Aller au contenu

Projet de loi sur le cadre national sur l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation fœtale

Deuxième lecture--Suite du débat

9 mai 2023


L’honorable Nancy J. Hartling [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-253, Loi concernant un cadre national sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale.

En tant que membre du Comité sénatorial des droits de la personne et du Comité des peuples autochtones, et en raison de mes nombreuses années de travail communautaire en tant que travailleuse sociale, je suis bien au fait de l’impact de l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale sur les populations les plus vulnérables.

Je félicite le sénateur Ravalia d’avoir proposé le projet de loi S-253. Je souligne que le projet de loi a été rédigé à la suite de vastes consultations avec le réseau canadien de recherche sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation foetale qui est un réseau de recherche interdisciplinaire réunissant des partenaires de partout au pays. Je suis donc persuadée que le projet de loi s’appuie sur les connaissances et l’expertise les plus récentes.

Je remercie ce réseau de recherche de son travail extraordinaire et de son engagement soutenu.

Merci aux sénateurs qui ont exprimé leur appui envers le projet de loi. La sénatrice Duncan interviendra au sujet de cette mesure aujourd’hui, après mon discours.

Les troubles causés par l’alcoolisation fœtale sont des troubles neurologiques permanents qui sont causés par l’exposition du fœtus à l’alcool avant la naissance. Il s’agit de la principale cause de troubles du développement au Canada.

Santé Canada estime qu’entre 1 % et 5 % de la population pourrait être atteint de ces troubles. Toutefois, comme ils sont difficiles à diagnostiquer, ils passent souvent inaperçus. Certains groupes sont plus touchés que d’autres. Par exemple, au Canada, le nombre de personnes touchées varie de 9,8 % à 23,3 % pour la population carcérale générale et pourrait atteindre 50 % parmi les délinquants autochtones.

Bien que ce trouble puisse toucher de nombreux systèmes de l’organisme, ses effets se manifestent principalement au niveau du cerveau. Si de nombreuses personnes atteintes de ce trouble ne présentent aucun signe extérieur de handicap, elles peuvent avoir toute une gamme de difficultés d’apprentissage et déficiences de la mémoire.

Voici quelques exemples de signes que l’on peut observer chez les personnes atteintes de ce trouble : oublier comment faire quelque chose qu’elles ont appris à faire; problèmes de communication, et ce, bien souvent, malgré d’excellentes aptitudes verbales; difficultés à saisir certains signaux sociaux et à comprendre les autres; difficulté à comprendre les concepts abstraits et à intérioriser des règles; difficultés de concentration causées par des troubles de l’autorégulation, qui est aggravée par les problèmes éprouvés pour saisir des concepts abstraits, raisonner, résoudre des problèmes et établir des liens de causalité. Les personnes atteintes de ce trouble ont souvent une vie scolaire perturbée, ainsi que des difficultés à interagir avec les autres et à conserver leur emploi. De plus, elles ont parfois des difficultés financières.

Les effets des déterminants sociaux de la santé entraînent un risque plus élevé de dépression, de toxicomanie, d’alcoolisme, d’itinérance, et de pauvreté. En l’absence d’intervention et d’aide adéquates, les personnes atteintes de ce trouble, leur famille et leur milieu sont plus à risque de connaître un sort peu enviable.

Je pense qu’il est essentiel d’adopter une approche pancanadienne en matière de prévention. L’élaboration d’un cadre national nous donne l’occasion d’étudier cette question plus en détail au comité.

Une intervention précoce auprès des femmes à risque est essentielle pour améliorer l’issue des grossesses et le sort des enfants qui naissent avec un trouble causé par l’alcoolisation fœtale. Le réseau de recherche et le Centre d’excellence pour la santé féminine ont élaboré conjointement un modèle proprement canadien fondé sur quatre niveaux d’interventions axés sur la prévention, où chaque niveau fait fond sur le niveau précédent. Puisque le temps ne me permet pas de parler en détail de leur travail extraordinaire, je vais simplement faire un survol des niveaux d’intervention, de prévention et de traitement de l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale.

