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Projet de loi d’exécution de la mise à jour économique et budgétaire de 2021

Deuxième lecture

10 mai 2022


L’honorable Clément Gignac [ + ]

Propose que le projet de loi C-8, Loi portant exécution de certaines dispositions de la mise à jour économique et budgétaire déposée au Parlement le 14 décembre 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénatrices et sénateurs, je suis ravi de prendre la parole aujourd’hui en tant que parrain du projet de loi C-8, Loi portant exécution de certaines dispositions de la mise à jour économique et budgétaire déposée au Parlement le 14 décembre 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures.

En même temps, mon intervention aujourd’hui marque également la première allocution officielle que je prononce au Sénat depuis mon assermentation en novembre dernier. Permettez-moi donc de prendre quelques minutes pour vous parler de mes motivations à me joindre au Sénat avant d’aborder les grandes lignes de ce projet de loi et de partager avec vous quelques réflexions sur la situation économique du pays.

Tout d’abord, il semble que le déclenchement de crises mondiales éveille en moi un appel irrésistible à travailler à Ottawa pour me mettre au service des Canadiens. En effet, ma première expérience de travail dans la capitale nationale remonte au début de la crise financière de 2008-2009. Alors que le système financier mondial souffrait de l’éclatement de la bulle immobilière américaine, je suis venu ici en septembre 2008 pour rencontrer le greffier du Bureau du Conseil privé de l’époque, M. Kevin Lynch. Je me suis laissé convaincre de quitter mes fonctions d’économiste en chef de la Banque Nationale pour devenir un conseiller spécial au ministère des Finances.

Vous savez quoi? Je ne l’ai jamais regretté. Au contraire, j’en ressentais une énorme satisfaction, même si les journées pouvaient être aussi longues que la crise était grave.

C’était tout un privilège pour moi de côtoyer régulièrement le ministre des Finances de l’époque, le regretté Jim Flaherty, le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, et l’actuel gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, qui était alors sous-ministre délégué au ministère des Finances.

J’ai également eu le grand honneur d’être choisi par le Bureau du Conseil privé comme représentant officiel du Canada au sein de l’un des quatre groupes de travail du G20 créés lors du sommet du G20 de Washington. Je veux donc profiter de ma tribune pour remercier publiquement l’ancien premier ministre du Canada, le très honorable Stephen Harper, ainsi que l’honorable Jim Flaherty de la confiance qu’ils m’ont accordée et de l’occasion unique qui m’a été offerte de représenter le Canada lors des premiers travaux pour le sommet des dirigeants du G20.

Honorables sénateurs, alors que j’occupais le poste de gestionnaire de portefeuille et d’économiste en chef au sein du Groupe financier Industrielle Alliance, le déclenchement de cette crise sanitaire mondiale au printemps 2020 et ses impacts sans précédent sur les finances publiques ont à nouveau éveillé en moi ce désir irrésistible de me rendre à Ottawa, mais comment faire, cette fois-ci?

Ma charmante épouse, Jocelyne Duval, ma partenaire de vie depuis plus de 45 ans, et nos trois enfants m’ont alors convaincu de soumettre ma candidature pour devenir sénateur en remplissant le fameux formulaire prévu à cet effet sur le site Web du Sénat, puisqu’il y avait trois postes à pourvoir dans la région du Québec.

Quelle joie et quelle fierté j’ai éprouvées à la fin de juin 2021 lorsque j’ai reçu le fameux appel téléphonique du premier ministre du Canada qui m’a confirmé que ma candidature avait été retenue par le Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat pour me nommer sénateur du Québec. Je tiens à remercier le très honorable Justin Trudeau de sa confiance et de cette occasion unique de me retrouver ici parmi vous, et cela, au service des Canadiens. Je tiens également à remercier mes trois répondants, soient Mme Sophie D’Amours, rectrice de l’Université Laval, M. Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec, et l’honorable Jean Charest, ex-premier du Québec, d’avoir appuyé ma candidature et soumis leurs lettres de recommandation au Comité consultatif indépendant.

Honorables sénateurs, je tiens également à vous remercier tous de votre chaleureux accueil ici, au Sénat. Les discours de bienvenue des leaders des quatre groupes reconnus dans cette enceinte, ainsi que le discours que le sénateur Marc Gold a prononcé le jour de mon assermentation, resteront à jamais gravés dans ma mémoire, et je les en remercie. J’adresse un merci tout spécial à mon cher parrain, le sénateur Dennis Dawson, pour ses sages conseils et son aide précieuse depuis ma nomination au Sénat.

Chers collègues, je crois beaucoup à l’utilité du Sénat comme composante de notre Parlement et contrepoids à la Chambre des communes, pour protéger les droits des minorités ou des groupes sous-représentés de notre société. Bien que notre responsabilité première soit de porter un second examen attentif sur les projets de loi du gouvernement, je suis enthousiaste à l’idée de lancer moi aussi, un jour, ma propre initiative législative.

D’ici là... Pour être parfaitement honnête, je ne connais pas très bien la procédure qui régit la Chambre haute. Même si j’ai à mon actif près de quatre ans d’expérience en tant que politicien à l’Assemblée nationale du Québec, je suis conscient que j’ai encore beaucoup à apprendre. Nul doute que c’est la raison pour laquelle j’ai accepté de parrainer le projet de loi C-8. Après tout, le vieil adage dit : « C’est en se jetant à l’eau qu’on apprend à nager. »

Personnellement, je crois beaucoup à l’idée de cette deuxième Chambre organisée de manière non partisane et indépendante du parti formant le gouvernement. Comme je l’ai mentionné au premier ministre canadien, le très honorable Justin Trudeau, lors de notre conversation téléphonique l’été dernier, je ne serais sans doute pas ici, avec vous, s’il n’y avait pas eu de réforme en 2015.

Comme j’avais déjà vécu l’expérience parlementaire à l’Assemblée nationale, je n’avais pas envie de retomber dans des débats partisans. Chers collègues, après à peine quelques mois parmi vous, je préfère, et de loin, le ton des débats généralement sereins et respectueux qui sont tenus dans cette Chambre à celui que l’on observe à l’autre endroit, comme le veut l’expression consacrée. Une simple comparaison entre les deux Chambres du Parlement canadien quant à la nature des questions posées aux divers ministres du gouvernement en sont une parfaite illustration.

Parlant d’indépendance face au pouvoir exécutif, laissez-moi aussi exprimer publiquement mon soutien à ma collègue la sénatrice Marshall pour ce qui est de la nécessité de revoir éventuellement les courts délais imposés au Comité sénatorial permanent des finances nationales pour approuver les dépenses principales et supplémentaires du gouvernement. On se sent vraiment bousculé. Le fait qu’un comité sénatorial ait à peine quelques jours pour approuver des dizaines de milliards de dollars en dépenses du gouvernement me semble tout simplement déraisonnable et peu respectueux à l’égard de notre mandat de second examen de la gestion des finances publiques.

