LE SÉNAT — Projet de loi sur le logement et l'épicerie à prix abordable
Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier
13 décembre 2023
Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence.
Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises — mais, tel qu’il est ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Le comité accueillera Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances, et François-Philippe Champagne, c.p., député, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie.
Je les invite maintenant à entrer, accompagnés de leurs fonctionnaires.
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Chrystia Freeland, l’honorable François-Philippe Champagne et leurs fonctionnaires prennent place dans la salle du Sénat.)
Madame et monsieur les ministres, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter vos fonctionnaires et à faire vos observations préliminaires.
Bonjour et merci, Madame la Présidente intérimaire. Merci à tous les sénateurs.
Nous sommes accompagnés de Miodrag Jovanovic, sous-ministre adjoint principal, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada; c’est un homme très important et nous sommes heureux qu’il soit avec nous. Samir Chhabra, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché, Innovation, Sciences et Développement économique Canada se joint aussi à nous.
C’est un plaisir pour François-Philippe Champagne et moi-même d’être ici aujourd’hui pour discuter du projet de loi C-56. J’ai une brève déclaration à faire, après quoi nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Le projet de loi C-56 est l’un des piliers de notre plan économique.
Par l’entremise de la Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable, notre gouvernement pose de nouveaux gestes concrets pour construire plus de logements plus rapidement et pour rendre la vie plus abordable pour les Canadiens et les Canadiennes. Je tiens à souligner pourquoi il est si important que le Sénat appuie cette mesure législative.
D’abord, nous éliminons la taxe sur les produits et services (TPS) pour la construction de nouveaux immeubles destinés à la location, ce qui va encourager la construction de plus de logements plus rapidement dans tout le pays. L’idée est de permettre aux constructeurs de tirer leur épingle du jeu en rendant plus abordable la construction d’un plus grand nombre d’habitations qui autrement, ne pourraient pas voir le jour en raison des coûts de construction.
Par exemple, dans le cas d’un logement locatif de deux chambres à coucher évalué à 500 000 $, le constructeur aura droit à un allègement fiscal fédéral de 25 000 $, ce qui veut dire que la construction elle-même lui coûtera moins cher. Notre plan donne déjà des résultats. Pour vous donner un exemple, un promoteur torontois a annoncé, après avoir pris connaissance de cette mesure, qu’il bâtirait 5 000 logements locatifs un peu partout au pays. Or, ce projet aurait été mis sur la glace sans la mesure fédérale — et il ne s’agit que d’un promoteur.
Aujourd’hui, environ le tiers des Canadiens louent leur habitation, et qu’il s’agisse d’étudiants, de familles, de jeunes professionnels, d’aînés ou de néo-Canadiens, il faut que nous bâtissions plus de logements locatifs et que nous accélérions la cadence de construction. Je crois que nous souscrivons tous à cet objectif.
Le projet de loi C-56 renforcera également la concurrence dans l’ensemble des secteurs économiques, mais plus particulièrement entre les épiceries. Plus la concurrence est forte, plus les prix sont bas et plus il y a de choix, alors en renforçant la concurrence et en nous attaquant aux pratiques injustes et anticoncurrentielles, nous contribuerons à stabiliser les prix, pour le bien des Canadiens.
Nous souhaitons modifier la Loi sur la concurrence afin de donner au Bureau de la concurrence le pouvoir d’enquêter concrètement et de sévir contre les ententes illicites sur les prix. Nous supprimons également la « défense fondée sur les gains en efficience » dans le but de mettre fin aux fusions anticoncurrentielles, qui poussent les prix à la hausse et restreignent les choix offerts aux Canadiens. Nous donnons au Bureau de la concurrence le pouvoir de mettre un terme aux situations où les grandes surfaces empêchent leurs concurrents de moindre taille de s’établir à proximité.
Dans le cadre de son plan économique, notre gouvernement continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir pour bâtir une économie centrée sur le bien-être de tout le monde, et c’est exactement ce que le projet de loi nous aidera à faire.
En cette période de profondes dissensions dans de nombreux pays, j’ai le plaisir de dire que la Chambre a adopté à l’unanimité le projet de loi C-56 lundi dernier. J’espère sincèrement qu’il obtiendra le même appui dans cette enceinte.
Merci beaucoup. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Merci beaucoup. Avant de commencer, je rappelle qu’il y a beaucoup de questions. Il faudrait donc idéalement que les réponses soient précises et directes. La première période de 10 minutes commence avec la sénatrice Marshall.
Bienvenue au Sénat, madame la ministre. Je vais commencer par vous. Dans l’énoncé économique de l’automne, on estime à 4,5 milliards de dollars sur les six prochaines années le coût du remboursement de la TPS sur les nouveaux logements locatifs. Combien de logements ces 4,5 milliards de dollars permettront-ils de créer selon vous?
Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Il est difficile d’évaluer précisément le nombre de nouveaux logements qui seront construits au cours de cette période. Cela dépend beaucoup des conditions macroéconomiques générales du pays.
Selon Mike Moffatt, l’un des plus éminents spécialistes du Canada en matière de logement, cette mesure devrait entraîner la construction de 200 000 à 300 000 logements supplémentaires.
Merci de l’information. Selon vous, en quelle année les premiers logements seront-ils prêts? Ce programme durera six ans, et nous n’en sommes qu’à la fin de la première année.
Comme vous le savez très bien, sénatrice, le programme s’échelonne sur de nombreuses années. Il s’applique à partir de la date de l’annonce, car l’idée était de créer un incitatif pour les nouvelles constructions, et il dépend beaucoup de la durée de chaque projet.
Il y a peut-être 10 jours, j’étais dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver sur les lieux d’un projet de logements abordables financé par le programme de logement abordable du gouvernement fédéral. Je me suis rendue sur les lieux pour la première fois il y a deux ans, à l’été 2021, lorsque les travaux ont débuté. Il y a quelques semaines, j’ai visité des logements dont la construction était achevée. Il y a 231 logements abordables achevés. En mai, les locataires commenceront à emménager. Les travaux de construction peuvent donc se faire rapidement et nous espérons que ce sera le cas.
Cela prendra donc deux ans?
Non, je n’ai pas dit cela. La date d’achèvement dépend du projet, mais je vous ai donné l’exemple d’un projet précis.
Le projet de loi C-56 indique également que le programme de remboursement pour les logements locatifs sera en place pendant 13 ans, mais le coût estimatif de 4,5 milliards de dollars ne couvre que les six prochaines années. Quel est le coût estimé pour les sept autres années?
Merci beaucoup, sénatrice. Le but du programme est de créer un incitatif à la construction parce que nous sommes en pleine crise du logement. Cependant, il fallait que ce soit un programme pluriannuel. Nous ne pouvions pas avoir un programme qui durait seulement un an parce que, comme nous le savons tous, la planification, l’obtention de permis et l’obtention de fonds pour la construction prennent un certain temps.
C’est pourquoi il s’agit d’un programme pluriannuel. Il ne s’agit pas, cependant, d’un programme à durée indéterminée, car nous pensons qu’il sera important pour les futurs gouvernements d’évaluer s’il est indiqué de maintenir ce crédit d’impôt.
Je profite de l’occasion, toutefois, pour dire à tous ceux qui s’intéressent à la construction de logements locatifs au Canada que ce programme existe et qu’il modifie considérablement les aspects économiques de la construction. Nous avons également ajouté 20 milliards de dollars au Programme des obligations hypothécaires du Canada, ce qui apporte un soutien financier supplémentaire à la construction de logements locatifs, et nous espérons que les constructeurs canadiens en profiteront.
Le Fonds pour accélérer la construction de logements assouplit également les exigences en matière de permis et de zonage à l’échelle du Canada et permettra de construire plus rapidement des logements locatifs.
Vous avez indiqué qu’il ne s’agissait pas d’un programme à durée indéterminée, mais c’en est un. Il durera jusqu’en 2036. Vous avez donné une estimation pour les six premières années, mais pas pour les sept années suivantes. Pourquoi ne pas estimer le coût du programme afin que les gens sachent exactement à combien il s’élève?