En résumé, le premier niveau d’intervention comprend la sensibilisation aux risques de la consommation d’alcool pendant la grossesse et l’autonomisation des femmes et des collectivités, à qui on fournit les renseignements nécessaires pour prendre des décisions. Il peut s’agir de campagnes médiatiques nationales, de l’élaboration de documents de promotion de la santé, et de production de lignes directrices faciles à comprendre et à obtenir sur la consommation d’alcool à faible risque. Des approches adaptées à la culture et qui tiennent compte des traumatismes sont extrêmement importantes pour les stratégies de la promotion de la santé en milieu communautaire, surtout dans les collectivités autochtones. La sensibilisation accrue est un élément du cadre prévu dans le projet de loi S-253.

Pour ce qui est du deuxième niveau d’intervention, toutes les femmes en âge de procréer doivent pouvoir discuter de la santé génésique, de la contraception, de la grossesse et de la consommation de substances avec leurs prestataires de soins dans un cadre sûr et exempt de jugement. La recherche a souligné l’importance des « interventions brèves en matière de consommation d’alcool », qui sont des conversations collaboratives, souvent informelles, ayant lieu entre les femmes et leurs prestataires de soins de santé et pouvant donner l’occasion de discuter ouvertement de la consommation d’alcool et d’autres facteurs de risque qui ne sont pas forcément évidents au premier coup d’œil.

Ces interventions peuvent être le point de départ d’un changement durable en mettant les femmes en contact avec les services de soutien dont elles ont besoin. Elles sont appréciées par les professionnels de la santé, car elles sont considérées comme moins teintées de préjugés que le dépistage de la consommation d’alcool et elles offrent la possibilité d’aborder des questions liées à la consommation de substances, telles que le bien-être mental et la violence fondée sur le sexe.

Il est essentiel que ces conversations se déroulent sans jugement, car les facteurs qui poussent les femmes à boire peuvent être très complexes. Ils sont souvent liés à un certain nombre de déterminants sociaux de la santé. Les préjugés associés à la consommation d’alcool pendant la grossesse peuvent empêcher les femmes de chercher du soutien. Il est donc important que les femmes puissent participer à ces interventions et aux traitements de suivi sans risquer de perdre la garde de leurs enfants.

Selon une étude menée par la Dre Shimi Kang, professeure à l’Université de la Colombie-Britannique qui a reçu récemment le Prix du gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne », la période prénatale est l’occasion propice pour aider les femmes aux prises avec une dépendance, car lorsqu’elle est enceinte, une femme est plus susceptible de recourir au système de soins de santé et plus encline à s’abstenir de consommer des substances ou à réduire sa consommation. Or, de nombreuses femmes se heurtent à des obstacles tels que la stigmatisation sociale, qui entraîne un sentiment de culpabilité ou de honte, la crainte de perdre la garde de leurs enfants, les préjugés envers les mères toxicomanes, la responsabilité de membres de leur famille qui sont à leur charge, l’inaccessibilité des services de garde d’enfants ou l’absence de moyens de transport.

Les deux tiers des femmes qui se prévalent des services de traitement des dépendances déclarent qu’elles ont des antécédents de violence sexuelle ou de sévices. Quand on y pense, c’est beaucoup. Cela montre la nécessité d’évaluer les mauvais traitements vécus dans le passé par les patients souffrant d’une dépendance pour qu’on puisse ensuite traiter les symptômes liés à leurs traumatismes, ce qui donnerait de meilleurs résultats pour combattre la dépendance et réduirait donc le risque de répercussions négatives sur l’enfant à naître.

Les interventions brèves sont importantes parce qu’elles incarnent l’approche voulant que « toutes les portes sont bonnes » en matière de soins, une approche où les femmes et les filles peuvent accéder à des ressources à n’importe quel moment de leur vie, que ce soit par l’entremise d’un médecin de famille, d’une sage-femme, d’une infirmière, d’un travailleur aidant à lutter contre la violence ou d’un travailleur social. Cela va de pair avec la prévention de la violence entre partenaires intimes.

