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Projet de loi de crédits no 4 pour 2021-2022

Deuxième lecture

14 décembre 2021


L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat)

Propose que le projet de loi C-6, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2022, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole pour présenter le projet de loi de crédits no 4 pour l’exercice 2021-2022, qui contient les demandes de crédits pour le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2021-2022.

Le projet de loi de crédits sert à autoriser les paiements du Trésor pour les programmes et les services gouvernementaux. Les crédits votés représentent des plafonds ou des budgets maximaux qui pourraient ne pas être dépensés complètement au cours de l’année. Les dépenses réelles se trouveront dans les comptes publics après la fin de l’exercice.

Dans le cadre de ce projet de loi de crédits, le gouvernement demande au Parlement d’approuver les dépenses prévues qui sont établies dans le Budget principal des dépenses (B).

Les budgets des dépenses, qui comprennent le Budget principal des dépenses, les budgets supplémentaires des dépenses, les plans ministériels et les rapports sur les résultats ministériels, jumelés aux comptes publics, aident les parlementaires à examiner les dépenses gouvernementales.

Chers collègues, nous savons tous à quel point cette information est importante pour le fonctionnement de notre système de gouvernance.

La responsabilité, qui est au cœur de notre système, repose sur le fait que les parlementaires ainsi que les électeurs qu’ils servent doivent savoir comment les fonds publics sont dépensés afin de pouvoir demander des comptes au gouvernement.

C’est pourquoi le gouvernement s’assure que les parlementaires ont accès à des informations précises, opportunes et compréhensibles sur les dépenses du gouvernement.

Par exemple, j’attire l’attention des honorables sénateurs sur l’InfoBase du gouvernement du Canada, un outil interactif en ligne qui présente de manière visuelle une multitude de données fédérales. Il contient le budget des dépenses, ainsi que d’autres données relatives aux finances, aux personnes et aux résultats du gouvernement.

La publication de données sur les dépenses au moyen d’outils numériques comme celui-ci est essentielle pour fournir aux parlementaires et aux Canadiens davantage d’informations sur la destination des fonds publics et la manière dont ils sont investis.

Honorables sénateurs, parlons maintenant du Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2021-2022, sur lequel repose ce projet de loi de crédits.

Le Budget supplémentaire des dépenses fournit au Parlement de l’information sur les dépenses qui n’étaient pas suffisamment précises au moment de la présentation du Budget principal des dépenses ou qui ont été mises à jour pour tenir compte des nouveaux développements dans des programmes et services. Avec le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2021-2022, le gouvernement demande au Parlement d’approuver des dépenses dans des dossiers importants pour les Canadiens. Il s’agit notamment de la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19 ainsi que des infrastructures et des services pour répondre aux besoins particuliers des communautés autochtones.

Le Budget supplémentaire des dépenses donne de l’information sur les 8,7 milliards de dollars en dépenses budgétaires votées pour 60 organismes fédéraux. Ce budget inclut également, à titre d’information, les dépenses législatives prévues de 4,7 milliards de dollars, qui s’expliquent principalement par le prolongement de la Prestation canadienne de relance économique et les ressources requises prévues pour la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants et la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Ces prestations ont été très importantes pour aider les Canadiens à traverser le pire de la pandémie.

Parmi les dépenses budgétaires votées, 1,2 milliard de dollars concernent la réponse à la pandémie de COVID-19, et une portion de ces fonds est réservée à aider les gens dans le besoin à l’étranger. En plus de fournir des mesures nationales de soutien, nous ne devons pas oublier que nous vivons dans une communauté de nations. C’est pourquoi le Canada a la ferme intention de contribuer aux efforts mondiaux pour endiguer la COVID-19 et remédier aux effets dévastateurs qu’elle a causés sur la santé, les conditions sociales, l’économie et la sécurité des populations du monde entier.

Honorables collègues, le Canada est un membre fondateur du Dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19, l’accélérateur ACT, un partenariat mondial visant à garantir que, partout dans le monde, les gens ont accès de manière équitable et à un prix abordable aux tests de dépistage, aux traitements et aux vaccins contre la COVID-19. De plus, le Canada est un ardent défenseur du mécanisme COVAX, le Mécanisme pour un accès mondial aux vaccins contre la COVID-19, qui soutient l’achat, la distribution et la livraison de vaccins contre la COVID-19.

Pour que nous puissions continuer à offrir ce type d’aide, le budget de 2021 a prévu des fonds pour aider certains des pays les plus pauvres à obtenir les outils dont ils ont besoin pour contenir la propagation de la COVID-19. Dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), le gouvernement demande 375 millions de dollars pour donner suite à cet engagement de soutenir l’accès des pays en développement aux vaccins, aux traitements et aux diagnostics.

Honorables sénateurs, j’ai mentionné plus tôt que le Budget supplémentaire des dépenses vise à faire approuver par le Parlement le financement nécessaire pour répondre aux besoins des communautés autochtones.

Bien que le gouvernement ait fait des progrès pour réparer les torts historiques causés par le Canada dans sa relation avec les peuples autochtones, il reste encore beaucoup de travail à faire. Il est essentiel que nous investissions pour améliorer la qualité de vie des personnes vivant dans les communautés autochtones et leur créer de nouvelles possibilités.

Dans le cadre de la collaboration avec les partenaires autochtones, ces investissements permettront de combler les écarts entre les peuples autochtones et non autochtones, de favoriser la santé, la sécurité et la prospérité des communautés autochtones, et de faire progresser la réconciliation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

C’est pourquoi le Budget supplémentaire des dépenses (B) prévoit un total de 1 milliard de dollars pour le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord et de 2,1 milliards de dollars pour le ministère des Services aux Autochtones.

Je voudrais souligner certains des principaux postes votés demandés par ces deux ministères. Dans le budget de 2021, on a annoncé un financement permettant au gouvernement d’accélérer son travail pour combler les lacunes en matière d’infrastructure dans les communautés autochtones, et créer ainsi de bons emplois tout en bâtissant des communautés autochtones plus saines, plus sûres et plus prospères à long terme.