En fait, madame la sénatrice, le programme que nous avons mis en place s’échelonne sur plusieurs années parce que nous savons — et je crois que tout le monde ici le sait — que la construction et la réalisation de projets prennent du temps. Voici le message que nous souhaitons communiquer aux promoteurs au moyen de ce programme : premièrement, nous souhaitons que vous construisiez davantage et plus rapidement; deuxièmement, nous souhaitons que les constructeurs délaissent les condominiums au profit du logement locatif. Évidemment, à Toronto, la ville que je représente, la vaste majorité des projets portent sur la construction de condominiums parce que le financement est plus facile. En éliminant la TPS sur les logements construits spécialement pour la location, nous avons changé la donne pour les constructeurs. Les Canadiens voient déjà les choses bouger, précisément dans le secteur du marché où il faut davantage de logements.
L’économiste en chef à la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou SCHL, nous a confié que la société n’avait pas eu le temps d’évaluer l’incidence d’un programme de 4,5 milliards de dollars. Pourquoi le gouvernement s’engagerait-il à dépenser 4,5 milliards de dollars pour un programme sans en faire au préalable une évaluation d’impact?
Madame la sénatrice, j’espère que vous et vos collègues sénateurs conviendrez que le logement constitue un élément fondamental du bien-être des Canadiens et de la prospérité économique nationale. Nous estimons qu’il y a une crise du logement et qu’il est absolument essentiel de faire construire plus d’habitations plus rapidement. J’aurais moi-même du mal à expliquer à un jeune Canadien qui a de la difficulté à se loger pourquoi nous avons retardé ce programme essentiel.
Madame la ministre, vous avez affecté 4,5 milliards de dollars à un programme bien peu détaillé. Vous ne pouvez pas nous dire avec précision le nombre de logements qui sont construits. L’économiste en chef de la SCHL nous a dit que la société n’avait même pas effectué une évaluation d’impact de ce programme de 4,5 milliards de dollars.
Le programme, madame la sénatrice, est clair et simple. C’est là sa force. Nous avons simplement dit que nous éliminions la TPS sur les logements à vocation locative. De nombreuses provinces nous ont emboîté le pas.
Merci.
Selon moi, madame la sénatrice, ce n’est pas le moment d’ajouter des formalités administratives qui nuiront à l’accélération de la construction de logements au Canada.
Merci.
J’espère que tous les sénateurs, tant conservateurs que progressistes, seront d’accord.
Madame la ministre, vous avez intitulé le chapitre 1 de votre énoncé économique de l’automne « Plan d’action canadien pour le logement ». Lors d’une récente réunion du Comité sénatorial des banques, à laquelle j’ai participé, le ministre Fraser a dit que l’énoncé économique de l’automne n’incluait aucune stratégie précise, et que le gouvernement travaillait à l’élaboration d’un plan global. Autrement dit, il n’y a pas de plan. La présidente et première dirigeante de la SCHL a dit la même chose. Elle a confirmé qu’il n’y avait pas de plan.
Compte tenu des sommes importantes déjà consacrées à la construction de logements, auxquelles vous avez fait allusion, et des 4,5 milliards de dollars qui seront investis dans ce programme, pourquoi n’y a-t-il pas de plan pour construire des logements? Des milliards de dollars sont dépensés, mais il n’y a pas de plan.
Madame la sénatrice, avec tout le respect que je vous dois, permettez-moi de vous dire que je ne suis pas du tout d’accord. Nous avons bel et bien un plan pour construire des logements et nous en faisons la preuve chaque jour...
Votre ministre du Logement n’est pas d’accord avec vous.
Eh bien, c’est moi qui parle maintenant. Je suis certaine que le ministre de l’Industrie sera d’accord avec moi.
Le ministre du Logement...
Je lui parle souvent. D’ailleurs j’étais à une conférence de presse en sa compagnie pas plus tard que mardi matin, c’est-à-dire hier en fait, et nous avons annoncé l’étape la plus récente de notre plan pour construire des logements, qui consiste à préautoriser des plans d’immeuble pour que la construction domiciliaire se fasse plus rapidement.
Le Globe and Mail, qui n’approuve pas toujours ce que fait le gouvernement, vient tout juste de publier un éditorial où il dit que ce plan ressemble à certaines mesures prises en urgence par le gouvernement du Canada après la Seconde Guerre mondiale et que c’est exactement ce dont le pays a besoin maintenant.
Nous en faisons toujours plus chaque jour pour que la construction domiciliaire s’accélère, que ce soit l’exemption de la TPS sur les nouveaux immeubles à vocation locative, un financement accru pour la construction d’appartements, la somme de 15 milliards de dollars prévue dans l’énoncé économique de l’automne, le Fonds pour accélérer la construction de logements, l’augmentation de l’enveloppe budgétaire du logement abordable ou le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété.
Nous en faisons de plus en plus chaque jour parce nous traversons une crise.
Je vous prie d’envoyer un exemplaire de votre plan pour construire des logements au ministre du Logement ainsi qu’à la première dirigeante de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, et de nous en faire parvenir une copie également. Merci.
Il figure dans l’énoncé économique de l’automne. J’ai apporté des exemplaires pour que les sénateurs puissent en prendre connaissance.
Ce n’est pas un plan.
Je ne crois pas que notre travail en matière de logement soit terminé. Je pense que nous devons en faire plus chaque jour. C’est le dossier le plus urgent pour les Canadiens. Nous ne prétendons pas que notre travail est terminé, au contraire, nous faisons des choses importantes. Nous avons pris des mesures importantes cet automne. La suppression de la TPS sur la construction de logements locatifs est une étape importante. J’espère que les sénateurs le comprendront. J’espère qu’ils verront la réaction du marché. J’espère qu’ils reconnaîtront les besoins. Nous continuerons à en faire plus chaque jour et chaque semaine.
Le projet de loi C-56 fournit peu de détails sur le programme de remboursement de la TPS/TVH pour la construction d’immeubles à logements locatifs. Vos fonctionnaires ont expliqué qu’il y aura ultérieurement publication d’un règlement étoffant les détails du programme, mais ils n’ont pas été en mesure de fournir une date ou un échéancier estimatif. Comme les entrepreneurs voudront probablement connaître les détails du programme avant de se lancer dans la construction, pouvez-vous nous dire quand le règlement sera publié?
Je suis désolée, madame la ministre. Le temps est écoulé...
J’ai une réponse à sa question. Je pourrais peut-être y répondre au début de la prochaine série d’interventions des conservateurs, parce que nous sommes déjà...
Madame la ministre, nous passons à la deuxième période de 10 minutes.
Je vous remercie, madame et monsieur les ministres, de votre présence parmi nous aujourd’hui. Bienvenue au Sénat.
Je suis bien content de voir que le Sénat est maintenant saisi du projet de loi. Souhaitons qu’il puisse l’adopter avant la pause des Fêtes. Ma question porte sur la deuxième partie du projet de loi, qui modifie la Loi sur la concurrence. Je suis favorable à tous les changements proposés et j’espère qu’ils permettront de stabiliser comme prévu le prix des aliments au Canada.
Madame la ministre ou monsieur le ministre, comment vous ou les prochains ministres feront-ils pour établir qu’il serait dans l’intérêt public de mener une enquête? Y a-t-il une série de critères ou de conditions permettant d’établir qu’il serait pertinent de mener une enquête?
Comment la consultation préalable aux enquêtes devrait-elle se faire entre le ministre et le commissaire à la concurrence?
Comment voyez-vous tout cela?
Je tiens tout d’abord à dire que c’est un honneur de répondre au sénateur de Shawinigan. C’est ma toute première question au Sénat.
Sénateur, ce que nous avons présenté aux Canadiens constitue la réforme la plus complète à voir le jour au Canada dans les 37 dernières années, je dirais. Nous avons débuté par l’étude de marché sur les épiceries. Ce n’est pas moi qui apprendrai aux sénateurs que le Bureau de la concurrence a très clairement dit qu’il ne s’agissait pas d’une étude complète, car croyez-le ou non, les autorités réglementaires du Canada n’ont pas de pouvoir d’assignation, et je dois dire qu’il s’agit d’une lacune.
