande d’accepter.
Sénateur Plett, il est étonnant de constater que certaines personnes croient qu’un Sénat indépendant est une chambre d’écho où les gens prennent la parole essentiellement pour applaudir et louanger le gouvernement. Certains sénateurs s’agitent lorsque l’on critique leur gouvernement bien-aimé, ce qui, bien sûr, remet en question l’indépendance de l’institution.
Je vais vous poser une question sur les choses pour lesquelles les Canadiens font la queue devant ma porte, m’envoient des courriels, m’appellent et viennent me rencontrer lors d’activités que j’organise. J’informe tout le monde que c’est de ces gens-là que nous devrions parler. Des gens font la queue devant les soupes populaires. Aujourd’hui, dans ma ville, Montréal, il y a des émeutes dans les soupes populaires et des files d’attente comme nous n’en avons jamais vu auparavant. Depuis la semaine dernière, nous dépensons 54 milliards de dollars pour payer les intérêts de la dette d’un gouvernement en faillite. Depuis la semaine dernière, chaque cent de TPS perçu au Canada sert à payer les intérêts de la dette.
Sénateur Plett, toute une génération de Canadiens est contrainte de vivre dans le sous-sol de la maison de leurs parents. Pourtant, la plus grande priorité que le leader du gouvernement a choisie pour le Sénat dans ces circonstances et dans le contexte du 30 avril 2024, qui marque la fin de la période des impôts, c’est de présenter une motion qui limite le rôle du groupe au Sénat qui demande des comptes au gouvernement.
C’est un bon petit garçon.
Comment expliquer une telle folie de la part d’un gouvernement cinglé?
C’est un bon petit garçon. Il fait ce qu’on lui dit.
Ce qu’un premier ministre cinglé lui dit.
Sénateur Housakos, il y a quelques années, mon épouse et moi avons déménagé à Steinbach, une petite ville du Manitoba. Je ne savais pas où se trouvait la soupe populaire, parce que personne n’y allait. Tout le monde avait à manger. Toutefois, maintenant, quand j’y passe en voiture, il y a des files d’un quart de mille, dans ma petite ville. C’est une honte. Nous avons un premier ministre qui ne cesse de dire : « Oui, je sais que rien ne va plus. Tout le monde est en colère, mais ce n’est pas mon travail de faire votre bonheur. » Quel est son travail? Consiste-t-il à dépenser de l’argent de façon frivole en consultants, en arnaques, en vacances, en voyages?
Vous avez raison. Il devrait ordonner au leader du gouvernement au Sénat de présenter une motion pour que nous puissions au moins contrôler le Sénat, parce que le premier ministre ne sera plus là lui non plus. Après les prochaines élections, il ne sera plus le chef du parti. Il ne sera peut-être plus le chef du parti après le mois de juin, mais il ne le sera certainement plus après les élections.
Les libéraux n’auront peut-être même plus de parti.
Il sera le concierge.
Il dit : « Il faut protéger les libéraux au Sénat, élaborons donc certaines règles. Laissons les gens au Canada mourir de faim. Laissons-les vivre dans le sous-sol de leurs parents, mais créons des règles pour empêcher la petite opposition qu’il y a maintenant de faire son devoir, car elle fait du trop bon travail. »
Chers collègues, si nous ne faisions pas si bien notre travail — et je pense que, collectivement, nous pouvons nous féliciter —, le gouvernement n’aurait pas besoin de présenter cette motion. Ils présentent cette motion parce que nous maintenons la pression sur eux et, de fait, nous contribuons à maintenir la pression sur le gouvernement à l’autre endroit.
Vous avez raison, sénateur Housakos; de toutes les choses que nous devrions et pourrions faire, c’est ainsi que nous employons notre temps. Ensuite, voilà qu’une sénatrice nous dit : « Désolée, mais vous prenez trop de temps. Laissez donc le reste de cette chambre d’écho s’exprimer. »
Sénateur Plett, je suis membre du caucus national conservateur depuis 15 ans. En fait, je pense que la question que l’on m’a posée le plus souvent au cours de ces années est la suivante : « Quelle est la partie la plus gratifiante de votre fonction de sénateur? »
Je réponds toujours la même chose : que je fasse partie du gouvernement ou de l’opposition, prendre part à la réunion du caucus le mercredi matin, rencontrer mes compatriotes canadiens d’un océan à l’autre, et discuter, en tant que Canadien, de ce qui est dans l’intérêt de mon pays, c’est un grand privilège, un grand honneur et quelque chose que je chéris.
Voilà qu’on nous dit que nous devrions presque avoir honte d’être membres d’un caucus national, que c’est quelque chose de péjoratif.
Sénateur Plett, j’aimerais que vous expliquiez à nos collègues du Sénat dans quelle mesure nos discussions entre sénateurs des quatre coins du pays et avec les députés élus améliorent notre travail. J’aimerais aussi entendre votre opinion sur la façon dont les sénateurs peuvent contribuer à l’intérêt supérieur du pays en collaborant avec leurs collègues du caucus au sein du caucus national pour le pays.
Merci, sénateur MacDonald.
J’aimerais commencer en vous exprimant brièvement mon point de vue sur ma présence au Sénat.
Si ma mémoire est bonne, j’ai été nommé au Sénat quatre ou cinq mois après vous, sénateur MacDonald, alors nous avons à peu près la même ancienneté. Lorsque des gens me demandent ce que je pense de mon siège au Sénat et ce qui est important pour moi, je réponds souvent que nous nous présentons dans cette enceinte, jour après jour, pour débattre. Nous sommes même parfois un peu frustrés les uns envers les autres ou en colère. Il peut aussi nous arriver de dire des choses que nous ne devrions pas dire. Nous pensons trop souvent qu’il s’agit d’un emploi comme un autre, mais chaque fois que je franchis les portes de cette enceinte, sénateur MacDonald, je suis conscient de l’immense responsabilité qui m’a été offerte de devenir le 994e sénateur à être nommé depuis la Confédération. Ce n’est pas beaucoup, même en tenant compte des centaines qui viendront après moi. Les sénateurs ne sont pas si nombreux.
Il s’agit d’une énorme responsabilité. Nous avons été nommés au Sénat pour travailler dans l’intérêt du Canada. Je tiens à dire, premièrement, que ce soir, nous ne travaillons pas pour le Canada. Parmi les plus grandes réalisations du Sénat figure, depuis toujours, le travail des comités. Comme je l’ai déjà dit, j’ai été membre de nombreux comités et j’ai participé à la rédaction de nombreux rapports avec le Comité des transports et des communications et le Comité de l’agriculture et des forêts, et je l’ai fait avec un grand plaisir. Nous avons accompli ce travail en mettant la partisanerie de côté.
Mon ami Terry Mercer n’écoute sûrement pas notre débat de ce soir, mais s’il l’écoute, je tiens à lui dire que j’ai beaucoup aimé travailler avec lui. Le sénateur Terry Mercer était probablement le libéral le plus partisan du Sénat et moi, le conservateur le plus partisan, et nous avions une belle collaboration.
Il ne s’agit pas seulement de nos propres caucus, sénateur MacDonald. C’est aussi le cas des autres caucus, car nous faisons partie d’équipes et nous travaillons ensemble. Cela a disparu. Ce n’est pas la faute de ces collègues qui ont été nommés par Justin Trudeau dans le cadre son expérience ratée. Ce n’est pas eux qui ont eu l’idée de cette expérience. Je suis sûr qu’ils seraient probablement membres d’un caucus libéral si Justin Trudeau en avait un, et si on leur avait demandé de siéger dans un caucus libéral. Je ne leur reproche donc pas d’être ici et d’être là où ils sont.
Je vois le sénateur Gold secouer la tête pour dire qu’il ne le serait pas. En fait, il est le seul à l’être, et il dit qu’il ne le serait pas. Je trouve cela étrange. Il est membre du Cabinet et c’est lui qui ne serait pas libéral.
Vous avez toutefois raison, sénateur MacDonald : nous collaborons. Nous travaillons ensemble, mais nous travaillons ensemble au-delà des lignes de parti, comme je l’ai dit, le sénateur Wells était à mes côtés aujourd’hui lorsque nous avons serré la main de Judy Sgro et l’avons étreinte. C’est une vraie libérale. Nous savons qu’elle est libérale, mais nous travaillons ensemble. C’est ce que cette Chambre devrait être, mais elle s’est égarée.
Peut-être que je fais partie du problème. J’espère que ce n’est pas le cas, mais sait-on jamais. Je ne pense pas que mes convictions ont changé au cours de mes 15 années et demie au Sénat. Il y a du mérite dans le fait de faire partie d’une équipe, et il y a du mérite dans le fait de travailler avec l’autre équipe. En ce moment, sénateur MacDonald, je ne suis pas certain de la composition de l’autre équipe, car personne n’admet en faire partie, y compris le leader du gouvernement au Sénat, qui n’admet pas faire partie du gouvernement.
Non, il passait simplement dans le coin.
Sénateur Plett, acceptez-vous de répondre à une autre question?
Certainement.
Elle nécessite un certain préambule.
Je me suis entretenu avec des policiers aujourd’hui, et ils sont peu impressionnés par le projet de loi sur les armes à feu. Ils estiment qu’il s’agit d’un tour de passe-passe, que le projet de loi n’aide pas à combattre la criminalité, et je suis d’accord avec eux. Je leur ai dit que j’ai pris la parole pour m’y opposer, et que j’ai fait de même à l’égard des projets de loi C-11 et C-69. J’ai détesté le projet de loi C-48. Selon moi, ce sont tous des tours de passe-passe. Je ne crois pas que le projet de loi C-69 portait sur l’énergie, comme on le prétendait. Il s’agissait plutôt d’un projet de loi environnemental omnibus déguisé en projet de loi sur l’énergie. Il y a beaucoup de tels tours de passe-passe et cela me dérange depuis longtemps, surtout dans le cas des projets de loi C-18 et C-11. J’ai l’impression que la même chose se produit dans le cas de cette motion. Qu’en pensez-vous?
Par ailleurs, au sujet de l’idée d’accorder 45 minutes à certaines personnes pour s’exprimer, j’admire le discours que vous avez prononcé aujourd’hui. J’ai trouvé qu’il était excellent, mais personne n’a besoin de 45 minutes. Le discours de Gettysburg a duré trois minutes, et il était plutôt bon. Lorsqu’on a demandé à Napoléon Bonaparte d’expliquer la guerre, il a déclaré : « Si vous voulez vous emparer de Vienne, emparez-vous de Vienne. » J’estime qu’il a bien réussi à expliquer la guerre en ces mots.
Je ne pense pas qu’on ait besoin de 45 minutes, mais j’estime qu’il s’agit, en quelque sorte, d’un tour de passe-passe pour réduire les pouvoirs de votre caucus. Je le crois vraiment. Je voulais simplement dire que je crois que vous avez raison. Pouvez-vous me dire pourquoi vous croyez vous aussi qu’il s’agit d’un tour de passe-passe?
Sénateur Richards, merci beaucoup. Je suis parfaitement d’accord avec vous.
J’ai parfois critiqué le pasteur de mon église lorsqu’il fait des sermons de 35 ou 40 minutes. Je lui dis : « Vous avez parlé un peu trop longtemps. » Toutefois, l’autre dimanche, en sortant de l’église, il m’a dit : « J’ai écouté votre discours de 80 minutes. Ne venez plus vous plaindre de mes sermons de 35 minutes. » Peut-être que je devrais m’en abstenir, en effet.
Vous avez raison. Si vous avez besoin de plus de 35 minutes pour dire ce que vous avez à dire... par contre, quand on se retrouve avec un gouvernement qui a causé autant de scandales en neuf ans et qu’on veut tous les mentionner, cela risque de prendre un peu plus de temps.
Je tiens à ce que tout le monde sache que le discours que j’ai prononcé la semaine dernière est le tout premier de huit longs discours. Ce sera une véritable saga. Préparez-vous, sénateur Richards: vous aurez l’occasion d’y assister de nouveau. Je tiens à indiquer à tout le monde ici que je ne le fais pas pour divertir les sénateurs. C’était le cas aujourd’hui parce que je parlais d’une motion. Cependant, lorsque je parle longuement d’une mesure législative ou de l’incompétence et des scandales du gouvernement, je ne le fais pas pour renseigner tous les sénateurs. Ils sont déjà au courant. Je le fais pour la gouverne des 700 000 personnes qui écoutent ce discours, ainsi que pour les 6 millions de personnes ayant voté pour le Parti conservateur. Cela va plus loin.
S’agit-il d’un tour de passe-passe ? Sans aucun doute. S’agit-il d’une tentative de détourner l’attention de quelque chose? C’est ce que font les magiciens. Lorsqu’un magicien fait un tour, il y a généralement une explosion ou un nuage de fumée quelque part, puis quelque chose ici disparaît parce que votre attention était retenue ailleurs.
Sénateur Richards, je crois que c’est exactement ce que le gouvernement fait dans ce cas-ci. Il se dit : proposons une motion pour concentrer le débat sur celle-ci au lieu de laisser le sénateur Plett attaquer le gouvernement encore une fois; occupons-les. Je ne sais pas. Vous avez raison. Ce qui est fou, c’est que la motion accordera au sénateur Tannas et au sénateur Dalphond un temps de parole de 45 minutes alors qu’ils l’ont déjà. Elle accordera à la sénatrice Saint-Germain un temps de parole illimité. Suis-je inquiet? Je n’ai jamais entendu la sénatrice Saint-Germain prononcer un discours de 45 minutes.
Vous n’avez rien vu.
D’accord, elle s’est exercée. J’ai hâte de l’entendre.
Je suis en faveur des 45 minutes depuis des années. Vous avez raison : une période de 45 minutes est suffisante. Un temps de parole illimité est exagéré. Toutefois, je tente de l’utiliser aujourd’hui. Tant que j’aurai ce droit, je continuerai de tenter de l’utiliser.
Sénateur Richards, vous et moi avons partagé le même point de vue sur de nombreuses mesures législatives, et je vous remercie. Je vous remercie des valeurs que vous défendez, de vos votes et de votre contribution aux débats. Vos interventions sont mûrement réfléchies. Je me demande parfois si Justin Trudeau vous connaissait.
Non.
Dieu merci, il vous a nommé.
Sénateur Plett, acceptez-vous de répondre à une question?
Oui.