Les troisième et quatrième paliers incluent un soutien holistique pour les femmes enceintes et les nouvelles mères consommant de l’alcool de manière excessive et souffrant d’autres problèmes de santé et problèmes sociaux. Ils incluent aussi des mesures de soutien au développement de l’enfant. Dans le cadre d’une étude sur les programmes les plus efficaces pour les femmes enceintes à risque, les chercheurs ont remarqué que les meilleurs résultats étaient obtenus quand les facteurs suivants sont réunis : la satisfaction des besoins fondamentaux comme la nourriture et le logement; l’accès à un logement supervisé; ainsi que la prestation de services d’aide sociale à l’enfance, de services de soutien en toxicomanie, de services de soutien en cas de traumatisme et en cas de violence, et de services de santé pour les femmes, y compris un soutien parental, des programmes culturels, des soins prénataux et postnataux et des liens entre pairs.

Chers collègues, ces interventions sont au cœur des déterminants sociaux de la santé. Elles peuvent constituer une base solide pour la santé future des enfants atteints de troubles causés par l’alcoolisation fœtale parce que les mères en bonne santé sont plus susceptibles de participer aux soins de leurs enfants, de suivre le traitement prescrit et de nouer des relations plus saines avec leurs enfants. On met d’ailleurs l’accent sur l’établissement de relations plus saines et la cohésion familiale dans le document Towards Healthy Outcomes for Individuals with FASD rédigé par l’équipe d’intervention du Réseau canadien de recherche sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale. Les enfants ayant un détachement émotionnel à cause de leurs troubles sont plus susceptibles d’en souffrir plus tard dans leur vie. Un sentiment de stabilité et de sécurité ainsi qu’une grande cohésion familiale peuvent donc les protéger. Le document en question propose aussi une foule d’interventions efficaces que le comité pourrait étudier plus en profondeur.

Malgré tout ce qu’on sait sur l’intervention précoce, pourquoi des parents et des enfants ont-ils encore des difficultés à composer avec les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale? Comme le sénateur Ravalia l’a bien expliqué, les normes et les ressources prévues pour composer avec ces troubles varient selon les provinces et les territoires. Il y a 73 cliniques de diagnostic au Canada, mais il n’y en a aucune dans les régions rurales, et elles ne sont pas réparties également sur le territoire.

Par ailleurs, pour bien des gens, il est encore difficile d’obtenir un diagnostic en raison du manque de ressources consacrées aux troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale. Certains parents pourraient craindre de recevoir un diagnostic en raison des préjugés associés à la consommation d’alcool pendant la grossesse.

Dans ma province, le Nouveau-Brunswick, nous avons la chance d’avoir accès au Centre d’excellence en trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, qui se trouve à Dieppe. Ce centre offre notamment une foule de services de prévention, de diagnostic, d’intervention et de soutien, et on s’efforce plus particulièrement de répondre aux besoins et aux traumatismes des mères. Le centre dessert maintenant 800 familles par année. Il est considéré comme un modèle d’excellence au Canada, mais plus de 300 familles de ma région attendent toujours un diagnostic, et bien d’autres encore ne peuvent même pas obtenir une évaluation en raison de circonstances indépendantes de leur volonté. Tout cela pour dire que, étant donné que, selon les estimations, plus de 4 000 jeunes au sein du système scolaire de notre région sont atteints de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale, et que la plupart n’ont toujours pas reçu de diagnostic, il est évident que les ressources ne répondent pas aux besoins.

Chers collègues, il existe énormément de recherches sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale et des pratiques exemplaires fondées sur des données probantes ont été mises en œuvre de diverses façons partout au Canada. Il y a peut‑être d’autres questions à explorer, comme le rôle du père ou du partenaire masculin dans ce dossier. J’espère que le comité portera une attention particulière aux déterminants sociaux de la santé pour les mères, les enfants et la famille, et j’espère que l’étude sera étayée par une analyse comparative entre les sexes et qu’elle tiendra compte des nombreux facteurs qui se recoupent et qui mènent à l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale.

