Projet de loi de crédits no 4 pour 2021-2022
Troisième lecture
15 décembre 2021
Propose que le projet de loi C-6, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2022, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.
Honorables sénateurs, je serai très brève, mais je tenais à expliquer clairement certains des problèmes que j’ai soulevés hier et auxquels nous nous sommes heurtés au cours de l’examen du Budget supplémentaire des dépenses (B), qui appuie le projet de loi de crédits, le projet de loi C-6. Comme je l’ai dit hier, le Budget supplémentaire des dépenses (B) est un document très difficile à lire, surtout si vous voulez examiner le lien avec le budget et les comptes publics. Nous passons du Budget principal des dépenses au budget et ensuite aux Budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C). Puis, après la fin de l’exercice financier, nous examinons les comptes publics et essayons de faire correspondre le tout.
Nous essayons simplement de retracer l’argent d’un document à l’autre et nous établissons souvent des liens entre les informations qui se trouvent dans chacun de ces documents et même dans ceux d’un autre exercice financier. Par conséquent, il serait très utile que le Conseil du Trésor entreprenne de rendre le budget des dépenses plus facile à examiner et à comprendre, surtout en ce qui concerne le budget et les comptes publics. Le Conseil du Trésor a lancé un projet il y a environ trois ou quatre ans, mais l’a ensuite abandonné. Il s’agissait toutefois d’un projet valable, et je pense donc qu’il devrait le relancer.
Hier, la sénatrice Gagné a mentionné le tableau inclus dans le Budget supplémentaire des dépenses (B). Le Conseil du Trésor devrait vraiment essayer d’améliorer ce tableau parce qu’il semble incomplet. Si une partie de l’information présentée n’est pas logique, des sections du Budget supplémentaire des dépenses (B) deviennent suspectes. Le Conseil du Trésor doit vraiment étudier à nouveau ce processus de rapprochement.
De plus, je pense que le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait envisager — s’il ne prévoit pas lancer un projet ou même s’il en a l’intention — de discuter avec les parlementaires qui utilisent les documents budgétaires pour déterminer les éléments utiles et les aspects problématiques. J’ai quelques suggestions qui seraient très faciles à mettre en œuvre et qui seraient très utiles pour les parlementaires lorsqu’ils examinent le Budget supplémentaire des dépenses.
Un autre problème que nous avons eu est lié aux comptes publics. Le gouvernement n’a publié les comptes publics pour le dernier exercice qu’hier. Nous avons donc dû attendre pendant près de neuf mois. Nous n’avions pas accès à ce document lors de notre examen du Budget supplémentaire des dépenses (B) et du projet de loi C-6. Le document a été déposé très tard. Je pense que c’était le plus long délai depuis 1994. Le gouvernement doit faire quelque chose pour accélérer le dépôt des comptes publics.
Nous attendions aussi les Rapports sur les résultats ministériels. Nous n’avons pas non plus pu nous appuyer sur ces rapports lors de notre examen du Budget supplémentaire des dépenses (B). L’année dernière, le ministre Duclos nous a envoyé ces rapports aux alentours du 7 décembre, si je ne me trompe pas. Cette année, nous allons devoir attendre jusqu’au 30 janvier.
Le gouvernement doit s’occuper de tous ces documents et s’assurer de les produire en temps opportun. Ce sont des documents de reddition de comptes : ils devraient être déposés dans les plus brefs délais pour permettre aux parlementaires de faire leur travail.
J’en viens au dernier obstacle que je voulais soulever. Le temps prévu pour l’examen du Budget supplémentaire des dépenses (B) était trop court. Nous n’avons eu qu’une courte période de trois ou quatre semaines, et le processus d’examen du Budget supplémentaire des dépenses (B) a été trop précipité. Nous avons dû presser nos témoins de nous fournir des renseignements additionnels, et nous n’avons même pas encore tout reçu. Le processus employé cette année pourrait à mon avis s’intituler « comment ne pas examiner le Budget supplémentaire des dépenses (B) et le projet de loi de crédits ».
La sénatrice Dupuis a posé une question au sujet de mon discours hier, et je ne sais pas si elle souhaite revenir sur le sujet aujourd’hui. J’ai pu obtenir ce que je crois être la question, et j’aimerais en parler brièvement. Elle portait sur un commentaire que j’ai fait au sujet de l’absence de mécanisme de révision parlementaire permanent concernant les dépenses législatives. Elle voulait savoir si j’avais une suggestion à ce sujet.