Je vais faire un petit préambule. Je ne veux pas m’éterniser là-dessus; ce n’est pas mon style. Au Sénat, sous l’ancien système bipartite, il y a toujours eu des règles, des conventions et des convenances non écrites. Même lorsque le gouvernement Harper a pris le pouvoir en 2006, alors que les conservateurs étaient largement minoritaires, les projets de loi du gouvernement n’ont pas été rejetés, alors qu’ils auraient facilement pu l’être. Des motions auraient facilement pu être rejetées. Je suis sûr que certains ajournements ont été rejetés, mais il y a toujours eu des conventions et des convenances qui ont permis aux gouvernements de faire adopter leurs mesures législatives ou de les corriger et de les faire adopter. Même lorsque Justin Trudeau a accédé au pouvoir en 2015 et que nous étions majoritaires, nous n’avons rejeté aucun projet de loi du gouvernement, alors que nous aurions pu le faire.
Ce qui me préoccupe dans cette motion du sénateur Gold — et je siège au Comité du Règlement depuis que j’ai été nommé —, c’est que cette motion fait basculer la convention, voire l’anéantit, parce que les choses ne seront maintenant plus basées sur les convenances ou sur l’idée de permettre aux projets de loi du gouvernement d’être adoptés, avec ou sans amendements. Lorsque cette motion sera adoptée — et il est probable qu’elle le sera —, elle fera pencher la balance au point que, lorsque le prochain gouvernement prendra le relais — en supposant que ce ne sera pas un gouvernement libéral, un gouvernement néo-démocrate ou un gouvernement libéral—néo-démocrate — et qu’il disposera de la majorité lui permettant de faire tout ce qu’il doit faire, alors il le fera. Il jettera par la fenêtre cette convention et ces convenances que le Sénat respecte depuis près de 160 ans.
Qu’en pensez-vous? Si vous vous projetez dans l’avenir, vous serez déjà à la retraite depuis longtemps. Que pensez-vous du fait de perdre ces conventions, de perdre ces convenances parlementaires que tous les partis ont observées, peut-être même ce soir?
Je vous remercie, sénateur Wells. Vous avez tout à fait raison. Permettez-moi également de faire un bref préambule avant de répondre.
Sénateur Wells, vous et moi avons siégé ensemble sous la direction du sénateur Smith, moi en tant que whip et vous en tant que président du caucus. Je me souviens de la belle époque où le sénateur Joseph Day était le leader du caucus libéral. Il y avait le Groupe des sénateurs indépendants, et nous avons négocié différentes choses. Tout était négocié. Tout se faisait par consensus. Il y avait des concessions à faire, et il fallait composer avec cela.
Pendant plus de huit ans, nous avons pu mener à bien l’étude des projets de loi sans recourir à la fixation de délai. Il y a de nombreuses conventions. Cette motion mettrait fin à tout cela. Encore une fois, je tente d’émettre des hypothèses. J’espère toujours qu’on reconnaîtra qu’il s’agit d’une erreur. De deux choses l’une : ou bien c’est de la jalousie, ou bien ils veulent freiner l’opposition parce qu’elle fait trop bien son travail. Vous avez raison de dire que nous avons toujours mené à bien l’étude des projets de loi. Il en a toujours été ainsi. Nous ne cherchons jamais à faire échouer les projets de loi d’initiative ministérielle.
Aujourd’hui, ils imposent quelque chose et force est de constater — et je serai un peu plus positif à propos du commentaire en évitant les hypothèses — que lors des prochaines élections, les conservateurs formeront le gouvernement. Vous, sénateur Wells, ferez probablement partie de ce gouvernement. Vous êtes encore assez jeune et de nombreux collègues le sont, de sorte que vous aurez l’occasion d’essayer d’utiliser ces modifications du Règlement à votre avantage. C’est le propre de la politique. Vous allez essayer. Notre caucus essaiera. Notre leader essaiera d’inverser la tendance. Certaines des modifications se retourneront contre ceux qui ont votées en leur faveur. Certaines d’entre elles sont très stratégiques et visent à créer des partis d’opposition supplémentaires. Mais certaines de ces règles les désavantageront, car le Parti conservateur n’aura plus l’obligation de travailler par consensus, parce que cela aura été supprimé ce soir.
Cette discussion est intéressante. Je suis en quelque sorte coincé dans une position où nous voulons avoir un débat approfondi et apprendre par l’intermédiaire du débat. Il y a la possibilité de fixer un délai. Je n’ai pas entendu le sénateur Gold proposer la fixation de délai, mais il semble que cela soit possible. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai comparu devant le Comité du Règlement après avoir rédigé une lettre. J’ai dit ce que j’avais à dire à ce sujet la semaine dernière. J’ai comparu devant le Comité du Règlement et il m’a beaucoup impressionné. J’ai trouvé que la présidente faisait un excellent travail. Je pense que les questions étaient centrées sur la question d’un délai de 45 jours contre 60 jours pour la production d’une réponse.
Étant donné qu’il semble y avoir tellement de questions, pourquoi ne pas renvoyer le dossier au Comité du Règlement? Seriez-vous favorable à cette façon de faire?
Je suis désolé. Nos nouveaux écouteurs s’emmêlent dans mes appareils auditifs. Je vous prie de m’excuser.
Oui, sénateur Quinn, je suis tout à fait d’accord. Je dis depuis le début qu’il faudrait confier ce dossier au Comité du Règlement. J’ai une confiance absolue non seulement envers les membres du caucus conservateur qui siègent au Comité du Règlement, mais aussi envers les membres des autres groupes qui siègent à ce comité.
Comme la sénatrice Batters l’a clairement souligné dans l’une de ses questions, le Comité du Règlement est arrivé à un consensus sur de nombreuse questions mais pas sur toutes, et pas sur celles que le sénateur Gold considère particulièrement importantes. En fait, il contourne quelque chose qui... Je ne sais plus comment ni pourquoi cela s’est produit. Pourquoi le Comité du Règlement n’a-t-il pas présenté un rapport, à tout le moins? Il aurait pu présenter les éléments sur lesquels le comité était arrivé à une entente, même s’ils ne représentaient que la moitié de ce qu’il aurait voulu régler. Pourquoi n’a-t-il pas présenté son rapport, pour voir s’il serait adopté par le Sénat? Ce serait la bonne façon de procéder, sénateur Quinn.
Au lieu de procéder ainsi, le sénateur Gold a déclaré : « Cela ne me convient pas, et je n’ai pas besoin d’un comité pour l’étudier, car je sais mieux que personne ce qu’il faut faire. » Pas le gouvernement. Il dit clairement que ce n’est pas le gouvernement. Il l’a dit clairement. Je pense qu’il a même utilisé l’expression « point final » à la fin de sa déclaration. Ce n’est pas Justin Trudeau. « C’est moi, le sénateur Gold. » Cela signifie donc qu’il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire, comme je l’ai dit plus tôt, mais il l’impose tout seul.
Sénateur Quinn, vous a-t-il répondu lorsque vous lui avez demandé plus tôt aujourd’hui, pendant la période des questions, s’il envisagerait un amendement? Non. Il a dit qu’il incombait au Sénat de décider. Non, c’est votre motion, sénateur Gold.
C’est habituellement ainsi que cela fonctionne. Quand le gouvernement présente un projet de loi et que ce dernier est renvoyé à un comité, on demande habituellement au représentant du gouvernement, peu importe de qui il s’agit : « Accepteriez-vous des amendements? » En règle générale, on nous donne une réponse. Ce n’est pas toujours une réponse définitive, mais on peut nous dire : « Oui, nous pourrions envisager certains amendements. » On n’a même pas eu la courtoisie de nous donner une telle réponse aujourd’hui. Le sénateur a simplement dit : « C’est le Sénat qui décidera. Je ne vous dis pas ce que je vais faire. » Eh bien, j’ai une assez bonne idée de ce qu’il fera. Il utilisera son temps de parole illimité pour s’opposer aux amendements que nous aurons proposés et, en temps voulu, il imposera la fixation de délai. Non, ce n’est pas ce qu’il a dit aux sénateurs, mais je peux vous assurer que, pour moi, il ne fait absolument aucun doute que c’est ce qu’il entend faire dans un avenir rapproché si la motion n’est pas adoptée rapidement.
Ce n’est pas de la spéculation. C’est quelque chose que l’on m’a promis. Donc, non, ce n’est pas la bonne façon de faire les choses, en particulier dans ce cas-ci. Il ne s’agit pas d’un projet de loi du gouvernement. Des millions de gens meurent de faim, mais cette mesure n’y changera rien. Il ne s’agit pas d’un projet de loi de crédits. Cette mesure n’a aucune importance. Si cette proposition n’est pas adoptée avant le 21 juin, il n’y aura pas une personne de moins dans les files d’attente pour obtenir de la nourriture. Cela n’a aucune incidence sur le reste du Canada, et, pourtant, c’est plus important que tout le reste. Le sénateur doit réorganiser les affaires du gouvernement pour avoir la certitude de pouvoir disposer de cette question, car il est important pour tous les Canadiens que ces règles soient adoptées afin que la sénatrice Saint-Germain — que Dieu la bénisse — puisse disposer d’un temps de parole illimité.
Sénateur Plett, tout à l’heure, après que vous ayez répondu à des questions pendant seulement 90 minutes, la sénatrice Coyle a contesté le temps que vous preniez, en tant que leader de l’opposition au Sénat, pour parler et répondre aux questions sur ce sujet important dont nous sommes saisis ce soir. Pourtant, à l’article 7 de la motion, le sénateur Gold accorde au leader du Groupe des sénateurs indépendants un temps de parole illimité pour chaque projet de loi et chaque motion. Je me demande si la sénatrice Coyle aurait le même problème si le chef de son Groupe des sénateurs indépendants disposait d’un temps de parole illimité à chaque question.
Pensez-vous qu’il soit nécessaire d’accorder un temps illimité à un troisième leader dans cette enceinte? À la Chambre des communes, qui dispose d’un temps de parole illimité? Le chef du Bloc Québécois a-t-il présentement d’un temps de parole illimité? Pourquoi le gouvernement accorderait-il ce droit particulier uniquement au Groupe des sénateurs indépendants? Pourquoi ne l’accorderait-il pas à tous les leaders?
Permettez-moi de faire écho au moins à la première partie de votre intervention. Vous avez tout à fait raison. Cette motion sera fort probablement adoptée. On m’a clairement fait comprendre, ce matin, que nous sommes en minorité dans cette enceinte et que cette motion sera adoptée. Donc, vous avez raison, sénatrice Batters, cette motion donne un temps de parole illimité à un sénateur membre d’un autre groupe. Pourtant, un membre de ce caucus s’est opposé à ce que mon temps de parole soit illimité, mais va probablement voter en faveur de la motion pour que son chef ait un temps de parole illimité. C’est quelque peu ironique, à mon avis, mais, quoi qu’il en soit, c’est comme ça.
Je soupçonne, sénatrice Batters, qui si notre débat s’étire un peu trop en longueur, le gouvernement pourrait fort bien présenter un amendement à sa motion pour enlever le temps de parole illimité au leader de l’opposition afin de tout simplement le donner à un autre leader. Je pense que le gouvernement veut nous l’enlever parce que je suis sûr que tout le monde est fatigué de notre débat, à l’exception de vous et moi...
Je ne suis pas fatigué.
D’accord, il y en a d’autres.
Toutefois, vous avez raison, sénatrice Batters. Je ne comprends pas pourquoi nous ne donnons pas à chaque leader... On nous affirme catégoriquement que le Groupe des sénateurs indépendants ne fait pas partie du gouvernement. Il n’en fait pas partie, il est indépendant. Par conséquent, qu’est-ce qui fait que les sénateurs Tannas ou Dalphond sont plus ou moins indépendants que la sénatrice Saint-Germain? Est-ce simplement parce que ce groupe compte moins de sénateurs? Quel est le seuil? Combien de sénateurs faut-il avant... La sénatrice McPhedran a demandé si nous sommes tous égaux.
Eh bien, à mon avis, le Groupe des sénateurs canadiens et le Groupe progressiste du Sénat pourraient poser la même question. Ne sommes-nous pas tous égaux? Pourquoi ne sommes-nous pas tous traités sur un pied d’égalité? Nous sommes tous indépendants. Nous ne faisons pas partie du gouvernement, alors on devrait nous accorder la même chose. Je ne sais pas. C’est un choix sélectif. Il a seulement besoin qu’un autre groupe fasse partie du gouvernement, et c’est celui-là qu’il a choisi.
Je souhaite poser une question sur l’expression « sénateurs désignés » qui est utilisée dans cette motion. Nous ne jouons pas au baseball. Il ne s’agit pas d’un frappeur désigné. Il s’agit de sénateurs désignés. Cet article prévoit que chaque groupe parlementaire, et pas seulement cinq, aura un « sénateur désigné » qui pourra faire des discours de 45 minutes aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture de chaque projet de loi. Si on essaie d’éviter les tactiques qui font perdre du temps, on pourrait penser que le gouvernement ne serait pas enclin à agir de la sorte. Cependant, si l’on se fie à l’échange de questions et de réponses que les sénateurs Gold et Quinn ont eu à ce sujet la semaine dernière, il semble que le gouvernement n’ait pas l’intention d’organiser une séance d’information pour le sénateur désigné, comme il le ferait pour le parrain et le porte-parole d’un projet de loi. Par conséquent, de quoi le sénateur désigné devrait-il parler pendant 45 minutes pour ensuite tenter de répondre aux questions?
Qu’est-ce qu’un sénateur désigné?
Je suis d’accord. Nous ne sommes pas une équipe de baseball. Nous n’avons pas de frappeurs désignés. Nulle part dans le Règlement on n’explique ce qu’est un « sénateur désigné ». Comme je l’ai dit, à mon avis, cela fait partie de l’étalage de vertu des libéraux : « Nous voulons donner quelque chose de plus à quelqu’un d’autre. Nous ne savons pas exactement à qui nous le donnons, mais nous vous offrons à vous, les leaders, la possibilité de choisir quelqu’un parmi les vôtres et de le désigner afin qu’il puisse prononcer des discours de 45 minutes. »
Le sénateur Richards avait tout à fait raison lorsqu’il s’est interrogé sur le besoin d’avoir des discours de 45 minutes ici, mais nous voici pourtant à désigner tout un tas d’autres personnes qui pourront prononcer ces discours de 45 minutes. Comme je l’ai dit, cette motion contient tellement d’éléments que le sénateur Gold n’a jamais expliqués. La seule explication qu’on nous a fournie concernant la raison d’être de cette motion au Sénat, c’est parce que nous devons créer une Chambre moins partisane. J’essaie de comprendre comment cela nous aide à y parvenir. Je suis vraiment sincère quand je dis cela. J’essaie de comprendre comment cela va nous permettre d’en arriver à une Chambre moins partisane. C’est la seule raison qu’on nous a donnée.
Sénateur Plett, j’aimerais vous parler du débat sur la motion de fixation de délai. Le gouvernement accorde 20 minutes de parole à cinq leaders. Cela nous laisse 50 minutes. En théorie, 100 sénateurs pourraient prendre la parole pendant 30 secondes. Dans le monde civilisé et démocratique, connaissez-vous une Chambre où les membres en sont réduits à un temps de parole de 30 secondes?