Je suis avocat de formation et je me suis intéressé de près à la concurrence ailleurs dans le monde, alors je suis estomaqué de constater qu’en 2023, le Bureau de la concurrence du Canada n’a pas le pouvoir d’obliger une personne ou un organisme à produire les documents ou l’information dont les Canadiens, le gouvernement — et le Sénat, quand on y pense — ont besoin pour avoir un portrait complet de la concurrence dans un secteur d’activité donné.
Nous avons donc voulu remédier à la situation, comme vous avez pu le constater à la lecture du projet de loi — et comme l’a dit la ministre Freeland, cet aspect a reçu l’appui de tous —, le ministre aura désormais le pouvoir de mener des études ou d’en ordonner la réalisation. Il y a aura des consultations afin qu’il y ait un équilibre des pouvoirs entre le ministre et le Bureau de la concurrence. Il faudra par exemple que le mandat des études soit rendu public, et les études ne devront pas durer plus de 18 mois.
Nous voulions que les futurs ministres aient davantage de pouvoir pour fournir aux Canadiens une vue d’ensemble d’une industrie en particulier, sans toutefois imposer de fardeau excessif aux entreprises. Je pense que nous atteignons le juste équilibre en adoptant ce genre d’approche.
Selon moi, s’il y a un but que nous avons atteint grâce au projet de loi C-56, à part tout ce que la ministre Freeland a mentionné au sujet du logement... À mon avis, la meilleure façon d’accroître la concurrence au Canada est de réformer la loi. Nous voulons qu’il y ait davantage de concurrence, moins de consultations et de meilleurs prix pour les Canadiens. Si on regarde ce qui se passe dans d’autres pays, certainement ceux du G7 et de l’Organisation de coopération et de développement économiques, on constate que la meilleure façon d’assurer la stabilité des prix et d’offrir des prix plus bas est d’avoir davantage de concurrence.
L’étude de marché est un élément important parce que, comme je l’ai dit, même dans le secteur de l’épicerie, nous n’avons pas eu l’occasion de réaliser une étude complète. Toutefois, grâce à mes nouveaux pouvoirs, j’ai l’intention d’examiner de nouveau la question afin que les Canadiens soient mieux informés de l’état de l’industrie.
Bienvenue à tous les deux. Je suis ravie de voir dans le projet de loi C-56 des incitatifs fiscaux pour la construction et la propriété d’immeubles locatifs à long terme, dans le but d’augmenter l’offre de logements locatifs et de faire baisser les loyers, deux objectifs dont vous avez fait mention. Cependant, le projet de loi ne fait pas la promotion de logements abordables pour les personnes ayant un urgent besoin d’être logées, particulièrement les prestataires d’assistance sociale et les personnes qui vivent dans des refuges, sous la tente ou dans la rue. Il est fort probable qu’elles n’ont pas les moyens de se payer un logement au prix du marché.
Comment répondra-t-on aux besoins de ces groupes? Quelles mesures le gouvernement prend-il avec les provinces et les territoires, en particulier, pour établir des normes nationales et conclure des ententes de financement afin que chacun bénéficie des mesures nécessaires en matière de services sociaux, d’aide financière, de logement et de services de santé?
Je vous remercie de cette importante question. Comme je le disais à la sénatrice Marshall, nous ne prétendons pas que ce projet de loi est la seule et unique solution au problème du logement auquel le Canada fait face. C’est une mesure très importante. Nous avons pris de nombreuses autres mesures importantes, avant et pendant l’automne, y compris l’ajout de 20 milliards de dollars au Programme des obligations hypothécaires du Canada et l’annonce, pas plus tard qu’hier, de plans de construction uniformes préapprouvés.
Permettez-moi d’abord de dire que, selon moi, même si l’élimination de la TPS sur les immeubles locatifs construits à cette fin ne cible pas précisément l’abordabilité, elle y contribue. Nous croyons vraiment qu’une partie essentielle du problème du logement au Canada est simplement l’insuffisance de l’offre. Nous avons la chance d’être un pays en croissance, et l’offre de logements ne suit pas le rythme de la population. Il y a simplement un problème d’offre.
Comme je le disais à la sénatrice Marshall, l’offre de logements locatifs est particulièrement problématique parce que, jusqu’ici, les particularités économiques de l’industrie de la construction, surtout dans une ville comme la mienne, Toronto, ont tendance à inciter les entrepreneurs à construire des condos, qui ne finissent généralement pas sur le marché locatif.
Grâce à ce projet de loi, il y aura déjà beaucoup plus d’appartements à louer au Canada, ce qui rendra la location d’un appartement plus abordable. C’est vraiment important.
Pour ce qui est de bonifier l’offre sans tarder, la mesure que nous avons incluse dans l’énoncé économique de l’automne au sujet d’Airbnb et d’autres plateformes de location à court terme est aussi importante. Les gens se demandent, avec raison, ce que les mesures favorisant la construction de logements donnent alors que nous avons besoin de maisons maintenant. On prévoit que la mesure concernant Airbnb pourrait rendre jusqu’à 30 000 logements disponibles immédiatement.
Au sujet de l’abordabilité, nous convenons qu’il doit y avoir des programmes en place pour encourager la construction de logements très abordables. C’est ce que fait notre initiative Financement de la construction de logements locatifs, à laquelle nous avons ajouté 15 milliards de dollars dans l’énoncé économique de l’automne. Les ententes de financement pour la construction des édifices dans le cadre de cette initiative comportent différents degrés d’abordabilité.
Madame la ministre, je dois vous interrompre pour laisser la parole à quelqu’un d’autre.
J’en aurais plus à dire, mais nous pourrons y revenir. Il y a aussi les coopératives.
Madame et monsieur les ministres, merci d’être ici aujourd’hui pour répondre à nos questions sur cet important projet de loi.
Le projet de loi vise à encourager la construction de logements à vocation locative. Il contient des mesures importantes pour lutter contre la pénurie de logements et les problèmes d’abordabilité, mais il ne renferme pas de plan concernant la crise du logement chez les Autochtones. Ceux-ci sont touchés de manière disproportionnée par le problème des logements inadéquats, inabordables et inadaptés. Les Autochtones sont deux fois plus à risque d’habiter dans des logements surpeuplés et trois fois plus à risque d’habiter dans des logements qui ont besoin de travaux majeurs que la population en général, toutes régions confondues.
Madame et monsieur les ministres, au-delà de l’engagement pris dans le budget de 2022 pour combler les écarts concernant le logement des Autochtones, quel est le plan du gouvernement pour régler la crise systémique qui afflige les Premières Nations, les Inuits et les Métis en matière de logement?
Vous devez répondre à cette question.
C’est une question très importante.
Pour revenir à ma réponse à la sénatrice Pate, le fait d’augmenter grandement l’offre de logements locatifs aide tous les Canadiens, y compris les Autochtones, mais je n’irais pas jusqu’à dire que c’est une panacée.
Comme vous l’avez souligné, dans les derniers budgets, nous avons affecté des sommes importantes afin de répondre aux besoins en matière de logement des Autochtones dans les régions nordiques et rurales. Il faut maintenant veiller à attribuer ces sommes aux divers organismes. Nous y travaillons d’arrache-pied, car, comme vous l’avez dit, c’est un gros problème dans les réserves. J’ajouterais à l’intention des sénateurs que je suis particulièrement préoccupée par les problèmes de logement des Autochtones en milieu urbain, comme dans ma ville natale, Edmonton.
Merci.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui pour répondre à nos questions sur le projet de loi C-56. Je suis très content que nous commencions à voir des modifications importantes à la Loi sur la concurrence.
Ma première question d’ordre général s’adresse à vous, madame la vice-première ministre. Il n’est guère approprié de nommer le projet de loi C-56 la Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable pour faire le lien avec la concurrence, parce que la Loi sur la concurrence a une portée générale sur tous les secteurs de l’économie. Par conséquent, quel est votre point de vue sur la nécessité d’adopter une approche pangouvernementale pour stimuler une saine concurrence dans tous les secteurs de notre économie — et pas seulement dans le secteur de l’épicerie —, car nous observons une concentration accrue dans tous les secteurs, par exemple les banques, les télécommunications et le transport aérien, pour ne nommer que ceux-là?