Les déterminants sociaux de la santé sont au cœur de la prévention et des interventions à vie et ils ont une énorme incidence sur les modèles de traitement qui ont vu le jour. Le projet de loi S-253 peut fournir un cadre sur lequel nous pouvons nous appuyer, à titre de mesure de réconciliation et de santé publique, pour guider les pratiques exemplaires en matière de prévention, de diagnostic et d’intervention dans l’ensemble du Canada.

J’ai hâte à la prochaine étape, qui consiste à renvoyer le projet de loi S-253 au comité pour une étude plus approfondie. Merci.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mon appui au projet de loi S-253, Loi concernant un cadre national sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale.

Je commencerai par exprimer mes sincères remerciements à mon ami le sénateur Ravalia, à son équipe et à mon propre personnel pour leur travail et leurs efforts sur ce projet de loi, ainsi qu’à mes collègues qui ont parlé de cette initiative avant moi. Ils ont mentionné avec éloquence les répercussions de l’alcoolisation fœtale et les données montrant l’ampleur des défis à relever. Je vous remercie également, chers collègues, de la patience dont vous avez fait preuve pendant que je rassemblais mes idées pour prendre la parole.

Ma compréhension de l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale a évolué depuis les presque 30 ans que je m’intéresse à cette question. En 1998, ma collègue de l’opposition au Yukon, la députée territoriale Sue Edelman, porte-parole en matière de santé, a donné avis à l’Assemblée législative du Yukon d’une motion qui se lisait en partie comme suit :

QU’il est de l’avis de cette Chambre :

1) qu’il n’existe aucun nombre précis ou approximatif de Yukonnais souffrant du syndrome d’alcoolisme fœtal ou des effets de l’alcool sur le fœtus;

2) que le syndrome d’alcoolisation fœtale et les effets de l’alcool sur le fœtus sont totalement évitables si les parents ne boivent pas d’alcool pendant la grossesse;

3) qu’il y a peu ou pas de soutien pour les familles et ceux qui souffrent du syndrome d’alcoolisation fœtale et des effets de l’alcool sur le fœtus une fois qu’ils ont quitté le système d’éducation — et c’est particulièrement vrai dans les régions rurales du Yukon [...]

La motion demandait ensuite au gouvernement du Yukon de fournir un soutien aux interventions précoces et aux programmes prénataux destinés à prévenir le syndrome d’alcoolisation fœtale et les effets de l’alcoolisation fœtale. De plus, elle a exhorté le gouvernement à :

[...] permettre aux enfants affectés de mener une vie heureuse et productive dans notre société en les préparant adéquatement à la vie scolaire et en fournissant à leur famille des moyens d’aider ces enfants spéciaux, puis en examinant les écarts entre les services aux jeunes et aux adultes [...] en utilisant nos ressources judicieusement en coordonnant les services offerts aux personnes souffrant du syndrome d’alcoolisation fœtale et des effets de l’alcoolisation fœtale ainsi qu’à leur famille.

Comme les honorables sénateurs peuvent le constater, le langage a changé depuis cette époque. Le syndrome d’alcoolisation fœtale et les effets de l’alcoolisation fœtale sont maintenant les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale, ce qui tient compte des nombreux symptômes et troubles associés à l’alcoolisation fœtale.

Quand je faisais partie du gouvernement, j’avais la possibilité de donner suite à la motion, j’ai donc porté la question à l’échelon national. Avec l’appui de Ralph Klein, qui était premier ministre de l’Alberta à l’époque, et à la demande du gouvernement du Yukon, la Commission albertaine contre l’alcool et les toxicomanies a procédé à un examen exhaustif des services et des programmes en matière d’alcoolisme et de toxicomanie offerts par le Yukon. Le gouvernement yukonnais a notamment adopté une approche plus dynamique et proactive à l’égard de la stratégie territoriale sur le syndrome d’alcoolisation fœtale et les effets de l’alcoolisation fœtale en considérant que la prévention est la seule forme de traitement. Nous avons poursuivi notre travail avec nos voisins au sud et à l’ouest en organisant la conférence des Prairies et du Nord sur le syndrome d’alcoolisation fœtale.