Eh bien, la réponse courte est « non ». Évidemment, il n’y aura pas une division égale du temps de sorte que chacun aura 30 secondes. Bien sûr, cela n’a rien à voir avec les intervenants ou avec la façon de leur donner la parole, mais on constate souvent que le sénateur Richards, parce qu’il est dans le coin de la salle, n’obtient pas la parole parce qu’il est trop loin. La sénatrice Wallin a dit qu’il lui arrivait parfois, parce qu’elle est tout au fond, qu’on ne lui donne pas la parole quand elle se lève. Alors, qu’en est-il de l’opposition? Ils sont au moins assis au milieu. Et le gouvernement? Ils sont par là. Qui peut le plus facilement attirer l’attention de la présidence? Ceux qui sont assis près du fauteuil.
Cela pourrait faire en sorte que l’opposition n’ait pas l’occasion d’intervenir du tout, pas même 30 secondes. C’est l’effet qui sera obtenu. Je ne dis pas cela pour critiquer la Présidente, parce que, quand elle lève les yeux, quelqu’un attire son attention et elle lui donne la parole. Cela se produit tout le temps. Plus un sénateur est loin du fauteuil, moins il a de chances d’obtenir la parole.
Sénateur MacDonald, avez-vous une question complémentaire?
Je peux en trouver une si vous voulez.
Chers collègues, je l’ai dit à maintes reprises et je le répète : le gouvernement considère toujours le Parlement comme une nuisance, et c’est normal. Si nous faisons notre travail correctement, avec ouverture d’esprit, indépendance et rigueur, nous devons être une nuisance pour le gouvernement.
Lorsque je suis arrivé ici il y a de nombreuses années, beaucoup m’ont dit de ne pas trop m’emballer parce que je ne ferais pas partie indéfiniment du gouvernement. Je pense que le sénateur Percy Downe et mon bon ami le sénateur Dawson ont dit que si je restais ici assez longtemps — et j’étais assez jeune quand je suis arrivé —, j’aurais l’occasion de siéger des deux côtés du Sénat. Il est important d’être toujours conscient que les sénateurs de l’opposition sont les mieux placés pour demander des comptes au gouvernement, ce qui constitue le rôle le plus important.
Sénateur Plett, je ne comprends pas pourquoi, au cours des dernières années, les sénateurs qui ont reçu le plus grand privilège, qui demandent des comptes au gouvernement et qui parlent au nom de leurs concitoyens, ont accepté que le gouvernement les neutralise et fasse d’eux des parlementaires de seconde classe. Le gouvernement a fait cela en les expulsant de son caucus. Il a fait cela en rendant honteuse la participation au processus politique démocratique. Maintenant, il veut également limiter le rôle de l’opposition afin de diminuer une fois de plus notre rôle en tant que parlementaires.
Ma question est la suivante : le Sénat a été créé sur le modèle de la Chambre des communes à Westminster. Si on lit la Loi sur le Parlement du Canada, on voit clairement — je pense que c’est à l’article 18 — que le Sénat a été créé sur le modèle de la Chambre des communes de Westminster, avec les mêmes droits et privilèges que l’autre Chambre, mis à part le fait que le Sénat est une assemblée dont les membres sont nommés et non élus.
Pourquoi, dans cette motion, le gouvernement a-t-il délibérément eu recours à des mesures aussi extrêmes que de limiter et d’éliminer des droits et privilèges qu’ont les députés, d’éliminer les droits et privilèges des caucus et des parlementaires dans cette enceinte en ce qui concerne la fréquence des interventions, la fréquence des interventions de l’opposition, et ainsi de suite? Pourquoi le gouvernement est-il obsédé par l’idée de limiter les pouvoirs du Parlement?
Je vous remercie, sénateur Housakos. J’ai l’impression que, si les libéraux avaient à l’autre endroit la majorité qu’ils ont dans cette enceinte…
Que Dieu nous en garde.
... ils pourraient très bien tenter de faire exactement ce qu’ils essaient de faire ici. Heureusement, ils ne disposent pas d’une telle majorité à l’autre endroit.
Ils ont tenté de le faire il y a quelques années.
Vous avez raison : ils ont essayé de le faire. Ils n’ont pas réussi, et je pense que ce sera la même chose ici à long terme. Il y aura un retour du balancier. Dans un avenir pas trop lointain, Pierre Poilievre deviendra le premier ministre de notre pays.
Bravo!
Avec vous, chers collègues — ceux d’entre vous qui sont plus jeunes que la sénatrice Seidman et moi —, il apportera des changements au Sénat. C’est une expérience ratée, et elle le restera. Pourquoi les libéraux le font-ils ici alors qu’ils ne le font pas à l’autre endroit? C’est parce qu’ils le peuvent. C’est ce que le gouvernement actuel a fait. Le premier ministre est un intimidateur. Il l’est depuis le début. Son père l’était avant lui. Il est un intimidateur.
Lorsque des manifestants pacifiques se trouvent sur la rue Wellington, il les qualifie de marginaux et refuse de leur parler. Lorsque des manifestants frappent sur le toit des voitures avec des emblèmes incitant à la haine contre les Juifs, il reste silencieux.
Exactement.
Voilà ce que fait le premier ministre. Voilà ce que fait le gouvernement, chers collègues, et cela s’est répercuté sur le leadership du gouvernement au Sénat. Même s’ils sont peu nombreux au bureau du représentant du gouvernement, ils sont nombreux à être dans le camp du gouvernement, et c’est pourquoi ils sont capables de le faire et le feront.
Très franchement, je suis profondément troublé par le fait que des collègues qui ont été conservateurs et qui se disent toujours conservateurs appuient cette motion. Cela me perturbe davantage que de voir les libéraux appuyer cette motion. Il s’agit d’une motion libérale. Je le comprends, mais il y a des collègues conservateurs qui essaient d’entraîner l’opposition dans leur chute. Cela me dérange beaucoup plus.
Pierre Poilievre remportera un gouvernement majoritaire et il ne fait aucun doute qu’il abolira la taxe, construira des logements, redressera le budget et fera échec au crime. La question que je me pose est la suivante : va-t-il réparer les dégâts causés à cette institution? L’autre question que je me pose, c’est de savoir si un gouvernement de Pierre Poilievre — qui, selon toute vraisemblance, obtiendra un mandat très clair de la part du peuple canadien — bénéficiera du même type de soutien de la part du Sénat indépendant lorsqu’il déposera des motions visant à modifier les règles et les procédures. Le Sénat indépendant acceptera-t-il ces changements de la part d’un gouvernement dûment élu? Qu’en pensez-vous?
Sénateur Housakos, j’aimerais croire que ce sera le cas, mais je suis désolé, je suis du Missouri. Il n’y aura pas de coopération avec Pierre Poilievre.
Dites-moi que ce n’est pas vrai.
Toutefois, je fais entièrement confiance à Pierre Poilievre, à vous, sénateur Housakos, et aux autres jeunes parmi nous qui seront encore ici pour mener le combat. Je prie pour que vous le fassiez. Je suis persuadé que vous le ferez. Je vois des gens pleins d’énergie sur nos banquettes, même si nous sommes moins nombreux. Il n’en reste plus beaucoup de ce côté-ci.
Il y en a amplement.
Vous faites du bon travail.
Honorables sénateurs, au risque de vous décevoir, je dois admettre que mon interprétation de la motion no 165 est beaucoup moins créative et hypothétique que celle du sénateur Plett. La mienne est plutôt factuelle et objective. En vous faisant part de mon point de vue, j’ai aussi l’intention de démontrer qu’entre sénateurs, nous pouvons faire valoir des points de vue différents tout en continuant de coopérer et de travailler de façon cordiale et respectueuse.
Sénateur Plett, vous savez que j’ai du respect pour vous et que je vous suis reconnaissante du dévouement dont vous faites preuve en assumant vos responsabilités dans cette enceinte. Voilà pour mon introduction. Le style est certes différent.
Chers collègues, nous sommes aujourd’hui à un moment décisif de l’histoire du Sénat et j’estime que nous devons tous comprendre l’importance de ce moment et du débat qui a cours maintenant.
La motion no 165, si elle est adoptée, aura assurément un impact sur l’efficacité et sur la crédibilité de notre Chambre de second examen attentif et complémentaire à celui de la Chambre des communes, où siègent les parlementaires élus.
Lorsque la réforme du Sénat et le processus de nomination indépendant associé à cette réforme ont commencé en 2015, la Chambre haute du Parlement vivait une période difficile. L’institution était aux prises avec des problèmes éthiques et de gouvernance, une situation qui avait confirmé, auprès de nos concitoyens, une image négative associée à la Chambre rouge.
Le Sénat d’aujourd’hui a gagné en crédibilité. À petits pas, il a évolué, a trouvé une nouvelle voie, moins partisane, plus constructive et qui laisse place à une plus grande liberté d’initiative et d’expression. La population, tout en gardant certaines réserves, semble avoir apprécié le chemin parcouru. Des sondages professionnels datant de 2019 et 2021 montrent bien que ce Sénat moins partisan a certainement freiné la perte de crédibilité et de confiance des Canadiens envers cette institution, mais cette perte de confiance et de crédibilité demeure néanmoins.
En fait, chers collègues, la motion no 165 n’est pas une proposition unique, radicale ou nouvelle. Elle est le fruit d’années de débats, de discussions et de rapports. Elle représente également la suite logique d’une longue série de changements. Il y a deux semaines, le sénateur Gold a évoqué cet historique dans son discours, mais permettez-moi de rappeler le chemin parcouru avant d’aborder le contenu de cette motion.
Tout d’abord, en 2016, le Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat a été chargé, comme indiqué dans son tout premier rapport, de :
fournir des orientations sur la façon de transformer une institution parlementaire du XIXe siècle en une institution apte à répondre aux défis du XXIe siècle [afin d’] améliorer son fonctionnement pour mieux servir les Canadiens.
Les sénateurs conservateurs, libéraux et indépendants ont tous contribué aux travaux du comité. Il a siégé pendant trois ans et a produit 13 rapports proposant des lignes directrices et des recommandations concrètes pour moderniser le Sénat, dont certaines figurent dans la motion dont nous sommes saisis aujourd’hui.
Plus tard, en 2020, les sénateurs Tannas et Woo ont présenté au Sénat des motions proposant des améliorations à nos règles pour mieux refléter ce qui était devenu la nouvelle réalité de la composition du Sénat. Puis, en 2022, la loi qui nous gouverne, la Loi sur le Parlement du Canada, a également été modifiée pour mieux refléter cette nouvelle réalité. Cette modification a été adoptée sans difficulté par les deux Chambres. En fait, pas un seul sénateur n’a voté contre cette modernisation. Enfin, l’an dernier, à la suite des motions des sénateurs Woo et Tannas, le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a étudié des modifications possibles au Règlement et a produit son cinquième rapport, intitulé Équité entre les partis reconnus et les groupes parlementaires reconnus.
Depuis 2016, le Comité sur la modernisation et le Comité du Règlement — un comité permanent de 15 membres — ont tenu 147 réunions sur le sujet, ce qui représente un imposant 197 heures d’étude et de délibérations. Nous parlons donc de 147 réunions et de 197 heures de séance. Voilà le fondement solide sur lequel repose cette motion.
Il est temps que le Règlement du Sénat reflète les lois du pays et qu’il soit conforme à la Loi sur le Parlement du Canada. Il est temps que le Règlement réponde aux besoins d’un Sénat diversifié et moderne.
Maintenant que nous avons vu le long chemin parcouru, jetons un coup d’œil à ce qui nous est présenté aujourd’hui.
La motion no 165 est vaste et exhaustive. Elle décrit avec précision ce qui doit changer pour que le Sénat que nous connaissons depuis huit ans fonctionne de manière équitable et efficace. Elle reflète les modifications apportées à la Loi sur le Parlement du Canada, adoptées à l’unanimité par les deux Chambres du Parlement, comme je l’ai dit précédemment, et elle comble le fossé flagrant entre nos lois et notre Règlement. En réalité, elle permet à un plus grand nombre de sénateurs d’avoir leur mot à dire dans le processus décisionnel du Sénat. En veillant à ce que les facilitateurs ou les leaders de tous les caucus et groupes soient consultés, elle leur donne la possibilité de participer plus efficacement à la gouvernance du Sénat et de ses comités. Les modifications proposées dans la motion renforcent la base démocratique du Sénat, confirmant que le duopole, vestige d’un Sénat partisan, n’est plus le mantra dans cette enceinte.
Plus précisément, la motion donnera la possibilité aux leaders du Groupe des sénateurs indépendants, du Groupe des sénateurs canadiens et du Groupe progressiste du Sénat, qui représentent collectivement 72 des 96 sénateurs actuellement nommés, d’agir sur d’importantes questions stratégiques, comme le report de votes par appel nominal ou la durée de la sonnerie précédant un vote. Tous les groupes auraient également la possibilité de nommer un représentant qui pourra s’exprimer pendant 45 minutes sur chaque projet de loi. Nous pourrions ainsi représenter beaucoup mieux les différentes perspectives des régions, des Autochtones, des minorités, des populations vulnérables, agir au nom des nombreuses régions du pays, et bien plus encore.
En premier lieu, la motion assurera la complémentarité du Sénat avec la Chambre des communes, ce qui est la raison fondamentale de sa création et de son inscription dans la Constitution du Canada.
Le Groupe des sénateurs indépendants, le plus grand groupe au Sénat, ou tout futur groupe qui comptera le plus de membres, bénéficiera enfin, comme l’opposition et le gouvernement, d’un temps de parole illimité pour son facilitateur. Je sais qu’il s’agit d’un outil important. Certains s’en servent pour faire de l’obstruction, mais, tant que je serai facilitatrice, je m’engage à ne jamais faire une telle chose.
La motion mettra également à jour les titres des sénateurs qui occupent actuellement des postes de leadership. Ce faisant, la motion no 165 représentera non seulement la réalité du Sénat, mais elle reflétera également la décision de l’ancien Président Furey du 25 avril 2023, ainsi que sa décision du 19 mai 2016, ne laissant aucune place à d’autres interprétations, et encore moins à des rappels au Règlement sur cette question.
Cette motion comprend également des changements essentiels pour améliorer l’efficacité, comme la réduction de la durée de notre pause repas de deux heures à une heure, et l’établissement d’une exigence de 60 jours civils pour que le gouvernement fournisse des réponses différées aux questions écrites du Sénat. Tous ces changements nous aideront à remplir avec plus de diligence et d’efficacité notre devoir de demander des comptes au gouvernement.
En ce qui concerne les questions écrites, je parlerai plus en détail de l’amendement du sénateur Quinn.