À titre de membre du comité directeur du Comité sénatorial permanent des finances nationales, ma collègue sait qu’elle pourra compter sur mon appui dans la recherche de solutions constructives et non partisanes pour mieux assumer notre rôle de sénateurs.

Je crois fermement au travail d’équipe et je compte sur votre collaboration pour m’aider à assumer mes nouvelles responsabilités. Comme le dit l’expression : « Faute de grives, on mange des merles. » Par conséquent, n’hésitez pas à me faire des suggestions pour que je puisse m’améliorer dans l’exercice de mes fonctions.

Honorables sénatrices et sénateurs, je sais que la barre est haute pour moi à titre de nouveau sénateur du Québec et 11e représentant de la division sénatoriale de Kennebec. En effet, mon prédécesseur était l’honorable Serge Joyal, avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger quelques mots tout juste après ma nomination et que je salue au passage.

Soyons clairs. Même si j’ai l’honneur de lui succéder pour représenter cette division sénatoriale au Québec, je n’aurai jamais la prétention de le remplacer dans cette enceinte, puisque je n’ai ni ses compétences juridiques ni même sa maîtrise de l’art oratoire. Néanmoins, en m’inspirant de son ouvrage publié en 2005, qui s’intitule Protéger la démocratie canadienne, et de ses actions pour protéger les droits des minorités et défendre le sort de la langue française, j’aspire à contribuer, de façon constructive et à ma façon, aux travaux du Sénat.

Chers collègues, je ne suis pas un spécialiste de la santé publique et je ne ferai pas de prédictions sur la durée de cette pandémie ou sur le nombre de variants subséquents potentiels qui pourraient survenir. Tout au long de ma carrière d’économiste, je me suis plutôt intéressé à la santé de nos finances publiques et à la façon dont nos banques centrales conduisaient leurs politiques monétaires. Sur ce dernier point, ne soyez pas surpris si je suis très critique et si je m’exprime fortement ces temps-ci sur la place publique sur la façon dont nos banques centrales se sont comportées au sortir de cette pandémie pour contrôler cette poussée de l’inflation.

La Banque du Canada et sa contrepartie, la Réserve fédérale américaine, ont gardé le pied sur l’accélérateur beaucoup trop longtemps avec leurs assouplissements quantitatifs en 2021. De plus, l’été dernier, elles ont fait une mauvaise lecture de la situation avec leur soi-disant inflation transitoire et surtout, elles ont trop tardé à se mettre en branle au début de l’année avec la hausse des taux d’intérêt. Comme l’illustre la chute marquée des marchés financiers depuis le début de l’année, on assiste à une perte de confiance des investisseurs en la capacité de nos banques centrales de contrer l’inflation sans engendrer de récession. Sans vouloir ici accréditer toutes les décisions prises par les différents ordres de gouvernement du pays, la responsabilité première de notre banque centrale est de maintenir la stabilité des prix, et non de lutter contre les inégalités sociales. Traditionnellement, la politique budgétaire et fiscale est nettement mieux placée que la politique monétaire pour cibler une reprise inclusive.

À cet égard, avant d’aborder plus en détail le projet de loi C-8, permettez-moi de revêtir mon habit de spécialiste des finances publiques, puisque j’ai participé, pratiquement chaque année depuis 1995, aux consultations budgétaires du ministère des Finances du Canada auprès des économistes en chef du pays.

C’est une tradition qui a été lancée par le très honorable Paul Martin à l’époque. J’imagine que certains d’entre vous pourraient s’inquiéter des nouvelles initiatives fiscales et budgétaires prévues par le projet de loi C-8, qui découle de la mise à jour budgétaire du 14 décembre dernier. C’est tout à fait naturel et compréhensible. Après tout, le Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19 a engendré des déficits budgétaires records et un bond spectaculaire de la dette du gouvernement fédéral depuis deux ans.

À l’instar de l’ex-gouverneur de la Banque du Canada, M. Stephen Poloz, je suis d’avis que l’on peut difficilement accuser un pompier d’avoir utilisé trop d’eau pour éteindre un incendie. En effet, tous les gouvernements des pays occidentaux ont dû intervenir de façon massive et enregistrer de gros déficits pour éviter que la contraction brusque de l’économie du printemps 2020 ne dégénère en dépression économique semblable aux années 1930. D’ailleurs, comme le gouvernement fédéral dispose d’une marge de manœuvre financière nettement plus considérable que les provinces, il n’est pas surprenant que ce soit le gouvernement fédéral qui a fait preuve de leadership et a soutenu les entreprises et les travailleurs canadiens. Qu’on se le dise, make no mistake, tout cela a été rendu possible en raison de l’assainissement des finances publiques qui a été mis en place au cours des deux décennies précédentes par d’autres gouvernements.

Quel est l’état de la situation aujourd’hui? Il est juste d’affirmer que le ratio de la dette par rapport au PIB s’est détérioré durant cette pandémie, passant de 30 % environ à 46,5 % au 31 mars dernier.

En se basant sur les chiffres publiés récemment par le directeur parlementaire du budget, on peut constater que le service de la dette fédérale représente aujourd’hui à peine 7 cents par dollar de recettes budgétaires, comparativement à 15 cents par dollar avant la crise financière de 2009, ce qui est sans commune mesure avec les 48 cents par dollar du début des années 1990.

Je me souviens qu’en 1995, le Canada était menacé d’être placé sous la tutelle du Fonds monétaire international, pendant qu’on parlait d’une crise potentielle. C’est à la suite de ces événements que le ministre des Finances, Paul Martin, s’est occupé de la situation. D’ailleurs, l’agence de notation américaine Standard & Poor’s continue d’accorder la cote AAA au Canada, qui est l’un des rares pays du G7 à avoir maintenu cette excellente cote.

Chers collègues, j’estime que le projet de loi C-8 sera utile et améliorera le sort de nombreux Canadiens. Si ce n’était pas le cas, je n’aurais pas accepté de le parrainer.

Évidemment, vous pouvez compter sur ma vigilance d’économiste et de sénateur non partisan et indépendant du pouvoir politique en place pour surveiller ce qui se passera dans les prochaines années. Après tout, avant de se lancer dans de nouveaux programmes sociaux ou dans un programme national de revenu garanti, le pays doit accélérer la création de richesse et réellement remédier aux causes du faible investissement des entreprises si nous voulons réaliser nos objectifs de transition énergétique.

Voilà qui devrait d’ailleurs servir de principe directeur à nos dirigeants. Nous devons éviter de transférer aux générations futures le fardeau de la consommation de biens et de services publics de la génération actuelle.

Comme tous les sénateurs, j’appuie moi aussi une société plus juste et plus inclusive. Il ne fait aucun doute que le Sénat sera appelé à étudier des projets de loi à cet effet dans les mois et les années qui viennent.

