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Projet de loi modifiant certaines lois et d'autres textes en conséquence (armes à feu)

Troisième lecture--Suite du débat

7 décembre 2023


Honorables sénateurs, il s’agit pour moi d’un devoir moral de prendre la parole pour apporter mon soutien au projet de loi C-21.

C’est encore plus important pour moi, parce que nous avons souligné le 34e anniversaire du féminicide à l’École Polytechnique de Montréal, où 14 femmes ont été assassinées au moyen d’armes à feu.

Au lendemain de la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, il est important de se rappeler le contexte dans lequel s’inscrit le projet de loi C-21, qui vise à mieux contrôler les armes et à réduire la violence armée, notamment entre conjoints.

Plus précisément, le projet de loi C-21 prévoit notamment un gel de la vente, de l’achat, de la cession et de l’importation d’armes de poing. Il sera permis de continuer à posséder, utiliser et vendre les armes enregistrées qui sont actuellement en circulation à certaines conditions.

Le projet de loi prévoit également une nouvelle définition technique contenant les caractéristiques des armes à feu de type d’assaut prohibées. Les armes existantes sur le marché ne seraient cependant pas affectées.

Le Comité consultatif canadien sur les armes à feu sera réinstauré pour faciliter le processus de classification des armes. Cette classification obligera à ce que toute arme possède un numéro valide du Tableau de référence des armes à feu avant de faire son entrée sur le marché canadien.

Le projet de loi C-21 contient aussi des mesures permettant de prohiber les armes fantômes, ces armes à feu non répertoriées et difficiles à retrouver, puisqu’elles n’ont pas de numéro de série et qu’elles peuvent être assemblées à partir de pièces achetées en ligne.

Le projet de loi prévoit aussi des mesures pour favoriser la lutte à la violence entre partenaires intimes en créant des lois « drapeau rouge » et « drapeau jaune » permettant de retirer les permis d’armes à feu aux personnes commettant de la violence conjugale ou se livrant à du harcèlement criminel.

Enfin, le projet de loi C-21 permettrait d’augmenter les peines maximales pour la contrebande et le trafic d’armes à feu de 10 à 14 ans.

Il y a plusieurs autres mesures incluses dans ce projet de loi, mais ce sont, à mon avis, les mesures les plus importantes.

Je voudrais d’abord remercier le gouvernement d’avoir renoncé à son idée, fort malavisée, de confier aux municipalités la possibilité de bannir les armes de poing sur leur territoire. Cette proposition, qui a été dénoncée par le monde municipal, aurait créé encore plus de confusion, car les dispositions de contrôle auraient pu varier d’une municipalité à l’autre.

Avec plus de 1 100 municipalités au Québec seulement, il est facile d’imaginer le chaos que ce serait si chacune d’entre elles avait ses exigences en matière de permis, sa réglementation et ses exceptions. Le gouvernement a fait une bonne chose en renonçant à se délester de ses propres responsabilités.

J’aimerais maintenant reprendre quelques arguments que j’ai entendus au cours des dernières semaines et tenter d’y répondre.

L’un des arguments que l’on a beaucoup entendus au cours des derniers mois chez les opposants au projet de loi C-21, c’est l’idée que les armes servant à commettre des crimes seraient surtout des armes qui traversent illégalement les frontières et qu’il serait inutile donc de renforcer les mesures de contrôle pour les détenteurs d’armes au Canada.

D’une part, je crois que même si l’on doit admettre que le trafic d’armes est un problème et qu’il faut s’y attaquer rapidement, le projet de loi C-21 contient quelques mesures à cet effet. Cela ne doit donc pas nous empêcher de resserrer nos contrôles ici, au Canada, car beaucoup d’armes détenues par d’honnêtes citoyens canadiens sont parfois volées et servent à commettre des crimes.

La commissaire de la GRC a notamment déclaré, en décembre 2021, que trois armes sur quatre ayant servi à commettre un crime étaient d’origine canadienne. Je la cite :

Selon le centre de dépistage, 73 % des armes dont la source est connue ont été obtenues au Canada et 27 % sont des armes importées en contrebande ou possiblement importées en contrebande des États-Unis.

