La Loi sur la Commission canadienne du lait
Projet de loi modificatif--Troisième lecture
15 mai 2020
Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Honorables collègues, bon après-midi. Je suis heureux de vous voir tous en bonne santé.
Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du lait. Comme le savent les honorables sénateurs, cette mesure a été annoncée le 5 mai en plus d’autres mesures visant à venir en aide aux agriculteurs et aux transformateurs d’aliments du Canada qui vivent des pressions immenses en raison de la COVID-19.
Parmi les autres mesures, il y a 77 millions de dollars pour aider les transformateurs d’aliments à acheter de l’équipement de protection individuelle et à mettre en place d’autres mesures de santé et sécurité, 125 millions de dollars pour les producteurs de bœuf et de porc afin qu’ils puissent s’adapter à la transformation du marché, et 50 millions de dollars pour le programme d’achat d’aliments excédentaires.
De toutes ces mesures, seule l’augmentation de la limite de crédit de la Commission canadienne du lait nécessitait l’adoption d’un projet de loi, alors, même si j’aimerais bien parler de l’ensemble des mesures d’aide pour l’industrie agricole, je me limiterai à cette mesure en particulier.
Le projet de loi C-16 a pour objet de répondre aux besoins les plus criants du secteur laitier et d’apporter aux producteurs agricoles l’aide dont ils ont tellement besoin. Ces derniers sont essentiels dans la chaîne alimentaire canadienne et ils méritent toute l’aide que nous pouvons leur offrir.
Un des principaux défis auxquels l’industrie agricole doit faire face présentement est la volatilité de la demande pour ses produits. Au début de la crise, sous le coup de la panique, les consommateurs ont fait des réserves, et les tablettes des épiceries se sont vidées rapidement. Or, en quelques semaines à peine, une fois que les réfrigérateurs des consommateurs ont été remplis, la demande a chuté.
Les producteurs laitiers ont été durement touchés. La demande de lait et de produits laitiers a considérablement chuté à la suite de la fermeture massive des restaurants, des hôtels et des écoles, qui étaient d’importants acheteurs de crème, de fromage et d’autres produits laitiers.
Par ailleurs, au-delà de la ferme, des défis logistiques se sont posés à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement. À la fin mars et pendant la première moitié d’avril, après que les écoles aient renvoyé les élèves chez eux, que les restaurants aient fermé leurs portes et que les hôtels se soient vidés, les producteurs laitiers ont constaté qu’ils n’avaient plus d’autre choix que de se débarrasser des excédents de lait cru.
Honorables collègues, comme vous pouvez l’imaginer, c’est déchirant pour un producteur laitier de devoir jeter le lait pour lequel il a travaillé si fort, en passant de longues heures à l’étable et dans les champs, et je suis sûr que de nombreux Canadiens sont aussi attristés par la situation. Bon nombre de ces fermes appartiennent à la même famille depuis des générations. La ferme n’est pas seulement leur gagne-pain, c’est leur maison et leur vie. Partout au Canada, les producteurs ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour trouver preneur pour leur lait et leurs produits laitiers.
Les agriculteurs redistribuent généreusement leurs produits à la collectivité. Au Québec, les producteurs laitiers ont donné un million de litres de lait aux banques alimentaires. En Saskatchewan, ils ont donné aux banques alimentaires de la province l’équivalent de 175 000 litres de lait en produits laitiers; c’est assez pour obtenir 38 000 livres de fromage, de yogourt et de lait. À Terre-Neuve, deux producteurs laitiers ont uni leurs forces à celles d’un distributeur local pour donner du lait en aménageant un service à l’auto dans le stationnement d’un aréna. À l’Île-du-Prince-Édouard, des agriculteurs ont donné des meules de fromage et des cartons de lait. En Ontario, les producteurs laitiers ont remis 200 000 litres de lait de plus aux banques alimentaires de la province. Comme je l’ai dit, les agriculteurs redistribuent généreusement leurs produits à la collectivité.
Au nom de beaucoup de Canadiens, je remercie tous ces agriculteurs ainsi que les personnes qui ont saisi l’occasion pour aider leur prochain en cette période de crise, et ce, même s’ils s’inquiétaient peut-être pour leur propre gagne-pain.
Qui plus est, les offices provinciaux de commercialisation des produits laitiers ont mis en place des mesures pour réduire la production de lait cru et empêcher que l’on jette du lait en réduisant le nombre mensuel de journées non produites accumulées et les quotas.