Le Budget supplémentaire des dépenses (B) respecte cet engagement en prévoyant un peu plus de 725 millions de dollars pour la construction, la rénovation, l’exploitation et l’entretien de logements, d’écoles, d’établissements de santé, d’installations d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées, et d’autres infrastructures communautaires.

Ces fonds permettront également de transférer des infrastructures à des organisations dirigées par des Autochtones et de financer l’exploitation et l’entretien d’infrastructures leur appartenant.

Le budget des dépenses vise aussi à demander un peu plus de 412 millions de dollars pour le Fonds de règlement des revendications particulières, qui sert à verser des indemnités aux Premières Nations en fonction des ententes négociées. Les revendications particulières sont des réclamations d’une Première Nation contre le gouvernement fédéral qui portent sur l’administration des terres ou d’autres biens des Premières Nations et sur le respect de traités historiques et d’autres accords. L’objectif principal de la politique des revendications particulières est de permettre au gouvernement fédéral de s’acquitter de ses obligations statutaires en suspens par l’entremise d’ententes de règlements négociés.

Le gouvernement demande aussi un peu plus de 361 millions de dollars pour le financement de services de prévention et de protection qui permettront d’assurer la sécurité et le bien-être des enfants et des familles des Premières Nations vivant dans des réserves. Ces services incluent l’intervention précoce et des solutions de rechange au placement habituel en établissement ou en famille d’accueil, par exemple le placement des enfants auprès de membres de leur famille, au sein d’une communauté.

Pour garantir que les Autochtones ont accès à des soins de santé de haute qualité, le budget de 2021 a annoncé plusieurs mesures, notamment l’une prévue dans le budget des dépenses, soit un peu plus de 332 millions de dollars pour assurer le maintien de soins de grande qualité dans le cadre du Programme des services de santé non assurés. Ce programme aide les Premières Nations et les Inuits à obtenir des services médicaux nécessaires qui ne sont pas couverts autrement, comme des services en santé mentale, du transport médical, des médicaments et plus encore.

Une autre initiative présentée dans ce budget est un financement pour aider les personnes vivant dans les réserves et les Indiens inscrits du Yukon à faire la transition de l’aide au revenu vers l’emploi et l’éducation. Plus précisément, on demande près de 309 millions de dollars pour aider les personnes et les familles admissibles en leur proposant une prise en charge de cas ainsi que des initiatives de préparation à l’emploi de base ou adaptées à des besoins spéciaux dont l’objectif est de développer l’autonomie, d’améliorer les aptitudes à la vie quotidienne et de renforcer le sentiment d’appartenance au marché du travail.

Ce budget prévoit aussi un peu plus de 212 millions de dollars pour le règlement partiel du recours collectif Gottfriedson intenté par d’anciens élèves autochtones qui ont fréquenté les pensionnats en tant qu’externes et pour aider à gérer les litiges relatifs aux réclamations concernant les enfants autochtones. Ce financement servira à indemniser environ 13 500 survivants des externats et la première génération de leurs descendants. Il servira aussi à créer le Fonds de revitalisation pour les élèves externes, destiné aux efforts de guérison et de bien-être des survivants et des descendants, ainsi qu’à la revitalisation et à la protection des langues, des cultures et des patrimoines autochtones, sans oublier des activités liées à l’éducation et à la commémoration.

Ce financement pourra aussi servir à payer les frais juridiques, les coûts administratifs externes, les frais de gestion courante et les frais afférents aux litiges relatifs aux réclamations pour les expériences vécues dans l’enfance par les Autochtones.

Chers collègues, nous avons la chance d’avoir une fonction publique professionnelle qui fournit une multitude de services touchant concrètement la vie des Canadiens.

Cela va de l’inspection des aliments à la réglementation de la sécurité et de l’efficacité des médicaments, en passant par le maintien de la sécurité de nos frontières et l’utilisation de brise-glaces dans le passage du Nord-Ouest.

Lorsqu’il y a une crise, la fonction publique est là pour relever le défi. Il y a six ans, des fonctionnaires ont travaillé sans relâche pour réinstaller plus de 25 000 réfugiés syriens. C’était un effort titanesque.

Aussi, il y a plus d’un an et demi, des fonctionnaires ont été appelés à faire face à une autre crise : une pandémie. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’ils ont fait un travail formidable.

Le Budget supplémentaire des dépenses comprend 1,5 milliard de dollars pour indemniser les organisations fédérales en ce qui a trait aux ajustements salariaux découlant des conventions collectives récemment négociées, ainsi qu’aux modifications apportées aux conditions d’emploi. Le gouvernement reste déterminé à conclure, avec tous les agents négociateurs, des ententes qui sont équitables pour les employés, qui tiennent compte du contexte économique et financier actuel et qui sont raisonnables pour les Canadiens.

Ces fonds serviront également à indemniser les employés pour les dommages causés par le système de paie Phénix et pour les délais de mise en œuvre prolongés des conventions collectives conclues au cours du cycle des négociations collectives de 2018.

Honorables sénateurs, lorsqu’il s’agit de répondre à une crise, nous sommes heureux de pouvoir compter sur le personnel dévoué des Forces armées canadiennes. Nous leur adressons nos remerciements pour leurs interventions dans le cadre de la pandémie mondiale et des terribles inondations en Colombie-Britannique.

Ce budget prévoit aussi presque 328 millions de dollars pour l’augmentation des salaires du personnel des Forces armées canadiennes afin que ceux-ci s’alignent sur les conventions collectives de l’administration publique centrale. Ces fonds serviront également à payer la restructuration des salaires et des indemnités de certains postes au sein des forces armées, ainsi que la prolongation des indemnités versées au personnel déployé pour aider les Canadiens pendant la pandémie.

Le dernier élément sur lequel je voudrais attirer votre attention est le financement d’un peu plus de 253 millions de dollars qui est destiné aux ministères de la Défense nationale et des Anciens Combattants afin de financer l’entente de règlement pour le recours collectif Heyder et Beattie. Cette somme permettra de continuer à évaluer et à régler les réclamations qui figureront dans l’entente définitive.