Par contre, si nous perdons de vue la création de richesse, nous risquons un jour de ne plus avoir assez de richesse à distribuer et d’être vertement critiqués par nos enfants et nos petits-enfants. Je crois que ce que la Grèce a vécu est une leçon que nous devons tous retenir.

Honorables sénatrices et sénateurs, j’entame maintenant la seconde partie de mon allocution, qui porte plus spécifiquement sur le projet de loi C-8, qui a pour but de mettre en œuvre les mesures figurant dans la mise à jour économique et budgétaire déposée en décembre dernier ainsi que d’autres mesures particulières.

La majorité des initiatives de nature fiscale ou budgétaire contenues dans le projet de loi C-8 résultent du Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19. Il s’agit ici de mesures ciblées destinées à venir en aide aux provinces, aux agriculteurs, aux entreprises et aux travailleurs.

Le projet de loi contient également un engagement précédent du gouvernement fédéral pour tenter de freiner la spéculation immobilière provenant de l’étranger. Au cours des prochaines minutes, je ferai de mon mieux pour vulgariser le langage parfois très opaque utilisé dans ce projet de loi.

Chers collègues, j’aimerais d’abord parler des quatre modifications que le projet de loi C-8 propose d’apporter à la Loi de l’impôt sur le revenu.

D’abord, comme nous le savons tous, il a été établi qu’une ventilation et une filtration d’air adéquates constituent des moyens importants de réduire la propagation de la COVID-19. L’offre d’un crédit d’impôt remboursable aux petites entreprises permettrait à celles-ci d’investir dans une meilleure qualité de l’air. Afin d’encourager les petites entreprises à investir dans la ventilation et la filtration de l’air, le projet de loi C-8 propose d’introduire un crédit d’impôt remboursable de 25 % sur les dépenses admissibles engagées pour l’amélioration de la qualité de l’air, ce qui permettrait d’accroître l’entrée d’air extérieur ou d’améliorer l’assainissement et la filtration de l’air dans les propriétés commerciales.

Les entreprises admissibles recevraient le crédit d’impôt à l’égard des dépenses admissibles allant jusqu’à 10 000 $ par emplacement, avec une limite de dépenses maximale de 50 000 $ pour l’ensemble des emplacements admissibles. Dans le but d’encourager les entreprises à agir rapidement, le crédit d’impôt pourrait être réclamé relativement aux dépenses admissibles engagées entre le 1er  septembre 2021 et le 31 décembre 2022.

Deuxièmement, les dynamiques collectivités rurales et nordiques du Canada sont confrontées à des défis uniques quant à leur croissance économique et à leur résilience. L’éloignement d’un grand nombre de collectivités nordiques rend les voyages coûteux pour celles-ci, y compris les voyages essentiels pour les études et les soins médicaux. À l’heure actuelle, les habitants de régions éloignées qui ne bénéficient pas d’avantages relatifs aux voyages tirés de l’emploi ne peuvent pas déduire les dépenses de voyage au titre des déductions pour les habitants de régions éloignées. Par conséquent, ils ne bénéficient pas du même traitement fiscal favorable que ceux qui reçoivent des avantages relatifs aux voyages tirés de l’emploi. Le projet de loi C-8 propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu et le Règlement de l’impôt sur le revenu afin d’élargir l’accès à la composante voyage des déductions pour les habitants des régions éloignées aux particuliers qui ne profitent pas d’avantages relatifs aux voyages tirés de l’emploi.

Troisièmement, pendant la pandémie, les enseignants du Canada ont fait preuve de beaucoup de résilience et ont soutenu des initiatives afin de s’assurer que leurs élèves continuent de recevoir une éducation de haute qualité. Souvent, ces efforts incluaient l’achat de fournitures scolaires qu’ils payaient de leur propre poche. Dans le but d’appuyer les enseignants et les éducateurs de la petite enfance, le projet de loi C-8 propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu et le Règlement de l’impôt sur le revenu afin d’augmenter le taux de crédit remboursable des fournitures scolaires admissibles, qui passerait de 15 % à 25 %, permettre aux éducateurs de réclamer le remboursement des coûts des fournitures qu’ils utilisent lorsqu’ils enseignent à l’extérieur de l’école et ajouter certains dispositifs électroniques à la liste des dépenses admissibles. La bonification du crédit d’impôt offrira un important soutien aux enseignants et aux éducateurs de la petite enfance, pour leur permettre d’aider les enfants dans le cadre de leur apprentissage dans le difficile milieu de l’enseignement d’aujourd’hui.

Quatrièmement, en reconnaissant qu’un grand nombre d’agriculteurs utilisent le gaz naturel et le gaz propane dans le cadre de leurs activités, le projet de loi C-8 propose de rembourser, au moyen de crédits d’impôt remboursables, les produits issus de la tarification de la pollution directement aux entreprises agricoles dans les provinces où la redevance fédérale sur les combustibles s’applique, c’est-à-dire l’Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta, et ce, à compter de l’exercice 2021-2022. Nous estimons que, pour l’exercice 2021-2022, les agriculteurs recevraient 100 millions de dollars issus de la redevance sur les combustibles. Les remboursements des années futures seraient plus élevés en fonction de l’augmentation de la taxe sur le carbone.

Chers collègues, le projet de loi C-8 prévoit également plusieurs autres mesures importantes pour répondre à des problèmes urgents. Par exemple, l’abordabilité du logement est devenue une préoccupation importante au pays, les prix des maisons ayant bondi dans la plupart des régions. Le projet de loi C-8 vise à instaurer une nouvelle loi, la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés, qui imposerait une nouvelle taxe de 1 % aux propriétaires de biens résidentiels canadiens dans certains cas, à compter de l’année civile 2022.

Cette nouvelle taxe permettra de s’assurer que les propriétaires non résidents et non canadiens, notamment ceux qui utilisent le Canada pour y accumuler passivement de la richesse sous forme d’habitation, paient leur juste part d’impôt au Canada.

À compter de 2023, certains propriétaires de biens résidentiels au Canada seront tenus de produire une déclaration pour l’année civile précédente à l’égard de chaque bien résidentiel qu’ils possèdent. Dans cette déclaration, les propriétaires peuvent être admissibles à une exemption dans certains cas, par exemple lorsque la propriété est louée à long terme ou est occupée par son propriétaire à titre de résidence principale.

Il convient de noter que les citoyens canadiens, les résidents permanents du Canada et certaines entités canadiennes ne seraient pas assujettis à la taxe et ne seraient pas tenus de produire de déclaration annuelle.

Le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC) a joué un rôle essentiel pour de nombreuses petites entreprises qui étaient en difficulté financière en raison de la pandémie. Ce compte offrait des prêts sans intérêt assortis d’une radiation partielle, dont près de 900 000 entreprises ont pu bénéficier.

