
Projet de loi sur la Journée nationale de la jupe à rubans
Troisième lecture--Ajournement du débat
5 avril 2022
Propose que le projet de loi S-219, Loi concernant la Journée nationale de la jupe à rubans, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je souhaite intervenir aujourd’hui dans le débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-219.
J’aimerais d’abord remercier mes honorables collègues d’avoir appuyé le renvoi de ce projet de loi au comité. Ils ont ainsi contribué à faire de la place à la jeunesse.
En l’occurrence, cette jeunesse est incarnée par une jeune Autochtone, Isabella Kulak. Nous lui faisons de la place, et ce faisant, nous faisons aussi de la place à d’autres jeunes. Nous le faisons pour deux raisons. Premièrement, nous voulons explorer et comprendre les raisons derrière l’acte de violence qui s’est produit. Deuxièmement, nous voulons nous pencher sur les deux réactions d’Isabella, soit d’abord la honte, suivie aussitôt d’un désir de promouvoir la paix et la réconciliation.
J’aimerais commencer mon intervention d’aujourd’hui en expliquant pourquoi je dis qu’un acte de violence a été commis. C’est une violence fondée sur le sexe qui a eu cours par le passé et qui est encore transmise aux générations suivantes.
Dans sa thèse de doctorat intitulée A Feminist Poststructural Analysis of Aboriginal Women’s Positioning in a Colonial Context : Nehinaw Iskwewak E-pikiskwecik, ou « Cree Women’s Speak », Marlene Elizabeth McKay dit ceci :
On a mené une entrevue auprès de ce groupe de femmes afin de leur donner la possibilité de donner leur point de vue sur la façon dont on a organisé leur vie à leur place. La marginalisation des femmes autochtones a été normalisée par des systèmes, des pratiques et des institutions qui découlent de la Loi sur les Indiens, du christianisme, des savoirs autochtones et des rapports coloniaux avec la société non autochtone. Les pratiques discursives qui ont cours au sein de ces structures établissent et maintiennent des façons de concevoir l’identité et la manière d’être de la femme. La condition de ces femmes est en grande partie déterminée par l’histoire coloniale du Canada.
Les travaux de Michel Foucault ont alimenté cette recherche. Les règles et les normes de Foucault ont servi à démontrer comment les femmes autochtones sont façonnées comme des êtres sans importance et inférieurs. La notion de règles et de normes est une production sociale qui exige un effort et, de cette manière, ces règles et ces normes sont continuellement reproduites.
Cette socialisation est acquise et reproduite et, par conséquent, elle apparaît comme étant normale et naturelle [...]
[...] le racisme quotidien pur et simple leur est imposé par la production sociale voulant qu’elles sont sans importance ou remplaçables [...]
Le discours de la « sale squaw » est devenu l’indicateur dominant de l’identité des femmes autochtones.
Honorables sénateurs, voilà la réalité dans laquelle sont nées les filles autochtones. Nous sommes marquées au fer rouge avant même notre naissance. Les jeunes filles autochtones doivent surmonter la perception de la femme autochtone déshumanisée qu’est la « sale squaw ». Les traumatismes intergénérationnels que connaissent les filles et les femmes des Premières Nations sont à la fois uniques et violents.
Je le sais d’expérience, parce que j’ai dû les endurer toute ma vie et que je continue encore de les endurer à ce jour.
Comme Mme McKay l’affirme :
Les implications politiques de la production du sujet autochtone en tant que subordonné sont immenses et elles laissent aux Autochtones la tâche de réparer les dommages causés par le colonialisme.
Voilà pourquoi la réponse d’Isabelle est remarquable et démontre les progrès réalisés par ses parents, par les aînés et par la communauté. Les femmes ont toujours résisté aux systèmes oppressifs pour cheminer vers un meilleur avenir pour elles-mêmes et leurs enfants. Cette résilience illustre le pouvoir et l’esprit inébranlables des femmes des Premières Nations.
Chers collègues, le concept d’espace sécuritaire est depuis longtemps façonné et mis en pratique par mon peuple. Depuis des générations, ce concept a permis à des enfants d’apprendre en toute sécurité au contact du territoire et de la nature avec fluidité et avec un but. Ce concept a permis aux enfants de connaître les traditions et d’acquérir des connaissances pratiques sur la vie au moyen d’un enseignement fondé sur le territoire, ainsi que d’apprendre les lois de leur peuple.