Chers collègues, le gouvernement continue d’accorder la priorité à la façon dont ses budgets des dépenses sont présentés, c’est-à-dire avec une documentation explicative détaillée facilement accessible en ligne pour les parlementaires et pour la population canadienne.

Le gouvernement a également pris plusieurs mesures pour veiller à ce qu’ils aient accès à encore plus d’informations. Par exemple, les ministères rendent régulièrement compte de leurs dépenses au moyen de rapports financiers trimestriels.

En outre, le ministère des Finances fournit des mises à jour mensuelles sur la situation financière du gouvernement dans La revue financière.

De plus, en raison des circonstances extraordinaires et des niveaux de dépenses engendrés par la pandémie, le gouvernement a fait état des autorisations de dépenses liées à sa réponse à la pandémie de la COVID-19 dans le Budget supplémentaire des dépenses. Il a également rendu compte des autorisations de dépenser et des dépenses engagées pour chaque mesure prise contre la COVID-19 au moyen de l’InfoBase du gouvernement du Canada et du Portail du gouvernement ouvert.

Ces outils de rapport permettent aux Canadiens de voir facilement les autorisations approuvées par le Parlement, ainsi que l’argent dépensé pour mettre en œuvre la réponse du gouvernement à la pandémie.

Enfin, pour assurer une plus grande clarté quant à la relation entre les chiffres présentés dans les documents du budget des dépenses et du budget, le gouvernement présente également un rapprochement entre ces deux documents de prévision des dépenses.

Honorables sénateurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui est important en ce qu’il permettra de respecter l’engagement du gouvernement à l’égard des priorités des Canadiens.

En résumé, le gouvernement demande au Parlement d’autoriser 8,7 milliards de dollars de nouvelles dépenses votées pour ceux qui en ont le plus besoin : les Canadiens à faible revenu qui ont des besoins en matière de santé, d’éducation et d’aide au revenu; les Canadiens autochtones qui ont besoin de services à l’enfance et à la famille et de projets de logement et d’infrastructure; les fonctionnaires, y compris les membres des Forces armées canadiennes; les groupes autochtones ayant conclu des règlements de revendications; les pays en développement qui assument la grande part du fardeau en cette période de pandémie et qui ont besoin d’aide sur les plans médical et économique.

La pandémie de COVID-19 a une incidence marquée sur plusieurs aspects de la vie des Canadiennes et des Canadiens. Nous avons tous et toutes été appelés à nous serrer les coudes.

Je profite de l’occasion pour vous remercier tous et toutes, chers collègues, de votre collaboration. Je souhaite aussi souligner l’important travail effectué par les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales, sous l’habile direction du sénateur Percy Mockler.

J’aimerais souligner le travail de la sénatrice Marshall comme porte-parole pour le projet de loi. Nous avons la chance, au Sénat, de pouvoir profiter des connaissances vastes et approfondies des sénateurs. Votre capacité à évaluer la performance du gouvernement est le bienvenu et sera importante à l’avenir. Il y a toujours place à l’amélioration pour le bien de tous les Canadiens. Merci.

L’honorable Elizabeth Marshall [ - ]

Merci, sénatrice Gagné, de vos observations au sujet du projet de loi C-6 et du budget supplémentaire des dépenses (B).

Honorables sénateurs, le projet de loi C-6 demande l’autorisation de dépenser 8,7 milliards de dollars. Pour aider le Parlement dans son examen de ces 8,7 milliards de dollars, la présidente du Conseil du Trésor a déposé le budget supplémentaire des dépenses (B), lequel fournit des renseignements et des détails sur les autorisations de dépenses demandées.

Si le projet de loi C-6 est approuvé par le Parlement, ces 8,7 milliards de dollars porteront à 176 milliards de dollars le total des dépenses approuvées cette année par la voie de projets de loi de crédits.

En plus des 176 milliards de dollars approuvés par la voie de projets de loi de crédits, le gouvernement est déjà autorisé à dépenser 230 milliards de dollars supplémentaires cette année, dépenses qui ont été approuvées par la voie de projets de loi autres que des projets de loi de crédits. Ces 230 milliards de dollars s’appellent des dépenses législatives et ont été autorisés dans le cadre de diverses mesures législatives, dont la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi no 1 d’exécution du budget de 2021 et la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique.

Ces dépenses législatives sont incluses dans le budget supplémentaire des dépenses (B) uniquement à titre d’information. Dans un rapport récent, le directeur parlementaire du budget a dit qu’il n’existe actuellement aucun mécanisme parlementaire permanent d’examen des dépenses législatives.

L’autorisation de dépenses par la voie de mesures législatives autres que des projets de loi de crédits fait en sorte que le gouvernement n’est pas tenu de demander annuellement l’approbation du Parlement pour ces dépenses, puisque l’approbation parlementaire a déjà été fournie pour ces dernières.

Il est également intéressant de noter que, au cours des dernières années, les dépenses « législatives » approuvées dans différents projets de loi dépassent les dépenses approuvées annuellement dans le cadre des projets de loi de crédits. Par exemple, si le projet de loi C-6 est approuvé par le Sénat cette semaine, des dépenses de 175 milliards de dollars auront été approuvées dans le cadre de projets de loi de crédits cette année, alors qu’on parle de 230 milliards de dollars approuvés dans des projets de loi autres que les projets de loi de crédits.

Ce qui est encore plus intéressant, c’est que les dépenses législatives sont incluses dans le budget des dépenses à titre d’information seulement, comme je l’ai mentionné. Il n’existe aucun mécanisme parlementaire permanent pour passer en revue ces dépenses législatives. Par conséquent, lorsqu’on dit que nous étudions le budget des dépenses, nous étudions en fait moins de la moitié des dépenses présentées dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), puisque 58 % des dépenses ont déjà été approuvées par le Parlement.

Honorables sénateurs, j’ai parlé à plusieurs reprises — autant au Sénat qu’à l’extérieur de celui-ci — de la difficulté de suivre les dépenses gouvernementales. Un des problèmes réside dans le fait que l’information contenue dans le budget des dépenses ne correspond pas à l’information présentée dans le budget.