La meilleure réponse que je puisse donner à la sénatrice Dupuis, c’est que je n’ai pas encore de recommandation définitive, mais j’ai effectivement quelques suggestions. Il s’agit là d’un point que le directeur parlementaire du budget a soulevé dans son rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (B). J’en ai d’ailleurs brièvement discuté avec lui. J’y réfléchis toujours, mais je crois qu’entretemps nous devrions examiner le mandat du Comité des finances afin de déterminer si nous devrions y ajouter l’examen des dépenses législatives. Peut-être aussi que le Sénat pourrait donner un ordre de renvoi au Comité des finances afin qu’il procède à cet examen. Ce serait une possibilité.
Quand j’ai parlé des dépenses législatives, c’était dans le contexte des projets de loi de crédits supplémentaires. Cependant, l’enjeu dépasse ce contexte. Certaines de ces dépenses législatives sont approuvées en vertu de mesures législatives qui ont été adoptées il y a des dizaines d’années. Je pense que les mesures législatives relatives à la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti sont désuètes. Je pense qu’il serait judicieux d’examiner ces dépenses législatives en tenant compte de cette vieille législation.
L’Allocation canadienne pour enfants est une prestation plus récente, mais des ajustements y ont été apportés au cours des dernières années. C’est un paiement assujetti à la Loi de l’impôt sur le revenu. Il serait avantageux d’examiner ces mesures législatives pour déterminer si ces programmes cadrent avec la réalité de la société d’aujourd’hui.
En ce qui concerne les dépenses législatives, je ne sais pas ce qui est inscrit dans le Règlement de la Chambre des communes. Je n’oserais jamais empiéter sur les plates-bandes de l’autre endroit — surtout son Règlement —, mais c’est aussi un élément que nous pourrions regarder pour ensuite en discuter avec nos collègues de l’autre endroit.
Sénatrice Dupuis, voulez-vous prendre la parole ou poser une question?
Je voudrais poser une question à la sénatrice Marshall, si elle accepte.
Sénatrice Marshall, accepteriez-vous de répondre à une question?
Oui.
Sénatrice Marshall, je vous remercie d’avoir répondu à la question que j’avais posée hier et qui n’avait pas réussi à trouver son chemin à travers les systèmes d’interprétation du Sénat.
Dans la réponse que vous formulez aujourd’hui, croyez-vous que non seulement le mandat du Comité sénatorial permanent des finances nationales mériterait d’être revu pour poser la question plus particulière des dépenses législatives, mais croyez-vous aussi qu’éventuellement, un comité plénier pourrait traiter l’ensemble de la question que vous avez soulevée hier, qui est une question extrêmement importante en matière d’imputabilité du gouvernement? Pensez-vous qu’un comité plénier pourrait être un moyen, entre autres, d’y arriver?
Je ne nie pas que les comités pléniers ont parfois leur utilité, mais ils sont loin selon moi de remplacer le travail réalisé par les différents comités. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Quand le Comité des finances se réunit, il peut aller au fond des choses et demander aux fonctionnaires de lui fournir des détails supplémentaires. En comité plénier, on n’a qu’une chance et il ne faut pas la rater. Si vous n’obtenez pas la réponse que vous cherchiez, tant pis pour vous. Les membres des comités permanents, au contraire, peuvent poser plusieurs questions et demander des suppléments d’information.
Ai-je bien compris, sénatrice Marshall — et je pense que c’était l’esprit de votre proposition —, qu’un éventuel comité plénier ne remplacerait pas le travail, par exemple, du Comité sénatorial permanent des finances nationales? Il pourrait même faire des travaux à la suite d’un premier travail de déblayage du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Si je comprends bien, vous nous dites qu’on peut avoir en parallèle deux types de moyens pour arriver à trouver des réponses aux questions que vous posez?
Pour être bien honnête, je vois mal comment un comité plénier pourrait remédier aux problèmes et répondre aux questions que vous soulevez.
Honorables sénateurs, je prends respectueusement la parole depuis le territoire traditionnel de la Première Nation de Kwanlin Dün du Conseil des Ta’an Kwäch’än.
