Aller au contenu

Le Code criminel

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat

4 mai 2021


L’honorable David M. Wells [ + ]

Propose que le projet de loi C-218, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-218, Loi sur le pari sportif sécuritaire et réglementé, dont je suis le parrain au Sénat.

Je tiens à remercier Kevin Waugh, député de Saskatoon—Grasswood, du leadership dont il a fait preuve au sujet de ce projet de loi, qui vise à réglementer le pari sportif au Canada, à renforcer la protection des consommateurs afin d’assurer la sécurité des parieurs et à ramener les revenus et les recettes fiscales au pays afin qu’ils soient réinvestis dans les collectivités canadiennes.

Le pari sportif est légal au Canada depuis plus de trois décennies, depuis 1985 pour être exact. Cependant, hormis les courses de chevaux, il n’existe qu’une forme de pari sportif légale au Canada, ce qu’on appelle le pari progressif. Dans ce type de pari, une personne doit parier sur deux parties ou plus et remporter tous ses paris afin de pouvoir encaisser un gain. Par exemple, si une personne parie sur le résultat d’un match de la LNH, sur celui d’un match de la NFL et sur celui d’un match de la NBA, ces trois matchs seraient réunis au sein d’un seul pari progressif et le parieur ne pourrait encaisser un gain que s’il remporte les trois paris. Le système légal de paris progressifs génère des paris d’environ 500 millions de dollars annuellement au Canada.

À l’heure actuelle, les paris sur une seule épreuve sportive sont interdits au Canada. Ainsi, si un Canadien souhaite parier 10 $ sur son équipe de hockey préférée ou toute autre équipe sportive, ce serait illégal. Pour parier en toute légalité, les Canadiens pourraient devoir jouer davantage qu’ils ne le souhaitent parce que la loi les oblige à parier sur plusieurs manifestations sportives en même temps. Ils ont alors moins de chance de succès parce qu’il est plus difficile de l’emporter lorsqu’on parie sur plusieurs manifestations sportives. Pourtant, c’est ce que la loi canadienne exige en ce moment.

Étant donné que les paris sur une seule épreuve sportive ne sont pas légaux au Canada, vous pourriez être surpris d’apprendre que les Canadiens dépensent environ 14 milliards de dollars annuellement dans cette activité, ce qui représente 28 fois le montant dépensé pour les paris légaux sur plusieurs manifestations sportives. Cette énorme industrie d’activités illégales a pu s’implanter par l’entremise des sites de paris en ligne à l’étranger et des groupes du crime organisé.

En 2019, le Service canadien de renseignements criminels, un organisme fédéral, a publié un rapport public sur le crime organisé au Canada, qui a offert un aperçu de la criminalité organisée au pays et des activités des groupes du crime organisé. Il souligne que le marché du jeu illégal au Canada est contrôlé par des groupes du crime organisé, en particulier des bandes de motards hors-la-loi et des groupes du crime organisé traditionnel relevant de la mafia. Il explique que les groupes criminels qui gèrent ces réseaux de jeu « tentent souvent de contourner la législation canadienne en utilisant des serveurs à l’étranger pour héberger leurs sites » et ils ont recours « à la violence, à l’extorsion et à l’intimidation pour atteindre leurs objectifs criminels ».

Le rapport indique également que les groupes se servent de ces fonds illicites pour financer d’autres formes de criminalité, notamment la contrebande et le trafic de drogue. Chers collègues, il n’est pas difficile d’imaginer le tort considérable qui peut être causé lorsque des milliards de dollars tombent entre de mauvaises mains chaque année.

Les paris acceptés par des sites à l’étranger et des groupes criminels organisés ne sont aucunement réglementés. Cela expose les Canadiens à des risques. Comme on pouvait s’y attendre, ces groupes ne s’intéressent pas à la protection des consommateurs ni aux mesures de sauvegarde. Ils ne mettent pas l’accent sur le jeu compulsif, les dépendances et les troubles de santé mentale. En fait, l’exacerbation de ces problèmes est à leur avantage.

L’adoption du projet de loi permettrait aux gouvernements provinciaux de finalement commencer à réglementer les paris sur une seule épreuve sportive. En 1985, les gouvernements fédéral et provinciaux ont conclu une entente sur la gestion des jeux et le gouvernement fédéral a convenu de ne pas recommencer à intervenir dans le domaine des jeux et paris et de « veiller à ce que les droits des provinces en la matière ne soient pas réduits ni restreints ». Depuis lors, les gouvernements provinciaux ont élaboré et perfectionné des pratiques et des cadres de jeu bien réglementés et responsables, ainsi que des contrôles opérationnels et des règles solides pour garantir l’intégrité des paris sportifs et la sécurité des consommateurs qui s’y adonnent.

Dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, les jeux sont encadrés par la Société des loteries de l’Atlantique, qui est un partenariat des provinces du Canada atlantique, et les recettes sont redistribuées proportionnellement selon ce qui est dépensé dans les loteries dans chaque province. La totalité des recettes de la société reste dans la région pour financer des services essentiels aux Canadiens de l’Atlantique, comme les soins de santé, l’éducation et les infrastructures.

Chers collègues, si le projet de loi est adopté, les règlements, les cadres et les mesures de protection des consommateurs rigoureux des provinces s’appliqueraient aux paris sur une seule épreuve sportive, et les gains qui en résulteraient pourraient être engrangés au grand jour de façon sécuritaire au sein d’un système bien réglementé.

Les règlements qui seraient mis en place concernant les paris sur une seule épreuve sportive sont importants, concrets et désespérément nécessaires. Je pense notamment à la vérification de l’âge et de l’identité pour s’assurer que les mineurs ne peuvent pas participer; à l’échange d’information et de données entre les organismes sportifs, les services de paris sportifs, les organismes de réglementation des jeux et les forces de l’ordre pour protéger l’intégrité des matchs et en empêcher le trucage; au fait d’interdire aux joueurs, aux entraîneurs et aux arbitres de parier sur des épreuves sportives; aux normes sur la publicité, le marketing et l’offre de cote; à l’accès à des outils de jeu responsable et à des options d’autoexclusion, comme des limites de dépôt hebdomadaires, des limites de pari, des limites de temps de session, des pauses de 24 heures, voire une autoexclusion, où on peut volontairement s’empêcher de jouer en ligne pendant 6, 12, 24 ou 36 mois.

Par ailleurs, la Société des loteries de l’Atlantique, qui est un chef de file dans l’industrie, a lancé un outil de jeu responsable en ligne, JeuSensé. L’outil propose aux joueurs une cote de jeu individuelle confidentielle, en fonction de leur comportement, pour les aider à comprendre leurs activités de jeu et leur évolution au fil du temps. Ces mesures sont nécessaires pour protéger les Canadiens; toutefois, elles ne pourront être mises en œuvre que lorsque les paris sportifs ne seront plus interdits dans le Code criminel.

Il est également important de souligner que les gouvernements provinciaux demandent ce changement depuis plus d’une décennie. La première fois qu’ils l’ont demandé, c’était en 2009, et les appuis n’ont fait que croître depuis. Les gouvernements provinciaux appuient le projet de loi et, tout récemment, le procureur général et le ministre des Finances de l’Ontario ont cosigné une lettre adressée au Sénat pour exprimer l’appui de la province de l’Ontario :

[...] l’adoption rapide du projet de loi C-218 aidera les provinces dans leurs efforts pour créer des marchés de jeux légitimes et concurrentiels qui protègent les consommateurs canadiens.

La lettre indique également que le gouvernement provincial est d’avis :

[qu’]un projet de loi de portée plus large, assorti d’un cadre réglementaire solide, créera un environnement sûr pour les jeux en ligne, qui répondra au choix des consommateurs tout en prévoyant des mesures pour favoriser le jeu responsable et protéger les consommateurs.

J’ai reçu une lettre similaire de la Société des loteries de l’Atlantique, qui représente les quatre provinces de l’Atlantique.

À l’heure actuelle, comme les paris sur une seule épreuve sportive se font de façon clandestine, on ne perçoit aucune taxe sur ce produit, alors que les Canadiens y consacrent 14 milliards de dollars par année. La nature clandestine de ces activités a aussi pour effet que les Canadiens n’ont aucune protection. Ils font leurs paris au moyen de systèmes faciles d’accès, mais qui ne sont soumis à aucune réglementation. Comme il n’y a pas de protections pour les consommateurs ni de revenus provenant de taxes, on n’investit pas suffisamment dans les programmes qui visent à aider les personnes aux prises avec des problèmes de jeu, des dépendances et des problèmes de santé mentale.

En février, PricewaterhouseCoopers a évalué les retombées économiques que pourrait avoir l’adoption de ce projet de loi. Sa conclusion : dans un contexte de forte croissance, les revenus provenant des paris sportifs augmenteraient de 900 % en deux ans, passant de 241,7 millions de dollars à 2,4 milliards de dollars. Cette augmentation des revenus légaux et imposables ferait grimper les recettes fiscales annuelles totales du Canada de 509,5 millions de dollars, ce qui s’ajouterait aux bénéfices ordinaires provenant des jeux de hasard, qui sont versés dans les coffres des provinces. Imaginez, chers collègues, les retombées que pourraient produire de tels revenus chaque année.