Par exemple, le budget prévoit cette année des dépenses de 497 milliards de dollars, alors que le Budget supplémentaire des dépenses (B), lui, indique seulement 405 milliards de dollars. Différentes raisons expliquent cet écart. Par exemple, le Budget supplémentaire des dépenses (B) que nous étudions ne comprend pas toutes les nouvelles initiatives budgétaires.

Dans d’autres cas, le Budget supplémentaire des dépenses (B) n’inclut pas certaines dépenses autorisées dans le cadre de la Loi de l’impôt sur le revenu, comme celles liées à la COVID.

Quelles que soient les raisons de cet écart, il est difficile de faire le suivi des dépenses du gouvernement. Le gouvernement a tenté de faire concorder le budget de 497 milliards de dollars avec le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 405 milliards de dollars en fournissant un tableau de rapprochement pour expliquer l’écart observé. La sénatrice Gagné en a parlé dans son discours. Bien que le tableau soit quelque peu utile, il est déroutant puisqu’il ne tient pas compte des dépenses supplémentaires prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (C), qui devrait être déposé en mars.

De plus, le tableau résume de nombreuses transactions et elles doivent toutes être passées en revue pour comprendre pourquoi le budget prévoit des dépenses de 497 milliards de dollars alors que le document budgétaire ne prévoit que 405 milliards de dollars en dépenses. Essentiellement, un tableau dans l’introduction du Budget supplémentaire des dépenses (B) ne remplace pas un document budgétaire qui est correctement aligné au budget.

En 2017-2018, l’ancien président du Conseil du Trésor, Scott Brison, a entrepris avec enthousiasme un projet de réforme des budgets des dépenses et a mis à l’essai plusieurs changements aux documents budgétaires. Il a comparu devant le Comité des finances à plusieurs reprises pour discuter du projet. Les parlementaires ont eu l’occasion de participer et de fournir de la rétroaction.

Malheureusement, les présidents successifs du Conseil du Trésor n’ont pas appuyé l’initiative et, d’après ce que la ministre actuelle a dit la semaine dernière, le projet de réforme des budgets des dépenses a été abandonné et nous sommes de retour aux anciennes méthodes de préparation des documents budgétaires.

Les dépenses liées à la COVID, en particulier, compliquent davantage notre examen des dépenses du gouvernement, étant donné que le gouvernement n’a pas fourni aux parlementaires l’information dont ils avaient besoin. On a commencé à transmettre les rapports sur les dépenses liées à la COVID en avril 2020. On a cessé de les transmettre en août 2020, puis on a recommencé en avril 2021. On a de nouveau cessé en juillet 2021.

Le gouvernement admet lui-même avoir un problème. Sur son site Web, il pose en effet la question suivante : « Comprenez-vous le processus que le gouvernement utilise pour dépenser votre argent? » Puis, il fournit aussi la réponse suivante : « Si vous êtes un peu confus à ce sujet, vous n’êtes pas seul. » C’est ainsi quand on examine les dépenses du gouvernement.

Pour compliquer davantage notre examen du Budget supplémentaire des dépenses (B), le gouvernement n’a pas encore publié les comptes publics du dernier exercice. En fait, je crois qu’ils ont été publiés il y a environ deux heures, maintenant que nous avons terminé notre examen du Budget supplémentaire des dépenses (B).

Les comptes publics sont les états financiers du gouvernement, qui ont fait l’objet d’une vérification par la vérificatrice générale du Canada. Ils comprennent des informations sur les dépenses, les recettes, la dette, le passif éventuel et d’autres données financières utiles pour examiner le projet de loi de crédits, soit le projet de loi C-6, et le Budget supplémentaire des dépenses, qui appuie le projet de loi.

Historiquement, les comptes publics présentent des données financières et d’autres renseignements au 31 mars d’un exercice et sont habituellement déposés au Parlement pendant la session d’automne. Ces 11 dernières années, les comptes publics ont été déposés sept fois en octobre, deux fois en novembre et trois fois en décembre. Les trois dépôts en décembre ont eu lieu depuis les élections de 2015, soit depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, ce même gouvernement qui ne cesse de prôner l’ouverture, la transparence et la reddition de comptes.

Le précédent directeur parlementaire du budget a récemment déclaré que les comptes publics auraient dû être déposés au début de la période actuelle de quatre semaines. Il a ajouté que le fait de savoir comment l’argent a été dépensé l’an dernier aidera à orienter le débat concernant les demandes de fonds supplémentaires.

Cette date tardive pour le dépôt des comptes publics soulève une autre question. Dès que la ministre a déposé les comptes publics, elle doit déposer le Rapport sur la gestion de la dette pour l’exercice précédent dans les 30 jours de séance suivants.

En reportant le dépôt des comptes publics à aujourd’hui, le gouvernement parvient à reporter l’échéance pour le dépôt du Rapport sur la gestion de la dette. Parce que les comptes publics ont été divulgués aujourd’hui, l’échéance pour déposer le Rapport sur la gestion de la dette est la fin du mois de mars. Pouvez-vous y croire? Le Rapport sur la gestion de la dette pour l’année de la pandémie — année où la dette a atteint des sommets inégalés — risque de ne pas être divulgué avant mars 2022, soit une année complète après la fin de l’exercice.

En plus de retarder le dépôt des comptes publics pour 2021, le gouvernement n’a pas encore divulgué les Rapports ministériels sur le rendement. Pourtant, ces derniers sont habituellement publiés à l’automne et nous aurions normalement pu les consulter pour effectuer notre examen du projet de loi C-6 et du Budget supplémentaire des dépenses (B). Si ma mémoire est bonne, le Conseil du Trésor les avait publiés le 7 décembre l’année dernière.

Cependant, les représentants du Conseil du Trésor nous ont annoncé que le gouvernement ne prévoit pas déposer les Rapports ministériels sur le rendement avant le mois de janvier. Parce que nous ne les recevrons pas avant le 30 ou le 31 janvier, nous devrons attendre jusqu’à ce moment. Sans l’information qu’ils contiennent, nous ne pouvons pas terminer l’examen du projet de loi C-6 et du Budget supplémentaire des dépenses (B). D’un côté, le gouvernement insiste pour que nous adoptions sans tarder le projet de loi de crédits C-6 afin de lui permettre de dépenser plus d’argent, mais, de l’autre, il refuse de nous fournir l’information essentielle pour faire notre travail de parlementaires.