Honorables sénateurs, les difficultés qui résultent d’une fluctuation de la demande n’ont rien de nouveau pour l’industrie laitière canadienne. En réalité, si on a mis en place le système de la gestion de l’offre il y a 50 ans, c’était en particulier pour stabiliser la demande et les surplus, dont la volatilité causait des ravages dans les revenus des producteurs laitiers.
Au fil des ans, grâce en grande partie à l’excellent travail de la Commission canadienne du lait, l’industrie a réussi à stabiliser les marchés. Cette commission joue un rôle important dans la stabilisation de la production laitière grâce à l’établissement d’un quota national. Tout aussi important, elle lisse les fluctuations saisonnières de l’offre et de la demande grâce à un éventail de programmes.
Pendant des périodes où la demande est faible, mais où la production est élevée, comme c’était le cas en avril et en mai, la commission achète le beurre des producteurs laitiers, puis le revend quand la demande reprend. Pour administrer ces programmes, la commission emprunte au gouvernement, les coûts d’emprunt étant couverts par les producteurs laitiers et le marché.
La Loi sur la Commission canadienne du lait limite actuellement la ligne de crédit de la commission à 300 millions de dollars. Le projet de loi dont nous sommes saisis propose de faire passer la limite à 500 millions de dollars. J’ai déjà expliqué les graves répercussions des fortes fluctuations de l’offre et de la demande sur les producteurs canadiens, mais personne n’a vu venir la crise actuelle. Il y a trois mois, ni la Commission canadienne du lait ni les agriculteurs n’auraient pu prévoir la fermeture de leurs grands acheteurs.
Pour rétablir la stabilité sur le marché, la Commission — avec l’appui des producteurs laitiers, des transformateurs et des offices provinciaux de mise en marché du lait — a demandé à la ministre de l’Agriculture d’augmenter sa limite de crédit, de bonifier les programmes existants et d’en créer de nouveaux, notamment sur l’entreposage du fromage. Grâce à cette rentrée de fonds, la Commission pourra augmenter sa capacité d’entreposage, bonifier ses programmes et aider l’industrie à s’adapter aux variations de l’offre et de la demande. Elle pourra acheter du fromage aux transformateurs, comme elle le faisait déjà avec le beurre, et ces derniers pourront conclure des ententes leur permettant de racheter leurs stocks lorsque la demande sera suffisante pour les écouler sur le marché.
La nouvelle limite de crédit permettra à l’industrie de souffler un peu, du moins jusqu’à ce que la crise commence à ralentir, et de réduire le gaspillage alimentaire. La Commission canadienne du lait, elle, aura dorénavant les moyens de réagir si une nouvelle crise devait survenir. Quant à nous, nous pourrons continuer de savourer les fruits du labeur des producteurs laitiers du pays.
Je signale au passage qu’il faudra une autre mesure législative pour ramener la limite de crédit à 300 millions de dollars. Il faut dire que le ministre des Finances doit approuver chaque année le budget de la Commission, ce qui comprend sa capacité d’emprunt. Le projet de loi à l’étude fait passer la limite à 500 millions de dollars, mais cela ne veut pas dire que la Commission pourra emprunter autant du jour au lendemain.
Les producteurs laitiers du Canada ont accueilli favorablement l’annonce et déclaré que les mesures contribueront à atténuer l’effet des goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement et qu’elles permettront l’acheminement rapide des produits laitiers de la ferme à l’épicerie, aux écoles, aux restaurants et aux hôtels lorsque la demande augmentera. Le projet de loi répond aux besoins de l’industrie laitière en cette période difficile.
Les producteurs laitiers vous le diront, comme nous l’avons entendu plus tôt aujourd’hui, on ne contrôle pas la production de lait d’une vache avec un robinet. L’industrie canadienne du lait contribue beaucoup à l’économie : des ventes de plus de 6 milliards de dollars à la ferme, des ventes de produits transformés de presque 15 milliards de dollars, sans compter des dizaines de milliers d’emplois. J’appuie le projet de loi à l’étude afin de manifester mon appui ferme envers les producteurs laitiers.
Honorables collègues, beaucoup de mesures ont été prises pour aider les particuliers et les entreprises en cette période sans précédent. Le projet de loi C-16 vise à aider les producteurs et les transformateurs laitiers. Comme je l’ai mentionné, il augmente à 500 millions de dollars le plafond d’emprunt de la Commission canadienne du lait et fournit un filet de sécurité aux producteurs laitiers jusqu’au moment où ils pourront de nouveau offrir leurs produits aux clients, qui ne sont pas en mesure de les acheter actuellement.