Voici quelques-unes des notions enseignées par l’aîné D’Arcy Linklater : wakotowin, ou le capital social; Nehetho Tipethimisowin, ou l’exercice de la souveraineté, la connaissance de soi et les responsabilités inhérentes aux prises de décision associées à cet exercice; Kistethichikewin, l’idée selon laquelle le comportement doit être conditionné par la responsabilité sacrée de traiter toutes les choses avec respect et honneur.
Comme me l’ont appris les aînés du passé et d’aujourd’hui, il faut insuffler une intention dans les conversations tenues dans ces espaces. Ils m’ont aussi appris l’importance de poser de grandes questions et d’accepter ce qui est imparfait et inconfortable, mais aussi la joie et l’harmonie. J’invite les députés à se joindre à moi et à suivre ces enseignements afin de créer un espace sécuritaire pour les jeunes au moyen de ce projet de loi qui leur donnera une voix sur la scène nationale.
Honorables sénateurs, dans son livre The Art of Holding Space: A Practice of Love, Liberation, and Leadership, Heather Plett cite ainsi Donald Winnicott :
[...] « l’accueil » est ce que les enseignants et les parents font lorsqu’ils créent des milieux sûrs et rassurants où les enfants peuvent apprendre sans les priver de leur autonomie et de leur individualité.
Chers collègues, même si les espaces d’accueil ont été créés dans le milieu éducatif et familial, nous avons aussi, en tant que sénateurs, un rôle essentiel à jouer pour faire entendre les voix des personnes marginalisées au Parlement. Une telle proposition est parfois complexe et difficile. Nous faisons partie d’une institution publique qui crée un espace en ce moment pour attirer l’attention sur un racisme et des préjugés profondément ancrés. Étant donné que le rôle du Sénat est notamment de parler pour les personnes marginalisées, nous devons chercher des façons rapides et responsables de mettre fin à la victimisation des femmes et des filles.
Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant parler d’une question qui a été soulevée pendant l’étude du projet de loi par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Plus précisément, il a été souligné que la jupe à rubans n’est pas une tenue traditionnelle qui est portée par l’ensemble des femmes et des filles des Premières Nations, des femmes et des filles métisses, inuites ou non inscrites et des membres de la communauté LGBTQ à l’échelle du Canada.
J’aimerais aborder cette question en disant que nous devons nous rappeler l’objectif du projet de loi, soit de souligner et de combattre la violence faite aux femmes, tout en faisant aussi la promotion de la réconciliation et de la sensibilisation à la culture et aux traditions autochtones. Le projet de loi S-219 n’a jamais eu comme objectif d’essayer de reconnaître tous les costumes traditionnels portés dans les différents coins du pays. Ce serait une tâche impossible. Tenter de le faire modifierait de façon fondamentale le projet de loi et changerait son objectif d’origine, soit : comprendre les répercussions de la violence contre les femmes et les filles autochtones; célébrer les mesures prises par la suite par la famille pour promouvoir l’inclusion; faciliter le dialogue entre les Canadiens autochtones et non autochtones pour encourager les gestes de réconciliation, petits et grands, et l’établissement de relations.
Je voudrais insister sur le fait que je n’essaie pas de dire que la jupe à rubans est un costume traditionnel pancanadien. En revanche, j’encouragerais les autres nations, communautés et groupes autochtones à profiter du 4 janvier pour présenter leurs propres habits et costumes pour faire connaître aux Canadiens leurs origines, leur utilisation et leur importance.
C’est ce qui s’est produit le 4 janvier 2022 quand une jeune camarade de classe ukrainienne d’Isabella Kulak a suivi son exemple en portant le costume traditionnel de son pays. Y a-t-il un meilleur exemple de réconciliation? Isabella et sa famille ont contribué à la création d’espaces et de possibilités de mentorat afin de permettre à d’autres jeunes de faire de même. Nous nous devons de soutenir Isabella et d’autres jeunes dans leur chemin vers l’autodétermination, et c’est ce que ce projet de loi cherche à faire.