Le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord et le ministère des Services aux Autochtones ont été créés en 2019. Si on tient compte des dépenses proposées dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), les dépenses de ces deux ministères s’élèvent actuellement à 28 milliards de dollars pour l’exercice en cours. D’après le rapport produit par le directeur parlementaire du budget à propos du Budget supplémentaire des dépenses (B), en 2017-2018, les dépenses liées aux Autochtones correspondaient à près de 14 milliards de dollars; elles ont donc augmenté de 93 %, c’est-à-dire presque doublé, depuis cinq ans.

Les membres du comité souhaitaient savoir comment ces fonds sont affectés : à quelles Premières Nations sont-ils distribués? La répartition est-elle équitable? Atteint-on les objectifs visés? Si le gouvernement avait publié les comptes publics couvrant la dernière année et les Rapports sur les résultats ministériels, ils auraient répondu en partie à nos questions.

Comme les dépenses de ces deux ministères ont augmenté considérablement depuis cinq ans, les membres du comité souhaitaient également en apprendre davantage sur le travail de surveillance accompli par le Conseil du Trésor. Des fonctionnaires ont expliqué leur travail de surveillance; ils ont expliqué comment ils évaluent les propositions de dépenses et ont souligné que les ministères doivent préciser quels seront les indicateurs de rendement utilisés pour évaluer les résultats de chaque programme. Cela dit, quelle est l’utilité des indicateurs de rendement s’ils ne sont pas fournis aux parlementaires en temps opportun?

Le comité s’intéressait particulièrement à la somme de 624 millions de dollars que demande le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord pour le Fonds de règlement des revendications particulières et le litige concernant les élèves externes des pensionnats indiens.

Les honorables sénateurs se souviennent peut-être que le Budget supplémentaire des dépenses (A) présenté en juin prévoyait 610 millions de dollars pour la Convention de règlement relative aux externats indiens fédéraux, 256 millions de dollars pour l’entente ayant trait à la rafle des années 1960 et 1,2 milliard de dollars pour les règlements à l’amiable.

Lorsque j’ai parlé au Sénat du Budget supplémentaire des dépenses (A), j’ai indiqué que les fonctionnaires du ministère n’étaient pas en mesure de fournir au Comité des finances les détails de la somme de 1,2 milliard de dollars demandée pour les règlements à l’amiable, pour des motifs de confidentialité à l’égard des discussions tenues au cours du processus judiciaire. Cette somme de 1,2 milliard de dollars était demandée afin d’assurer la disponibilité des fonds en cas de règlements à l’amiable.

Le projet de loi C-6 demande 624 millions de dollars afin d’assurer la disponibilité des fonds une fois ces règlements finalisés. Les fonctionnaires ont également indiqué que ces règlements avaient été inscrits en tant que passif éventuel dans les comptes publics de 2021, auxquels nous n’avions pas accès.

Puisque le gouvernement retenait les comptes publics de 2021, il a été impossible de faire l’étude de la somme de 624 millions de dollars et du passif éventuel. Voilà donc un exemple qui démontre la nécessité d’avoir accès aux comptes publics de 2021 et aux Rapports ministériels sur le rendement de 2021 pour procéder à l’étude du projet de loi C-6 et du Budget supplémentaire des dépenses (B).

Le Budget supplémentaire des dépenses (B) comprend un paiement législatif de 2,35 milliards de dollars pour la Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada. Étant donné que le Budget supplémentaire des dépenses (B) prévoit des dépenses totales de 16 milliards de dollars, cette somme de 2,35 milliards de dollars est passablement importante.

Les fonds destinés à la Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada sont de nature législative. Autrement dit, ils ont déjà été approuvés en application de la Loi sur la gestion des finances publiques et ils ne font pas partie du projet de loi C-6. Néanmoins, ces fonds sont présentés dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) à titre informatif.

La Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada a été créée en 2020 en tant que filiale à part entière de la Corporation de développement du Canada. Il s’agit essentiellement d’une société d’État créée par le gouvernement pour offrir un programme de soutien au crédit aux grandes entreprises canadiennes en réponse à la pandémie de COVID-19. Je songe notamment à des compagnies comme Air Canada. Par l’achat d’actions, le gouvernement fournit un financement à la Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada pour qu’elle mette en place un programme de soutien au crédit. À ce jour, le gouvernement a acheté des actions de cette corporation à hauteur de 2,89 milliards de dollars et cet argent sert à administrer le programme et à l’offrir à de grands employeurs.

Plus tôt au cours de l’exercice, des fonctionnaires du ministère des Finances nous ont indiqué que la corporation avait nommé des vérificateurs, qu’elle ne s’était pas servie de son pouvoir discrétionnaire pour nommer un observateur au conseil d’administration des emprunteurs et que des renseignements sur les termes uniformisés du programme figurent sur le site Web de la corporation. Toutefois, les modalités et les clauses des conventions de prêt étant considérées comme des renseignements commerciaux confidentiels, elles ne sont pas publiées.

La corporation fournit également des renseignements substantiels sur son site Web, notamment ses états financiers trimestriels et le détail de l’aide financière fournie à diverses entreprises canadiennes. Au 30 septembre 2021, la contribution du gouvernement se chiffrait à 2,89 milliards de dollars et correspond à des actions privilégiées de la société d’État, émises au nom du gouvernement du Canada. À la fin septembre, les prêts aux emprunteurs totalisaient 2,581 milliards de dollars. Des renseignements sur l’aide financière versée à chaque entreprise sont publiés sur les sites Web de la corporation.

Les entreprises qui reçoivent du financement par l’intermédiaire de ce programme doivent accepter de poursuivre leurs activités au Canada, faire des efforts commerciaux pour maintenir les pertes d’emplois au minimum et présenter un plan clair de retour à la stabilité financière. Elles doivent aussi accepter d’imposer des restrictions à la rémunération des cadres. Cette question a été soulevée au Comité des finances. Les entreprises doivent accepter d’imposer des restrictions à la rémunération des cadres, y compris sur les dividendes et les rachats d’actions. Elles doivent aussi publier annuellement des rapports de divulgation de l’information liée au climat, qui indiquent la façon dont leurs opérations futures appuieront la durabilité environnementale et les objectifs nationaux en matière de climat.