Honorables sénateurs, un quart de siècle plus tard, je parle du même sujet, mais avec une terminologie différente. Malheureusement, les statistiques — selon ce que nous en savons — demeurent les mêmes, perdurant, voire augmentant, alors que cette situation est entièrement évitable. Les politiciens, même ceux qui déploient des efforts remarquables depuis longtemps, y consacrant beaucoup de temps, auraient pu baisser les bras sous le poids du découragement. Heureusement, nous avons gardé espoir et nous continuons d’avancer. La version actuelle du projet de loi témoigne de notre détermination.

Des progrès ont été réalisés au cours des 25 dernières années, et j’aimerais vous faire part de certaines réalisations. Au Yukon, par exemple, les progrès accomplis sont encourageants. En 2019, le gouvernement du Yukon a mis sur pied le plan d’action du gouvernement du Yukon relatif aux troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale. Toutefois, la pandémie a considérablement ralenti la réalisation de progrès à l’égard du plan.

En janvier 2021, dans le cadre de la relation de gouvernement à gouvernement, le Conseil des Premières Nations du Yukon a embauché une personne qui assure la coordination du plan d’action relatif à l’ensemble de ces troubles. Cette personne travaille en étroite collaboration avec la directrice de la Fetal Alcohol Syndrome Society Yukon. La directrice m’a récemment présenté un compte rendu de leurs activités. À ce jour, les comités qui ont été créés dans le cadre du plan d’action relatif aux troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale portent sur la sensibilisation, la prévention et le diagnostic. Il y a aussi le comité interorganisations. Le comité sur l’échange du savoir devrait voir le jour avec l’avancement des travaux. Les groupes espèrent pouvoir créer un comité de soutien aux familles, composé des aidants des personnes atteintes de ces troubles, ainsi qu’un comité d’évaluation.

La Fetal Alcohol Spectrum Society du Yukon et le Conseil des Premières Nations du Yukon distribueront aussi plus de tests de grossesse à Whitehorse et dans les diverses communautés. Ces tests seront disponibles gratuitement dans les bars et dans les pavillons de l’Université du Yukon, laquelle a des campus dans la plupart des communautés du territoire. L’information sera aussi diffusée au moyen d’affiches placées dans les cabinets de médecins.

Comme me l’a dit la coordonnatrice de ce dossier au sein du Conseil des Premières Nations du Yukon : « Avec le battage publicitaire, on finira par faire passer le message qu’il vaut mieux ne pas consommer d’alcool pendant la grossesse. »

Honorables sénateurs, ce message se trouve aussi dans une autre mesure législative dont nous sommes saisis, le projet de loi S-254 présenté par le sénateur Brazeau. Je remercie le sénateur Brazeau, la sénatrice Miville-Dechêne et les autres personnes qui ont souligné l’importance d’initiatives yukonnaises axées sur l’ajout d’avertissements sur les contenants de boissons alcoolisées. Je reviendrai davantage sur ces initiatives à une autre occasion.

Honorables sénateurs, le Yukon a aussi été la première administration au Canada à répondre de façon exhaustive à l’enquête sur les femmes et les filles autochtones portées disparues ou assassinées. La stratégie du Yukon intitulée Changer la donne pour défendre la dignité et la justice : la Stratégie du Yukon sur les femmes, les filles et les personnes bispirituelles+, adoptée en 2020, mentionne spécifiquement les troubles de l’alcoolisation fœtale :

[la] mise en œuvre [de la Stratégie] exigera des efforts coordonnés. Les femmes, les filles et les personnes bispirituelles+ qui sont atteintes de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF) ou d’autres handicaps seront pleinement intégrées et prises en compte.

La coordinatrice m’a également indiqué qu’au cours des six derniers mois, le nombre de bénéficiaires aidés par la Fetal Alcohol Spectrum Society est passé de 69 à 84 personnes. Elle estime que ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Si l’association parvient à éliminer les préjugés à l’égard de l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale et à éduquer les gens à ce sujet, les chiffres devraient augmenter au fur et à mesure que les gens seront informés de l’existence de ses services.