Je vous remercie de la question. François-Philippe et moi travaillons en étroite collaboration. Je vais donc reprendre une partie de sa première réponse. Je pense sincèrement que les modifications à la Loi sur la concurrence que nous proposons et dont vous discutez au Sénat participent d’un changement générationnel au Canada. Ils découlent d’une profonde évolution — je dirais — de la façon d’aborder la concurrence au Canada. Je pense qu’ils témoignent du fait que le Canada se développe et gagne en force. Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, je pense aussi que nous n’avons plus besoin de la défense fondée sur les gains en efficience.
Je suis d’accord avec vous. La concurrence ne se limite pas aux chaînes d’alimentation, mais ce secteur est très important pour la population. Les Canadiens y accordent beaucoup d’importance en ce moment, et c’est l’un des domaines où nous pourrons rapidement constater qu’une plus grande concurrence donnerait plus de choix aux consommateurs et contribuerait à stabiliser les prix. C’est ce que ferait le projet de loi, et c’est l’une des raisons qui fait que ce changement m’emballe.
Merci beaucoup.
L’idée d’un système bancaire ouvert me plaît beaucoup, et j’espère qu’elle figurera dans le budget.
Ce n’est pas qu’une promesse. Nous allons de l’avant dans ce dossier.
Fantastique. Merci.
Monsieur Champagne, je suis très heureux de vous voir. L’article 78 de la Loi sur la concurrence traite de l’abus de position dominante. Le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a modifié cet article pour y inclure le nouvel alinéa (1)k), qui ajoute, je cite, « l’imposition directe ou indirecte de prix de vente excessifs et injuste » à la liste des infractions possibles. On a fait valoir, avec préoccupation, que cet amendement obligera le bureau à appliquer un contrôle des prix et que ce dernier a clairement indiqué qu’il ne voulait pas de cette responsabilité. Le préambule au paragraphe 78(1) fournit-il des précédents jurisprudentiels suffisants pour limiter l’application de tous les alinéas, de a) jusqu’à k), qui est proposé dans le projet de loi, seulement à un agissement qui, je cite le préambule :
[…] s’entend de tout agissement destiné à avoir un effet négatif visant l’exclusion, l’éviction ou la mise au pas d’un concurrent, ou à nuire à la concurrence […]
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, monsieur le sénateur, des efforts que vous déployez dans le dossier de la concurrence au pays depuis de nombreuses années, voire des décennies.
Je reviendrai simplement sur ce que la ministre Freeland a dit en réponse à votre première question. Il existe un lien direct entre l’abordabilité et la concurrence. Comme vous l’avez dit, c’est le cas dans le secteur de l’alimentation. Je suis d’accord avec vous, il s’agit de la réforme la plus importante depuis environ quarante ans. Comme je l’ai dit, cela nous donne plus de choix et plus de transparence. Vous avez vu le combat que nous avons mené dans le secteur de l’épicerie, mais en tant qu’autorité de réglementation des télécommunications — comme vous l’avez vu la dernière fois —, nous avons refusé la fusion pour assurer une concurrence accrue et des prix abordables au pays.
Pour revenir à votre question, la loi n’est pas l’endroit pour réglementer les prix. Je le répète devant tous les sénateurs et devant tous les Canadiens qui nous regardent, car je tiens à être bien compris : la loi n’est pas l’endroit pour réglementer les prix. Cet amendement a été apporté parce qu’il s’agit d’un agissement qui pourrait être pris en compte. Il y a déjà eu des cas du genre. Je vous rappelle que la Chambre a proposé cet amendement dans le contexte, par exemple, des stations-service dans les régions rurales. On peut certes faire un lien avec le prix, mais nous préférons nous attaquer à la cause plutôt qu’à l’effet. Voilà pourquoi, selon moi, il faut absolument renforcer la concurrence au pays. Je fais miens les propos de la ministre Freeland quand elle dit que c’est l’occasion d’une génération.
Il y a beaucoup de choses dans le projet de loi qui portent sur ce que d’aucuns appellent la défense fondée sur les gains en efficience. Cette défense n’existe dans aucun autre pays du G7. Je crois qu’il est temps que nous fassions passer les consommateurs, les Canadiens et la concurrence en premier. Une chose est sûre, la loi et le projet de loi C-56 contribueront concrètement à rétablir davantage de concurrence au Canada.
Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je poursuis avec une autre question à votre intention, monsieur.
Lorsqu’il a étudié le projet de loi, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a adopté un amendement afin d’habiliter le commissaire de la concurrence à entreprendre une étude de marché et à exiger la production de documents, pourvu que le mandat soit approuvé par le ministre. Ce sont là d’importants changements, mais certains experts doutent toujours que le commissaire dispose de l’indépendance voulue pour concevoir, entreprendre et exécuter une étude de marché et exiger la production de documents. Quelles garanties pouvez-vous fournir afin d’apaiser ces préoccupations?
Je dirais que nous avons trouvé le juste équilibre entre les deux. Comme vous le savez, le ministre avait le pouvoir d’exiger la tenue d’études de marché, mais le système comportait également un certain nombre de mesures servant de freins et de contrepoids : le mandat doit être publié, le rapport doit être présenté dans les 18 mois, sans oublier les examens judiciaires. En ce qui concerne le mandat, vous avez vu l’interaction entre le ministre et le commissaire assurant la publication du mandat et le droit des gens de le commenter.
Je crois que nous avons vraiment trouvé le juste équilibre, car du point de vue du gouvernement — qui représente l’intérêt de la population —, il est souhaitable que le ministre — qui qu’il soit dans l’avenir — puisse exiger la tenue d’une étude sur une industrie donnée. D’un point de vue plus large, le gouvernement pourrait avoir comme objectif d’examiner une industrie afin de déterminer les mesures qu’il doit prendre dans l’intérêt des Canadiens. En même temps, d’après ce que j’ai compris, la Chambre tenait à s’assurer que, si le ministre manquait à son devoir d’intervenir, le commissaire pourrait entreprendre les démarches qui s’imposent.
Je pense que c’est une bonne chose dans une certaine mesure. Il pourrait y avoir quelqu’un comme moi, qui suis très concentré là‑dessus, mais dans l’avenir, il pourrait y avoir quelqu’un qui l’est moins. Cependant, si le commissaire est là, si le ministre et le commissaire se penchent là-dessus, on peut atteindre le juste équilibre pour que ces études soient menées de façon responsable. Ces études seraient ciblées, elles seraient limitées dans le temps, elles feraient l’objet d’une révision judiciaire, et elles seraient menées conformément aux dispositions de l’article 11 en matière de confidentialité. Je pense que c’est une façon, monsieur le sénateur, d’atteindre le juste équilibre pour servir les intérêts des Canadiens.
C’est formidable. Donc, selon vous, il n’y a pas de risque d’empêcher le commissaire d’intervenir?
Je n’en vois pas. C’est tout à fait complémentaire aux autres mesures que nous avons prises. Par exemple, en ce qui concerne l’étude sur le marché de l’alimentation, nous donnons suite à bon nombre de recommandations. Par exemple, comme vous l’avez peut-être lu dans l’article paru dans le Toronto Star ce matin, nous nous penchons sur les intervenants étrangers qui pourraient s’intéresser au marché canadien. Je peux vous dire que cet amendement a été un obstacle; nous reviendrons à l’article 3 et aux ententes restrictives, ou ce qu’on appelle les contrôles de la propriété.
Croyez-le ou non, un PDG m’a dit qu’il y a de nombreuses années, son entreprise voulait entrer sur le marché canadien, mais elle n’arrivait pas à trouver de baux pour le nombre de magasins qu’elle voulait ouvrir au Canada à cause de ces ententes restrictives. Si on pouvait y remédier, il y aurait peut-être plus de concurrence dans le secteur de l’alimentation.