La corporation a divulgué — et il s’agit d’un renseignement très important pour le Comité des finances — qu’il y a un risque de crédit substantiel lié à ces prêts, étant donné les modalités et les critères d’admissibilité du programme. À l’heure actuelle, le montant de 2,89 milliards de dollars avancé par le gouvernement est inscrit comme un investissement ou un prêt et, par conséquent, est considéré comme non budgétaire. Toutefois, s’il y a des pertes, celles-ci feront augmenter le déficit du gouvernement. Les fonctionnaires du ministère n’ont pas été en mesure d’indiquer au comité la date limite des demandes ou la date de fin du programme, et de dire quelle est la « stratégie de sortie », non seulement pour le programme, mais aussi pour la corporation.

Honorables sénateurs, dans le cadre du projet de loi C-6, le ministère de la Défense nationale demande 644 milliards de dollars. De cette somme, 327 millions de dollars serviront à couvrir les augmentations salariales de certaines catégories d’employés au sein du ministère. La sénatrice Gagné en a parlé dans son discours. Ces augmentations sont conformes à la Loi sur la défense nationale. En effet, certaines dispositions de cette loi accordent au Conseil du Trésor le pouvoir de fixer les taux et modalités de versement de la solde des membres des Forces armées canadiennes appartenant à certaines catégories. Ces hausses, qui s’accordent avec les augmentations salariales accordées dans le cadre du processus de négociation collective concernant les employés de la fonction publique fédérale, s’étalent sur trois exercices financiers, de 2018 à 2021.

Le ministère demande aussi 250 millions de dollars pour l’entente de règlement définitive concernant les recours collectifs Heyder et Beattie. Ces recours collectifs que nous connaissons bien, et qui ont été lancés en 2016 et 2017, visaient à obtenir des dommages-intérêts pour des cas de discrimination fondée sur le sexe, d’agression sexuelle et de harcèlement sexuel. Les fonds seront utilisés pour remplir les obligations et verser les paiements au titre de l’entente définitive, notamment en ce qui concerne l’évaluation des revendications, le versement des paiements aux demandeurs, l’administration et la gestion de cas. On demande aussi 2,5 millions de dollars pour payer des dépenses liées à la technologie de l’information et à l’équipement de gestion de l’information employés dans le cadre de l’entente de règlement.

Le ministère demande également 64 millions de dollars pour les programmes de l’OTAN. Les sénateurs se sont intéressés à l’engagement du Canada envers l’OTAN et ont posé des questions sur l’âge de nos appareils, l’absence de protection du Nord et le nombre insuffisant de navires dans la Marine canadienne. Les sénateurs se sont aussi penchés sur l’exploitation et la maintenance du Système d’alerte du Nord et ont voulu savoir si une part des 64 millions de dollars servirait à la mise à niveau du système ou au soutien de la présence du Canada dans l’Arctique, compte tenu de la présence accrue d’autres pays.

Les fonctionnaires ont parlé des 252 millions de dollars inclus dans le budget pour soutenir la modernisation du NORAD et maintenir les capacités de défense actuelles du continent et de l’Arctique pour les cinq prochaines années. Des 252 millions de dollars — cette somme est prévue sur cinq ans —, 45 millions de dollars ont été réservés pour cet exercice, mais ils n’ont pas encore été demandés au moyen d’un projet de loi de crédits. Voici donc où nous en sommes : alors que la fin de décembre approche, je n’ai toujours pas vu ces 45 millions de dollars dans un projet de loi de crédits et je ne pense pas qu’il s’agit de dépenses législatives.

Le Budget principal des dépenses du ministère de la Défense nationale prévoit aussi 5,7 milliards de dollars pour des projets d’immobilisations. Lors de réunions précédentes du Comité des finances, il a été très difficile d’obtenir de l’information sur les projets de ce type.

Le budget de 2021 prévoit 267 millions de dollars sur trois ans pour moderniser les systèmes d’information du ministère, plus précisément les systèmes dont il a besoin pour gérer ses biens, ses finances et ses ressources humaines. Ces améliorations permettront de s’assurer que les Forces armées canadiennes ont accès à l’équipement dont elles ont besoin, au moment et à l’endroit requis. Des 267 millions de dollars prévus pour les cinq prochaines années, 89 millions ont été réservés pour cet exercice. Cependant, comme je l’ai déjà dit, la fin de décembre approche, et je n’ai pas encore vu le ministère demander ces 89 millions.

Voilà qui met un terme à mon discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-6. J’aimerais remercier le président de notre comité, le sénateur Mockler, et son vice-président, le sénateur Forest, d’avoir apporté leur aide pour l’organisation des réunions de la semaine dernière. J’ai trouvé très difficile de participer à toutes ces réunions, en l’espace d’une semaine, surtout compte tenu du fait que le gouvernement ne nous a pas fourni toute l’information dont nous avions besoin.

Je remercie également tous les membres du Comité des finances de leurs excellentes questions durant nos réunions et tout le personnel qui a participé et l’organisation des réunions et a assuré leur bon déroulement. Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénatrice Marshall, accepteriez-vous de répondre à une question de la sénatrice Galvez?

La sénatrice Marshall [ - ]

Oui, bien sûr.

L’honorable Rosa Galvez [ - ]

Merci, sénatrice Marshall. J’apprends beaucoup de choses chaque fois que vous parlez de budgets ou de projets de loi de finances. Vous faites un travail incroyable. Il est vrai qu’il est fastidieux de passer à travers le cycle budgétaire, d’examiner les dépenses budgétaires et de surveiller les dépenses du gouvernement. J’ai un diplôme en génie, donc les mathématiques ne me gênent pas. Je n’ai pas peur de passer les chiffres au peigne fin, mais je dois avouer qu’il est parfois difficile de tirer des conclusions claires.