En janvier, la date limite du remboursement des prêts du CUEC menant à une radiation partielle de ces prêts a été reportée du 31 décembre 2022 au 31 décembre 2023 pour tous les emprunteurs admissibles en règle. Les petites entreprises étaient admissibles à un prêt sans intérêt pouvant atteindre 60 000 $, dont 20 000 $ peuvent être radiés si les prêts sont remboursés au plus tard le 31 décembre 2023.

Le projet de loi C-8 fixerait un délai de prescription de six ans pour toute dette due dans le cadre du programme, ce qui permettrait de garantir que les détenteurs de prêt du CUEC seraient traités de façon uniforme, peu importe l’endroit où ils vivent au Canada.

Cette période de restriction est harmonisée avec d’autres programmes de soutien liés à la COVID-19, comme ceux qui sont visés par la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique. De plus, le projet de loi précise que la dette contractée dans le cadre du programme du CUEC peut être déduite des montants dus ou compensés par ceux-ci en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.

La fixation d’un délai de prescription de six ans garantirait que les détenteurs de prêt du CUEC seraient traités de façon uniforme, peu importe l’endroit où ils vivent au pays. Le délai de prescription proposé offrirait une clémence maximale aux petites entreprises qui pourraient être contestées pour le remboursement de leurs prêts du CUEC.

Plus tôt, j’ai parlé de l’importance d’une bonne ventilation intérieure pour réduire la propagation de la COVID-19. Le projet de loi C-8 propose un supplément de 100 millions de dollars au titre du Fonds pour une rentrée scolaire sécuritaire pour les provinces et les territoires afin de soutenir les projets d’amélioration de la ventilation dans les écoles.

Ce fonds de 2 milliards de dollars a aidé les provinces et les territoires à collaborer avec les conseils scolaires afin de répondre aux besoins en matière de santé et de sécurité de leurs élèves de manière à favoriser l’apprentissage en classe pendant la pandémie.

Le supplément au titre du fonds prolonge ce soutien en ciblant spécifiquement les projets d’amélioration de la ventilation afin de réduire la propagation du virus dans les écoles. Les provinces et les territoires disposeront d’une latitude raisonnable leur permettant d’utiliser les fonds alloués pour des projets d’amélioration de la ventilation qui répondent aux besoins de leurs écoles.

Parmi les exemples de projets d’amélioration, mentionnons la réparation ou le remplacement des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation, l’amélioration de leur entretien pour en assurer le fonctionnement optimal, et d’autres interventions visant à accroître l’entrée d’air extérieur ou à améliorer l’assainissement de l’air, comme l’installation de fenêtres mobiles ou d’appareils mobiles de filtration de l’air.

Le financement sera accordé aux provinces et aux territoires en fonction de propositions décrivant les coûts globaux des projets proposés par chaque province ou territoire, jusqu’à concurrence du montant maximum qui leur a été alloué.

Chers collègues, il n’est pas nécessaire, j’en suis convaincu, d’insister sur le fait que la vaccination est l’un des moyens de protection les plus efficaces contre la COVID-19, pour nous-mêmes, nos familles et nos communautés. De même, l’exigence d’une preuve de vaccination a contribué à accroître la sécurité des espaces intérieurs, des rassemblements publics et des déplacements.

Toutes les provinces et tous les territoires ont entrepris des travaux importants afin de veiller à ce que les Canadiens aient accès à une preuve canadienne de vaccination normalisée et que celle-ci soit compatible avec les exigences en matière de preuve de vaccination dans toutes les régions du pays. À cet égard, le projet de loi C-8 propose d’accorder au ministre de la Santé l’autorisation législative de verser des paiements d’un montant total pouvant atteindre 300 millions de dollars aux provinces et aux territoires pour les coûts associés à la mise en œuvre de programmes de preuve de vaccination contre la COVID-19 dans leur administration.

En outre, en raison de l’élargissement considérable des programmes de dépistage et de contrôle des provinces et des territoires, y compris la fourniture de tests de dépistage directement aux Canadiens, la demande de tests rapides a augmenté en réaction aux éclosions et à l’arrivée du nouveau variant Omicron l’automne dernier. Ces initiatives ont ouvert la voie à une nouvelle augmentation accrue du dépistage à grande échelle dans des milieux critiques comme les écoles, les refuges et les établissements de soins de longue durée, ainsi qu’à la mise en œuvre du dépistage à l’appui des mandats de vaccination.

Parallèlement à l’augmentation des cas en août 2021, les administrations ont commencé à mettre en œuvre des programmes de dépistage supplémentaires, y compris dans les écoles, et à accélérer le dépistage en série des personnes symptomatiques et asymptomatiques en milieu de travail. Cette augmentation de la demande est attribuable à des facteurs précis, notamment le maintien des activités dans les écoles et les lieux de travail, l’appui à la gestion des éclosions et des résurgences, y compris le risque de résurgence en raison de l’augmentation des activités intérieures et des rassemblements durant la période des Fêtes, ainsi que l’appui aux mandats de vaccination imposés par les gouvernements et le secteur privé et à la gestion des risques personnels. À cet égard, certaines provinces ont commencé la distribution de tests au grand public.

Le projet de loi C-8 propose d’accorder 1,72 milliard de dollars de plus au ministre de la Santé pour l’acquisition et la distribution de tests de détection rapide d’antigènes aux provinces, aux territoires ainsi que dans les milieux de travail.

Enfin, chers collègues, il y a un autre élément dans le projet de loi dont j’aimerais parler. Le projet de loi C-8 vise également à modifier la Loi sur l’assurance-emploi pour ne pas pénaliser les travailleurs saisonniers qui auraient été admissibles à titre de prestataires saisonniers de l’assurance-emploi dans le cadre du projet pilote visant les travailleurs saisonniers, mais qui, en raison d’une conséquence imprévue du moment de la mise en place des mesures de soutien au revenu liées à la pandémie, n’ont pas pu bénéficier du programme.

Honorables sénateurs, les mesures proposées dans le projet de loi C-8 dont j’ai parlé représentent des changements importants qui aideront les provinces et de nombreux Canadiens à traverser cette pandémie et qui contribueront également au redressement de l’économie

En conclusion, je tiens à remercier la vice-première ministre et ministre des Finances, l’honorable Chrystia Freeland, et le représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold, de m’avoir offert cette occasion de parrainer le projet de loi C-8.

Honorables sénatrices et sénateurs, je tiens surtout à vous remercier de votre indulgence, de votre compréhension et de votre flexibilité aujourd’hui en m’ayant permis de partager mes motivations à devenir sénateur avant de traiter plus en détail du projet de loi C-8.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Elizabeth Marshall [ + ]

Honorables sénateurs, je tiens d’abord à remercier mon collègue pour ses observations au sujet du projet de loi et à le féliciter d’avoir prononcé son premier discours au Sénat. Ce sera un plaisir de travailler avec lui non seulement au Comité sénatorial des finances, mais aussi au Comité des banques.