Tout à fait. Merci, monsieur le ministre.
J’examine l’abrogation de la défense fondée sur les gains en efficience prévue à l’article 96. Je pose une question à ce sujet parce que les États-Unis et l’Union européenne prennent tous deux en compte les gains en efficience dans le cadre d’un examen de fusion, mais pas de la manière dont l’article 96 a été rédigé. L’idée sous-jacente à l’article 96 était qu’il fallait protéger les entreprises canadiennes afin qu’elles puissent devenir suffisamment grandes pour être concurrentielles à l’échelle mondiale, mais ce raisonnement est aujourd’hui complètement discrédité par de nombreuses données probantes.
L’abrogation de l’article 96 a-t-elle pour but d’éliminer les gains en efficience proconcurrentiels de l’examen des fusions ou simplement de modifier la manière dont ces gains en efficience proconcurrentiels sont pris en compte dans l’examen des fusions en les incluant implicitement dans l’article 96 pour l’étude des effets des fusions?
C’est une efficience qui serait favorable à la concurrence. Je pense que vous avez bien compris ce dont vous avez parlé. Cette disposition a été utilisée récemment pour permettre à des fusions contraires à la concurrence de se réaliser. Le Canada a fait figure d’exception dans ce domaine. Il est temps que nous nous attaquions à cet enjeu.
Je dois dire que non seulement cette disposition a été soutenue par notre gouvernement, mais vous savez peut-être — comme je le dirais aux sénateurs conservateurs — qu’il y a également eu un projet de loi d’initiative parlementaire présenté par les conservateurs visant à abroger la défense fondée sur les gains en efficience. Je dirais qu’il y a un large consensus sur le fait qu’en tant qu’économie arrivée à maturité, nous n’en avons plus besoin.
C’est carrément une aberration — selon moi — que ce mécanisme figure encore dans les lois canadiennes. Le projet de loi réglera cette question, de sorte que les gains en efficience seront favorables à la concurrence et, comme vous le dites, que le Bureau de la concurrence en tiendra compte, ce qui est une bonne chose.
Je vous remercie.
Nous passons à la prochaine période de 10 minutes.
Merci et bienvenue, madame la vice‑première ministre et monsieur le ministre. Tout d’abord, nous vous remercions pour tout ce que vous faites pour combattre l’inflation et rendre le logement plus abordable, puisque ce sont les gens les plus démunis qui en souffrent le plus.
Je vais commencer par la vice-première ministre. Je vous prierais d’être concise dans votre réponse, parce que j’aimerais avoir la chance de poser aussi une question au ministre Champagne.
Tout le monde au Québec ne s’harmonise pas à cette mesure du gouvernement fédéral. Le ministre Girard s’est montré réticent à harmoniser les politiques québécoises aux mesures fédérales, en prétextant que le tiers des bénéfices irait aux promoteurs, que le tiers irait aux propriétaires et que le dernier tiers irait peut-être aux locataires.
Y a-t-il des études ou des mémoires que vous pourriez partager avec nous pour nous rassurer sur le fait que les locataires bénéficieront de cette mesure?
Merci de cette question. J’ai discuté de cette mesure avec le ministre Girard. Je crois que c’est aux provinces et aux territoires de décider s’ils veulent suivre l’exemple du gouvernement fédéral et éliminer la TPS sur la construction des logements locatifs.
Je crois qu’un des meilleurs spécialistes au Canada sur ce sujet est le professeur Mike Moffatt. Il a publié des études dans lesquelles il a confirmé que c’était une mesure importante. L’un des éléments vraiment importants dans les villes qui ont le plus besoin d’appartements locatifs, c’est que le financement de la construction crée aujourd’hui des mesures incitatives pour la construction de condominiums. C’est un grave problème, parce qu’à Toronto, par exemple, on n’a pas besoin de plus de condominiums, mais plutôt d’appartements locatifs. C’est l’une des raisons pour lesquelles cette mesure est si importante aujourd’hui.
Merci, madame la ministre. La crédibilité du professeur Moffatt ne pourrait pas être remise en question.
Monsieur le ministre, bienvenue. Vous avez eu des pourparlers avec les dirigeants d’épiceries et vous avez fait des efforts. On est plus ou moins dans un oligopole. J’essaie de comprendre. Y a-t-il des restrictions? Dans l’affirmative, en quoi ce projet de loi va-t-il changer les choses? Existe-t-il des politiques d’anticoncurrence lorsqu’une épicerie veut s’installer à un certain endroit et qu’elle ne peut pas le faire? Pouvez-vous nous en parler et nous dire en quoi le projet de loi changera quoi que ce soit? Vous avez environ 45 secondes.
Merci, monsieur le sénateur Gignac. Comme je le disais plus tôt à votre collègue, j’ai rencontré un représentant d’une grande chaîne aux États-Unis, qui m’a dit qu’une des raisons pour lesquelles ils ne sont pas venus au Canada depuis les dernières années, c’est parce qu’ils ne pouvaient pas louer des locaux commerciaux dans des sites en particulier, parce qu’il y avait trop de restrictions entre les locateurs et les locataires.
Dans les centres commerciaux, en région par exemple, il peut y avoir un établissement d’une grande chaîne — trois des grandes épiceries contrôlent plus de 50 % du marché — et il y a des restrictions dans les baux pour cinq kilomètres ou plusieurs kilomètres à la ronde. Il ne peut pas y avoir de concurrence. Je crois que cette disposition en particulier va changer la donne, d’une certaine façon, parce qu’on sera en mesure d’attirer des joueurs à l’avenir. Ce sont les épiciers indépendants qui sont vraiment derrière cette mesure, parce qu’ils ne peuvent pas se trouver dans les mêmes centres commerciaux que les grandes bannières. Il s’agit d’un enjeu qui restreint la concurrence au pays.
Je vous remercie et vous souhaite la bienvenue. Madame la vice-première ministre, selon un rapport récent de l’organisme Banques alimentaires Canada, il y aurait une hausse alarmante de l’insécurité alimentaire aux quatre coins du Canada. En mars dernier, les banques alimentaires canadiennes ont accueilli près de 2 millions d’usagers. Il s’agit d’une hausse de 32 % par rapport à mars 2022. De plus, selon ce même rapport, le tiers des usagers des banques alimentaires, soit plus de 600 000 ce mois-là, seraient des enfants.
On conclut dans ce rapport que les principales raisons qui poussent à avoir recours aux banques alimentaires sont le coût des aliments, les loyers élevés et les faibles salaires.
Pour gagner du temps, je passe à une autre question. De quelle façon le projet de loi aidera-t-il la population et, surtout, les endroits où il y a aussi des problèmes de logement, à sortir du cycle de l’insécurité alimentaire? Qu’est-ce qui est fait pour que ce projet de loi aide concrètement différentes populations, y compris les groupes marginalisés et vulnérables, les peuples autochtones et les habitants des régions éloignées et rurales? Voici le deuxième volet de ma question : comment le gouvernement compte-t-il mesurer l’efficacité et les effets du projet de loi C-56? Les données de référence sont-elles celles d’aujourd’hui ou d’avant la pandémie de COVID-19? Le point de référence sera-t-il la situation avant la pandémie? Dans combien de temps obtiendra-t-on les résultats optimaux?
Il s’agit d’une question importante, mais compliquée, et qui comporte plusieurs volets. Je vous remercie de l’avoir posée, sénateur, et d’avoir pensé aux plus vulnérables d’entre nous. Mon église s’occupe d’une banque alimentaire située à un pâté de maisons de chez moi et je vois bien que les files ne cessent de s’allonger, et cela me fend le cœur.
Je crois en fait que cela brise le cœur de tout le monde, et avec raison. Alors merci d’avoir attiré notre attention sur ce dossier.