Ces chiffres tendent d’ailleurs à confirmer les données tirées de diverses autres études qui ont montré que, dans le temps et dans différentes administrations au Canada, une part importante des armes utilisées pour commettre des crimes sont d’origine canadienne, et qu’il serait absurde de renoncer à les contrôler sous prétexte que plusieurs de ces armes proviennent de l’étranger.

D’autres données sont tout aussi intéressantes : selon les données de la GRC, 639 armes à feu ont été volées chaque année en moyenne à des propriétaires légaux entre 2001 et 2016, pour un grand total de 8 952 armes pour cette période, et 90 % de celles-ci n’ont jamais été retrouvées.

À mon avis, le constat est clair : plus le contrôle des armes de poing sera serré, moins elles risqueront de se retrouver entre les mains des criminels.

Par ailleurs, on a entendu, au cours des dernières semaines, des regroupements de chasseurs, comme la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs, qui se sont montrés inquiets du fait que la définition d’« arme à feu prohibée » interdirait certaines armes utilisées régulièrement par plusieurs chasseuses et chasseurs, notamment en raison de l’article prohibant les armes « conçues à l’origine avec un chargeur détachable d’une capacité de six cartouches ou plus ».

Personnellement, même si je suis un adepte de la chasse, je crois que cette disposition est encore trop permissive. D’une part, la nouvelle définition d’« arme prohibée » dans le projet de loi C-21 n’interdit pas les armes d’assaut existantes.

Selon PolySeSouvient, il existe au moins 482 modèles d’armes que le gouvernement considérait comme suffisamment dangereuses pour les interdire en novembre dernier, mais aucun de ces modèles d’armes n’est concerné par la dernière mouture du projet de loi C-21, car le gouvernement a reculé sur ses amendements. Ces modèles resteront légaux et la plupart d’entre eux ne font l’objet d’aucune restriction.

Parmi ces 482 modèles que le gouvernement a renoncé à prohiber, on retrouve la fameuse carabine SKS, une arme semi‑automatique russe conçue pour la guerre à la fin des années 1940, importée massivement depuis les années 1980, qui tire les mêmes balles que la tristement célèbre AK-47.

L’arme est très populaire en raison de son faible coût. Armée de balles à cœur d’acier, elle est si dommageable que la plupart des champs de tir interdisent son utilisation, parce qu’elle provoque des ricochets et perfore l’équipement.

Réalisez-vous à quel point la situation est absurde? Une arme serait trop dommageable pour les champs de tir, mais assez sécuritaire pour circuler sans restriction.

Le projet de loi C-21 n’empêchera pas l’arrivée de nouveaux modèles pouvant accueillir des chargeurs de six cartouches ou plus sur le marché, car les fabricants pourront continuer de mettre en marché des armes avec un chargeur de plus petite capacité qui pourrait être ensuite modifié pour un chargeur de plus grande capacité.

Il est important de comprendre que le Code criminel interdit de posséder un chargeur de plus de cinq balles pour la plupart des armes longues, sous peine d’accusations criminelles. La limite est fixée à 10 balles pour les armes de poing. Or, au lieu de fournir systématiquement des chargeurs de plus petite capacité, plusieurs fabricants d’armes de nouvelle génération fournissent des chargeurs de 30 balles, qui sont limités à 5 balles grâce à un mécanisme controversé. Or, ces mécanismes peuvent être facilement contournés. C’est d’ailleurs ce qu’avait fait Richard Bain pour commettre l’attentat au Métropolis contre la première ministre du Québec, on s’en souviendra.

Je sais que le ministre a promis de s’attaquer au problème des chargeurs à haute capacité en criminalisant la modification de ce type de chargeur, mais il aurait été préférable d’agir en amont en tentant d’interdire l’importation des armes à feu conçues pour recevoir ces chargeurs.

En conclusion, même si j’aurais souhaité que l’on aille beaucoup plus loin, j’appuie le projet de loi C-21, car, selon moi, il réduira le nombre d’armes de poing et d’assaut en circulation; il permettra d’interdire certaines pièces d’arme; il permettra de lutter contre les armes fantômes; il contribuera à lutter contre la violence conjugale; enfin, il renforcera la capacité de l’Agence des services frontaliers du Canada à lutter contre le trafic d’armes aux frontières. Merci. Meegwetch.

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