Pourquoi ces changements, qui peuvent sembler techniques en apparence, sont-ils si importants?
Précisément parce qu’ils assurent la légitimité et l’égalité des sénateurs non affiliés à un caucus de la Chambre des communes. Je parle ici d’environ 80 % des membres actuels de cette Chambre. Ces 79 sénatrices et sénateurs ne sont pas moins aptes que quelque autre sénateur que ce soit à demander des comptes au gouvernement et à modifier ou critiquer des projets de loi et d’autres initiatives, en vue de les voir bonifiés.
La différence, toutefois, c’est que nous voyons notre rôle non pas comme un rôle d’obstruction, mais plutôt comme un rôle d’analyse attentive et critique, dans le but d’améliorer des projets de loi d’initiative gouvernementale, tout cela dans une perspective qui va bien au-delà de la vision d’un parti quel qu’il soit et de considérations électoralistes qui ne sont pas du ressort de notre Chambre non élue, qui est la seule de ce genre au sein du système de Westminster, si l’on exclut les crossbenchers qui, au sein de la Chambre des lords au Royaume-Uni, sont généralement non élus.
En 2024, faut-il encore voir le Sénat comme une institution dans laquelle, pour être équitablement considéré en vertu du Règlement, il faut soit appuyer totalement toutes les motions du gouvernement, soit s’y opposer obstinément et avec intransigeance?
J’insiste sur le fait que je trouve fort important de définir le Groupe des sénateurs indépendants, le Groupe progressiste du Sénat et le Groupe des sénateurs canadiens comme une forme d’opposition différente, mais tout aussi pertinente. Il s’agirait d’une forme d’opposition différente, parce que constructive et complémentaire de la Chambre des Communes, plutôt que d’imiter le style d’opposition de l’autre endroit. Je dis cela avec respect pour les parlementaires élus, mais nous ne sommes pas des parlementaires élus.
Il n’y a jamais eu autant d’amendements aux projets de loi du gouvernement que dans le nouveau Sénat actuel. N’est-ce pas la preuve que les sénateurs indépendants des trois groupes indépendants tiennent le gouvernement responsable et améliorent les projets de loi dans l’intérêt des Canadiens? Nous ne sommes pas affiliés à un parti, et en aucun cas nous ne faisons passer les intérêts du parti avant ceux du pays.
Pour ma part, j’estime que le Sénat issu de la réforme est beaucoup plus proche de son mandat constitutionnel de Chambre complémentaire à la Chambre élue.
C’est une institution démocratique de second examen attentif et ses membres doivent baser leurs propos sur des faits et des données probantes, sur l’expertise et le meilleur intérêt commun des citoyens du pays.
Les règles et pratiques ayant cours aujourd’hui font qu’une majorité de sénateurs sont des otages du militantisme partisan. Ils ne sont pas les seuls à s’y sentir inconfortables. Les sondages sur la question sont clairs. Les Canadiens souhaitent une Chambre complémentaire à la Chambre élue et, surtout, qui est au-dessus de considérations purement partisanes.
Le sentiment est le même au sein de notre institution. En 2024, une vaste majorité de sénateurs sont favorables aux changements proposés dans la motion. Cela n’a jamais été aussi évident que pendant l’étude menée par le Comité du Règlement. Malheureusement, le comité a décidé qu’il faudrait l’unanimité pour avancer. Il a ainsi accordé un droit de veto à tout sénateur qui n’était pas d’accord, ce qui l’a empêché de soumettre des recommandations au Sénat.
Au sénateur Plett, qui met en cause l’étude de la motion, je rappelle respectueusement qu’il s’oppose à ces changements depuis plus de huit ans.
Il ne faudrait pas croire qu’il n’y avait pas de consensus au sein du comité. L’unanimité n’est pas synonyme de consensus. Lorsque quelques personnes bloquent systématiquement la volonté du plus grand nombre, la démocratie échoue.
Cette situation est typique des règles qui encadrent actuellement le fonctionnement du Sénat. Nous refusons des privilèges à la majorité des sénateurs et des groupes au profit d’un petit nombre de sénateurs et de groupes. Ce faisant, nous allons à l’encontre de la démocratie et de la volonté des Canadiens et nous laissons s’exercer, dans cette institution, la tyrannie de la minorité, un concept — je le souligne — qui est totalement étranger aux principes du système de Westminster.
Pour conclure, chers collègues, après tous ces débats et toutes ces études, il est grand temps d’aller de l’avant avec la modernisation de nos règlements. Il s’agit avant tout d’une question d’équité pour les sénateurs indépendants, qui, pour la majorité depuis 2016, ont accepté cet exigeant mandat dans une telle perspective. C’est aussi une question d’équité pour les 13 sénateurs qui ont été assermentés avant 2016, qui sont déçus de leur expérience dans un système de duopole et qui ont choisi de siéger aujourd’hui comme indépendants.
En 2019 et en 2021, 77 % et 76 % des répondants au sondage sur l’avenir du Sénat souhaitaient que les futurs gouvernements poursuivent le mode de nomination non partisan. De plus, 81 % d’entre eux estimaient que la non-affiliation des sénateurs à un parti politique était une chose positive.
C’est difficile d’être plus clair. Sur ce plan, nous savons ce que ceux que nous servons et représentons ici attendent de nous. C’est pourquoi je voterai en faveur de la motion no 165, avec l’espoir que l’on continue de travailler à la modernisation de cette institution.
Il reste beaucoup à faire pour trouver un équilibre entre le temps passé à examiner la législation gouvernementale, à étudier des projets d’initiative parlementaire et à mener des études en comité avec de véritables témoins experts indépendants et non partisans, qui peuvent éclairer le gouvernement sur l’importance d’adopter de meilleures politiques publiques et de tenir le gouvernement, quel que soit le parti qui le forme, responsable de la gestion des fonds publics que nos concitoyens donnent à l’État pour qu’il les serve plus efficacement et qu’il réponde à leurs besoins contemporains.
Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.
La sénatrice St-Germain accepterait-elle de répondre à une question?
Avec grand plaisir.
Merci de votre intervention. J’appuie le principe de la modernisation. J’ai connu la politique active et la partisanerie et ce qui m’a convaincu de poser ma candidature au Sénat, c’est justement le fait que c’est une Chambre de second examen non partisan. Mes réflexions sont très proches des vôtres. Il y a toutefois un élément que je ne comprends pas vraiment dans ce qu’on nous a expliqué.
Je comprends que nous avons différents groupes de sénateurs indépendants et que le représentant du gouvernement et le leader de l’opposition ont un temps de parole illimité. Par ailleurs, pourquoi serait-ce uniquement le leader du Groupe des sénateurs indépendants, le GSI, qui aurait un temps de parole illimité, alors que les deux autres leaders ne l’auraient pas? C’est comme si on en faisait des leaders de seconde classe parmi les autres groupes d’indépendants. J’avoue que je ne comprends pas vraiment ce concept. Pourriez-vous me l’expliquer, s’il vous plaît?
C’est le même principe qu’à l’autre endroit et dans la majorité des gouvernements. C’est le principe qui veut que le groupe le plus nombreux, outre celui du gouvernement, devienne le groupe qui obtient des privilèges dans une démocratie, parce qu’il représente une majorité de sénateurs.
J’aimerais souligner qu’il est important de noter que cette motion n’enlève aucun des pouvoirs ou des privilèges, ni au gouvernement ni à l’opposition.
Bien que je considère comme particulier cet exemple de la dilution des pouvoirs de l’opposition en la comparant à de la glace dans un verre de whisky, ce que je trouve pour ma part plutôt impertinent, il est vraiment important de reconnaître, dans une démocratie, ce principe de la représentation de la majorité. Il s’agit d’un principe fondamental qui est lui-même reconnu comme étant un des piliers du système de Westminster.
On nomme le GSI, mais on devrait plutôt nommer le groupe le plus nombreux, qui est aujourd’hui le GSI. Ces changements, je l’espère, seront faits à plus long terme, dans le but de pérenniser la réforme d’un Sénat indépendant et complémentaire à la Chambre des communes, ce qui est vraiment la volonté que les Pères de la Confédération canadienne ont exprimée au moment de la fondation et de l’alliance conclue en vue de former la Confédération.
La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?
Bien sûr.
Merci. Quand j’ai comparu devant le comité, j’ai parlé du délai de réponse de 60 ou de 45 jours. A-t-il été question de ce point pendant tout le travail qui a été fait et que vous avez mentionné ce soir? A-t-il été question du délai de 60 ou de 45 jours dans le cadre du travail qui a déjà été accompli conformément au mandat du comité?
En fait, la question a été examinée par le Comité du Règlement, mais elle a aussi fait l’objet de discussions dans cette enceinte à maintes reprises. Je dirais que les sénateurs de tous les groupes, pas seulement les leaders, se sont plaints du fait que les délais sont souvent très longs, que les réponses sont différées sans échéance et que, parfois, les réponses fournies ne répondent pas vraiment à la vraie question.
C’est la raison pour laquelle je suis surprise. Je donnerai plus de détails quand je parlerai de votre amendement. Cependant, je suis vraiment surprise par un amendement comme celui-ci qui ne reconnaît pas que cette motion est une grande amélioration pour ce qui est des questions écrites et des réponses différées. Au moyen de cette motion — si elle est soumise à un vote et adoptée —, le gouvernement devra non seulement respecter une échéance de 60 jours, mais aussi expliquer la raison pourquoi il y a un retard dans les cas où l’échéance n’aura pas été respectée. Par ailleurs, la motion prévoit une sanction parce que, si le gouvernement ne répond pas à certaines questions, le Sénat pourrait renvoyer le cas au Comité du Règlement et soulever une question de privilège. Quelle amélioration.
Cela explique pourquoi je crois que le représentant du gouvernement a reconnu la situation et a écouté les plaintes qui ont été soulevées à la fois devant le Comité du Règlement et dans cette enceinte par tous les groupes et — je le répète — les caucus, y compris le caucus conservateur.
Bien franchement, sénateur Gold, je vous en suis reconnaissante.
Je veux juste préciser que je cherchais à savoir si le point que j’ai fait valoir au Comité du Règlement avait fait l’objet de discussions auparavant. Il me semble que la présidente du comité, quand j’ai abordé cet aspect, a dit qu’il serait utile que le comité en discute et m’a demandé de mettre tout cela par écrit pour que les membres du comité puissent se pencher là‑dessus. J’en ai déduit que cela n’avait pas été envisagé auparavant.
Si c’est bien le cas, y a-t-il d’autres éléments de la motion no 165 qui n’avaient pas été étudiés avant que la motion ne soit déposée?
J’espère que je vais répondre à votre question, parce que je ne suis pas certaine de bien comprendre. Ce que vous avez proposé au Comité du Règlement a été examiné, mais ce n’était pas la première fois que le comité et le Sénat étaient saisis de la question. Votre apport sur le sujet est apprécié, mais je dirais que le monde n’a pas commencé à tourner quand vous avez présenté vos arguments au comité.
Sénatrice Saint-Germain, je veux parler de la limite de temps imposée aux intervenants et du fait que vous, en tant que leader du Groupe des sénateurs indépendants, auriez un temps de parole illimité pour intervenir et répondre aux questions au sujet des projets de loi et des motions.
Ma question porte sur le fait que, à l’heure actuelle, vous avez un groupe assez important au Sénat, 40 sénateurs ou à peu près. Cependant, en vertu de cette motion et parce qu’il s’agirait d’une règle du Sénat et non d’un simple ordre sessionnel qui ne couvrirait qu’un certain laps de temps pendant lequel cette situation existe, vous avez actuellement un groupe très important, beaucoup plus nombreux que les deux autres groupes qui ne bénéficieraient pas de ce temps illimité, mais il pourrait arriver un moment — peut-être dans un avenir proche — où les sénateurs du gouvernement et de l’opposition deviendraient beaucoup plus nombreux et où le troisième parti serait très petit. Que se passerait-il si le groupe que vous dirigez actuellement en venait à compter peut-être 16 sénateurs, que le groupe après le vôtre en comptait 15 et que le groupe suivant en comptait 14? Votre groupe bénéficierait d’un temps de parole illimité, alors que les deux autres n’auraient que 45 minutes. En quoi est-ce juste et en quoi est-ce équitable entre les groupes?
Je ne répondrai pas à une question ainsi basée sur des chiffres fictifs. Je me contenterai de dire que ce qui est injuste — ou qui serait injuste — serait, pour le troisième groupe en importance après le gouvernement et l’opposition, de ne pas se voir accorder cette possibilité.
Je le répète, nous ne devons pas tenir compte de qui est actuellement leader du gouvernement, l’opposition, le groupe le plus important ou les deux autres groupes. Nous ne proposons pas ces modifications pour un an ou deux. L’idée est d’assurer la survie de cette réforme, car elle est démocratique. Les Canadiens l’appuient, et elle respecte les principes du système Westminster. Elle respecte également l’autre endroit sans toutefois l’imiter.
Cette réforme est pertinente, et à cette étape-ci, il n’est pas pertinent de répondre aux questions fondées sur des scénarios fictifs ou des hypothèses. Au besoin, le Sénat aura toujours la possibilité de modifier de nouveau le Règlement ou d’adopter un ordre sessionnel reflétant des choix différents, mais il n’est pas de notre devoir d’avancer des hypothèses concernant ce qui se passera dans 20 ou 25 ans. Faisons ce que nous pouvons maintenant pour améliorer notre institution et faire en sorte qu’elle respecte davantage notre système démocratique.
Sénatrice Saint-Germain, plus tôt, dans votre discours, vous avez dit que vous n’utiliseriez jamais votre temps de parole illimité, notamment lorsque vous répondez à des questions, pour faire de l’obstruction. Vous avez affirmé que c’était votre promesse, votre serment solennel à ce sujet.
Cela dit, à quelles fins auriez-vous l’intention d’utiliser ce temps de parole illimité? Un jour viendra peut-être où vous vous opposerez vivement à un projet de loi ou à une motion d’initiative ministérielle ou à quelque chose du genre, où vous serez confrontée à une situation dans laquelle vous aurez le sentiment profond que quelque chose est peut-être inconstitutionnel, antinomique à votre région, nuisible pour le Canada, et où ce sera le meilleur instrument à votre disposition pour porter cette question à l’attention de la population canadienne et de tous les parlementaires. À quelles fins utiliseriez-vous votre temps de parole illimité, et pourquoi excluriez-vous cette possibilité? Si vous avez une telle conviction à cet égard, accepteriez-vous une modification visant à éliminer cette capacité?
Non, je n’accepterais pas d’amendement. Je suis persuadée que je n’aurais jamais à faire de l’obstruction, car je crois fermement en notre démocratie et je pense que lorsque les Canadiens élisent un gouvernement avec une plateforme, ils souscrivent à cette plateforme. Le rôle du Sénat n’est pas de renverser le gouvernement, mais de s’assurer qu’il n’y a pas de violations constitutionnelles.