Je joue aujourd’hui mon rôle de porte-parole pour le projet de loi C-8, Loi portant exécution de certaines dispositions de la mise à jour économique et budgétaire déposée au Parlement le 14 décembre 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures. L’autre endroit a procédé à la première lecture le 15 décembre et à la troisième lecture le 14 mai. Le Comité permanent des finances de l’autre endroit a consacré trois réunions à ce projet de loi. Je reviens à une question que j’avais posée au sénateur Gold pour m’assurer que le Comité sénatorial des finances pourrait soumettre le projet de loi à un examen aussi approfondi que l’a fait l’autre endroit.

Honorables sénateurs, la mise à jour économique de l’automne est habituellement présentée au milieu de l’année — il y en a une par année — et elle est suivie d’un projet de loi d’exécution. L’an dernier, le projet de loi C-14 mettait en œuvre les dispositions prévues dans la mise à jour économique de l’année précédente.

Le projet de loi à l’étude aujourd’hui comprend sept parties. Je ne ferai que quelques remarques préliminaires à propos de chaque partie avant que le Comité des finances ne procède à son examen.

Comme mon honorable collègue l’a mentionné dans son discours, la première partie du projet de loi modifie la Loi de l’impôt sur le revenu et le Règlement de l’impôt sur le revenu afin de créer deux nouveaux crédits d’impôt remboursables. Le premier est destiné aux entreprises admissibles et concerne les dépenses de ventilation admissibles visant à améliorer la qualité de l’air; le deuxième servira à retourner les produits de la redevance sur les combustibles aux entreprises agricoles dans les administrations assujetties au filet de sécurité fédéral. On entend par « administrations assujetties au filet de sécurité fédéral » les provinces qui n’ont pas instauré leur propre régime de taxe sur le carbone, c’est-à-dire l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et l’Ontario.

De plus, la partie 1 du projet de loi prévoit la bonification de deux autres programmes : la composante voyage de la déduction pour les habitants de régions éloignées et le crédit d’impôt pour fournitures scolaires, qui passera de 15 % à 25 %. C’est un crédit d’impôt remboursable. Ses critères d’admissibilité seront également élargis.

La partie 2 du projet de loi édicte la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés. Je considère que c’est la partie principale du projet de loi. Elle consiste à instaurer une taxe annuelle de 1 % sur la valeur des immeubles résidentiels vacants ou sous-utilisés appartenant directement ou indirectement à des personnes non résidentes non canadiennes.

Je vais parler un peu de la loi et de ses dispositions, mais je veux juste avertir mes collègues que la loi est très complexe. Je l’ai parcourue et je crois avoir réussi à en extraire certains aspects. Je veux simplement vous les transmettre et attirer votre attention sur quelques problèmes du projet de loi.

Comme je l’ai dit, c’est la partie la plus complexe du projet de loi C-8 et c’est presque une loi à part entière. Cette partie fait 90 pages. Je pense qu’elle aurait dû être déposée à titre de projet de loi distinct plutôt que de faire partie d’un projet de loi omnibus. Tout le reste du projet de loi consiste à dépenser des fonds publics, mais la partie 2 est la seule qui implique de générer un revenu. Vu sa longueur et de sa complexité, elle aurait vraiment dû être étudiée sous la forme d’un projet de loi distinct.

Le gouvernement a initialement annoncé son intention d’instaurer cette taxe dans son Énoncé économique de l’automne 2020. À l’époque, le gouvernement avait dit viser l’usage improductif des logements canadiens appartenant à des non‑résidents et à des non‑Canadiens, pratique qui soustrait ces biens de l’offre de logements à l’échelle nationale. Par la suite, de plus amples détails ont été présentés dans le budget de 2021, qui proposait une taxe nationale de 1 % sur les biens immobiliers vacants ou sous-utilisés. Il y a aussi été question d’un processus de consultation destiné à offrir aux parties intéressées la possibilité de faire connaître leurs observations par rapport aux éléments de la taxe proposée. Cette consultation a eu lieu l’an dernier, du 6 août au 2 décembre.

Le ministre du Revenu national est responsable du projet de loi, qui comporte 40 sections. Une fois promulgué, il entrera en vigueur, ou sera réputé être entré en vigueur, le 1er janvier 2022. La loi proposée énonce des règles afin d’établir l’obligation des propriétaires à l’égard de cette taxe. Elle établit aussi des exigences en matière de déclaration et de production. Elle prévoit des dispositions d’application et d’exécution semblables à celles qui se trouvent dans d’autres lois fiscales. Elle apporte également des modifications corrélatives à d’autres lois, comme la Loi sur la gestion des finances publiques.

De façon générale, le projet de loi propose d’imposer une taxe annuelle de 1 % de la valeur d’un immeuble résidentiel situé au Canada qui appartient, directement ou indirectement, à des personnes qui ne sont ni citoyens ni résidents permanents du Canada, à moins que le propriétaire soit en mesure d’invoquer une des exemptions prévues dans la loi. En particulier, la loi ne s’applique pas à un propriétaire exclu ni à une personne qui est admissible à l’une des exemptions qui y sont prévues.

Le projet de loi définit un certain nombre de propriétaires exclus, le principal étant un particulier qui est citoyen canadien ou résident permanent, sauf s’il est un propriétaire de l’immeuble en sa qualité d’associé d’une société de personnes ou fiduciaire d’une fiducie.

Le projet de loi définit la notion de « propriétaire exclu » de telle manière qu’une personne ou un groupe de personnes pourrait être assujetti à la taxe ou non en changeant simplement la définition en question.

Comme je l’ai déjà dit, la deuxième catégorie de personnes qui pourraient ne pas avoir à payer la taxe comprend celles qui sont admissibles à une exemption. Le projet de loi contient un certain nombre d’exemptions précises, mais il y en a deux qui, à mon avis, seront les plus souvent utilisées. Il s’agit des immeubles qui servent de lieux de résidence habituelle au propriétaire ou à sa famille immédiate et ceux qui répondent au critère de 180 jours au cours d’une période d’occupation admissible.

En gros, les mesures législatives proposées prévoient une taxe pour toute personne qui, au 31 décembre, possède une propriété foncière au Canada, à moins qu’elle ne réponde à l’un des critères de « personne visée par règlement » ou à l’une ou l’autre des exceptions.

De plus, le projet de loi proposé précise ce qu’on entend par « immeuble résidentiel ». Cette définition énonce divers types de propriétés, notamment une maison individuelle, un duplex, un triplex, une maison jumelée ou en rangée et un logement en copropriété. Le gouvernement a vraiment englobé tout le monde et tout ce qui existe.