Nous avons entendu ce qu’a dit le directeur parlementaire du budget. Il nous a recommandé de présenter des demandes toutes simples au gouvernement afin que nous soyons mieux en mesure d’effectuer notre travail. Parmi les recommandations du directeur parlementaire du budget, est-ce qu’il y en a une que vous privilégieriez pour demander au gouvernement de mettre de l’ordre dans la façon dont il nous présente l’information? Merci.

La sénatrice Marshall [ - ]

Oui. Merci beaucoup de la question, sénatrice Galvez. Selon moi, il faudrait demander au gouvernement de relancer le projet sur la réforme des budgets des dépenses. Lorsque le ministre Brison était aux commandes, il a tenté de mettre en œuvre deux solutions au cours de deux années consécutives. Les solutions n’étaient pas parfaites, mais elles étaient utiles. Alors que nous nous efforçons de bien comprendre budget des dépenses, je dois dire que j’ai trouvé cela très motivant d’essayer des choses différentes pendant ces deux années. Le ministre Brison était très à l’écoute; il a témoigné de nombreuses fois au Comité des finances et il y participait activement. Je dirais que c’est la priorité numéro un.

J’aimerais parler rapidement de la priorité numéro deux. Je pense que le gouvernement devrait déployer plus d’efforts pour nous fournir les renseignements financiers. J’ai parfois l’impression qu’il nous les cache intentionnellement. Nous ne pouvons donc pas les vérifier. Si le gouvernement ne nous donne pas l’information, tout ce que je peux dire, c’est qu’il me manque de l’information. S’il me donnait les comptes publics, je pourrais probablement poser 500 questions, mais pour le moment, tout ce que je peux demander, c’est : « Où sont les comptes publics? » Nous les avons maintenant, mais notre examen est terminé. Nous allons discuter de notre rapport demain. Ce n’est vraiment pas idéal comme situation.

Sénatrice Galvez, j’ai l’habitude de manier les chiffres, alors je ne suis pas intimidée par les documents gouvernementaux. Comme je le disais à la présidente du Conseil du Trésor l’autre jour, pour étudier le Budget supplémentaire des dépenses (B), j’ai presque besoin d’une calculatrice, d’une feuille et d’un crayon pour prendre des notes et vérifier des choses, car le gouvernement ne nous donne pas d’information.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénatrice Dupuis, voulez-vous poser une question?

L’honorable Renée Dupuis [ - ]

La sénatrice Marshall accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Marshall [ - ]

Oui.

La sénatrice Dupuis [ - ]

Merci, sénatrice Marshall, pour vos commentaires. Vous avez parlé de toutes les dépenses qui sont autorisées par d’autres lois que les lois de crédits. Des dépenses législatives sont prévues cette année, y compris 233 milliards de dollars.

Quand vous avez mentionné qu’il n’y avait pas de mécanisme parlementaire pour réviser ces dépenses, qu’est-ce que vous suggérez comme mécanisme de révision parlementaire pour que les législateurs que nous sommes puissent remplir leur mandat de rendre le gouvernement responsable de ses dépenses?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénatrice Dupuis, nous avons des problèmes audio, donc l’interprétation n’a pas pu se faire. Nous sommes vraiment désolés de ce problème technique, mais il semble que les interprètes ne peuvent vous entendre et interpréter vos propos en anglais. Ainsi, la sénatrice Marshall ne peut répondre à votre question.

Par contre, il vous sera possible de poser votre question à l’étape de la troisième lecture, si vous le désirez. Le problème technique sera peut-être réglé à ce moment-là.

La sénatrice Dupuis [ - ]

Est-ce que vous souhaitez que j’inscrive ma question dans le clavardage de la séance hybride du Sénat?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Il semble, sénatrice Dupuis, que ce ne sera pas possible.

La sénatrice Dupuis [ - ]

Merci.

L’honorable Kim Pate [ - ]

Je vous remercie, sénatrice Gagné et sénatrice Marshall, de vos commentaires. Comme plusieurs autres, je remercie également tous les membres du Comité des finances et tout le personnel de soutien.

Honorables sénateurs, le gouvernement s’est engagé à faire en sorte que tout le monde profite de la relance, que la réponse à la COVID-19 ne laisse tomber personne pendant ou après la pandémie. La vérité jusqu’à présent, c’est que, bien honnêtement, nous sommes bien loin du compte.

Une part importante du Budget supplémentaire des dépenses (B) concerne la réponse à la pandémie. Des millions de Canadiens se trouvent toujours sous le seuil de la pauvreté et, pourtant, pendant presque deux années, les personnes dans le besoin n’ont pas eu accès aux importantes mesures d’aide financière. Les données s’accumulent quant aux coûts humains, sociaux et financiers évitables liés au nombre disproportionné — on parle de plusieurs millions — de femmes, d’Autochtones, d’Afro-Canadiens et d’autres personnes racisées et de personnes handicapées qui sont exclus.

Nous avons l’occasion, et le devoir, d’exhorter le gouvernement à faire preuve de courage. L’ère post-pandémique ne devrait pas être un simple retour à la normale, mais l’occasion de travailler à accroître l’égalité.

Les programmes comme la Prestation canadienne d’urgence et la Prestation canadienne de relance économique ont montré ce que les mesures de soutien direct du revenu peuvent faire pour les personnes dans le besoin. Pour de nombreuses personnes qui ont perdu leur travail ou leur revenu à cause de la pandémie, recevoir 2 000 $ par mois signifiait qu’elles pouvaient prioriser leur santé et leur bien-être, ceux de leur famille et de leur collectivité sans craindre de ne pas pouvoir nourrir leur famille ou de se faire évincer de leur logement.

Dans le cas des personnes non admissibles aux programmes tels que la Prestation canadienne d’urgence en raison d’un revenu trop faible, de nouvelles données réaffirment l’insuffisance des mesures de soutien de rechange offertes. Aux prestations d’aide sociale déjà inadéquates se sont ajoutées des mesures de soutien d’urgence inadéquates pendant la pandémie. Dans certaines provinces, une personne seule ne disposait que de 660 $ par mois. Ce montant devait couvrir non seulement les nécessités quotidiennes, telles que le logement, la nourriture et les vêtements, mais également les nombreux coûts supplémentaires liés aux mesures prises pour tenter de sortir sain et sauf de la pandémie.