Encore une fois, nous sommes tous ici pour demander des comptes au gouvernement lorsque nous le jugeons approprié, pour commenter de manière constructive un projet de loi, pour proposer des amendements et pour améliorer les projets de loi. Ce privilège de temps illimité qui serait également accordé au groupe le plus important n’est qu’une garantie au cas où le gouvernement — et cela pourrait être le cas avec un gouvernement majoritaire — violerait les droits constitutionnels des Canadiens.
Dans ce cas, il ne s’agira pas d’obstruction. Il s’agirait simplement d’avoir suffisamment de temps pour examiner tous les aspects d’un comportement, d’un projet de loi ou d’un geste du gouvernement que je qualifierais d’antidémocratique et d’accorder suffisamment de temps à l’opposition officielle et au groupe le plus nombreux pour en parler et pour essayer de l’améliorer et de le modifier. À mon avis, ce n’est pas de l’obstruction. Je pense cependant qu’il n’est pas judicieux de l’utiliser régulièrement et trop souvent, lorsque nous sommes mécontents de quelque chose de démocratique.
Je pense également qu’avec un gouvernement démocratiquement élu, le Sénat doit faire preuve de retenue. Je ne citerai pas le regretté sénateur Shugart, mais je suis entièrement d’accord avec lui. C’est pourquoi la convention de Salisbury est si importante. Je nous invite tous à lire et à relire cette convention, car nous devons être conscients que c’est de cette façon que nous devons servir de complément à Chambre élue du Parlement.
Sénatrice Saint-Germain, votre évaluation de ce qui est démocratique et de ce qui ne l’est pas manque un peu de cohérence. Je veux revenir à la question du sénateur Gignac qui se demandait pourquoi vous avez droit à un temps de parole illimité que d’autres groupes n’ont pas.
Dans votre réponse au sénateur Gignac, vous avez dit que ce changement est justifié parce que vous êtes le groupe le plus nombreux au Sénat outre celui du gouvernement. Vous avez précisé que c’est le même principe qu’à l’autre endroit. En tout respect, sénatrice Saint-Germain, le deuxième groupe en importance à l’autre endroit n’est pas nommé par le premier ministre. Le deuxième groupe en importance à l’autre endroit est dûment élu pour s’opposer au premier groupe, qui est le parti au pouvoir.
Le gouvernement actuel semble avoir décidé de détruire tout le processus du système parlementaire. S’il y a un leader du gouvernement qui ne représente personne, le plus grand groupe au Sénat, nommé par le premier ministre dûment élu, devrait avoir les droits et les privilèges du leader du gouvernement. Cependant, on ne peut pas avoir un leader du gouvernement disposant de tous les droits et privilèges du gouvernement et le plus important caucus doté des mêmes privilèges que l’opposition. C’est un monstre à trois têtes.
Lorsque vous dites que vous avez le droit parce que vous êtes le deuxième groupe en importance après le gouvernement, c’est faux. Le groupe le plus important ici, ce n’est pas le gouvernement, c’est votre groupe. Vous gouvernez parce que vous êtes le groupe le plus important, et nous avons un mandat parce que nous représentons l’opposition officielle. J’aimerais que nous ressemblions davantage à la Chambre des communes, où le groupe le plus important dûment élu gouverne et où le deuxième groupe en importance représente l’opposition officielle.
Vous me donnez raison. Vous êtes affilié à un caucus partisan. Vous n’êtes pas élu. Cette motion est généreuse parce qu’elle tient encore compte de l’existence d’une opposition et d’un gouvernement, mais aussi du fait que la majorité n’est pas affiliée à un caucus partisan, sénateur. C’est le style du Sénat. C’est ce qu’il faut retenir.
Savez-vous quel est mon modèle? Vous parlez très souvent du système de Westminster. Vous savez combien j’apprécie votre, je dirais...
Sagesse.
Non, pas votre sagesse : votre capacité à parler des heures durant. C’est facile pour vous. Vous êtes un bon orateur.
Mon modèle, dans le système de Westminster, c’est la Chambre des Lords. La majorité n’y est généralement pas élue. Elle a un rôle et un statut. C’est là mon modèle. Permettez-moi de vous dire ceci : vous savez que je vous aime beaucoup, mais parfois, lorsque vous parlez, c’est comme si le Sénat du Canada n’était pas la seule chambre haute du système de Westminster à être formée de parlementaires non élus. La distinction est importante. Je suis heureuse que votre question me donne l’occasion d’apporter cette nuance. Nous ne sommes pas une chambre élue. Nous devons tout de même respecter les principes démocratiques et la volonté de la majorité, mais le seul exemple pertinent dans le système de Westminster, c’est celui des pairs non inscrits, à la Chambre des Lords. Je vous remercie de votre attention.
Sénatrice Saint-Germain, accepteriez-vous de répondre à une question de ma part?
Certainement.
Je dois commencer par un commentaire. Je vous remercie d’avoir livré votre discours dans le respect. Je suis une personne qui aime tout le monde, mais parfois, cela m’arrive de penser que le respect n’est pas toujours évident — je l’éprouve chez nous aussi, cette émotion. Cela a beaucoup brassé ce soir, mais vous m’avez ramenée dans un espace où c’est important de rester au niveau des aînés. Souvenez-vous, je vous avais dit qu’il fallait faire comme des aînés, et notre collègue l’honorable Murray Sinclair le disait aussi, qu’il fallait faire « comme les sages ». Donc, merci beaucoup.
En même temps, dans ma culture, on écoute les sages, on ne les interrompt pas et on ne leur coupe pas la parole. Cependant, c’est peut-être mon côté québécois qui me fait dire que le temps est souvent important, parce qu’on n’a pas beaucoup de temps au Sénat. J’ai vu les mots « temps de parole illimité », et j’ai compris grâce à votre explication, mais en même temps, les autres groupes, comme celui dont je fais partie, représentent des minorités, des groupes vulnérables qui n’ont pas la chance d’avoir une place imposante dans cette belle assemblée.
Vous nous avez parlé d’une sauvegarde; pourriez-vous nous en dire plus? Je ne suis pas à l’aise... Je le suis avec vous comme leader d’un plus grand groupe, oui, mais dans trois ou quatre générations, ce sera peut-être quelqu’un qui n’aura pas la même attitude que vous. Comment puis-je être rassurée sur le fait qu’au‑delà de tout cela, la personnalité du prochain leader fera qu’il respectera le Règlement et qu’il n’abusera pas de ce privilège? Cela m’inquiète, mais peut-être avez-vous déjà réfléchi à cela?
Meegwetch pour vos bons mots.
Je vais vous faire une confidence, mais là-dessus, il faut respecter la volonté de la majorité. Personnellement, et je n’étais pas la seule — et les séances du Comité du Règlement sont publiques —, j’aurais souhaité que le temps de parole illimité ne soit accordé à personne. On a tenu plusieurs débats et on a dit que, selon la formule actuelle du gouvernement, un bureau du gouvernement formé de trois sénateurs qui n’ont pas de place réservée en comité... Le sénateur Gold a un statut de membre ex officio qui lui donne un droit de vote, mais le leader de l’opposition a aussi ce statut; autrement, il n’a pas de place réservée en comité.
C’était une question assez particulière et on reconnaissait que oui, actuellement, cette formule était quand même importante pour le gouvernement — et le sénateur n’en a pas abusé, d’ailleurs. On a reconnu aussi le principe selon lequel il ne fallait pas enlever de privilèges à l’opposition pour les donner au gouvernement. On a tous souscrit à cela.
En même temps, on a dit qu’il existe cette notion du groupe qui représente une majorité, et c’est un principe en démocratie. Cela dit, — et je ne peux pas parler pour mes successeurs; personne ne peut faire cela —, à mes yeux, dans un Sénat moins partisan, il est clair qu’il s’agit simplement d’une garantie de plus dans les cas où il y aurait un véritable abus qui irait à l’encontre de la volonté des Canadiens.
Je pense que s’il y avait de l’abus, on pourrait dire que c’est le gouvernement de l’époque qui l’aurait commis, quel que soit ce gouvernement. Si un abus se produit, on pourra toujours compter sur l’opposition, qui aura ce statut sur le plus grand groupe, et sur les groupes moins nombreux qui pourront quand même poser des questions. Je pense que j’aime bien cette notion qui est de dire que le mot « opposition » doit être conservé, car il fait partie de la Loi sur le Parlement du Canada.
La question qui se pose est la suivante : quel genre d’opposition les groupes indépendants veulent-ils devenir? Est-ce qu’on veut être une opposition constructive ou obstructive? Est-ce que s’opposer doit être systématique? J’ai examiné quelques projets de loi et j’ai écouté les comités objectivement. Au début, j’étais contre le projet de loi décriminalisant la consommation du cannabis, mais je me suis documentée et j’ai vu que c’était un moindre mal. J’ai donc appuyé des amendements, y compris des amendements des conservateurs.
Je prends cet exemple pour dire que ce n’est pas parce qu’on appuie éventuellement des projets de loi du gouvernement qu’on est associé à ce gouvernement et à ce parti. Ce serait terrible. Qu’est-ce qu’on aurait comme services publics si on avait systématiquement des lois ou des projets de loi pourris, présentés par le gouvernement, adoptés par la Chambre des communes et pour lesquels on aurait systématiquement besoin du Sénat pour modifier ces projets de loi parce qu’ils sont mauvais? Je n’aime pas ce lien que l’on fait entre des projets de loi qui sont examinés et finalement adoptés sans amendement et le fait que cela se fait par la majorité des sénateurs, parce que ce serait des sénateurs libéraux, donc des amis du parti du jour.
À mon avis, cela fait partie de la désinformation, et c’est ce que je crois qu’on devrait corriger. J’espère répondre à votre question en disant qu’il faut avoir cette barrière, au moins pour le groupe le plus nombreux qui n’est pas du gouvernement ou de l’opposition, mais qu’il faut aussi avoir ensemble cette vision de tous les groupes indépendants formant une opposition constructive qui sert bien les Canadiens, mais qui ne confond pas les intérêts du parti avec ceux de la patrie.
Des membres du Groupe des sénateurs indépendants ou de son personnel ont-ils participé à la rédaction de cette motion?
Pas à ma connaissance. Je crois que cette motion a été rédigée par le bureau du représentant du gouvernement.
La sénatrice Lankin est actuellement membre du bureau du représentant du gouvernement. Pour ce qui est des membres du personnel, aucun membre du personnel du Groupe des sénateurs indépendants n’a participé à la rédaction de cette motion.
Sénateur Plett, avez-vous une question?
Oui, si la sénatrice accepte d’y répondre, j’aurais une autre question par rapport à ce que le sénateur Downe vient de demander.
Sénatrice Saint-Germain, n’est-il pas vrai que la sénatrice Lankin était membre du Groupe des sénateurs indépendants, mais qu’elle a très ouvertement décidé de le quitter? D’ailleurs, selon le Hill Times, elle est allée au bureau du représentant du gouvernement seulement pour participer à la rédaction de cette motion et pour veiller à son adoption, et elle devrait retourner au Groupe des sénateurs indépendants dans un avenir assez rapproché.
La sénatrice Lankin n’est pas membre du personnel du Groupe des sénateurs indépendants.
Chers collègues, je n’avais pas vraiment l’intention de parler et la sénatrice Bellemare, qui est notre experte en matière de Règlement, allait commenter et commentera plus à fond, peut-être pas aujourd’hui, mais demain ou jeudi, le contenu technique de la motion.
Cependant, je ne peux rester silencieux après certains commentaires que j’ai entendus aujourd’hui à la suite d’un échange très productif entre les membres du groupe conservateur qui, pendant les deux heures de pause, n’ont pas eu le temps de discuter entre eux de ces questions importantes, et qui nous ont fait bénéficier de leurs discussions ouvertes auxquelles nous avons pu tous participer. D’ailleurs, je les en remercie.
Cela dit, chers collègues, j’aimerais plutôt apporter quelques nuances à certaines choses qui ont été dites.
Chers collègues, lorsque nous aurons adopté cette motion, les pouvoirs en matière de procédure seront répartis plus équitablement entre tous les partis et les groupes parlementaires au Sénat. Il restera tout de même quelques différences, comme le droit de vote des membres d’office des comités.
En soi, cette motion est un pas dans la bonne direction en vue de permettre à des groupes de participer à l’organisation des travaux du Sénat, comme avoir le pouvoir de reporter des votes et de tenir des séances de comité en dehors des plages normales sans que deux sénateurs puissent imposer leur veto.
Cette motion est fermement enracinée dans la tradition de Westminster qui reconnaît la liberté des parlementaires de former des groupes et de participer au processus législatif pour demander des comptes au gouvernement en place.
Cette motion renforce la capacité de sénateurs d’exercer leurs fonctions constitutionnelles sans devoir nécessairement être membres d’un caucus du gouvernement ou de l’opposition.
Le sénateur Plett a présenté cette motion pour modifier le Règlement comme une motion du gouvernement sans précédent qui aurait été rédigé par le Cabinet d’un premier ministre sortant qui essaie de miner le terrain en prévision d’une éventuelle forte majorité du Parti conservateur.
Ce discours peut plaire aux personnes qui voient des conspirations partout : aux Nations unies, à l’Organisation mondiale de la santé, à Davos, etc.
N’empêche que nous devrions nous concentrer sur les faits. Pour ceux qui accordent une importance aux faits, les changements proposés s'inscrivent dans la même foulée que certaines discussions que nous avons eues depuis que je suis arrivé au Sénat il y a six ans. Je pense notamment au Comité sur la modernisation et au Comité du Règlement.
En effet, ces changements permettront d’harmoniser le Règlement avec les modifications apportées à la Loi sur le Parlement du Canada, modifications que nous avons réussi à adopter en 2022 après plusieurs tentatives depuis 2020. Il nous en a fallu du temps pour y arriver. Il aura fallu que ce soit inclus dans un budget dans le cadre d’un projet de loi omnibus. Je n’affectionne pas ce type de projet de loi, mais j’ai bien aimé cette partie de ce projet de loi omnibus.