Isabella fait face à la pénible histoire de colonialisme vécue par elle et d’autres filles autochtones, lui permettant ainsi d’en changer la fin. Elle entre dans un univers différent, un univers que je n’aurais jamais cru possible quand j’avais son âge. Le droit à l’autodétermination d’Isabella a été respecté grâce à la détermination collective des dirigeants, ainsi que des membres de sa communauté et de sa famille, qui l’ont soutenue, contribuant ainsi à transformer une question litigieuse en mouvement positif. Ces gens ont épousé cette cause, et ils l’ont utilisée comme outil pour sensibiliser les personnes non autochtones qui les entourent et établir des liens avec elles.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la culture est dynamique, tant au Canada que dans le reste du monde. Elle n’est pas stagnante. La sénatrice LaBoucane-Benson nous a informés que les Premières Nations avaient adopté le foulard faisant partie du costume traditionnel des Ukrainiens. Depuis des générations, les gens embrassent et célèbrent d’autres cultures, et cela ne cessera pas.
Ce symbole de féminité, dont les origines remonteraient au XVIIIe siècle, raconte une histoire d’adaptation et de survie qui montre que les communautés tribales ont adopté la culture occidentale et se la sont appropriée.
Plusieurs musées signalent que les matériaux utilisés pour produire des jupes à rubans ne sont pas d’origine autochtone, « mais la méthode d’application utilisée pour créer l’aspect plié du ruban est devenue un marqueur visuel d’identité depuis des siècles ».
Honorables sénateurs, les jupes à rubans présentent de nombreux points communs. La race et le genre sont étroitement liés à l’autosoin et à l’autodétermination. Il est essentiel de comprendre que la libération des peuples opprimés commence par la compréhension critique de la manière dont ils sont opprimés.
Dans son article de 2012, intitulé « Self-Determination and Indigenous Women’s Rights at the Intersection of International Human Rights », l’auteure Rauna Kuokkanen affirme ceci :
L’autodétermination (individuelle et collective) et la violence fondée sur le sexe sont parmi les enjeux les plus importants et les plus pressants pour les femmes autochtones du monde entier.
En outre, elle avance que l’autodétermination des Autochtones ne pourra se faire sans « régler la question de la violence contre les femmes [et les filles] autochtones ».
Cette question de la violence n’a pas encore été abordée au Canada, mais elle continue de polluer la vie des femmes, et encore plus grave, des jeunes filles. Si on met cette question de côté, la violence continuera d’avoir des répercussions négatives et cumulatives sur l’avenir de leurs droits civiques, politiques et culturels.
Chers collègues, la violence est un problème de santé. La santé est un droit fondamental et c’est aussi un droit qui permet — quand il est honoré — de respecter d’autres droits de la personne, notamment l’autodétermination.
Dans son article de 2016 intitulé « Red Intersectionality and Violence-informed Witnessing Praxis with Indigenous Girls » portant sur l’intersectionnalité rouge et la pratique du témoignage tenant compte de la violence avec de jeunes filles autochtones », l’auteure Natalie Clark déclare :
[...] je joins ma voix à celles d’autres universitaires autochtones [...] pour exiger une compréhension plus fine de l’incidence des politiques et des programmes sur les filles autochtones. Carolyn Kenny décrit les répercussions de ce qu’elle appelle la « double contrainte » [...] dans la vie des femmes et des filles autochtones qui sont réduites au silence dans le cadre de décisions et de politiques clés qui concernent leur vie, alors même que leur participation est essentielle pour faire changer les choses tant sur le plan social que sur ceux du leadership et de la guérison dans leurs communautés.
Honorables sénateurs, Isabella Kulak a pris la « décision clé » de porter sa jupe à rubans et cela constitue un acte d’autosoins. Le musellement qu’elle a subi après avoir pris cette « décision clé » dans le contexte de sa vie personnelle aurait pu la museler dans la vie publique et politique. Nous avons été témoins, dans nos propres comités, du musellement des voix autochtones dans des dossiers ayant une incidence sur la santé et l’autodétermination. Nous ne devons pas demeurer complices, puisque le musellement finira par s’étendre au groupe intergénérationnel.
L’auteure Natalie Clark poursuit :
De plus, toute intervention ou tout résultat en matière de justice sociale doit s’insérer dans un cadre qui respecte la tradition et le savoir intergénérationnel tout en donnant un sens aux difficultés des Autochtones modernes.