Les recettes additionnelles pourraient aussi servir à la recherche sur la dépendance, à des programmes sportifs pour les jeunes, aux soins de santé et à l’éducation.

Les retombées économiques du projet de loi ne se limitent pas à la hausse des recettes fiscales et aux nouvelles sommes qui pourraient être injectées dans les collectivités. D’après le rapport de PricewaterhouseCoopers, en deux ans, près de 2 700 emplois seraient créés au Canada. Cela s’ajoute aux observations de la Canadian Gaming Association, dont les travaux de recherche nous révèlent que le salaire annuel moyen dans l’industrie du jeu est supérieur à 65 000 $.

Chers collègues, le projet de loi vise clairement à priver le crime organisé et les exploitants de sites situés hors de nos frontières de sources de revenus qui devraient plutôt profiter aux Canadiens.

Beaucoup de communautés autochtones du Canada réclament un assouplissement des restrictions entourant les paris sur une seule épreuve sportive. Juste au moment où le projet de loi a été renvoyé au Sénat, la Saskatchewan Indian Gaming Authority, ou SIGA, a écrit une lettre au Sénat pour exprimer son appui envers le projet de loi. SIGA est un organisme à but non lucratif qui verse la totalité de son revenu net aux communautés environnantes, c’est-à-dire aux Premières Nations de la Saskatchewan, à la province de la Saskatchewan et aux sociétés de développement communautaire. En exploitant des casinos légitimes, l’organisme a créé 1 800 emplois, qui sont occupés à 65 % par des Autochtones. Dans sa lettre, SIGA indique que la seule chose qui aidera grandement l’industrie du jeu à se rétablir est que les paris sur une seule épreuve sportive soient autorisés. Dans la lettre, on peut lire ceci:

Les casinos de la SIGA, comme d’autres exploitants du Canada, apportent une contribution considérable à l’économie, et nous voulons simplement pouvoir soutenir la concurrence et offrir un produit que nos clients réclament. Nous voyons actuellement dans notre province un marché semi-clandestin qui n’est pas réglementé et qui ne rapporte rien aux intervenants de notre secteur.

La lettre souligne aussi l’importance des mesures de protection du consommateur en disant ceci :

Si on autorise les paris sur une seule épreuve, cela nous permettra aussi de protéger les intérêts de nos clients. Nous nous efforçons toujours de bien informer nos clients au sujet des jeux que nous offrons, et nous assurons l’intégrité de ces jeux. En tant qu’exploitants assujettis à la loi, nous devons respecter des normes de reddition de comptes rigoureuses comme la réglementation qui encadre l’industrie et les normes en matière de jeu responsable et de traitement des transactions financières.

Il est évident, honorables collègues, qu’ils veulent seulement que les règles du jeu soient équitables.

Nous devons aussi tenir compte des effets que l’interdiction des paris sur une seule épreuve sportive au Canada peut avoir sur les collectivités frontalières. En 2018, la Cour suprême des États-Unis a invalidé une loi fédérale de 1992 qui, dans ce pays, interdisait les paris sur les épreuves sportives, et depuis ce temps, chaque État peut décider s’il veut légaliser cette activité. À l’heure actuelle, presque tous les États des États-Unis ont légalisé les paris sur une seule épreuve sportive ou sont en voie de le faire, y compris la plupart des États qui bordent la frontière canado-américaine. L’État de New York, le Michigan, le Montana et la Pennsylvanie ont tous légalisé les paris sur une seule épreuve sportive. Cette réalité menace des collectivités frontalières comme Niagara Falls, Windsor et d’autres endroits, car les touristes et les résidants peuvent décider de traverser la frontière pour jouer à des jeux de hasard et faire des paris en toute légalité. La situation était déjà problématique lorsque la principale option en dehors de l’industrie du jeu légale du Canada était de se tourner vers le marché noir, mais maintenant, dans bon nombre de collectivités, ceux qui cherchent une autre option et qui veulent parier sur une seule épreuve sportive n’ont qu’à faire 15 minutes de route.

Honorables sénateurs, il y a une raison pour laquelle ce projet de loi est largement appuyé par des intervenants crédibles. En 2020, la NBA, la LNH, la MLB, la MLS et la LCF ont publié une déclaration commune qui exhorte le Canada à apporter ce changement et qui dit ceci :

En réglementant les paris sur une seule épreuve sportive, on pourrait mettre en place des mesures de protection du consommateur rigoureuses ainsi que des mesures de sauvegarde pour protéger davantage l’intégrité des sports.