Cette motion n’est par ailleurs pas une première dans l’histoire du Canada. Permettez-moi de citer deux extraits de la Procédure du Sénat en pratique. Je cite en premier un extrait de la page iii sur la question du Règlement :
Au cours des années suivantes, des modifications mineures ont été effectuées, mais les plus profondes demeurent sans conteste celles apportées en 1991. Ces modifications survenaient après que la rancœur partisane, provoquée par le débat sur l’introduction de la taxe sur les produits et services (TPS), eut atteint un niveau sans précédent. Parmi les changements apportés figurait l’imposition d’une limite de temps à des travaux précis, dont les Déclarations de sénateurs, les Affaires courantes et la Période des questions. Des délais étaient aussi imposés à la plupart des discours, ainsi qu’à la durée de la sonnerie pour les votes par appel nominal. Une heure normale d’ajournement — minuit la plupart du temps, 16 heures le vendredi — était aussi fixée. En outre, la priorité était accordée aux Affaires du gouvernement, qui seraient désormais appelées selon l’ordre établi par le leader ou le leader adjoint du gouvernement. Des dispositions étaient également ajoutées pour permettre au gouvernement de fixer un délai pour la durée de ses travaux, et de nouvelles procédures visant les questions de privilège étaient établies.
Un deuxième passage intéressant se trouve à la page 73 toujours de la Procédure du Sénat en pratique :
Il […] se divise en deux grandes catégories : les Affaires du gouvernement et les Autres affaires. Cette distinction existe depuis 1991, date à laquelle le Règlement du Sénat a été modifié afin de donner la priorité à l’étude des affaires présentées par le gouvernement. Avant ce changement, cette distinction n’existait pas.
Chers collègues, je retiens deux points importants à la lecture de ces passages. Premièrement, il n’y avait aucune distinction entre les affaires du gouvernement et les autres affaires avant 1991. Deuxièmement, il n’y avait aucune imposition d’une limite de temps avant 1991.
D’abord, il n’y avait pas de distinction entre les affaires du gouvernement et les autres affaires avant 1991. Deuxièmement, il n’y avait pas de règle de fixation de délai avant 1991.
En cherchant à savoir comment ces changements avaient été apportés, j’ai constaté que, sur le plan de la procédure, ces changements majeurs faisaient partie d’un ensemble volumineux de modifications au Règlement adoptées le 18 juin 1991, à l’initiative du gouvernement conservateur du premier ministre de l’époque, le très honorable Brian Mulroney. Elles ont été adoptées à la suite d’un vote par appel nominal de 40 contre 30.
C’était loin de faire consensus. De plus, ces changements ont été apportés après la nomination par le premier ministre Mulroney de huit autres sénateurs en 1990 au titre d’un article de la Constitution qui n’avait jamais été utilisé dans l’histoire du Canada.
Par conséquent, nous n’écrivons pas une grande page d’histoire ce soir : elle a été écrite en 1991.
On peut difficilement parler de modifications au Règlement par consensus. En fait, l’article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867 exige que le Sénat prenne ses décisions à la majorité des voix. La Constitution ne nous permet pas d’établir des règles qui requièrent une supermajorité, comme au Sénat américain, parce que cela ne serait pas constitutionnel, ni, implicitement, d’accorder un droit de veto à un groupe de 13 sénateurs, par exemple. En outre, comme l’a dit le sénateur Sinclair en 2020 en parlant des modifications potentielles au Règlement que nous proposions, lui et moi, comme vous vous en souvenez peut-être, car il s’agissait d’un gros document : « [...] le consensus ne devrait pas être une condition préalable pour faire ce qui est juste [...] » C’est ce que je crois.
Bref, honorables sénateurs, les arguments de l’opposition contre la motion reposent sur des propositions inexactes ainsi que sur une vision du Sénat qui n’existe plus. En réalité, il y a maintenant quatre groupes au Sénat, et aucun ne détient la majorité. Espérons que cela va durer.
Nous ne devrions pas avoir honte de ce que nous sommes en train de faire. Nous ne faisons que suivre l’évolution du modèle de Westminster, en fait. Comme vous le savez, notre institution a été établie il y a de nombreuses décennies à partir du modèle de la Chambre des lords, la Chambre haute du Parlement de Westminster. La Chambre des lords est composée de divers groupes, les quatre plus importants étant le groupe des conservateurs, qui compte 277 pairs; celui des travaillistes, avec 172 pairs; les libéraux‑démocrates, avec 80 pairs; et le groupe des indépendants, qui compte 181 pairs. Comme vous pouvez le constater, aucun groupe n’est majoritaire. Malgré la grande impopularité du gouvernement conservateur qui dirige actuellement l’Angleterre, ses projets de loi sont adoptés à la Chambre des lords.
Grâce aux règles que propose la motion à l’étude, les quatre groupes que nous avons ici jouiront d’un statut équivalent à bien des égards. Au bout du compte, ces nouvelles règles iront dans le sens de l’égalité que nous cherchons à créer entre les groupes. Ce principe d’égalité est important pour nous tous, en tant que personnes et en tant que membres de groupes. De plus, elles garantiront l’existence de quatre groupes au Sénat ainsi que la possibilité, pour chacun d’entre nous, de nous affilier à l’un de ces groupes et de changer d’affiliation au fil du temps. Elles nous rendent plus indépendants et elles font en sorte qu’un sénateur n’a pas, par exemple, à traverser le parquet quand il est en désaccord avec son groupe.
En ce qui concerne le modèle de Westminster, je pense que nous devrions aller plus loin que ce que nous faisons à l’heure actuelle. Nous devrions suivre ce qui se fait déjà à la Chambre des lords. Par exemple, nous pourrions élire notre Président. Ils ont enlevé ce pouvoir à la Couronne. Le Président est maintenant élu par scrutin secret à la Chambre des lords.
Votre Honneur, ce n’est pas une critique à votre endroit. Je suis sûr que vous remporteriez le vote. L’enjeu, c’est que c’est ce modèle qui est utilisé à la Chambre des lords. C’est la direction vers laquelle évolue le modèle de Westminster. En outre, les présidents des comités sont choisis par l’ensemble de la Chambre. Il s’agit d’un comité de présidents qui président toutes les réunions des comités. Ce sont les lords permanents qui ont été choisis par toute la Chambre et non par deux ou trois membres d’un comité, pour assurer la présidence de ce comité.
Chers collègues, je terminerai en disant ceci : certaines personnes sont préoccupées par le fait que, si ces modifications sont adoptées, je n’aurai peut-être pas un temps de parole illimité quand je ferai mon prochain discours. Je comprends la théorie. Toutefois, dans la pratique, je n’ai personnellement jamais eu besoin d’un temps de parole illimité. Je n’utilise même pas les 45 minutes dont je dispose aujourd’hui. Habituellement, je n’ai pas besoin d’autant de temps de parole parce que, à mon avis, si le message est clair, il peut être transmis aux collègues en 15 minutes, voire 30 minutes ou tout au plus 45 minutes. Si vous avez besoin de plus de temps, c’est que quelque chose cloche dans votre message.
Chers collègues, je vous remercie beaucoup de votre attention.
Je vous remercie, sénateur Dalphond, de ces éclaircissements. Accepteriez-vous de répondre à une question?
Je me sens plein d’énergie et prêt à répondre à des questions. Je ne pense pas toutefois pouvoir vous battre, car je ne dispose que de 45 minutes.
Merci. Tout d’abord, Votre Honneur, permettez-moi de dire que le Parti conservateur soutient pleinement la présidente du Sénat, même ce n’est pas le cas des membres du Groupe progressiste du Sénat.
Sénateur Dalphond, pouvez-vous nous expliquer comment le Règlement a été modifié en 1991? Quel processus a été employé en 1991?
Il n’était pas là. Il ne le sait pas.
Le sénateur Housakos a raison. Je n’étais pas là, il n’était pas là et le sénateur Plett non plus n’était pas là. Cela dit, j’étais né.
Je n’étais pas là, sénateur Plett, mais je peux vous dire que c’était un vote par appel nominal. Je peux vous dire que le débat avait été long et que la décision avait été imposée à la minorité libérale.
La vérité, sénateur Dalphond, c’est que la modification du Règlement survenue en 1991 était fondée sur le rapport d’un comité. Elle a été apportée sur la recommandation d’un comité.
Après qu’il eut mené une étude.
Après qu’il eut mené une étude. Cette fois, la modification est proposée par un dictateur à la Chambre et par un dictateur au Sénat, pas par un comité. Nous avons soutenu la sénatrice Bellemare.
Dites-vous qu’il faudrait carrément contourner le comité? L’opposition a boycotté le Comité du Règlement. Le comité voulait qu’il y ait un vote sans qu’on débatte des modifications. Sénateur Dalphond, vous comparez des pommes avec des oranges. Vous dites que, en 1991, c’était une solution merveilleuse, et nous sommes d’accord. Qu’on soumette quelque chose au comité et qu’on le laisse proposer les modifications au Règlement. Ne diriez‑vous pas que c’est ainsi que les choses se sont passées en 1991? C’est ce qui s’était passé à l’époque, alors ce qui était bon en 1991, selon vous, est assez bon en 2024?
Merci, sénateur Plett, de votre question. Pouvez-vous nous dire si le rapport en question était un rapport unanime?
Est-ce que mon collègue accepterait de répondre à une question?
Avec plaisir, cher collègue.
Merci pour l’historique que vous nous avez fait. J’étais bien prêt à vous écouter plus longtemps, mais vous avez été efficace et vous vous êtes exprimé de façon concise.
J’aimerais vous poser la même question que j’ai posée à la sénatrice Saint-Germain, car le sujet me trotte dans la tête. Je comprends que le représentant du gouvernement dispose d’un temps de parole illimité. Ce sont tout de même les Canadiens qui élisent le gouvernement et l’opposition est déterminée par ce qui se passe à l’autre endroit. Forcément, l’opposition est donc le deuxième groupe le plus important qui a été choisi. Toutefois, pourquoi le représentant du Groupe des sénateurs indépendants, dont le nombre de membres est le plus important, aurait-il les mêmes pouvoirs et privilèges que le leader de l’opposition ou le représentant du gouvernement?
Comme la sénatrice Audette l’a mentionné, on représente les minorités et on doit les protéger. Quelles seraient les conséquences inattendues d’un tel changement? Je m’explique. Si dans sept, huit ou dix ans, puisque le Québec aura toujours 24 sénateurs dans cette Chambre, il y avait tout à coup un groupe qui serait les sénateurs du Québec et qui deviendrait le groupe le plus important, est-ce que vous seriez à l’aise que ce groupe ait les mêmes pouvoirs que l’opposition officielle et le gouvernement? C’est une question hypothétique.
Merci, cher collègue. Vous posez toujours de bonnes questions. Quand un ministre pose une question à quelqu’un qui était juge, c’est un peu difficile. D’habitude, c’est le contraire.
Je comprends que, théoriquement, un groupe possède peut-être un droit de parole un peu plus long, mais je dois dire qu’il y a une certaine logique dans la proposition du gouvernement et du bureau du représentant du gouvernement. Lorsqu’on a présenté les amendements en 2020, amendements qui ont été finalisés en 2022, on a prévu que la personne qui occuperait le poste de leader ou de facilitateur du plus grand groupe et qui n’était pas de l’opposition ni du gouvernement aurait le même salaire que le leader de l’opposition. On a voulu faire une espèce de pont entre le plus grand groupe, peu importe qui l’était à ce moment-là, et le poste de leader de l’opposition. C’est en ce sens qu’on ajoute au salaire équivalent un temps de parole équivalent. Cela respecte la logique de l’approche qu’on avait soutenue à l’époque. Je comprends qu’on peut avoir une autre logique, mais cela respecte la logique qu’on a adoptée dans le projet de loi en matière de rémunération pour les postes des leaders des différents groupes.
Je ne veux pas prolonger inutilement le débat, mais si c’est la véritable raison, je ne suis pas très impressionné par l’argument selon lequel il a été décidé il y a deux ans que le représentant du groupe le plus important des indépendants aurait un salaire plus élevé que les autres, et que maintenant il faut lui donner des privilèges supplémentaires.
On va se le dire, cher collègue, on représente la diversité dans notre groupe. Nos collègues du côté des communautés autochtones sont beaucoup mieux représentés. C’est une bonne chose si on regarde ce qui se passe à l’autre endroit. C’est notre devoir, car le Sénat est une Chambre de second examen attentif qui représente aussi les intérêts des provinces et des minorités.
Je suis nouveau, donc je ne connais pas trop les tenants et les aboutissants, mais cette partie me rend inconfortable en raison de conséquences potentiellement inattendues, comme ce que j’ai mentionné. Si on tenait un référendum au Québec dans huit ou dix ans pour une raison quelconque, que le Québec décidait démocratiquement de voter pour l’indépendance et qu’il se formait un groupe de sénateurs indépendants du Québec, avant que le Québec se sépare, vous savez quelles seraient les implications. Je m’attendais à d’autres raisons. Si vous en avez d’autres, je serai heureux de les entendre.
Les choses ne sont pas toujours parfaites. Prenons le concept de l’opposition au Sénat. Lorsque le Bloc québécois a été l’opposition officielle à la Chambre des communes, il n’y avait pas de membre du Bloc au Sénat, parce qu’ils ne veulent pas, ils ne croient pas... Ils sont pour l’abolition du Sénat. Il n’y aura jamais de sénateur bloquiste, sauf peut-être pendant la période de transition théorique à laquelle vous faites référence. Les libéraux étaient le troisième groupe à la Chambre des communes, mais l’opposition au Sénat était l’opposition libérale.
Il n’y a pas toujours eu une corrélation parfaite entre la Chambre des communes et le Sénat. S’il y avait une élection qui, si l’on se fie aux sondages, pourrait amener des changements, et si après 10 ans les changements sont toujours bienvenus, on verrait un Sénat où il y aurait un groupe qui serait de ce côté, qui s’appellerait le groupe du gouvernement, qui serait formé des conservateurs. Il y aurait peut‑être un ministre ou deux dans ce groupe, peut-être un nouveau Président du Sénat, et cetera. Il y aurait un groupe qui s’opposerait à ces conservateurs et qui jouerait le rôle d’opposition. Ce sera peut-être les progressistes, car s’ils sont conservateurs, ce sera peut‑être les progressistes qui s’opposeront. Il y aurait aussi des crossbenchers qui vont jouer dans cette dynamique pour dire : « Nous, on n’appuie pas le gouvernement, mais on n’est pas contre, on va y aller cas par cas. »
Il y a quand même un rôle à jouer pour une opposition dans une Chambre de débat. J’ai eu cette conviction pendant la pandémie, ce que je n’avais pas au début, mais j’ai dit au sénateur Plett que je trouvais qu’il y avait tout de même une valeur à ce qu’un groupe joue un rôle d’opposition. Dans la démocratie parlementaire, il y a parfois des gens qui doivent dire que notre rôle est de mettre le pied sur le frein. Pendant la pandémie, l’opposition avait fait une partie de ce travail. Je lui avais dit que je comprenais l’idée qu’un groupe peut-être moins important que le Groupe des sénateurs indépendants ait un budget de recherche aussi élevé, parce qu’il a un rôle particulier à jouer, celui de tout analyser et d’être plus critique qu’autrement. Cela peut être une opposition plus productive ou constructive que ce que l’on voit parfois, mais il y a encore une place au Sénat pour un groupe qui se définit comme s’opposant à de grands principes généraux au gouvernement du jour.