C’est la raison pour laquelle les solutions proposées par le chef et le conseil de la nation Cote, collectivité natale d’Isabella, sont fondées sur la communauté et ses traditions. Le chef Cote l’a affirmé dans son témoignage au comité lorsqu’il a dit que l’espoir de sa communauté est:
[d’]enseigner l’identité du peuple anishinabé sur notre territoire aux personnes qui n’appartiennent pas aux Premières Nations et [d’]en savoir davantage sur les autres cultures avec qui nos jeunes entreront en contact quand ils fréquenteront des écoles qui ne sont pas des Premières Nations.
Ainsi, la nation Cote met déjà en pratique ce que ce projet de loi tente d’accomplir, c’est-à-dire valoriser et pratiquer la tolérance, l’acceptation et la compréhension des cultures et des traditions qui sont différentes des siennes.
Chers collègues, l’auteure Natalie Clark parle également de violence et de sécurité en lien avec les filles autochtones. Elle écrit :
Les approches communautaires, telles que les modèles de [...] cérémonies, sont importantes, car elles fournissent des espaces où les filles peuvent être vues dans le cercle, et nous permettent de comprendre leurs expériences face à la violence, de même que de nommer et de situer leur résistance à de telles expériences.
L’auteure poursuit :
[...] L’industrie dite des traumatismes perpétue un héritage colonial consistant à étiqueter les filles autochtones et à les considérer comme étant anormales puis à gérer leur comportement en les criminalisant ou en les traitant avec des médicaments et des programmes de thérapie conversationnelle, ce qui, au bout du compte, ne fait que « renforcer un sentiment d’impuissance et miner la capacité de résistance des femmes [...] ».
Honorables sénateurs, je ne peux m’empêcher de me poser une question : si Isabella et sa famille n’avaient pas fait face à la honte qu’elle ressentait, cette honte aurait-elle pu être intériorisée comme une plaie vive qui aurait nécessité des médicaments et du counselling dans les années à venir? Cet incident peut sembler mineur pour certains, mais sachez que les effets cumulatifs du racisme et de la violence à partir d’un jeune âge conduisent réellement à des blessures à l’âme. De tels effets disproportionnés ont la capacité d’entraîner des conséquences profondes à long terme s’ils ne sont pas pris en charge.
Dans le cas d’Isabella, sa famille et sa collectivité ont été proactives, ce qui mérite d’être souligné et célébré. En même temps, nous devons aussi penser aux jeunes qui n’ont pas un tel soutien par manque de ressource et mettre leur réalité en perspective. Le projet de loi S-219 nous donne l’occasion de promouvoir l’égalité entre les sexes et de rendre la société plus inclusive, en plaçant les femmes et les filles au cœur de nos efforts. Plus les garçons et les filles comprendront en bas âge ce que sont l’équité, l’égalité et l’inclusion, meilleurs seront leur avenir et celui du Canada.
Chers collègues, l’iniquité est l’un des problèmes les plus insidieux de la société canadienne. Elle a de nombreuses causes, ce qui entraîne des écarts en matière d’éducation, de santé, de possibilités, d’alimentation, d’accès à l’eau potable, de logement, de mobilité, d’autodétermination et de qualité de vie. L’équité est très importante pour comprendre et mettre en application la prise en charge de soi et l’autodétermination.
Ces iniquités ne surviennent pas de façon naturelle. Elles découlent des lois et des politiques qui ne prennent pas en compte l’équité et l’égalité. Lorsqu’un jeune ne voit plus de sens dans les politiques sociales, il a tendance à décrocher du système. Si nous n’agissons pas pour régler ce grave problème qui touche les jeunes partout au pays, nos systèmes seront condamnés à répéter les mêmes iniquités socioéconomiques, ce qui privera de ses droits une grande partie de la jeunesse canadienne.
La société est habituée à voir et à entendre parler des jeunes autochtones qui souffrent le plus de cette injustice, c’est-à-dire de ceux qui n’ont pratiquement aucune ressource ni aucun soutien pour pouvoir penser et agir de façon positive, et encore moins pour faire comme Isabella. Ces jeunes ont vécu et continuent de vivre une histoire différente de la nôtre, et ils connaissent par conséquent un parcours de vie différent.