Il a aussi obtenu l’appui des provinces, du mouvement ouvrier — dont Unifor et le Congrès canadien du travail —, des regroupements de gens d’affaires — dont la Chambre de commerce du Canada et de nombreuses chambres de commerce provinciales et régionales —, des forces de l’ordre, de nombreux maires et personnalités publiques du pays — dont les sociétés régionales et provinciales des loteries —, de nombreuses communautés autochtones, du Conseil du jeu responsable, du Comité international olympique et du Comité olympique canadien. L’ampleur des appuis en dit long sur la qualité du projet de loi. En un mot, cette mesure législative serait extrêmement bénéfique pour les Canadiens et pour le Canada.

J’ai parlé des nombreux groupes communautaires, associations et Canadiens qui sont favorables au projet de loi, mais la grande question que nous devons nous poser, chers collègues, c’est : qui souhaite qu’il ne soit jamais adopté? Les organisations criminelles qui exploitent les Canadiens en toute illégalité et sans aucune considération pour l’éthique, la réglementation en vigueur, la protection des consommateurs, les joueurs compulsifs et les personnes souffrant de problèmes de santé mentale, voilà qui souhaite que ce projet de loi échoue, car elles perdraient des milliards de dollars par année, milliards qu’elles ne pourraient plus utiliser pour financer leurs autres activités illicites. Les sites de paris étrangers ne sont pas assujettis aux lois canadiennes, alors eux non plus ne veulent pas que ce projet de loi entre en vigueur. Nous devons retirer ces paris des mains des marchés noir et gris et les ramener dans la légalité.

Honorables sénateurs, nous devrions tous appuyer ce projet de loi. Si vous votez contre, vous ne voterez pas contre les paris eux-mêmes, mais contre le resserrement des balises, de la réglementation et des programmes communautaires. Nous avons l’occasion d’encadrer le jeu de manière responsable au Canada et de faire en sorte que les Canadiens qui misent sur une seule activité sportive puissent le faire en toute sécurité. Nous avons aussi l’occasion de faire en sorte que des centaines de millions de dollars soient investis chaque année dans les villes et les villages du pays. Je vous remercie, honorables sénateurs.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénatrice Batters, avez-vous une question à poser?

L’honorable Denise Batters [ + ]

Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Wells, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Wells [ + ]

Oui, Votre Honneur.

La sénatrice Batters [ + ]

Merci, sénateur Wells. Premièrement, quel montant annuel votre province, Terre-Neuve, alloue-t-elle à des programmes de lutte contre la dépendance au jeu?

Le sénateur Wells [ + ]

Je vous remercie de votre question, sénatrice Batters. Je pense qu’il y a deux programmes de lutte contre la dépendance au jeu. Je ne sais pas quel montant leur est alloué. Je sais, cependant, que l’un d’eux relève directement de la Société des loteries de l’Atlantique qui, comme je l’ai mentionné, est l’autorité régissant les loteries dans les quatre provinces de l’Atlantique, où on trouve des programmes précis. Je ne suis pas au courant des sommes allouées. Je ne suis pas non plus informé de l’argent que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador consacre aux problèmes de santé mentale et de dépendance, mais je suis sûr que c’est un montant considérable parce qu’on parle fréquemment de ces problèmes aux nouvelles. Je sais que le gouvernement actuel ainsi que les gouvernements antérieurs jugent qu’il est très important de combattre ces problèmes. Je ne sais pas quelles sommes y sont allouées, sénatrice Batters, mais je sais que des programmes y sont consacrés.

La sénatrice Batters [ + ]

Oui, je vous saurais gré de bien vouloir vous renseigner. Je m’intéresse plus particulièrement aux programmes existants de lutte contre la dépendance au jeu parce qu’il y a certes de nombreux programmes de santé mentale offerts par les gouvernements provinciaux, à juste titre, ce qui me réjouit étant donné que nous sommes en pleine Semaine de la santé mentale. J’aimerais que vous puissiez trouver la réponse à ma question.

Je me demande également si l’étude de PricewaterhouseCoopers que vous avez mentionnée — et j’y jetterai certainement un coup d’œil — contient des données démographiques sur les joueurs actuels et ceux pourraient se mettre à jouer dans le cadre de l’augmentation massive — je crois que vous avez parlé d’une hausse de 900 % — des recettes provenant des jeux de hasard qui découlerait de la légalisation proposée dans le projet de loi.