Dans bien des provinces et des territoires, les prestations d’urgence provinciales ou territoriales liées à la pandémie pour les assistés sociaux représentaient seulement de 1 à 2 % du montant touché par les bénéficiaires de la Prestation canadienne d’urgence. On parle de 24 $ par mois, ou moins d’un dollar par jour.

Partout au Canada, des gens ont été laissés dans une situation de pauvreté à un moment où il est devenu impossible d’ignorer le lien entre la stabilité économique, la santé et le bien-être. Aucune province et aucun territoire n’a offert une aide suffisante pour sortir les gens de l’extrême pauvreté, et encore moins pour les hisser au-dessus du seuil de la pauvreté.

Même chez les personnes ayant pu accéder à des programmes tels que la Prestation canadienne d’urgence, on relève de nettes différences de résultats entre les plus démunies et les mieux nanties.

Selon le directeur parlementaire du budget, cette année, environ 88 222 aînés à faible revenu au Canada ont perdu une partie ou la totalité des paiements qu’ils reçoivent dans le cadre du programme de Supplément de revenu garanti, un programme de revenu de base non lié à la pandémie sur lequel ils comptent pour joindre les deux bouts. Pourquoi? C’est parce qu’ils ont demandé la PCU l’an dernier et que l’État a inclus ces versements dans leur revenu de l’an dernier lorsqu’il a calculé leur nouveau Supplément de revenu garanti cet été.

La situation est pire pour les nombreuses personnes qui ont demandé la PCU de bonne foi et qui ont ensuite découvert qu’elles n’étaient pas admissibles à la recevoir. On leur demande de rembourser la PCU au gouvernement. Or, leur Supplément de revenu garanti a été réduit. Où trouveront-ils l’argent nécessaire pour rembourser le gouvernement? Comment pourront-ils survivre à cette situation, voire vivre?

Des familles ont également vu leur Allocation canadienne pour enfants être réduite pour la même raison. Depuis au moins le mois de mai, les fonctionnaires fédéraux reconnaissent qu’il existe un problème avec la PCU et d’autres mesures de soutien semblables liées à la pandémie, comme la Prestation canadienne de relance économique et la Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement qui a récemment été proposée. Cependant, ils n’ont pris aucune mesure corrective. C’est pour les prestataires à faible revenu que l’impact a été le pire.

Si la PCU a donné les résultats escomptés pour de nombreux prestataires à revenu élevé, les programmes n’ont pas réussi à empêcher les difficultés économiques des moins fortunés, ils les ont seulement retardées. Dans ce contexte, au cours de la première année de la pandémie de COVID-19, la fortune de 47 milliardaires canadiens a augmenté de 78 milliards de dollars.

Les inégalités sur le plan de la richesse s’accroissent au Canada depuis des décennies. En 2019, un quart de la richesse nette des ménages canadiens appartenait à 1 % des ménages. Les 40 % de Canadiens ayant le moins de ressources financières ne détenaient que 1,1 % de la richesse totale du pays.

Jusqu’à maintenant, les politiques économiques liées à la pandémie ont renforcé ou, pire encore, accentué les inégalités.

Honorables sénateurs, nous n’avons pas encore assuré la reprise économique pour tous et nous avons l’obligation de n’exiger rien de moins.

À l’aube de la pandémie, dans plus de la moitié des ménages où les gens souffraient de la faim, les membres de la famille travaillaient, mais ils ne gagnaient pas assez d’argent pour se procurer des biens de première nécessité. Les inégalités économiques nuisent aux conditions sanitaires et sociales. Elles contribuent aussi à des situations scandaleuses et inacceptables, comme l’augmentation constante de la dépendance aux banques alimentaires. Beaucoup trop de personnes obligées d’avoir recours aux banques alimentaires sont des aînés et des personnes handicapées. Un grand nombre de banques alimentaires signalent aussi qu’une part importante de leur clientèle est composée de travailleurs, qui sont trop nombreux à vivre aussi dans des refuges pour sans-abri. Les banques alimentaires ont été créées comme des mesures temporaires. Elles sont devenues des solutions permanentes très coûteuses qui traitent les symptômes, mais qui ne s’attaquent pas aux causes profondes de la pauvreté, des salaires insuffisants et des mesures de soutien du revenu.

Les inégalités économiques grandissantes entraînent des coûts accrus liés à l’itinérance, aux refuges, au système de justice pénale et aux soins de santé d’urgence. Elles nuisent aussi énormément à la croissance économique.

En 2014, l’Organisation de coopération et de développement économiques a découvert que les inégalités grandissantes dans les pays riches nuisaient considérablement au produit intérieur brut.

Par ailleurs, le World Social Report 2020 de l’ONU souligne qu’on associe une croissance économique plus lente à une inégalité des revenus, en particulier à cause des disparités en matière de soins de santé et d’éducation.

Aujourd’hui, le Conseil consultatif national sur la pauvreté a indiqué qu’en 2020 le gouvernement avait réduit la pauvreté de 30 % par rapport aux niveaux de 2015, mais a prévenu que les chiffres dissimulaient de profondes inégalités qui persistent au Canada. Le conseil recommande une approche pansociétale afin de créer des systèmes équitables qui permettront d’éliminer la pauvreté.

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales attend toujours une réponse complète de la part du ministère des Finances aux questions concernant la façon dont le gouvernement évalue si les mesures qu’il propose dans le Budget supplémentaire des dépenses sont censées permettre de réaliser la relance pour tous.

Malheureusement, jusqu’à présent, on rate la cible. Honorables sénateurs, cela fait longtemps qu’on aurait dû instaurer des mesures telles qu’un revenu minimum garanti afin que personne ne soit laissé pour compte. La pauvreté met la santé, le bien-être et la vie des gens à risque. Atténuer cette pauvreté est une question de droits de la personne que le Canada ne peut se permettre d’ignorer plus longtemps.

Merci, honorables sénateurs. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

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