D’innombrables rapports ont été réalisés sur la jeunesse autochtone, qu’il s’agisse des enfants placés en foyers d’accueil ou dans les centres pour mineurs. De nombreux rapports, enquêtes et commissions ont été consacrés aux femmes autochtones et se sont appuyés sur leurs dépouilles. Si ces travaux ont fait l’objet d’une publicité plus ou moins importante, les connaissances et la prise de conscience qu’ils ont engendrées n’ont pas débouché sur une véritable réforme politique en temps opportun. En outre, la question de la justice pour les jeunes autochtones a été largement négligée. Cette inaction place les jeunes autochtones, notamment les filles, dans une situation de grave déficit. Pendant ce temps, nos lois et nos politiques refusent de s’attaquer à la cause profonde de cet état de fait, à savoir les structures coloniales dont nous avons hérité, qu’elles soient juridiques ou autres.
Honorables sénateurs, tout au long de l’histoire, on a cherché civiliser les peuples autochtones pour qu’ils délaissent leur mode de vie de sauvage. Cela a été entrepris par des missionnaires chrétiens qui ont carrément refusé de reconnaître la légitimité de la culture et de la religion autochtones. Lorsque j’étais enfant et qu’on m’a envoyée dans un pensionnat, tous mes vêtements et mes biens m’ont été enlevés le premier jour et pendant les 11 années que j’y ai passées. On nous a donné des vêtements qui nous enlevaient notre caractère unique. Nous portions tous la même tenue et avions tous la même coupe au bol. On nous a forcés à parler une langue étrangère. Nous étions censés nous comporter comme si nous étions invisibles, sans histoire, ni culture, ni traditions.
Quelque chose d’aussi simple que de supprimer le droit de s’habiller d’une manière qui exprime et qui célèbre qui nous sommes a des répercussions durables. Cela ouvre la voie à la dépendance, à l’obéissance aveugle, à la honte et à l’impuissance acquise. En réalité, le gouvernement et les organisations religieuses ont pris des enfants qui avaient une culture riche et ont créé unilatéralement des cultures appauvries.
Chers collègues, ce projet de loi célèbre la résistance à la violence et la promotion de la paix. Dans un article de Kathleen Martens publié en décembre 2020, intitulé « “ It’s like armour ” : A look at the resurgence of ribbon skirts », madame Isabella Kulak déclare :
Je ne voulais pas que cela se transforme en haine odieuse envers [l’assistante en éducation]. Elle est une personne. Peut-être a-t-elle commis des erreurs en disant ce qu’elle a dit. Je suis sûre qu’elle le regrette.
Le père d’Isabella a déclaré que sa famille avait été invitée à contribuer à l’amélioration des connaissances du système d’éducation concernant les enjeux touchant les Premières Nations, y compris les vêtements.
Dans le même article, Helene Cote, de Kamsack, déclare :
En tant qu’éducatrice, je connais l’importance d’accepter les étudiants pour qui ils sont. L’autonomisation des étudiants et le renforcement de la confiance sont les éléments qui façonnent les étudiants qui réussissent.
La grand-mère Ketchemonia-Cote a déclaré : « Ce qui s’est produit n’aurait pas dû se produire. Mais veillons à ce qu’il en ressorte quelque chose de bon. »
Chers collègues, j’ai parlé à de nombreuses personnes et entendu parler de leurs initiatives en faveur de la jupe à rubans et pour appuyer Mlle Kulak. Parmi ces initiatives, il y a les cours sur les jupes à rubans organisés par une entreprise de l’île de la Tortue, où l’on enseigne à six femmes à la fois la sagesse qui sous-tend les jupes à rubans; les jupes à rubans créées pour les membres de la chorale et la directrice de chorale en prévision d’un festival d’arts qui aura lieu ce printemps à Prince Albert, en Saskatchewan, et les jupes à rubans pour une mariée et ses petits-enfants. De plus, le centre des peuples autochtones, qui a été fondé par des femmes dans une université canadienne, examinera ce projet de loi et discutera des éléments spirituels de la jupe à rubans.
Honorables sénateurs, la création d’un espace pour Isabella Kulak et d’autres jeunes a été pour moi une initiative à plusieurs volets. Tous les gens qui ont parlé du projet de loi S-219 ou qui l’ont commenté ou remis en question, tant au Sénat qu’à l’extérieur, ont ajouté une dimension à la compréhension collective des impacts de l’histoire canadienne sur les jeunes autochtones. Ce faisant, nous développons la compassion et nous nous dirigeons vers la réconciliation et la conciliation. Ces discussions ont donné du contour, de la profondeur, de la couleur et de la clarté à cette question, tant au cours de la deuxième lecture et de l’étude du comité que pendant le débat et elles le feront lors du vote à venir.