Tout d’abord, je tiens à préciser que le projet de loi C-56 aidera tous les Canadiens. Oui, il aidera les plus vulnérables d’entre nous, mais pas seulement. Il y a beaucoup à faire, et nous nous y attelons. Puisqu’il est plus spécialement question du projet de loi C-56, j’aimerais aborder brièvement deux ou trois points. Pour commencer, vous avez raison de dire que, qu’on soit une personne ou une famille, qu’on ait les moyens ou pas de mener le train de vie qu’on mène, l’une des choses les plus importantes est d’avoir un logis abordable. Il s’agit très souvent du poste budgétaire le plus important des Canadiens. Voilà pourquoi nous souhaitons augmenter l’offre de logements abordables pour l’ensemble des Canadiens.
À nos yeux, une bonne partie de la solution consiste à augmenter l’offre encore, encore et encore, et c’est pour cette raison que, semaine après semaine, nous multiplions les annonces en ce sens. Ces mesures vont aider tout le monde, y compris les plus vulnérables...
Nous devons passer au suivant, madame la ministre.
Il y a tellement de choses à faire.
Monsieur le ministre, madame la ministre, merci beaucoup d’être avec nous. Je vous invite à passer plus de temps avec des sénateurs, que ce soit dans un cadre formel comme aujourd’hui ou dans un cadre plus informel. Je crois que nous gagnerions à entretenir des canaux de communication bilatérale. J’ai deux petites questions : monsieur le ministre Champagne, vous avez rencontré les PDG des chaînes d’alimentation. Pouvez-vous nous dire ce que vous attendez d’eux pour ce qui est de donner du répit aux gens? Est-ce que la réglementation des prix d’un panier de produits de base fait partie des solutions envisagées? Madame la ministre Freeland, est‑ce que, présentement, vous examinez la possibilité de convertir des immeubles de bureaux en immeubles à logements locatifs?
Je vais y aller en premier. Merci, monsieur le sénateur, de ce que vous avez dit. Je m’attends à plus d’eux et j’espère qu’ils nous regardent présentement. Lorsque je leur ai demandé de venir à Ottawa, je crois que c’était un moment historique : on m’a dit que jamais les cinq principaux épiciers du pays — Sobeys, Loblaws, Metro, Walmart et Costco — n’avaient été convoqués auparavant.
Ce que j’ai fait à ce moment-là — j’espère que vous êtes d’accord, honorables sénateurs —, c’est d’exprimer la frustration de millions de Canadiens qui doivent faire l’épicerie chaque semaine. J’ai dit aux PDG que nous nous attendions à plus d’eux. Nous sommes conscients qu’il s’agit d’une chaîne d’approvisionnement complexe; tout le monde en est conscient. Nous nous attendons cependant à ce qu’ils donnent un peu de répit aux Canadiens. Nous avons dit qu’ils devaient nous accompagner dans nos efforts pour stabiliser le prix des aliments au Canada. Nous avons dit, au moment de la rencontre, qu’il y aurait un certain nombre de mesures et que nous nous attendions à ce qu’ils présentent des solutions aux Canadiens. Certains ont commencé à le faire.
Nous avons indiqué que l’un des principaux piliers de notre plan d’action était le code de conduite des épiceries, dont vous avez pu prendre connaissance et qui est en cours d’élaboration depuis deux ans, afin d’assurer une plus grande transparence et un meilleur équilibre entre les petits et moyens producteurs et les grandes chaînes d’alimentation. Lorsque je me suis entretenu avec la Fédération canadienne des épiciers indépendants, qui représente environ 5 000 petits épiciers, celle-ci m’a indiqué que l’élément le plus important du projet de loi C-56, — parmi tous les aspects de ce projet de loi que la ministre Freeland a évoqués —, est la réforme de la concurrence. Nous savons qu’à moyen et à long terme, c’est la meilleure façon de garantir des prix stables et plus avantageux pour les Canadiens. Cependant, nous sommes loin de pouvoir dire : mission accomplie. Nous poursuivrons nos efforts.
Je pense que cela nous permettra d’obtenir les outils nécessaires pour continuer à faire pression afin d’obtenir la stabilité des prix dont la ministre Freeland a parlé. Les Canadiens subissent les contrecoups de la conjoncture chaque semaine. Nous devons être là pour les épauler. Vous avez peut-être lu dans les journaux d’aujourd’hui que j’ai discuté avec des chaînes de supermarchés étrangères pour voir si elles souhaitent entrer sur le marché canadien, ce qui créerait davantage de concurrence et aurait l’effet souhaité sur les prix.
Merci, monsieur le ministre. Nous devons passer à la prochaine ronde de questions.
Bonne idée.
J’étais...
Je suis désolée, mais nous passons à la prochaine période de 10 minutes.
Bienvenue, monsieur le ministre, madame la ministre. J’espère que vous allez bien.
Monsieur le ministre, on se connaît bien.
Le 18 septembre dernier, vous avez rencontré des dirigeants des cinq plus grandes chaînes, comme vous nous l’avez dit tout à l’heure. Vous aviez dit qu’ils devraient prendre des mesures concrètes avant l’Action de grâce pour réduire les prix des aliments. Évidemment, ce n’est pas arrivé. Statistique Canada a déclaré que le prix des aliments avait augmenté de 5,8 % en septembre. Le 5 octobre, vous avez déclaré : « J’ai regardé certaines circulaires ce matin, et on voit déjà les épiciers s’ajuster avant l’Action de grâce. »
Beaucoup ont ri en entendant vos commentaires, surtout dans l’industrie agroalimentaire, parce qu’ils savent bien que les rabais des circulaires sont déterminés à l’avance. Même l’expert Sylvain Charlebois, spécialiste en agroalimentaire de l’Université Dalhousie a dit que c’était un show de boucane. Pourquoi avoir dit cela? Pourquoi cette tentative de désinformation, alors qu’on sait que c’est beaucoup plus complexe que cela?
Monsieur le sénateur, avec beaucoup de respect, vous savez, je vous connais depuis longtemps, et M. Charlebois était à la réunion.
Je sais.
Alors, son commentaire m’impressionne, parce qu’il participait à la réunion lui-même. Je le connais bien, c’est pour cela que je l’ai invité; il était là. Je pense que ce qu’on a réussi à faire, et c’est là qu’on doit continuer de le faire, c’était d’inviter les représentants des cinq plus grandes bannières, qui ont dû venir s’expliquer. On a pu exprimer la frustration des millions des Canadiens, c’était le but de l’exercice, ainsi que faire des plans.
Si vous considérez les commentaires de certains des grands, prenez par exemple ceux de Galen Weston ou ceux de Michael Medland, ils vous diront qu’à la suite de la réunion, ils ont pris des mesures. Il n’y a pas 50 façons de réduire les prix — on va s’entendre, monsieur le sénateur. Ce qu’ils ont fait, c’est qu’ils ont augmenté le panier d’épicerie.
Je m’étais inspiré de ce qui s’est fait chez Carrefour, en France. Je leur ai demandé de faire un exercice semblable. Vous avez vu que certains l’ont mis en place. Certains ont augmenté aussi la période pendant laquelle ils ont gelé les prix. Ce matin-là, quand j’ai parlé avec le chef de la direction d’une des cinq bannières, il m’a dit qu’il était en train de faire ce que nous lui avions demandé. Est-ce que c’est suffisant? La réponse est non. Va-t-on continuer de les pousser à le faire? Bien sûr.
Il n’y a jamais eu de pression sur ces gens au Canada. Ils voient qu’il y a une pression constante qui est appliquée. Grâce aux mesures qu’on a maintenant, par exemple, les nouveaux pouvoirs nous permettant de demander de l’information ou des documents et de lancer une enquête pour comprendre le marché, je peux vous dire que je leur parle régulièrement; ils sentent la pression. Je ne pense pas qu’ils sentaient cela avant, car c’était un marché qui est non réglementé. Avec les outils qu’on espère que le Parlement et que le Sénat vont nous donner, on pourra faire plus. Est-ce que c’est facile? Non. Est-ce que la solution est de ne rien faire? Non.
Quand je parle aux Canadiens quand je me retrouve la fin de semaine à faire l’épicerie, ils me disent : « Tant mieux, il y a quelqu’un qui se bat pour nous. »
Je me réfère à l’économiste Jim Stanford, qui vient de faire une étude qui indique ce qui suit :
[...] les profits dans les ventes d’aliments ont plus que doublé par rapport à avant la pandémie dans les épiceries du pays.