Le sénateur Wells [ + ]

Merci encore, sénatrice Batters. Je vais obtenir l’information que je n’ai pas pour le moment. Pour ce qui est du rapport de PricewaterhouseCoopers, je ne me souviens pas s’il contient de telles données. Ce que je sais, c’est qu’un enfant de 10 ans peut faire des paris sur une seule épreuve sportive en utilisant les sites illégaux à l’étranger parce qu’il n’y a aucune réglementation. Si ces paris cessent d’être illégaux au Canada, ils seront régis par les organismes de réglementation de chaque province. Dans la région de l’Atlantique, ces organismes sont regroupés sous la bannière de Loto Atlantique, qui utilise des mécanismes de vérification de l’âge d’une tierce partie. Il faut avoir 19 ans ou plus. Je répète que je n’ai pas les données démographiques, mais le nouveau régime proposé dans ce projet de loi serait préférable au système sans aucune réglementation qui existe actuellement.

L’honorable Ratna Omidvar [ + ]

Sénateurs Wells, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Wells [ + ]

Bien sûr, sénatrice Omidvar.

La sénatrice Omidvar [ + ]

Merci beaucoup de nous avoir donné des précisions sur le contexte. Y avait-il une politique gouvernementale pour empêcher les paris sur une seule épreuve sportive ou l’interdiction est-elle plutôt le résultat d’un manque de réflexion?

Le sénateur Wells [ + ]

Merci, sénatrice Omidvar. Voici ce qui est arrivé selon ce que j’ai pu comprendre de mes recherches : en 1985, lorsque le système de jeu a été établi, on se préoccupait beaucoup des épreuves arrangées. Cette règle des paris sur deux, trois ou plusieurs épreuves sportives a été mise en place parce qu’il est plus difficile de l’emporter même si une des épreuves a été arrangée. C’est ainsi que ces activités ont été empêchées. C’était raisonnable.

L’autre facteur de taille dans cette affaire, sénatrice Omidvar, est l’avènement d’Internet, dont l’utilisation a commencé à se répandre au début des années 1990. Je me souviens qu’il existait vers 1994 un Internet rudimentaire. Évidemment, les sites de paris accrocheurs à grande visibilité où la mise est élevée sont apparus beaucoup plus tard, et cela est venu exacerber le problème.

Cela m’amène à la situation actuelle. Des projets de loi très similaires à celui-ci ont été présentés par le passé, dont certains depuis mon entrée en fonction au Sénat. Pour diverses raisons, principalement des contraintes de temps, mais également la mauvaise compréhension du projet de loi en soi, l’étude de ces projets de loi n’a pas abouti.

Je crois que nous comprenons mieux maintenant les contrôles qui peuvent être mis en place et le montant d’argent que perdent les Canadiens en envoyant de l’argent à l’extérieur du pays par l’entremise d’organisations criminelles et de sites de paris à l’étranger. Nous avons une bien meilleure compréhension maintenant. Cela dit, à l’origine, le but était d’empêcher les épreuves arrangées. Merci.

Le sénateur Wells accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Wells [ + ]

Certainement, sénateur Forest.

Vous avez fait référence au projet de loi C-290, qui a été déposé il y a quelques années. À l’époque, la Ligue nationale de hockey s’était opposée au projet de loi et vous nous dites — et je vous fais totalement confiance à ce sujet — qu’ils sont plutôt favorables au projet de loi aujourd’hui, comme les autres grandes ligues de sports professionnels. Comment expliquez-vous ce changement de cap de la part de la LNH, qui craignait que le projet de loi n’entraîne des comportements frauduleux pour ce qui est des résultats des matchs?

Le sénateur Wells [ + ]

Je vous remercie de votre question, sénateur Forest.

Nous nous sommes entretenus avec des groupes qui représentent les ligues sportives majeures. De nos jours, ces ligues perçoivent ces paris comme une façon d’interagir davantage avec leur clientèle. Si le tout est réglementé, cela élimine leurs préoccupations initiales. Elles n’y sont plus réticentes maintenant.

Vous n’êtes pas sans savoir que la création d’une équipe de la LNH à Las Vegas a soulevé des discussions il y a quelques années en raison de l’association avec les paris. Les temps ont changé. Ce n’est plus un problème. Las Vegas a son équipe de hockey, et celle-ci est, en général, très bien accueillie. Les gens ne semblent pas l’associer aux paris.