Le Yukon est également passé de la parole aux actes, car il a consacré des fonds à l’ensemble de ces troubles. Les documents budgétaires de 2021 indiquent que la Fetal Alcohol Spectrum Society a reçu près de 800 000 $ de financement, ce qui inclut le financement du comité interorganisations.

Au niveau national, depuis ces discussions au Yukon — il y a plus de 20 ans —, le réseau canadien de recherche sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale, créé en 2013, a pris de l’ampleur. L’intention initiale du réseau était d’augmenter la quantité de recherche sur l’ensemble de ces troubles dans les provinces et les territoires dans le cadre du partenariat sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale dans le Nord-Ouest du Canada.

Les résultats ont largement dépassé les objectifs stratégiques et, aujourd’hui, le réseau est présent partout au Canada. Il soutient tous les intervenants, en trouvant des moyens innovateurs et pratiques d’aider les personnes atteintes de ces troubles, leurs familles et leurs soignants, et en aidant les pouvoirs publics, ainsi que les praticiens et les établissements d’enseignement, à réaliser et à diffuser des recherches et des connaissances fondées sur des données probantes.

Un autre exemple d’intervention a été souligné par notre collègue le sénateur Colin Deacon, c’est-à-dire le Strongest Families Institute, basé en Nouvelle-Écosse. Il offre aussi des services de soutien au Yukon. Cette initiative est véritablement mise en œuvre d’un océan à l’autre.

Honorables sénateurs, je m’en voudrais de ne pas souligner les efforts des bénévoles de la Fetal Alcohol Syndrome Society du Yukon, et surtout les efforts d’une bénévole en particulier, Judy Pakozdy. Cette personne milite depuis des années pour la cause des personnes atteintes des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale. Elle fait de la sensibilisation au Yukon, elle travaille avec des personnes affectées, elle leur offre du soutien et elle les accompagne. Cette femme franche et directe a payé elle-même des publicités dans les journaux pour faire de la sensibilisation et pour exhorter les gouvernements à intervenir. Les publicités ont été publiées alors que nous allions nous rassembler le neuvième jour du neuvième mois pour souligner la journée de sensibilisation aux troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale. Lors d’événements publics, elle m’a exposé les choses très clairement. Elle a dit : « Nous ne voulons pas d’autres discours. Nous ne voulons pas d’autres plans. Ce qu’il nous faut, c’est de l’argent et des mesures concrètes. »

L’adoption du projet de loi fait partie des mesures que le Sénat peut prendre pour répondre à la demande de Judy. Pour ce qui est de l’argent, ce n’est pas aussi simple. Comme nous le savons tous, le Sénat ne peut pas proposer l’affectation de fonds ou exiger que le gouvernement dépense de l’argent.

Aujourd’hui, j’aimerais parler des mesures qui sont proposées.

Le projet de loi dont nous sommes saisis propose de mettre en place une stratégie nationale, un cadre pour coordonner nos efforts de lutte contre les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale. Comme l’a dit dans son discours le sénateur Ravalia, le parrain du projet de loi, celui-ci prévoit des mesures pour normaliser les lignes directrices, améliorer les outils de diagnostic et de signalement des données, élargir la base de connaissances, faciliter l’échange d’informations et accroître la sensibilisation du public et des professionnels, entre autres. Le projet de loi est une mesure précise que nous, les sénateurs, pouvons prendre en réponse à la demande de Mme Pakozdy. Le projet de loi du sénateur Ravalia est un pas important dans la bonne direction et peut-être le pas le plus grand et le plus résolu que le Sénat du Canada puisse prendre.

Aujourd’hui, j’aimerais fortement encourager les sénateurs à franchir ce pas, à marcher ensemble, à soutenir la communauté touchée par les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale et de demander au gouvernement d’adopter un cadre national. Merci. Mahsi’cho. Gùnáłchîsh.

Haut de page