Je termine en réitérant que l’objectif du projet de loi S-219 est de rapprocher les gens et non de les diviser. Le projet de loi fait état de la jupe à rubans parce que c’est le costume qui a été utilisé comme moyen de violence contre la jeune Mlle Kulak et, par extension, contre toutes les femmes et les filles autochtones qui portent et honorent fièrement leurs propres vêtements culturels. L’objectif consiste maintenant à se servir de ce moment de préjugé, de racisme et de discrimination comme tremplin pour encourager la compréhension, le respect et la réconciliation. Nous remercions Mlle Kulak, sa famille, les dirigeants et la communauté de leur force et de leur détermination à transformer cette difficulté en expérience positive.
Kinanâskomitin. Merci.
La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
Oui.
Sénatrice McCallum, je note que la version précédente de votre projet de loi, que vous avez présentée lors de la législature précédente, contenait un article qui ne se trouve plus dans le projet de loi actuel. Il stipulait explicitement que la Journée nationale de la jupe à rubans n’est pas une fête légale ni un jour non juridique. Pourquoi cet article a-t-il été retiré du projet de loi S-219?
Merci de votre question, sénateur Francis. Cet article a été retiré par le Bureau du légiste et conseiller parlementaire pendant la préparation du projet de loi en vue de sa présentation dans le cadre de la présente législature. Le Bureau du légiste nous a expliqué qu’il avait été retiré parce qu’il n’a aucun effet juridique. Les dispositions de précision servent à éliminer les ambiguïtés dans les textes juridiques et n’ont aucun effet juridique à proprement parler. Ils ne font que reprendre la loi existante.
C’est le cas en l’occurrence. La Journée nationale de la jupe à rubans n’est ni une fête légale ni un jour non juridique. Une loi visant à créer une fête légale — la Loi instituant des jours de fête légale en est un bon exemple — l’indique de façon très explicite. Sinon, elle modifie directement les lois pertinentes afin de produire les effets d’une fête légale.
Récemment, par exemple, un projet de loi visait à modifier le Code canadien du travail afin de faire de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation un jour férié. Selon le Bureau du légiste, si un projet de loi ne modifie aucune autre loi ou n’indique pas explicitement qu’il s’agit d’une fête légale, alors il n’y a aucune raison de croire que le projet de loi créerait une fête légale.
Quant aux jours qui ne sont pas des fêtes légales et qui ne sont pas des jours ouvrables, ce sont des jours qui ne comptent pas pour déterminer les échéances des documents soumis au tribunal. À titre d’exemple, les week-ends ne sont pas des jours ouvrables, tout comme les jours fériés de la fête du Canada ou de la fête de Victoria. La Journée nationale de la jupe à rubans n’entrerait pas dans cette catégorie.
Par ailleurs, il y a des précédents dans les lois fédérales pour créer des jours désignés sans recourir à cette catégorie qui vise a apporter plus de clarté. Il y a, entre autres, la Loi sur le Jour commémoratif de l’Holocauste et la Loi instituant la Journée des anciens combattants de la marine marchande, qui ne constituent pas jours de fête légale ni des jours non ouvrables, et personne ne semble confus à cet égard.
Comme il en a informé mon équipe, le personnel du Bureau du légiste parlementaire travaille en étroite collaboration avec ses homologues de la Chambre des communes et du ministère de la Justice pour veiller à ce que les dispositions législatives n’en disent pas plus que nécessaire pour leur application. Cela réduit le risque de créer de la confusion ou des erreurs quand les gens lisent les libellés des projets de loi, en plus de faire économiser du temps aux sénateurs lors de l’étude en comité et au Sénat. En effet, il y a moins de contenu à examiner et à soumettre au vote ou encore à amender. Donc, le Bureau du légiste parlementaire commence à supprimer cette disposition parce qu’elle n’a aucune incidence sur le projet de loi et qu’elle n’ajoute aucun élément de clarté.
En terminant, je tiens à vous faire remarquer que cette disposition n’apparaît pas dans deux autres mesures législatives à l’étude au cours de la présente session, le projet de loi S-227, Loi instituant la Journée canadienne de l’alimentation et le projet de loi S-209, Loi instituant le Jour commémoratif de la pandémie. J’espère que cela répond à votre question.