La NBA, la Major League Soccer, la LNH et la MLB ont envoyé un message collectif aux parrains du projet de loi au Sénat et à l’autre endroit. Ces ligues appuient maintenant les paris sur une seule épreuve ou manifestation sportive en raison de la réglementation, du potentiel d’interaction accrue avec leur clientèle et des mesures de protection. Aussi, ces paris s’effectuent de toute manière, et il est préférable qu’ils s’effectuent dans un cadre réglementé.

Je vous remercie beaucoup pour l’explication. Je n’ai pas d’autres questions.

L’honorable Mary Jane McCallum [ + ]

Sénateur Wells, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Wells [ + ]

Certainement, sénatrice McCallum.

La sénatrice McCallum [ + ]

Depuis plus de deux décennies, les Mohawks de Kahnawake affirment leur droit inhérent de mener, de faciliter et de réglementer des jeux de hasard et des activités connexes sur le territoire mohawk de Kahnawake et à partir de ce territoire. Leur compétence dans ce domaine a été reconnue à l’échelle internationale et n’a jamais été contestée. Les Mohawks de Kahnawake exercent actuellement ce droit en menant, en facilitant et en réglementant des jeux de hasard sur leur territoire et en ligne.

Plus important encore, Sports Interaction est une source essentielle d’emplois pour la communauté, et les bénéfices qu’elle produit sont fort utiles, notamment depuis le début de la pandémie de COVID-19. D’après la chef Deer, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-218 ne tient tout simplement pas compte des droits des Mohawks de Kahnawake et met en péril la résilience économique de cette communauté, notamment sa capacité de se remettre des dommages financiers causés par la COVID-19.

Quelle sera l’incidence de ce projet de loi sur les droits des Mohawks concernant les jeux de hasard?

Le sénateur Wells [ + ]

Je vous remercie de votre question, sénatrice McCallum. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le communiqué diffusé par la bande de Kahnawake.

La bande de Kahnawake y demande de conserver ce qu’elle a déjà. Le projet de loi n’aura aucune incidence sur ce point, je crois. Il aura plutôt pour effet d’uniformiser les règles du jeu, de sorte que toutes les bandes, toutes les provinces et toutes les organisations qui réglementent les jeux de hasard au Canada auront les mêmes possibilités que les Mohawks. Je ne crois pas que le projet de loi crée des inégalités : il viendra plutôt égaliser les chances.

J’ai lu la lettre, et je suis conscient que certaines personnes ne sont pas en faveur de cette mesure. La grande majorité des gens me disent toutefois l’appuyer, pour les raisons que j’ai mentionnées dans mon discours.

La sénatrice McCallum [ + ]

Sénateur Wells, je me demande si vous pourriez rencontrer la chef Deer et la nation mohawk de Kahnawake pour en discuter.

Le sénateur Wells [ + ]

Ce serait un plaisir, sénatrice McCallum. J’invite également la chef Deer à comparaître devant le comité sénatorial qui sera saisi du projet de loi, car elle pourra alors présenter ses idées à un plus vaste auditoire.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Chers collègues, nous allons revenir au sénateur Boisvenu.

Sénateur Boisvenu, vous pouvez poursuivre votre discours. Il restait 10 minutes 44 secondes à votre de temps de parole.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu [ + ]

Le but était de recentrer les victimes dans le processus judiciaire et de reconnaître le rôle qu’elles y jouent en ayant une approche beaucoup plus proactive avec elles.

Je tiens à rappeler qu’il est déjà souvent bien difficile pour les victimes de parler de leur situation à la police. Il est donc primordial de pouvoir garantir leur sécurité et d’être à l’écoute de leurs besoins lorsqu’elles décident de faire ce pas.

Cette modification va dans la direction des directives aux procureurs de la Couronne qui figurent dans le Guide du Service des poursuites pénales du Canada, et je cite :

Les procureurs de la Couronne devraient être au fait de l’intérêt des victimes et des témoins à l’égard de la libération sous cautionnement de l’accusé, en particulier dans les situations où la conduite derrière les accusations laisse supposer une menace potentielle pour la victime ou le témoin.

De plus, comme je l’ai mentionné plus tôt, je souhaite inclure de nouvelles conditions de remises en liberté prévues par l’article 515. Si c’est un risque qui peut entraîner la violence ou la mort de la victime, je crois que les conditions actuelles qu’un juge peut imposer conformément à l’article 515 sont beaucoup trop faibles pour empêcher un prévenu de commettre un crime violent. Comme je l’ai expliqué précédemment, je souhaite inclure le port du bracelet électronique dans les conditions de remise en liberté provisoire.