Donc, tous les propriétaires, sauf les personnes visées par règlement ou celles qui satisfont à l’une ou l’autre des exceptions, sont tenus de payer la taxe de 1 % applicable soit sur la juste valeur marchande, soit sur la valeur imposable de l’immeuble résidentiel, multipliée par le pourcentage de propriété de la personne. Le projet de loi indique aussi ce qu’on entend par « juste valeur marchande », « valeur imposable » et « pourcentage de propriété ».

Comme je l’ai mentionné, les mesures législatives proposées sont très complexes. Bien que j’ai essayé de faire un bref survol de leur contenu, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un projet de loi fiscal. Quiconque aurait un doute sur l’incidence de ces mesures législatives dans leur vie devrait solliciter les conseils d’un fiscaliste et ne pas se fier à mes paroles aujourd’hui.

Le Comité des finances de la Chambre des communes a examiné le projet de loi C-8 et la « Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés ». Le Comité s’est questionné, entre autres, sur l’objectif du programme. L’objectif est-il d’augmenter les recettes fiscales ou de remettre à la disposition des Canadiens les logements vacants et sous-utilisés?

Lors des réunions du Comité des finances de l’autre endroit, l’accent a été mis sur la taxe comme source de recettes. Cependant, lorsque le gouvernement a annoncé son intention d’instaurer la taxe dans l’Énoncé économique de l’automne de 2020, on a ciblé l’usage improductif des logements, qui soustrait ces biens de l’offre de logements.

Les fonctionnaires de Finances Canada ont dit au cours des réunions ne pas être certains de l’impact de la taxe sur les logements inutilisés en raison du manque d’information sur les taux d’inoccupation du marché du logement. Ils ont toutefois estimé que la taxe générera des recettes d’environ 735 millions de dollars au cours des cinq prochaines années. Le budget de 2021 estime également que les recettes annuelles à percevoir au cours de chacune des quatre prochaines années seront d’environ 700 millions de dollars. Le directeur parlementaire du budget estime que la taxe rapportera environ 600 millions de dollars au cours des cinq prochaines années, avec des recettes estimées à 130 millions de dollars pour le présent exercice. Toutefois, le directeur parlementaire du budget a souligné le caractère incertain de certaines des hypothèses utilisées pour calculer l’estimation.

Lors d’une récente réunion du Comité sénatorial des banques, Peter Routledge, surintendant des institutions financières, a dit au comité que, chaque année, environ 250 000 ménages sont créés au Canada, alors qu’environ 200 000 à 210 000 maisons sont achevées, de sorte qu’il existe un écart entre l’offre et la demande. Il reste à voir si la taxe de 1 % sur les logements non utilisés permettra d’offrir plus de maisons pour combler ce manque.

Selon ce que l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a dit au comité, la pénurie de logements est attribuable à la réglementation municipale. Plus précisément, ce sont des règles gouvernementales qui empêchent le secteur privé de résoudre bon nombre de nos problèmes.

Plusieurs autres questions ont été soulevées à l’égard de la taxe sur les logements inutilisés, lors de réunions du comité des finances de l’autre endroit. Par exemple, pourquoi a-t-on choisi un taux de 1 % plutôt que de 2 % ou de 0,5 %? A-t-on analysé le risque que des gouvernements d’autres pays prennent des mesures de rétorsion? Par exemple, bon nombre de citoyens des États-Unis ont une propriété au Canada, et l’imposition d’une taxe sur leur propriété pourrait entraîner une mesure semblable pour les propriétés de Canadiens aux États-Unis.

Une autre question a été soulevée. Si le gouvernement cherche des recettes fiscales supplémentaires, pourquoi ne pas améliorer le régime de lutte contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale au Canada? On s’est aussi demandé pourquoi le gouvernement fédéral s’aventure sur le terrain des impôts fonciers, alors que cela relève des administrations municipales.

La taxe sur les logements sous-utilisés préoccupe également les propriétaires canadiens. Un récent rapport financé par la SCHL recommande l’imposition d’une surtaxe progressive reportable annuellement sur la valeur des maisons à partir de 1 million de dollars. Même si le ministre du Logement nous a assuré que le gouvernement ne comptait pas imposer les gains en capital ni imposer une surtaxe sur les résidences principales, des propriétaires ont été inquiets d’apprendre dans les médias que la SCHL se penche sur le dossier de millions de titulaires d’une hypothèque pour cerner ceux qui ont plus d’une propriété, ce qui laisse entendre que la taxe sur les logements inutilisés pourrait s’appliquer aux résidences secondaires qui appartiennent à des Canadiens, comme des chalets d’été.

Je délaisse maintenant la partie 2 pour passer à la partie 3 du projet de loi. La partie 3 prévoit que le délai de prescription pour recouvrer une créance relative à un prêt accordé dans le cadre du programme Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes est de six ans. Le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes est un programme de prêts mis en place pendant la pandémie. Ces prêts sont versés par Exportation et développement Canada en vertu de l’article 23 de la Loi sur le développement des exportations. Les entreprises admissibles qui ont fait une demande avant le 30 juin 2021 avaient droit à un prêt pouvant aller jusqu’à 60 000 $. Ce prêt est sans intérêt jusqu’au 31 décembre 2023. Un taux d’intérêt annuel de 5 % s’appliquera toutefois à compter du 1er janvier 2024. Si au moins 75 % du capital est remboursé au plus tard le 31 décembre 2023, le reste du capital sera radié. Pour la tranche de capital au-delà de 40 000 $, au moins 50 % de l’excédent doit avoir été remboursé pour qu’il y ait radiation du reste du capital.

Les articles 41 à 43 du projet de loi C-8 prévoient que le délai de prescription pour recouvrer une créance relative à un prêt accordé dans le cadre du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes est de six ans à compter de la date du défaut du prêt. Un prêt est en défaut à compter du jour où la personne qui recouvre la créance a connaissance du défaut pour la première fois ou aurait dû raisonnablement en avoir connaissance. Cette période de six ans repart du début chaque fois que l’emprunteur reconnaît sa dette, par exemple, en promettant de payer la créance exigible, ou en effectuant un paiement. J’avais cru que ce délai de six ans était un peu exagéré, mais il semble que ce soit un délai assez courant au sein du gouvernement fédéral. Le délai de prescription est semblable à ceux en vigueur pour d’autres prêts ou remboursements, comme ceux établis en vertu de la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants.

La partie 4 du projet de loi autorise le ministre des Finances à payer sur le Trésor une somme maximale de 100 millions de dollars aux provinces et aux territoires en vue d’appuyer des projets d’amélioration de la ventilation dans les écoles. Les sommes maximales versées aux provinces et aux territoires sont précisées dans le projet de loi. Selon des fonctionnaires, les montants précisés dans le projet de loi sont calculés en fonction d’un montant fixe de 500 000 $ pour chaque province et territoire, auquel s’ajoute une allocation pour chaque enfant de 14 à 18 ans dans la province ou le territoire. Les fonds seront versés à chaque province et territoire, qui devra ensuite les débourser.