Je veux remercier le personnel du Sénat qui aide le Comité des finances nationales, ainsi que les employés du Parlement qui nous assistent dans nos tâches et nos collègues qui travaillent avec notre président très compétent, le sénateur Mockler. J’apprécie la sagesse, les compétences et l’expertise que chacun d’entre vous apporte à nos discussions.
Il y a beaucoup de points à commenter dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2021-2022. Mon éminente et estimée collègue la sénatrice Marshall a abordé un grand nombre de ces points. Je désire en particulier joindre ma voix à la sienne pour exprimer ma vive inquiétude en ce qui concerne le fait que — à la différence de certaines provinces et du Yukon —, d’après leurs lois sur la gestion des finances publiques, ces entités doivent présenter chaque année leurs comptes publics au plus tard le 31 octobre.
Nous attendons encore de voir les comptes publics du gouvernement du Canada. Plus exactement, comme l’a dit la sénatrice Marshall, nous en avons seulement pris connaissance hier. À titre d’ancienne ministre des Finances du Yukon, je me souviens très bien de cette disposition législative et du calendrier à respecter pour présenter ce type d’information. Nous n’avons pas encore reçu de réponse satisfaisante quant à la raison pour laquelle le gouvernement du Canada a mis si longtemps à nous présenter cette information.
Honorables sénateurs, la sénatrice Pate a parlé de l’absence de progrès, d’initiatives ou de mesures pour assurer un revenu minimum garanti. Dans la dernière année, il y a eu plus d’une occasion pour le gouvernement du Canada de travailler avec l’Île-du-Prince-Édouard, et peut-être avec le Yukon, en vue de mettre en place un revenu minimum garanti. Comme bien d’autres, je suis déçue que le gouvernement n’ait pas saisi cette occasion de lutter contre la pauvreté au Canada et d’apporter un changement révolutionnaire dans la vie des Canadiens.
Mes savants collègues du Sénat nous ont rappelé que nous sommes ici pour représenter les régions et les minorités et pour servir le Canada. J’ai remarqué que nombre de mesures du projet de loi C-6 dont mes collègues ont parlé touchent ma région et la population canadienne, et qu’il y a bien des choses dont nous pourrions discuter.
Parmi les mesures qui n’ont pas été mentionnées dans les discours liés à ce budget supplémentaire des dépenses, il y a le financement supplémentaire pour le tourisme au Canada. Ce financement est une bonne chose pour l’ensemble de notre vaste pays, plus particulièrement pour les régions rurales, puisque toutes les collectivités du pays ont des attraits touristiques.
Je félicite le gouvernement d’avoir prévu un montant supplémentaire de 25 millions de dollars dans le Budget supplémentaire des dépenses pour le tourisme au Canada. L’une des plus sages recommandations que l’on m’ait faites, et je l’ai transmise à mes propres enfants, c’est de visiter d’abord son propre pays. Je suis heureuse que le gouvernement du Canada vienne en aide à l’un des secteurs le plus durement touchés et encourage les Canadiens à explorer ce vaste et magnifique territoire.
Je pourrais parler longtemps du financement pour l’industrie touristique et les avantages de cette industrie, mais je voudrais laisser à d’autres savants collègues, notamment à l’une de nos plus récentes collègues, la sénatrice Sorensen, de Banff, le soin de donner plus de détails sur la valeur et l’importance du tourisme. Je me réjouis à la perspective d’entendre ce qu’elle a à dire.
Le Comité des finances nationales est guidé par des principes directeurs, notamment la transparence, la responsabilité, la prévisibilité et la fiabilité. J’aimerais consacrer le temps qu’il reste à ma courte allocution à une question qui est en quelque sorte liée à la responsabilité, à savoir les postes dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2021-2022 qui concernent les changements climatiques dans le Nord, plus précisément au Yukon.
Les honorables sénateurs savent que les régions du Nord et de l’Arctique sont les plus touchées par les changements climatiques. Le Yukon ne fait pas exception. Dans son document intitulé Notre avenir propre : La stratégie du Yukon sur les changements climatiques, l’énergie et l’économie verte, le gouvernement du Yukon présente les mesures que prendra le territoire pour contrer les effets des changements climatiques. Voici certains des principaux engagements : réduire les émissions de gaz à effet de serre du Yukon provenant des transports, du chauffage, de la production d’électricité, d’autres activités commerciales et industrielles, de la gestion des déchets et d’autres secteurs de 45 % d’ici 2030; réduire les émissions de gaz à effet de serre des mines du Yukon par unité de matière produite; générer en moyenne 97 % de l’électricité du réseau principal du Yukon à partir d’énergies renouvelables d’ici 2030; veiller à ce que le Yukon soit très résilient aux effets des changements climatiques d’ici 2030; et bâtir une économie verte durable.