Je n’ai pas honte de dire que les conservateurs s’opposent au gouvernement, qui est plutôt progressiste et qui est formé d’une coalition entre les libéraux et le NPD. Idéologiquement, ils ne partagent pas ces idées. Si jamais ils devaient être assis de l’autre côté de la Chambre, je ne pense pas que je partagerais plusieurs de leurs idées, mais je respecterais leur mandat. La Convention de Salisbury s’appliquera. Il y aura de la place ici pour plusieurs groupes, certains se définissant plutôt comme jouant un rôle d’opposition et d’autres qui décideront au cas par cas.
Sénateur Dalphond, je vous remercie de votre intervention. Ma question porte sur la référence que vous avez faite dans votre réponse sur la Loi sur le Parlement du Canada. Serez-vous d’accord avec moi pour dire que les modifications apportées à la Loi sur le Parlement du Canada, la politique étant l’art du possible, ont été un compromis, sachant qu’il existait au Sénat trois groupes indépendants en plus du gouvernement et de l’opposition, et que ce compromis reconnaissait donc le principe fondamental de la majorité, principe fondamental dans le système de Westminster et dans toute démocratie? Peut-on dire que c’est dans ce contexte qu’au-delà même des allocations financières, la notion de groupe majoritaire autre que le gouvernement et l’opposition a été retenue et qu’il y a donc une cohérence des pouvoirs traduits dans les règlements pour ce groupe majoritaire?
Deuxièmement, est-ce qu’on reconnaît que tous les groupes, soit l’opposition, le gouvernement et les trois autres groupes, ont tous le mandat de défendre et de représenter les minorités, les régions et les provinces?
Considérez-vous qu’éventuellement, si l’on parle d’un pays formé de dix provinces et de trois territoires, il serait sage d’avoir un des trois groupes indépendants comme groupe qui représenterait une seule des provinces, les plus grandes provinces ayant plus de sénateurs et ayant plus de chance d’être privilégiées, de toute évidence? Merci.
Il y a trois questions. Je commencerai par la dernière, qui m’apparaît plutôt hypothétique. Comme on le disait à la cour, tenons-nous-en aux faits qui sont devant nous. On verra plus tard si la question se pose, et on y répondra. J’éviterai d’y répondre.
Il est important qu’un groupe qui représente une pluralité, mais sans être une majorité, n’ait pas de majorité au Sénat, afin qu’un groupe ne soit jamais capable d’imposer sa volonté à trois autres groupes en utilisant son pouvoir de dire : « J’ai deux votes de plus que vous; j’impose la guillotine et je vous imposerai ensuite le reste. » Je n’aimerais pas cela, personnellement. Lors des discussions qui se sont tenues entre 2020 et 2022, j’ai appuyé ce projet de loi. C’est Peter Harder, membre de notre groupe, qui était le parrain du projet de loi. Il en avait discuté avec le sénateur Plett. Cette loi est le reflet de longues discussions entre tous les groupes lors desquelles on a reconnu qu’un groupe qui représentait, comme le Groupe des sénateurs indépendants, 41 sénateurs maintenant — et peut-être que le nombre était différent à l’époque, mais c’était une pluralité, à tout le moins —, qui était en plus grand nombre que les autres groupes, mais on a reconnu, par rapport à la fonction des leaders de ces groupes, que cela impliquait plus de travail que le leadership des autres groupes. Il n’y a pas moins de réunions, parce qu’on est tous pris dans des réunions qui n’en finissent plus, mais on a reconnu qu’il y avait plus de membres dans le groupe et, par conséquent, que les postes de leadership viennent avec plus de... Je ne dirais pas de difficultés, parce que je suis certain que vous n’avez pas de difficultés, comme je n’en ai pas dans mon groupe, mais tout cela vient avec plus de conciliation, d’écoute, et cetera, et cela prend plus de temps. Il faut qu’il y ait plus de dialogue. Je reconnais cela et j’ai vécu avec cela. Je n’étais pas contre. C’est le compromis que les groupes ont fait ensemble à l’époque. Est-ce le bon compromis? Il y en a peut-être de meilleurs, mais j’étais à l’aise avec celui-là, et je le suis encore aujourd’hui.
Sur la deuxième question, je pense que le rôle de chacun d’entre nous est d’être à l’écoute. Comme la sénatrice Pate nous le dit souvent, et je suis d’accord avec elle — je ne suis pas toujours d’accord avec ses projets de loi, mais je suis d’accord avec beaucoup de ses idées —, on est là pour écouter et surtout pour donner une voix à ceux qui n’en ont pas. Quand elle le fait, elle le fait très bien. C’est notre rôle, parce que les gens qui sont élus ne cherchent pas à avoir le vote des gens qui n’ont pas de voix. Ils veulent avoir le vote de ceux qui sont la majorité, de ceux qui vont voter. Ceux qui n’ont pas de voix sont souvent ceux qui articulent le moins bien leurs idées, les moins économiquement éduqués et les moins économiquement nantis, et ils ne vont pas voter, malheureusement. Ces voix sont des voix qui sont souvent oubliées et qui n’ont pas d’intérêt.
Je vais encore parler de la sénatrice Pate, qui m’a emmené visiter une prison à Joliette, mon fief natal. Il n’y a pas un député qui va visiter des prisons parce que cela donne des votes. Je ne vois pas un seul député conservateur actuel, même s’ils sentent qu’ils ont le vent dans les voiles, qui va visiter une prison pour dire qu’il faut faire des améliorations. Non, non, non. C’est plutôt :« Mettez-en plus en prison, et on ne veut pas savoir comment cela se passe à l’intérieur. » Ces voix ne sont pas entendues parce que cela ne rapporte rien du point de vue électoral. Nous, on peut donner une voix. C’est le rôle de chacun d’entre nous d’être à l’écoute, des communautés autochtones, par exemple. La sénatrice Audette vient d’une région du Québec qui est particulière et que je ne connaissais pas avant de la connaître. J’ai hâte d’aller la visiter dans son coin de pays. Il y a plein d’autres collègues ici qui m’ont fait connaître des réalités dont je n’étais pas conscient. Je parlais avec la sénatrice Anderson qui me parle à l’occasion des gens souffrant de problèmes de santé dans les Territoires du Nord-Ouest; ils appellent et on leur donne le numéro à Ottawa, et la personne qui répond ne parle que l’anglais ou le français; personne ne parle l’inuktitut. C’est là qu’il y a des difficultés que je ne connaissais pas avant de venir ici.
Chacun est un porteur de voix, et c’est ce qui fait la beauté du Sénat. J’espère que chaque groupe fait en sorte que ces voix sont aussi portées. On n’est pas là pour tuer les voix, on est là pour les porter. S’affilier à un groupe ne veut pas dire qu’on devient silencieux. C’est partager les idées avec d’autres collègues pour porter des voix en avant. C’est pour cette raison que l’on s’affilie.
Vous avez une question, sénateur Housakos?
Oui, j’ai une question.
Sénateur Dalphond, acceptez-vous de répondre à une question?
Oui. Il me reste encore 14 minutes et 30 secondes.
Sénateur Dalphond, comme plusieurs de vos collègues, à plusieurs reprises dans votre discours vous avez fait la comparaison entre le Sénat et la Chambre des lords. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, c’est tout à fait faux, ce n’est pas le cas. J’invite tous nos collègues à aller consulter la Loi sur le Parlement. Il est clair que le Sénat a été construit pour faire un parallèle avec la Chambre des communes de Westminster, et non pas la Chambre des lords, mais c’est un autre débat.
À plusieurs reprises pendant votre discours, vous avez affirmé que les règles et les procédures au Sénat ont été modifiées. Vous avez raison. Nous sommes une Chambre indépendante, avec nos privilèges et nos capacités de créer nos propres règles et nos procédures, et de changer ces règles et ces procédures de façon démocratique. Cependant, il y a quelque chose qui n’est jamais arrivé auparavant. On n’a jamais eu de gouvernement qui a utilisé l’attribution de temps pour tenter de changer les procédures et les règles sans renvoyer la question au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, sans tenir débat prudent et diligent, sans consulter les experts de tous les côtés de la Chambre et sans arriver ici avec un rapport. Vous avez raison de dire qu’à la fin de la consultation, il est fort probable qu’on ne soit pas tous d’accord avec tous les éléments, mais c’est la procédure la plus convenable pour faire des changements fondamentaux.
Pourquoi le gouvernement — ce gouvernement — est-il décidé à ne pas passer par toutes ces étapes avant de faire ce changement important? Pourquoi sommes-nous si pressés? Quelle est l’urgence? Pourquoi ce gouvernement n’est-il pas prêt à respecter la procédure historique et traditionnelle de cette institution?
Merci de votre question, sénateur Housakos. J’aime échanger avec vous, parce que je sais que vous aimez le modèle de Westminster, tout comme moi. Chaque fois que je vais à Londres, je m’assois dans la galerie de la Chambre des lords, pas à la Chambre des communes. J’ai rencontré le facilitateur des crossbenchers dans son bureau. Il n’a pas un gros budget — il n’a même pas d’adjointe parlementaire. Vous auriez dû voir son bureau; il est très modeste.
Je discute avec des lords anglais, des conservateurs, des gens du Parti travailliste. Je tente de comprendre leur système. Parce que ma compréhension, lorsque j’ai étudié la question, lorsque j’ai écrit la décision de la Cour d’appel sur le renvoi au sujet du Sénat, autour de 2013 ou 2014, juste avant que la question soit renvoyée à la Cour suprême... J’ai beaucoup lu sur le Sénat. J’ai noté que pour ce qui était de l’organisation de la Chambre des communes, la représentation basée sur la population avait été très peu débattue. Tout le monde était d’accord; ce fut un sujet réglé en moins d’une demi-journée. Pour le Sénat, cela a pris deux jours de débat, et on n’a pas été en mesure d’obtenir un consensus.
Il y a eu un débat sur deux options : des sénateurs élus ou des sénateurs nommés. John A. Macdonald et George-Étienne Cartier étaient très opposés à l’idée des sénateurs élus. Ce que les gens oublient, je l’ai déjà dit dans un vieux discours, il y a cinq ou six ans, c’est qu’en 1867, les premiers sénateurs, par exemple ceux du Québec, parmi les 24 sénateurs, il y en a 18 ou 19 qui étaient des membres du Conseil législatif du Parlement de l’union, où il y avait 24 membres du conseil qui venaient du Québec et 24 de l’Ontario. Ce que les gens ignorent, c’est qu’à partir de 1862, ils étaient élus. Tous les deux ans, un tiers des membres du Conseil législatif étaient élus. Macdonald n’a pas du tout aimé cela, parce qu’il a eu peur que ces gens volent la légitimité de la Chambre des communes. Il voulait que les sénateurs soient nommés. Donc, pour éviter que ces gens soient trop résistants, on les a presque tous nommés sénateurs, si bien que les premiers sénateurs étaient en majorité des sénateurs élus. N’oubliez pas qu’aujourd’hui, on a le sénateur Tannas qui est un sénateur quasiment élu. Cependant, à l’époque, il y avait beaucoup de sénateurs qui étaient élus.
On a donc choisi le modèle de la Chambre des lords. On n’avait pas d’aristocratie, alors on a trouvé cette idée selon laquelle il fallait avoir 30 ans, être propriétaire foncier et avoir 4 000 $ de valeur nette. Si on lit les débats, il est clair qu’on voulait suivre le modèle de la Chambre des lords et que la convention serait le respect pour les élus. On ne voulait pas une Chambre qui serait en compétition, on voulait une Chambre complémentaire.
La deuxième question était la suivante : ne devrait-on pas renvoyer tout cela au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement? Je pense que la présidente du comité parlera de cette question dans son discours et va expliquer tout le travail qui a été fait par ce comité depuis des années, tous les rapports qui ont été rédigés, auxquels je peux ajouter le rapport du sénateur Greene, qui avait travaillé sur la question de la réforme, avec le sénateur Massicotte, la sénatrice Busson et la sénatrice Cordy qui siégeaient à ce comité. Toutes ces questions et beaucoup d’autres ont été explorées. Ce qui nous a été proposé, on l’a accepté; c’est moins que tout ce qui a été discuté, mais c’est un pas dans la bonne direction. Si on fait un voyage, il faut faire le premier pas, sinon, on ne va nulle part. Donc, au moins, on commence. J’ai dit que ce n’était pas assez. Je l’ai dit au sénateur Gold lorsqu’il a discuté du premier projet. Il y a eu des discussions entre tous les groupes. D’ailleurs, il y a eu des amendements au texte. Ce n’est pas le premier texte que l’on a vu; ils ont été réceptifs. J’espère qu’il y aura d’autres amendements à l’avenir, mais je crois que c’est un bon départ et que l’on n’a pas besoin de retourner en comité. Comme on dit en anglais, send it to committee if you want to kill it. Je crois que l’on a suffisamment discuté et qu’il y a eu assez de rapports. Il est temps de passer à l’action.
Si je comprends bien votre réponse, vous êtes ouvert à étudier des amendements sur cette motion?
Je dirais que le principe qui devrait nous guider, y compris vous tous, serait celui que nous avons privilégié pour les amendements à la Loi sur le Parlement du Canada. Vous ne vouliez pas aller très loin et vous avez accepté que l’on fasse quelque chose qui était minimal. Aujourd’hui, c’est quelque chose de minimal. Allons-y donc pour le minimum et on débattra plus tard pour ce qui est de faire d’autres changements.
Il y a bien des façons de faire les choses. Si vous souhaitez emprunter la voie des amendements et des sous-amendements, nous savons où elle mène.
Notre groupe a discuté de ces choses. D’autres l’ont fait également. Nous avons proposé quelques amendements. Certains étaient présents à l’heure du souper, par exemple, et d’autres dispositions ont été amendées. Je crois que nous sommes à l’aise avec ce qui a été proposé. Ce n’est pas parfait, mais allons de l’avant.
Je prends la parole en faveur de la motion no 165, qui représente une étape cruciale dans l’adaptation du Règlement du Sénat à la réalité d’aujourd’hui. Le Sénat canadien, en tant que Chambre législative, doit évoluer pour mieux répondre aux défis et aux attentes des Canadiens et Canadiennes.
Le gouvernement a entrepris une démarche ambitieuse visant à transformer le Sénat en une assemblée plus indépendante et moins partisane, alignée sur son rôle constitutionnel de second examen objectif des projets de loi.
Cette évolution est essentielle pour maintenir la pertinence et l’efficacité de notre institution démocratique dans un monde en constante évolution.