La partie 5 du projet de loi autorise le ministre de la Santé à effectuer des paiements sur le Trésor aux provinces et aux territoires pour une somme totale n’excédant pas 300 millions de dollars afin d’appuyer leurs initiatives en matière de preuve de vaccination contre la COVID-19. Le montant des paiements reçus par chaque province ou territoire sera déterminé par le ministre de la Santé. Il n’y a aucune autre information concernant les exigences provinciales ou territoriales pour accéder à ce financement ni concernant la façon dont il sera alloué. Les fonctionnaires ont indiqué que les négociations avec les provinces et les territoires sont en cours et qu’elles portent sur des questions de responsabilité, sur les sommes qui seront allouées chaque province et territoire et sur les modalités d’accès à ce financement. Comme il est indiqué dans le projet de loi, l’intention est d’établir et de faire fonctionner un programme de preuve de vaccination tant que cette dernière est exigée.

La partie 6 — plus précisément l’article 46 — autorise le ministre de la Santé à payer sur le Trésor une somme maximale de 1,7 milliard de dollars pour toute dépense relative à des tests de la COVID-19 engagée le 1er avril 2021 ou après cette date. Le Comité des finances de la Chambre des communes ayant proposé un amendement que la Chambre a accepté, le projet de loi C-8 comprend dorénavant une disposition relative à la responsabilité qui oblige le ministre à faire un rapport tous les trois mois concernant le montant total versé en vertu de la loi, le nombre de tests achetés et la façon dont ces derniers ont été distribués.

Alors que le projet de loi C-8 demande 1,7 milliard de dollars pour les tests de la COVID-19, deux autres projets de loi ont débloqué des fonds pour ceux-ci. Le projet de loi C-10 prévoyait 2,5 milliards de dollars pour ces tests, et le projet de loi de crédits pour le Budget supplémentaire des dépenses (C) prévoyait 4 milliards de dollars.

Dans un récent rapport, le directeur parlementaire du budget a indiqué que les 4 milliards de dollars prévus par le projet de loi de crédits pour le Budget supplémentaire (C) représentent un dédoublement des fonds demandés dans le cadre du projet de loi C-8 et prévus par le projet de loi C-10. Une question s’impose donc. Pourquoi le gouvernement demande-t-il deux fois des fonds pour la même initiative? Si le Parlement approuve deux fois les mêmes fonds, y aura-t-il 4 milliards de dollars supplémentaires à dépenser pour un autre projet dont on ne connaît pas la nature? Des fonctionnaires ont indiqué que les 2,5 milliards de dollars approuvés dans le cadre du projet de loi C-10 ont été gelés par le Conseil du Trésor. De plus, les 1,7 milliard de dollars prévus par le présent projet de loi ont été gelés, à l’exception de 6 millions de dollars.

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, dans son récent rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (C), s’est dit préoccupé par la double budgétisation de cette initiative. Plus précisément, le comité a déclaré que le gouvernement devrait mettre fin aux demandes de financement en double, car cela manque de transparence.

La partie 7 du projet de loi C-8 modifie l’article 12 et l’annexe VI de la Loi sur l’assurance-emploi afin de préciser le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations régulières d’assurance-emploi peuvent être versées à certains travailleurs saisonniers dans les régions où l’économie fluctue fortement selon la saison. Grâce au programme d’assurance-emploi, des prestations régulières sont offertes aux personnes admissibles qui perdent leur emploi pour des raisons indépendantes de leur volonté et qui sont aptes et disponibles pour le travail.

Honorables sénateurs, voilà qui conclut mes observations sur l’examen à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-8. J’attends avec impatience l’étude du projet de loi par le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je vous remercie.

Chers collègues, d’entrée de jeu, je veux remercier la sénatrice Marshall de son discours et de ses propos toujours aussi pertinents. J’aimerais féliciter notre collègue le sénateur Gignac de sa première intervention dans cette Chambre. Je pense que son expérience sera un apport fort intéressant au Sénat et au Comité des finances.

Je voudrais brièvement prendre la parole aujourd’hui sur le projet de loi C-8 afin de signaler mon malaise par rapport à la taxe sur les logements sous-utilisés. J’aimerais d’abord préciser que le projet de loi de mise en œuvre de la mise à jour économique et budgétaire de décembre dernier contient plusieurs mesures que j’estime essentielles. Je pense notamment à la déduction pour les habitants des régions éloignées et aux remboursements de la redevance sur le carburant pour les agriculteurs, même si cela ne concerne pas le Québec, qui est exempté de cette redevance en raison de son propre système de tarification du carbone.

Bien sûr, j’appuie aussi la bonification du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, qui a sauvé bien des entreprises durant la pandémie en accordant plus de 49 milliards de dollars en prêts sans intérêt assortis d’une radiation partielle.

Enfin, comme vous le savez, dans l’Est-du-Québec comme dans plusieurs régions du Canada, il y a plusieurs industries saisonnières. Il me semble important que le gouvernement reconduise les assouplissements à l’assurance-emploi afin d’éviter de pénaliser les travailleurs saisonniers. Ces mesures de transition sont essentielles, mais je dois dire que ce rapiéçage du programme m’exaspère. J’ai hâte que les consultations du gouvernement sur la réforme du régime d’assurance-emploi aboutissent, pour qu’on se donne enfin un système moderne d’assurance-emploi permettant de soutenir convenablement les travailleurs saisonniers, de même que les travailleurs autonomes et les autres travailleurs à statut précaire.

Permettez-moi de faire une petite parenthèse. J’ai noté avec intérêt que la sénatrice Bellemare a déposé récemment le projet de loi S-244, qui vise à renforcer le dialogue social en mettant sur pied un Conseil de l’assurance-emploi où les cotisants, de manière paritaire, pourraient s’asseoir et discuter ensemble du niveau de couverture qu’ils souhaitent. Il s’agit d’une belle contribution au débat et je vous invite à vous intéresser à cette proposition.

Pour revenir au projet de loi C-8, mon problème concerne la partie 2 du projet de loi, qui vise à mettre en place la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés. Essentiellement, il s’agit pour le gouvernement d’instituer une taxe nationale annuelle de 1 % sur la valeur des immeubles résidentiels appartenant à des personnes non‑résidentes non-canadiennes, qui sont considérés comme vacants ou sous-utilisés. Je partage l’objectif du gouvernement, qui espère ainsi faire baisser le prix des maisons pour qu’elles deviennent plus accessibles aux résidents canadiens. Mon problème, c’est la façon de faire. D’abord, il y a l’encadrement du droit au logement. C’est une compétence provinciale qui relève du droit privé sur la propriété de droit civil et, plus généralement, des politiques sociales et des affaires locales.