On parle de 6 milliards de dollars. Les épiciers n’ont pas vraiment peur; on ne sent pas cela dans leurs prix et profits.
En vertu du projet de loi C-56, pouvez-vous me nommer un article qui va faire en sorte que pour les familles — j’en ai une cinquantaine qui sont vos électeurs dans votre comté — le prix de la facture d’épicerie va baisser dans deux mois?
D’abord, je les aime, ils sont tous dans mon comté, cela me fait plaisir.
Deuxièmement, la mesure la plus importante, monsieur le sénateur, arrivera à moyen et à long terme — et regardez ce qui s’est fait en France, en Angleterre, en Europe, il n’y a rien qui se fait du jour au lendemain. On ne peut pas lever un interrupteur et dire que le lendemain, il y aura des prix plus bas ou moins bas. Vous savez d’où je viens.
Cependant, la réforme permettant de retirer les accords qu’il y a dans les baux empêchant la concurrence... Dans de petites communautés, il y a un centre commercial avec un épicier. Actuellement, les baux ne permettent pas de concurrence dans le même centre commercial.
... ces ententes-là.
Vous le savez. C’est pour cela que si vous me demandez s’il y a une disposition qui aura plus d’effet, à moyen et à long terme, pour avoir plus de concurrence, c’est-à-dire d’avoir un épicier indépendant à côté d’une des grandes bannières, c’est la troisième mesure : il s’agit de retirer ce qu’on appelle les restrictions, que l’on trouve dans les baux actuels.
J’ai parlé avec le chef de la direction d’une des plus grandes chaînes des États-Unis qui m’a dit qu’il avait essayé d’entrer au Canada. Il est l’un des plus gros aux États-Unis, et on ne lui permettait même pas de louer des locaux au Canada. Imaginez cela.
Vous pensez qu’en mettant deux épiceries dans le même centre commercial, cela fera baisser les prix?
Regardez ce que l’on a appelé l’« Aldi effect ». Lisez la documentation là-dessus. Vous allez voir ce qui se fait en Nouvelle-Zélande, en Australie. Quand vous avez ce qu’on appelle les deep discounters qui arrivent dans un marché, qui ne sont pas liés à l’une des grandes bannières — un deep discounter indépendant —, vous mettez une pression sur les prix. Cela a été documenté en Israël, en Australie. À la fin, quand on pourra permettre qu’il y ait des indépendants qui s’installent près des grandes bannières, cela mettra une pression sur les prix. Cela va prendre du temps. Cependant, ce qu’on est en train de faire est la fondation pour un Canada plus compétitif.
Le paragraphe 10.1(1) donne au commissaire le pouvoir de faire des enquêtes. La question vous a été posée tout à l’heure. Cependant, après la consultation du ministre, quels sont les éléments que le ministre peut apporter à la réflexion du commissaire? Pourquoi donner ce pouvoir au ministre dans le cadre du pouvoir d’enquête du commissaire? Je ne comprends pas le but de cela. Vous avez parlé d’équilibrer le marché, mais c’est large et flou. Qu’y a-t-il de précis que le ministre pourra apporter comme plus-value au commissaire?
Cela reflète un peu ce que l’industrie disait. Quand on a fait les consultations, l’industrie était un peu préoccupée à savoir si seul le commissaire avait le pouvoir d’aller enquêter un peu partout. Il y a cet équilibre entre le commissaire et le ministre, qui doivent travailler ensemble pour faire des études de marché. C’est une bonne chose d’avoir cette collaboration qui existe entre les deux.
Par exemple, dans l’intérêt du public, le ministre pourrait demander qu’on étudie un aspect en particulier dans le mandat confié au commissaire. Lors des témoignages, des gens m’ont dit que dans certaines circonstances, ils voudraient peut-être que nous étudiions une question en particulier. Cette discussion, cette interaction entre le ministre et le commissaire est une bonne chose.
Ce que l’on fait, vous et moi, monsieur le sénateur, aujourd’hui avec vos collègues c’est de faire des fondations. La dernière fois qu’on a modifié de manière importante la Loi sur la concurrence, c’était il y a 37 ans. Si on réfléchit aux 40 prochaines années, c’est bon d’avoir cette collaboration avec le Bureau de la concurrence, mais aussi avec le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, qui a la responsabilité de la concurrence au pays.
Vous avez beaucoup parlé d’épiciers, puis vous avez nommé beaucoup de noms. Il y a des enquêtes en cours sur le prix du pain. Cela fait huit ans. Il n’y a pas d’accusation déposée. On a seulement envoyé des chèques-cadeaux de 25 $ en 2017. En quoi le projet de loi fera-t-il en sorte que cela ne prendra plus sept ou huit ans? Les accusations ne sont même pas encore déposées.
Ce que l’on est en train de faire, vous l’avez vu, a commencé en 2022, par certaines mesures dans le budget qui avait été présenté par la ministre Freeland. Vous avez le projet de loi C-56, et vous avez aussi l’énoncé économique de l’automne, où l’on propose d’autres mesures à venir. Il faut regarder l’ensemble. La réforme sur la concurrence comprend trois chapitres. Elle a commencé en 2022. On fait des choses.
Maintenant, on fait des choses importantes qui ciblent l’abordabilité. Il y a aussi l’énoncé économique de l’automne qui va compléter cela. Ces trois éléments composent cette grande réforme de la concurrence, dont on a tant besoin au Canada. Je vous dirais, monsieur le sénateur, il faut voir cela dans son ensemble. On est à mettre les fondations d’un Canada plus concurrentiel.
Vous allez voir aussi des mesures intéressantes. Vous avez vu que le Bureau de la concurrence Canada ne sera pas tenu de payer de frais judiciaires relativement à la poursuite intentée par Rogers. On est à mettre les bases pour un Canada plus concurrentiel grâce à des mesures qui font largement consensus, tant à la Chambre des communes que dans l’industrie, et qui vont nous permettre d’agir. Ce dont j’ai besoin pour les ministres à venir, et peut-être même pour le ministre actuel, c’est de plus d’outils dans le coffre à outils.
Ma question s’adresse à Mme Freeland. Ce sera presque un commentaire éditorial. Le Globe and Mail a dit qu’un catalogue de plans préapprouvés était la meilleure invention du siècle. Je suis un ancien maire et je croyais que c’était une blague quand cela a été annoncé. Parce qu’on détermine des plans, on donne des permis, on fait des plans de mise en œuvre et d’intégration architecturale dans chacun des quartiers. On a des quartiers culturels, on a des quartiers déjà bâtis, on va jouer avec des étages. Cette idée, pour moi, c’est de la pensée magique.
Sénateur Carignan, le temps est écoulé.
Bienvenue à vous deux. Ma question s’adresse au ministre Champagne.
Si vous me permettez l’expression, le projet de loi C-56 est un peu ce qu’on appelle de la « tarte aux pommes », en politique. Ce n’est pas une critique, mais c’est simplement un constat. Personne ici ne s’oppose à l’idée de rendre l’épicerie et les logements plus abordables.
Le problème, c’est qu’on ne sait pas exactement si le projet de loi atteindra ses objectifs. Donc, les études ont indiqué que les chaînes d’épicerie font des marges modestes. L’inflation semble attribuable, en partie, à des blocages dans des chaînes d’approvisionnement ou à des situations en dehors du contrôle du gouvernement du Canada.
Dans le cas du projet de loi C-56, en octobre dernier, l’expert Michael Osborne s’inquiétait même que certaines mesures soient contre-productives, notamment en raison du risque que les études accaparent du temps et des ressources qui devraient plutôt être employées par le Bureau de la concurrence Canada pour faire appliquer la loi.
Ma question est donc la suivante : quelles sont vos attentes concrètes face à ce projet de loi et sur quel indicateur devrions-nous nous appuyer pour évaluer le succès de cette loi?
Merci, sénatrice Miville-Dechêne, j’apprécie beaucoup votre question.