Je suis ravie de constater l’inclusion d’un financement fédéral de 25 millions de dollars pour ces initiatives dans le Budget supplémentaire des dépenses.
Le gouvernement prévoit également une somme de 13 millions de dollars pour des projets d’hydroélectricité et d’interconnexion des réseaux électriques dans le Nord dans le Budget supplémentaire des dépenses. Ces fonds s’avèrent nécessaires pour assurer aux collectivités nordiques un approvisionnement en énergie à la fois fiable et propre. Le Budget supplémentaire des dépenses comprend aussi des fonds destinés à un poste budgétaire visant la transition des communautés autochtones dépendantes du carburant diesel vers de l’énergie propre.
Les Canadiens et les sénateurs ont peut-être vu l’émission The National à la CBC, qui parlait du projet d’énergie solaire d’Old Crow au Yukon, soit une initiative de la Première Nation des Gwitchin Vuntut, une Première Nation autonome du Yukon, du gouvernement du Yukon et de la Société de développement du Yukon. Ce n’est toutefois qu’une des initiatives proposées.
La Première Nation de White River, qui est située à Beaver Creek, près de la frontière de l’Alaska, et qui constitue la collectivité la plus à l’ouest au Canada, prévoit d’aménager une centrale solaire et de stocker l’énergie dans des batteries. À l’heure actuelle, la collectivité dépend entièrement du diésel pour s’alimenter en énergie. D’autres centrales solaires ont été installées pour les Premières Nations de Champagne et d’Aishihik ainsi que pour la Première Nation Tr’ondëk Hwëch’in, près de Dawson City. La transition vers des sources d’énergie renouvelables est particulièrement importante pour les petites collectivités qui dépendent actuellement de sources d’énergie dispendieuses et polluantes telles que le diésel. Non seulement ces projets d’énergie renouvelable sont bons pour l’environnement et aident à réduire l’empreinte carbone du Yukon, ils favorisent l’autodétermination pour les collectivités du Yukon en ce qui concerne leurs besoins énergétiques et constituent une source de revenu potentiel pour les collectivités qui revendent l’énergie excédentaire à la Société d’énergie du Yukon.
Avec l’aide financière du Canada, y compris l’argent prévu dans ce budget supplémentaire des dépenses, les Premières Nations du Yukon, tant celles qui ont une entente d’autonomie gouvernementale que celles qui n’en ont pas, les municipalités, le gouvernement du Yukon et les Yukonais prennent des mesures concrètes pour mettre au point des technologies énergétiques locales, renouvelables et propres qui réduiront notre empreinte carbone et nous permettront de faire face aux changements climatiques.
Chers collègues, en vous transmettant ces renseignements dans le cadre de l’étude du budget supplémentaire des dépenses, j’espère vous avoir procuré un sentiment de responsabilité à l’égard de ces fonds. Cette relation financière fondée sur une coopération positive n’est qu’un petit aperçu des relations de gouvernement à gouvernement entre le Canada, le Yukon et les Premières Nations du Yukon.
Chers collègues, j’ai abordé brièvement quelques éléments du projet de loi de crédits, le projet de loi C-6. Je sais qu’il en reste beaucoup d’autres et j’espère avoir l’occasion de les aborder éventuellement. Cela dit, je profite du peu de temps qu’il me reste pour vous remercier de m’avoir donné l’occasion de vous parler de ces quelques éléments.
En tant qu’ancienne ministre des Finances et ancienne chef de l’opposition d’une assemblée législative, je reconnais l’importance du Budget supplémentaire des dépenses. Je donne mon appui au projet de loi C-6 et recommande à mes collègues de l’adopter aussi rapidement que possible, parce qu’il s’agit d’une mesure législative importante permettant de débloquer les fonds dont les Canadiens ont tellement besoin.
Je vous remercie encore une fois de me donner l’occasion de travailler avec mes collègues du Comité des finances nationales et avec vous tous au Sénat.
Mahsi’cho. Gùnáłchîsh. Merci beaucoup de m’avoir accordé votre temps aujourd’hui.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)