La deuxième condition que je souhaite ajouter laissera au juge le choix d’imposer une thérapie en toxicomanie ou en violence familiale approuvée par la province et menée sous la supervision du tribunal. C’est ce qui est nouveau, mais pas nécessairement nouveau dans le Code criminel. Chaque cas est différent, et nous devons donner au juge la discrétion nécessaire pour décider si le prévenu devrait faire l’objet d’une thérapie afin de l’aider à soigner son problème de violence dans l’unique but d’assurer la sécurité de la victime et d’une future conjointe, si l’individu entre en relation avec une nouvelle conjointe.

En ce qui concerne la toxicomanie, je me suis basé sur les témoignages recueillis dans le cadre de mes longues consultations. Aider ces personnes à lutter contre leurs dépendances réduira le risque de violence et de récidive. Au Canada, les thérapies sont déjà utilisées dans les cas de conduite avec facultés affaiblies. Comme cette solution permet déjà d’en aider quelques-uns, alors pourquoi ne pas l’appliquer dans les cas de violence conjugale?

J’ai discuté avec des victimes qui disaient que, dans leurs propres cas, une thérapie aurait pu contribuer à mieux contrôler les comportements violents de leurs agresseurs. Les provinces le reconnaissent et appuient de plus en plus les organismes qui offrent de telles thérapies aux hommes violents. Cependant, je comprends qu’il faut en faire plus. Il y a des délinquants qui sont conscients de leurs problèmes et qui savent que la seule avenue pour éviter des gestes irréparables est la thérapie.

Enfin, un autre point que nous proposons porte sur la copie de l’ordonnance. Le juge de paix doit au préalable vérifier que le partenaire intime de l’accusé a été informé de son droit de demander une copie de l’ordonnance de mise en liberté provisoire, laquelle inclut les conditions du paragraphe 14 de l’article 515 du Code criminel. Cette modification a pour objectif de faire respecter les principes de la Charte canadienne des droits des victimes, notamment le droit à l’information, donc d’être informé des conditions de libération du prévenu. En effet, il est déjà prévu par la loi que la victime puisse recevoir ces renseignements si elle le demande.

Cependant, la nuance que j’apporte ici, c’est que sur la base des témoignages qui m’ont été partagés, les victimes ne sont pas souvent mises au courant de leurs droits et, par conséquent, elles sont livrées à elles-mêmes dans un processus complexe à comprendre, alors qu’elles sont déjà elles-mêmes dans une situation complexe et très difficile. Ce point permet de respecter une des recommandations faites par l’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels en ce sens. J’ajoute que dans la publication de l’ombudsman intitulée Une pierre angulaire du changement, datée du 13 mai 2014, celle-ci pointe une faiblesse dans la Charte canadienne des droits des victimes, et je cite :

[…] la Charte n’attribue pas de responsabilités particulières aux organismes du système de justice pénale pour automatiquement informer les victimes des droits qu’elles peuvent exercer.

Elle propose donc ceci :

Que les victimes reçoivent automatiquement, immédiatement après le signalement de l’acte criminel, des renseignements clairs au sujet des droits que la Charte canadienne des droits des victimes leur confère. Il faudrait notamment préciser les renseignements qu’elles peuvent obtenir, la personne responsable de les leur donner et le moment auquel ils peuvent être fournis.

Je souhaite maintenant aborder un autre point de mon projet de loi et qui est pour moi un concept extrêmement important. J’aimerais rectifier une lacune persistante du projet de loi C-75 en imposant le renversement du fardeau de la preuve lors d’une remise en liberté provisoire pour tous ceux qui font face à des accusations en matière de violence conjugale et qui ont reçu antérieurement une absolution pour des faits de même nature.

Je considère que l’absolution n’est pas synonyme de moindre gravité. En effet, pour moi, la violence conjugale, sous toutes formes, est toujours grave. Si une personne absoute par le passé se retrouve une nouvelle fois accusée de violence conjugale, elle devrait faire la preuve — cette fois-ci — de l’absence de fondement de sa détention, comme les personnes n’ayant pas reçu d’absolution. Ce n’est que justice pour les victimes, car les victimes n’ont pas cette deuxième chance.

Au début de décembre 2018, Christine St-Onge a été assassinée par son compagnon lors d’un voyage au Mexique. Après plusieurs jours de recherche, les autorités mexicaines ont retrouvé son corps près de l’hôtel où le couple avait séjourné. Le 5 décembre 2018, après son retour précipité au Canada, le compagnon de Christine St‑Onge, Pierre Bergeron, s’est suicidé. L’enquête avait formellement identifié Pierre Bergeron comme étant le meurtrier présumé. Pierre Bergeron était décrit comme un homme violent et manipulateur par l’entourage de Mme St-Onge. Il avait réussi à l’éloigner de sa sœur, de ses amis et de ses enfants.