Je crois que ce projet de loi va amener une réforme de la concurrence, dont on a besoin. Pour revenir à la question des études, par exemple, le fait d’avoir une meilleure compréhension du marché — parce que si vous parlez dans le domaine de l’épicerie, on sait tous que c’est très complexe. C’est une chaîne d’approvisionnement qui est très complexe.
Quand j’ai rencontré les grands épiciers, on n’a pas seulement porté notre attention sur les épiciers, mais on a aussi discuté de toute la chaîne d’approvisionnement, comme les grands manufacturiers américains. C’est pour cela que j’ai parlé à mes collègues à l’international, pour savoir ce qu’on pourrait faire ensemble.
L’idée derrière cela, c’est que ce n’est pas seulement sur les épiciers qu’il faut se pencher, mais sur toute la chaîne d’approvisionnement. Il y a d’autres éléments sur lesquels on est en train de se pencher, comme la déqualification et la réduflation. Il y a plusieurs phénomènes dans le domaine de l’épicerie qu’il faut comprendre. Je crois que les nouveaux pouvoirs qui seront donnés au Bureau de la concurrence Canada pour faire des enquêtes de marché approfondies permettront d’avoir toute l’information dont on a besoin.
Cela nous permettra, à nous, comme députés, et à vous, comme sénateurs et sénatrices, d’avoir des politiques publiques qui sont mieux éclairées, parce qu’aujourd’hui...
Est-ce qu’il y aura bientôt une baisse de prix qu’on pourra mesurer pour les consommateurs?
Je crois que la solution la plus importante est d’abord d’avoir les études de marché, oui. Toutefois, lorsqu’on enlèvera les clauses restrictives qui permettront aux indépendants d’aller s’installer près des grandes bannières et même d’attirer des acteurs étrangers chez nous, plus de compétition, cela voudra dire plus de choix et de meilleurs prix pour les Canadiens et les Canadiennes. Cela est documenté; si vous regardez dans tous les pays, la meilleure façon de baisser les prix, c’est d’avoir plus de concurrence. C’est cela, l’esprit du projet de loi.
Bonjour, madame et monsieur les ministres. J’aimerais discuter plus en profondeur de l’élimination de la défense fondée sur les gains en efficience. Si on considère que l’élimination de cette défense vient nuire aux entreprises qui utilisent une interprétation des gains en efficience qui met l’accent sur les bienfaits globaux pour l’économie — c’est ainsi que les économistes définissent les gains en efficience : ce n’est pas seulement l’efficience de l’entreprise, mais celle de l’économie en général —, est-ce que l’abrogation de l’article 96 va empêcher la prise en compte des gains en efficience pour l’économie en général, même si le fusionnement proposé accentue la concentration du marché?
Merci pour la question, sénateur. Je pense que vous comprendrez que les gains en efficience qui favorisent la concurrence sont bons. Je vous dirais que nous les considérerons favorablement, si j’ai bien compris votre question.
La domination d’un joueur sur le marché peut augmenter tandis que les consommateurs sont avantagés, eux aussi.
Ce que je veux dire, c’est que nous voulons éliminer la possibilité de présenter une défense qui permet des fusions ayant pour effet de nuire à la concurrence future. Les gains en efficience seront toujours considérés dans l’analyse effectuée par le Bureau de la concurrence. Toutes sortes de gains d’efficience seront considérés. Cependant, ce qui est choquant — et ce devrait l’être pour tout le monde —, c’est que les dispositions législatives actuelles permettent aux promoteurs d’une fusion de défendre leur projet en invoquant les gains en efficience même lorsque cette fusion ne favorisera ni la concurrence ni les consommateurs.
Voilà ce que nous voulons faire ressortir. C’est une mesure qui bénéficie de larges appuis. Un projet de loi d’initiative parlementaire d’un député conservateur visait le même objectif. La Chambre parle d’une seule voix au sujet de cette mesure, et avec un peu de recul, on s’aperçoit qu’il est temps qu’elle soit prise. Je dirais aux Canadiens que nous devons nous débarrasser de cette disposition de la loi pour qu’à l’avenir les fusions qui auront lieu dans notre pays soient à l’avantage des consommateurs et des Canadiens et qu’elles favorisent la concurrence au sein de l’économie.
Ma question s’adresse à la vice-première ministre. Je suis ravie de l’élimination de la TPS sur les logements neufs construits pour la location, une idée qui vient entre autres d’un regroupement d’organismes appelé Accord national sur le logement. Ce regroupement propose aussi la création d’une prestation de prévention de l’itinérance et de logement, qui pourrait offrir une aide immédiate à la location à 30 000 ménages exposés à un risque imminent d’itinérance, et aider 50 000 autres personnes à trouver un logement. Cette mesure ne fait évidemment pas partie du projet de loi qui nous occupe, mais dans la mesure où votre gouvernement a déjà adopté une idée de l’Accord national sur le logement, je me demande s’il pourrait aussi envisager cette autre idée.
Je tiens d’abord à dire, madame la sénatrice, que je suis contente de vous voir au Sénat et de répondre à une question d’une sénatrice de l’Alberta. J’en profite pour dire qu’il y a deux semaines, M. Champagne et moi étions tout près d’Edmonton, à Fort Saskatchewan, avec des représentants de Dow, et que j’étais très contente d’être là. Dow investit plus de 11 milliards de dollars dans la région pour créer d’excellents emplois à Fort Saskatchewan et à Edmonton. Il s’agit de son plus important investissement en Amérique du Nord. Je devais en parler parce que cela m’emballe beaucoup.
Merci d’avoir souligné le travail accompli par l’Accord national sur le logement. Je me suis moi-même fiée aux travaux et aux analyses économiques de M. Mike Moffatt. Il a fait de l’excellent travail et il a servi d’inspiration à bon nombre des mesures que nous mettons aujourd’hui à exécution.
Vous avez tout à fait raison de signaler que l’Accord national sur le logement a aussi pour but d’aider les personnes itinérantes. Je crois que tout le monde ici présent et que l’ensemble des Canadiens sont conscients qu’il s’agit d’un problème de taille à l’heure actuelle au Canada, mais nous nous y attaquons de toutes sortes de manières. Nous ne sommes pas ici pour parler de l’énoncé économique de l’automne, mais je rappelle malgré tout que celui-ci consacre 1 milliard de dollars à la construction de logements abordables. Les gens vont pouvoir commencer à emménager en mai dans le projet de 231 logements de Downtown Eastside, à Vancouver, dont je parlais tout à l’heure. Les logements les moins chers y coûteront 500 $ par mois — à Vancouver! Ces appartements sont magnifiques. Je les ai visités. C’est l’un des nombreux éléments que nous prévoyons pour les personnes itinérantes. Tous les Canadiens devraient avoir un chez-soi bien à eux.
Merci, et Edmonton vous salue. Je voulais revenir sur la prestation de prévention de l’itinérance et de logement, parce que c’est une chose d’avoir assez de logements, mais c’en est une autre d’avoir de l’argent pour payer le loyer, même à 500 $. Le gouvernement prendra-t-il cette idée en considération?
Je vous remercie encore une fois de votre question. Comme vous l’avez souligné, il s’agit d’une mesure qui faisait partie des propositions de l’Accord national sur le logement. Nous convenons tout à fait qu’il est urgent de se concentrer sur les sans-abri et nous pensons qu’il faut envisager de nombreuses mesures différentes. Nous pensons également qu’il s’agit d’un travail que nous devrons effectuer en collaboration avec les municipalités et les provinces. Puisqu’on me salue d’Edmonton, je tiens également à mentionner que, dans l’énoncé économique de l’automne, nous avons proposé d’étendre aux coopératives d’habitation l’exonération de la TPS pour la construction de logements à vocation locative, notamment la coopérative d’habitation Hromada, à Edmonton, où j’ai vécu pendant mon adolescence. Il s’agit également d’une forme très importante de logement abordable qui permet de renforcer les collectivités.
Honorables sénateurs, le comité siège depuis maintenant 65 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.
Madame et monsieur les ministres, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joints à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier les fonctionnaires de vos ministères.
Des voix : Bravo!
La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?
Des voix : D’accord.
Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.