La nomination des sénateurs selon un processus ouvert et fondé sur le mérite a contribué à créer l’une des Chambres parlementaires les plus diversifiées au monde, reflétant la richesse et la diversité de la société canadienne d’un océan à l’autre.
Cependant, pour que cette transformation soit pleinement efficace, il est impératif que le Règlement du Sénat soit révisé pour s’aligner sur les nouvelles réalités et les nouveaux défis auxquels font face les Canadiens et les Canadiennes.
La motion no 165 offre cette occasion en proposant des modifications qui reconnaissent et définissent clairement les rôles des différents groupes parlementaires qui se sont formés au Sénat, à la suite de la nomination de sénateurs et sénatrices non affiliés.
Ces changements permettront au Sénat de mieux fonctionner en favorisant un débat plus ouvert, plus inclusif et plus efficace.
Cette initiative n’est pas une démarche isolée.
Elle s’inscrit dans un processus plus large de modernisation du Sénat, lancé par de nombreux rapports et études de comités, dont le Comité spécial sénatorial sur la modernisation du Sénat il y a plusieurs années.
La motion no 165 représente une dernière étape dans le processus de réforme et n’enlève rien aux groupes existants. Pour moi qui ai été nommé en novembre 2023, cette motion me semble tout à fait logique, puisqu’elle formalise l’état des choses et la façon dont le Sénat fonctionne actuellement.
En conclusion, je vous encourage à appuyer cette motion, car elle est essentielle pour assurer la pertinence et l’efficacité du Sénat dans le contexte actuel.
En adaptant notre Règlement à la réalité du Sénat d’aujourd’hui, nous renforçons notre capacité à remplir notre mandat constitutionnel avec intégrité et impartialité. Cela ne veut pas dire qu’elle est parfaite, mais même les projets de loi ne sont pas toujours parfaits. Merci, et bonne nuit.
Honorables sénateurs, je tiens à remercier le sénateur Gold d’avoir présenté cette motion ainsi que la sénatrice Lankin d’avoir pris l’initiative de consulter les sénateurs au sujet de ces modifications, puis de les avoir défendues.
Comme le dirait Rohinton Mistry, ce fut « un si long voyage ». S’il devait écrire la suite des deux premières heures du débat de ce soir, il l’aurait peut-être intitulée « Un voyage si fastidieux, en plus ».
Depuis le Comité spécial sur la modernisation du Sénat jusqu’aux travaux du sénateur Massicotte et du sénateur Greene, en passant par les motions proposées au Sénat par le sénateur Tannas et moi-même et les rapports du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, le voyage a effectivement été très long.
Selon moi, la boussole de ce long voyage a été et demeure le renvoi à la Cour suprême du Canada relatif au Sénat du Canada en 2014, à la demande du premier ministre de l’époque, Stephen Harper. Dans la décision qui s’en est suivie, les juges ont réaffirmé que le Sénat ne doit pas être une copie conforme de la Chambre des communes, mais doit plutôt être « [...] un organisme tout à fait indépendant qui pourrait revoir avec impartialité les mesures adoptées par la Chambre des communes ».
Les juges ont poursuivi en disant :
Les rédacteurs ont cherché à soustraire le Sénat au processus électoral auquel participaient les députés de la Chambre des communes, afin d’écarter les sénateurs d’une arène politique partisane toujours soumise aux impératifs des objectifs politiques à court terme.
Le renvoi à la Cour suprême du Canada constitue le fondement essentiel de la décision du premier ministre Trudeau d’affranchir les sénateurs libéraux de son parti à la Chambre des communes et de nommer des sénateurs qui ne sont liés à aucun caucus politique. Il est important de s’en souvenir, car le Sénat, vers 2015, devait faire quelque chose de fondamentalement différent s’il voulait essayer de regagner un peu de crédibilité et de légitimité auprès des Canadiens après les années sordides du scandale des dépenses au Sénat.
La Cour suprême avait déjà expliqué pourquoi un Sénat triple-E ne pouvait pas être réalisé uniquement par les actions du Parlement fédéral, ce qui était la question posée aux juges par M. Harper. C’est pourquoi le passage à un Sénat plus indépendant et moins partisan en 2016 a été, à mon avis, la réforme la plus profonde de l’histoire de notre institution. Qu’on ne s’y trompe pas : la motion à l’étude vise à protéger cette réforme historique. À cet égard, il est paradoxal que les personnes qui s’opposent à la motion appartiennent au parti qui a le plus défendu la réforme du Sénat. Quelle que soit la motivation de M. Trudeau pour proposer ce changement, celui-ci doit être considéré comme une bouée de sauvetage pour notre institution afin de rétablir sa crédibilité et sa légitimité auprès du public canadien.
Les sondages parlent d’eux-mêmes : un sondage Nanos commandé par notre collègue la sénatrice Dasko il y a quelques années a montré que 76 % des Canadiens étaient en faveur du nouveau processus de nomination fondé sur le mérite, et que seuls 3 % souhaitaient revenir à l’ancien modèle de nominations partisanes. En effet, le sondage a révélé que :
[...] 80 % des Canadiens pensent qu’il s’agit d’un changement positif [...] que les nouveaux sénateurs siègent en tant que membres indépendants du Sénat et qu’ils ne prennent pas part aux activités d’un parti politique.
C’est le contexte plus large dans lequel s’inscrit la discussion que nous avons sur les modifications au Règlement aujourd’hui. La motion indique aux Canadiens que nous travaillons activement à améliorer notre institution en la rendant moins partisane et plus distincte de la Chambre des communes, conformément à l’intention des rédacteurs de la Constitution.
En revanche, les collègues qui s’opposent à la motion veulent revenir en arrière. Nous savons que c’est le cas des sénateurs conservateurs, mais je peux vous dire qu’il y a des libéraux revanchards et des libéraux en puissance qui se languissent aussi du « bon vieux temps » où régnait un duopole partisan, où chacun était lié à la fortune et aux diktats du caucus politique correspondant à la Chambre des communes. Ils considèrent que le rôle d’un sénateur est de promouvoir les objectifs du parti tels que définis par le premier ministre ou le chef du parti à la Chambre. Ils passeront volontiers du gouvernement à l’opposition et vice-versa, élection après élection : un jour, ils vanteront l’importance de s’opposer à tout ce que fait le gouvernement, et le lendemain, ils décrieront les tentatives de la nouvelle opposition de contrer tout ce qu’ils font.
Il s’agit bien sûr de l’argument éculé que nous avons entendu la semaine dernière de la part de nos collègues conservateurs concernant le caractère sacré de l’« opposition » et la raison pour laquelle ils sont les seuls à mériter cette appellation. Cela revient à supposer que les sénateurs affiliés à un parti politique sont les seuls capables de critiquer les projets de loi du gouvernement. Il s’agit non seulement d’un argument farfelu, mais aussi d’une insulte pour le reste d’entre nous qui, chaque jour de la semaine, examinons les projets de loi que nous recevons de la Chambre des communes et essayons de faire notre devoir de sénateurs en examinant ces projets de loi pour les améliorer. Il s’agit de chacun d’entre nous et pas seulement de la poignée de personnes qui se sont proclamées plus bénies que les autres.
Si vous pensez que c’est un peu dur, jetez un coup d’œil au cinquième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. On y apprend que les sénateurs conservateurs estiment que leur groupe est plus égal, plus digne et plus méritant que d’autres groupes parlementaires reconnus. Sur cette base, les membres conservateurs du Comité du Règlement ont refusé d’accepter des changements de règles que la majorité écrasante des membres de ce comité soutenait. Les propositions de modification des règles discutées pendant de nombreux mois au sein du Comité du Règlement sont, dans l’ensemble, les mêmes que celles contenues dans la motion dont nous sommes saisis.
Les conservateurs entretiennent le mythe selon lequel ils sont « l’opposition officielle au Sénat », même si ce concept n’existe ni dans notre Règlement ni dans la Loi sur le Parlement du Canada. Pourtant, on entend les sénateurs conservateurs utiliser cette expression dans le débat sur cette motion, ces mêmes sénateurs qui se posent en grands défenseurs des pratiques et des traditions parlementaires.
Cette distorsion délibérée de la nomenclature dénote un certain désarroi, exacerbé par l’idée fausse selon laquelle la manière dont les conservateurs jouent le rôle d’« opposition » au Sénat est meilleure que celle des sénateurs non partisans. En quoi consiste ce style d’opposition supposément supérieur? Je vais citer le sénateur Plett, qui essaie de parler plus fort que moi en ce moment. En réponse à une question venant de moi après un discours qu’il avait fait sur la Loi de l’impôt sur le revenu, il a dit :
Je prononce un discours qui est en opposition avec ce que fait le gouvernement, et je n’ai pas à défendre cela.
Eh bien, le sénateur Plett a raison de dire qu’il n’a pas besoin de défendre un discours qui était rempli de contradictions et de sophismes. Il a certainement le droit de contester juste pour le plaisir de contester. Par contre, chers collègues, ce n’est pas compatible avec un second examen objectif et ce n’est certainement pas le genre d’opposition que nous voulons montrer aux Canadiens.
Les partisans des conservateurs vont évidemment applaudir le sénateur Plett pour son inflexibilité, et les partisans des libéraux feront de même pour tout éventuel sénateur libéral qui ferait la même chose de l’autre côté du débat. Mais est-ce la bonne façon de faire à la Chambre haute? Si vous pensez que ce l’est, vous êtes du côté de ceux qui affirment que le Sénat est inutile ou inefficace.
Un des arguments favoris des tenants du duopole au Sénat est que c’est d’après les votes sur les projets de loi du gouvernement qu’on détermine qui est un vrai sénateur de l’opposition. Selon ce principe, les sénateurs qui votent pour un projet de loi du gouvernement, même ceux qui ont été amendés, ne peuvent pas faire partie de l’opposition. C’est aussi un argument farfelu, mais il semble séduire même certains sénateurs indépendants.
Pensez-y. Lorsque nous procédons à des votes oraux et que les sénateurs de l’opposition crient « avec dissidence », pensez-vous que cela signifie qu’ils s’opposent au projet de loi? Si c’est le cas, pourquoi ne demandent-ils pas chaque fois un vote par appel nominal? La raison en est que se contenter de répondre « avec dissidence » leur permet de nier qu’ils n’appuient pas un projet de loi et qu’ils ne s’y opposent pas. Ils veulent avoir le beurre et l’argent du beurre. En fait, nous avons même vu des sénateurs conservateurs voter pour un projet de loi du gouvernement après s’y être vigoureusement opposés, parce qu’ils se sont soudainement rendu compte que le projet de loi risquait d’être rejeté par une pluralité de sénateurs indépendants. Il s’agit du fameux vote sur le projet de loi C-83 concernant les unités d’intervention structurées en 2019. Faites des recherches. La vidéo est, disons, instructive.
Sinon, prenez le temps de réfléchir à ceci : supposons que la majorité des sénateurs indépendants votent systématiquement contre les projets de loi du gouvernement. Cela devrait d’ailleurs terroriser les collègues conservateurs qui espèrent un changement de gouvernement, mais si cela se produisait, ils crieraient certainement à l’injustice, car — et c’est là l’essentiel — ils ont permis l’adoption de projets de loi du gouvernement lorsqu’ils étaient dans l’opposition. De toute manière, imaginez qu’un Sénat composé de membres indépendants rejette systématiquement les projets de loi du gouvernement. Quel effet cela aurait-il sur notre légitimité? Les Canadiens se montreraient-ils bien disposés envers le Sénat et nous encourageraient-ils à continuer à faire de même? C’est loufoque, n’est-ce pas?
Les conservateurs prétendent être la véritable opposition au Sénat, leur but étant cependant de former le gouvernement après les prochaines élections. C’est la prérogative des partisans d’un parti politique, mais cela ne reflète pas le Sénat du Canada d’aujourd’hui, qui est composé, en grande majorité, de sénateurs non partisans. Les sénateurs conservateurs formeront l’opposition aussi longtemps que leur parti ne sera pas au pouvoir, tandis que nous, les sénateurs restants, demeurerons indépendants du gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir. Comment pouvons-nous prendre au sérieux l’affirmation selon laquelle la « véritable » opposition au Sénat est le groupe qui abandonnera ce titre dès qu’il en aura l’occasion? C’est ridicule.
Permettez-moi de répondre à un autre argument usé qui a été repris dans le débat de la semaine dernière par la sénatrice Martin et à plusieurs reprises ce soir par le sénateur Plett et d’autres, à savoir que les choses sont correctes telles qu’elles sont; que même sans modification au Règlement, le Sénat peut accueillir des sénateurs qui n’appartiennent pas à un caucus partisan; que les conservateurs sont prêts à accorder du temps de parole, des sièges de comité et des privilèges de déplacement à des sénateurs non partisans et que, bonté divine, les leaders et facilitateurs des groupes parlementaires reconnus sont même consultés sur certaines décisions importantes concernant le Sénat. Voilà, chers collègues, l’argument de l’arrogance et de la noblesse oblige. C’est l’argument « qu’ils mangent de la brioche ».
Je concède aux conservateurs ceci : si leur idée de la Chambre haute est qu’elle doit être aristocratique, comme la Chambre des lords, où il y a différentes classes de députés, et qu’ils appartiennent à la classe privilégiée, alors ils sont effectivement fidèles à une idée fixe du modèle de Westminster.
Mais ce n’est pas le genre de modèle de Westminster que je veux pour le Canada. Les sénateurs non partisans n’ont pas l’intention de manger de la brioche ni de laisser leurs droits et privilèges au bon vouloir de 13 sénateurs. S’il y a une chose dont on peut être certain, c’est que l’opposition des conservateurs à cette motion ne s’arrêtera pas là. Leur leader a dit clairement qu’il souhaite que le Sénat redevienne une Chambre partisane, et je suis sûr que certains libéraux rêvent de retourner au bon vieux temps du duopole. Il y en a certains au sein des deux partis qui souhaiteront revenir en arrière, déconstruire le Sénat plus indépendant que nous avons aujourd’hui, marginaliser le rôle des groupes parlementaires qui ne sont pas rattachés à un parti politique et revenir au système pépère d’alternance entre gouvernement et opposition où les sénateurs se contentent tout au plus de singer leurs homologues de l’autre endroit.
De l’extérieur, les modifications du Règlement proposées dans cette motion peuvent sembler insignifiantes, et il est vrai qu’une grande partie de cette motion ne fait que codifier la pratique actuelle. Pourtant, les implications d’un rejet de la motion sont très sérieuses. Si nous consolidons la position privilégiée d’un caucus politique — quel qu’il soit — qui se présente comme l’opposition, nous permettrons l’érosion des droits des autres groupes parlementaires et de leurs membres, ce qui pourrait mettre fin à l’expérience d’un Sénat indépendant. En l’état, cette motion ne va pas assez loin. Elle ne va pas assez loin...
Sénateur Woo...