D’autre part, afin de sanctionner une pratique que l’on juge non souhaitable en matière de logement, le gouvernement impose une taxe punitive sur la valeur de l’immeuble. Il s’agit pourtant d’un champ de taxation qui, par suite de consentement mutuel, avait toujours été réservé aux autorités locales ou aux gouvernements locaux. J’aimerais citer le constitutionnaliste Patrick Taillon sur cet aspect du projet de loi :

[...] il y a deux scénarios possibles. Le premier consiste à qualifier cette loi comme une manière de réglementer le droit du logement, ce qui signifie que cette loi est vraisemblablement inconstitutionnelle, puisqu’elle dépasse les compétences du Parlement fédéral. [...]

Le caractère essentiel du projet de loi — son essence et sa substance — est de compétence provinciale.

Il s’agit là de la façon la plus logique de qualifier la loi. Cela dit, à terme, seuls les tribunaux peuvent, a posteriori, confirmer cette manière d’analyser la chose, et, si c’est le cas, cela conduira automatiquement à l’invalidité de la loi.

Sinon, le deuxième scénario, l’autre manière d’analyser la chose, consiste à masquer le caractère véritable de la loi derrière la sanction fiscale qui accompagne ici cette réglementation fédérale du droit du logement. Il s’agit alors de prétendre que ce n’est qu’une taxe, auquel cas il s’agit d’un dangereux précédent qui, introduit sans fédéralisme coopératif, risque d’aggraver le fragile équilibre fiscal au sein de la fédération.

Autrement dit, si le projet de loi est interprété comme une nouvelle taxe, il sera injuste. Sans négociation et sans la coopération des provinces, un impôt foncier fédéral compromet notre équilibre fiscal. Depuis la Confédération, l’impôt foncier est un outil local et provincial. Ce n’est pas une bonne idée d’emprunter cet outil aux autorités locales.

Comme vous le savez, l’histoire nous a appris qu’une fois que le gouvernement fédéral met le petit orteil dans un champ de taxation, il n’en sort plus. On se souviendra que, lors de la Première Guerre mondiale, l’impôt sur le revenu des sociétés devait être temporaire; ce fut la même chose lors du deuxième conflit mondial, alors que l’impôt sur le revenu des particuliers devait être éphémère. Vous savez comme moi que ces champs de taxation sont toujours occupés par le gouvernement fédéral, même si son assiette fiscale dépasse largement celle des provinces, qui sont pourtant aux prises avec des dépenses exponentielles en santé.

Je conçois que la taxe sur les logements sous-utilisés ne représente pas une source de revenus si importante pour le gouvernement. Mon objection a plutôt à voir avec le principe. Il est difficile pour moi de concevoir que le gouvernement fédéral ne puisse arriver à ses fins sans piétiner un champ de taxation qui s’avère déjà insuffisant pour répondre aux besoins des municipalités, qui ont vu leur champ de responsabilités considérablement augmenter au cours des années.

Comme vous le savez, la dépendance des municipalités à l’endroit de la taxe foncière est bien documentée. Les villes québécoises tirent près de 70 % de leur revenu de l’impôt foncier, selon une évaluation de l’UMQ qui date de 2018. Le problème de dépendance est exacerbé par la dématérialisation de l’économie. Les achats en ligne, le télétravail, les locations à court terme de type Airbnb font en sorte que l’on perd des espaces commerciaux et que l’assiette fiscale des municipalités s’amenuise. La dépendance des municipalités envers la taxe foncière a notamment des effets pervers sur le plan du développement immobilier, qui se fait souvent au détriment de l’environnement, des milieux humides et des zones agricoles.

Ma crainte est que le gouvernement fédéral, en jouant les pique-assiette, dépossède les municipalités et accélère le phénomène de déséquilibre fiscal que je décrivais plus tôt. En fait, la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés va complètement dans la direction opposée de ce que demandait le monde municipal à l’occasion du dépôt du livre blanc municipal de l’UMQ il y a 10 ans. À l’époque — et c’est toujours d’actualité —, on réclamait une réforme fiscale et financière permettant de diversifier les sources de revenus des municipalités. On partait du principe que la municipalité est l’instance politique la plus appropriée pour répondre, à l’échelle locale, aux besoins des citoyens et des citoyennes.

D’ailleurs, en cette qualité, la municipalité devait disposer des compétences et des pouvoirs nécessaires pour répondre aux besoins actuels et futurs de ses citoyens, de la discrétion nécessaire pour décider, dans l’intérêt public local, des moyens à mettre en place pour répondre à ces besoins et de l’autonomie nécessaire qu’elle établir pour les financer. Encore faut-il que les ordres de gouvernement supérieurs ne viennent pas piger dans son assiette.

À terme, l’UMQ espérait obtenir de nouvelles sources de financement autonome pour permettre aux municipalités de s’affranchir de la taxe foncière. Jamais on n’aurait imaginé que le gouvernement fédéral viendrait piger dans l’assiette fiscale normalement réservée aux municipalités. L’Union des municipalités du Québec a d’ailleurs écrit à la ministre Freeland, le 19 avril dernier, pour signifier son opposition à la proposition du gouvernement fédéral visant à imposer une taxe sur la valeur des immeubles résidentiels considérés comme sous-utilisés.

Je cite les propos de cette lettre :

D’une part [...] le projet de taxe créerait un précédent regrettable, alors que l’impôt foncier représente la seule source significative de revenus autonomes dont disposent les municipalités.

D’autre part, les municipalités possèdent déjà une bureaucratie compétente et efficace pour administrer l’impôt foncier. Un dédoublement de cette bureaucratie représenterait des coûts supplémentaires pour les contribuables québécois et canadiens, et ce, alors que les municipalités font déjà face à des difficultés de recrutement dans plusieurs domaines d’activité. Cette mesure viendrait exacerber ce problème réel touchant plusieurs municipalités.

Selon l’UMQ :

[...] il serait plus opportun que le gouvernement fédéral utilise d’autres outils que l’impôt foncier pour agir positivement sur le marché du logement, notamment en haussant les investissements en matière de logements sociaux et abordables comme il l’a fait dans le budget 2022-2023.

En conclusion, j’estime que le gouvernement fédéral joue un jeu bien dangereux en s’immisçant dans un domaine traditionnellement réservé aux gouvernements locaux. Même si le projet de loi devait être jugé valide par les tribunaux, le risque est que le gouvernement fédéral vienne concurrencer la capacité fiscale fort modeste des municipalités. Ne l’oublions pas. La plus élémentaire des prudences requiert que le gouvernement fédéral ait une conversation soutenue avec les provinces à ce sujet et qu’il envisage d’autres moyens plus respectueux et efficaces pour lutter contre l’importante pénurie de logements que connaît le pays.

À tout le moins, j’invite mes collègues qui étudieront ce projet de loi en comité à se pencher sérieusement sur cette question qui remet en cause les fondements du fédéralisme fiscal au pays.

Merci, meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

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