Nancy Morel, l’ex-conjointe de Pierre Bergeron, l’avait décrit comme étant un homme possessif à l’extrême, violent et jaloux. Nancy Morel avait décidé de le dénoncer à la police pour se protéger du comportement de cet homme. Pierre Bergeron avait plaidé coupable aux accusations de voie de fait et il avait obtenu — tenez-vous bien — une absolution. Je cite le témoignage de la sœur de Christine St-Onge, Annie St-Onge, lors de la réunion du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles tenue le 8 mai 2019 :

Au cours des semaines qui ont suivi ce tragique événement, nous avons appris que M. Bergeron avait des antécédents de violence conjugale. Une ancienne conjointe s’est vidé le cœur dans les médias et a affirmé qu’une plainte pour violence conjugale avait été déposée contre lui à la police. Comme M. Bergeron avait des moyens financiers importants qu’il était une personne très narcissique, il s’est défendu avec l’aide de ses avocats. Il a reçu une absolution inconditionnelle en échange d’un don à un organisme d’aide aux femmes violentées…

— Paradoxe! —

… Mais quelle hypocrisie! Il n’y avait rien au dossier pour voies de fait et utilisation négligente d’une arme. Cette femme a dû se battre pour se faire entendre et récupérer ses biens. Par la suite, il semblerait que M. Bergeron ait fait une requête pour faire annuler ce verdict.

L’absolution conditionnelle ou inconditionnelle est une sorte de seconde chance que l’on donne à une personne qui reconnaît être coupable d’une infraction grave. Le juge doit évaluer, à l’aide les éléments qu’il a en sa possession, soit la gravité de l’infraction, les circonstances autour de l’infraction, l’état d’esprit de l’accusé et ses chances de récidive, ainsi que sa réelle volonté de ne pas récidiver. L’absolution n’est pas une décision prise à la légère par un tribunal. Il faut peser les faits, la gravité et la récidive.

Dans le cas de la violence conjugale, je considère comme étant injuste que le renversement du fardeau de la preuve ne s’applique pas aux cas qui ont déjà reçu une absolution conditionnelle ou inconditionnelle. C’est vraisemblablement une seconde chance donnée à l’accusé qui, par les faits, est accusé d’une infraction semblable et qui n’a pas l’obligation de démontrer le fondement de sa mise en liberté. Comme je l’ai mentionné plus tôt, le processus d’attribution d’une absolution n’est pas un processus léger et, par conséquent, si le juge n’a pas réussi pour différentes raisons à évaluer correctement les risques de récidive de l’accusé, celui-ci devrait être considéré potentiellement comme un récidiviste à part entière et être jugé comme tel.

Ce dernier point conclut le premier volet des modifications apportées au Code criminel que je propose avec ce projet de loi. La société porte beaucoup de jugements sur les victimes de violence conjugale, mais ceux et celles qui n’ont pas vécu de violence conjugale ne peuvent pas comprendre ce que l’emprise d’une personne peut avoir sur une autre dans un tel contexte.

Honorables sénateurs, c’est à nous, les législateurs, d’apporter plus de garanties aux victimes pour qu’elles puissent retrouver le chemin de la confiance envers notre système de justice, un système de justice qui doit être davantage à l’écoute des victimes et davantage efficace.

Le deuxième volet de mon projet de loi porte sur les ordonnances d’engagement, les « 810 » du Code criminel, « engagements de ne pas troubler la paix publique ». Le juge peut ordonner au prévenu de signer une ordonnance d’engagement et celui-ci doit accepter de se soumettre aux conditions établies dans cet engagement.

Au Canada, l’article 810 du Code criminel est un régime général de justice préventive, qui crée une source de responsabilité criminelle même si aucune infraction n’a été commise. Une violation à l’une des conditions imposées dans l’engagement peut entraîner — pour le défendeur — une accusation en vertu de l’article 811 du Code criminel et, en cas de culpabilité, une peine allant jusqu’à un emprisonnement maximal de quatre ans.

En novembre 2020, un rapport a été présenté par l’Université du Québec à Montréal sur l’article 810 du Code criminel, rapport réalisé par un partenariat entre le Regroupement des...

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Boisvenu, je regrette, votre temps de parole est écoulé.

Haut de page