Honorables sénateurs, je vous demande d’adopter le projet de loi C-16 sans tarder, afin que les producteurs laitiers du pays aient l’assurance de pouvoir bénéficier d’une aide d’ici la résolution de cette crise et le passage inévitable à une nouvelle normalité.
J’ai souligné d’entrée de jeu que mes observations allaient porter seulement sur le projet de loi à l’étude, qui concerne la Commission canadienne du lait, et non sur les autres mesures qui ont été annoncées à l’égard du secteur agricole et des problèmes que l’industrie éprouve actuellement. Cependant, je tiens à dire que, bien que je sois heureux que le gouvernement aide le secteur agricole canadien, il faut en faire beaucoup plus. Les secteurs des produits laitiers, du porc et du bœuf obtiennent de l’aide, mais pour d’autres secteurs qui connaissent des difficultés, notamment le secteur des grains et oléagineux, le secteur horticole et bien d’autres, aucune aide n’a été annoncée le 5 mai. Je suis heureux de parrainer le projet de loi et de l’appuyer, tout en sachant que c’est une aide modeste comparativement à l’ampleur des besoins de l’industrie agricole canadienne.
À la fin du discours que j’ai prononcé, le 1er mai, au sujet du projet de loi C-15, j’ai dit espérer que les sénateurs reviennent rapidement dans cette enceinte pour adopter un projet de loi afin d’aider le secteur agricole. Ce moment est venu. Je tiens cependant à renouveler mon souhait que nous revenions très bientôt pour débattre d’autres mesures législatives afin d’aider l’ensemble des agriculteurs et des transformateurs canadiens.
Merci, meegwetch.
Chers collègues, c’est avec plaisir que j’annonce que l’opposition officielle appuiera ce projet de loi.
Cette mesure constitue un petit pas dans la bonne direction; petit, mais quand même. Je vous rappelle que le gouvernement Trudeau a annoncé la semaine dernière des mesures de soutien au monde agricole, qui ne représentent que 10 % de ce que la Fédération canadienne de l’agriculture avait réclamé. C’est mieux que rien, mais force est de constater qu’il reste un gouffre à combler.
Au cours des dernières semaines, les producteurs et les transformateurs agricoles ont été assimilés aux autres services essentiels, à ces anges gardiens qui assurent notre sécurité et notre bien-être. Je veux d’ailleurs profiter de cette occasion pour remercier tous ces travailleurs et travailleuses qui sont en première ligne, que ce soit dans le domaine de la santé, de la protection civile, des transports ou du commerce de détail, qui se sont assurés que nous ne manquions de rien, que nous étions en sécurité et que nos malades étaient bien soignés.
Cette crise de la COVID-19 nous a permis de nous rendre compte que des milliers de personnes travaillent souvent dans l’ombre, dans des conditions parfois difficiles, mais toujours avec dévouement et courage afin de nous faciliter la vie. Lorsque la crise sera terminée et que nous retournerons à nos habitudes, il ne faudra pas oublier ces héros de l’ombre.
À ce sujet, le projet de loi C-16 et la visite de la ministre de l’Agriculture nous permettent aujourd’hui de réfléchir sur le sort de nos producteurs agricoles. Il est grand temps de ramener à l’avant-plan les questions agricoles, qui sont trop souvent négligées. Je profite donc de l’occasion qui m’est offerte pour présenter quelques faits dont nous devrons tenir compte dans cette réflexion sur l’avenir de nos producteurs.
Fait no 1 : les producteurs agricoles sont des entrepreneurs. Tout d’abord, nous ne devons jamais oublier que les producteurs agricoles sont des propriétaires de PME et qu’ils gèrent les défis propres aux PME. L’agriculture est, depuis longtemps, devenue une vraie business. Les citadins ont tendance à avoir une vision bucolique et romantique du travail agricole, mais ceux qui côtoient ces producteurs le savent : ils sont d’abord et avant tout des entrepreneurs qui sont à la tête d’opérations plus ou moins grandes et complexes. Être producteur agricole, c’est être propriétaire d’actifs de plusieurs centaines de milliers, voire de millions de dollars, mais c’est aussi jongler avec des dettes en conséquence. Être producteur agricole, c’est souvent être un employeur, avec ce que cela comporte de défis d’embauche, de gestion, de rémunération et de rétention du personnel. Être producteur agricole, c’est devoir s’occuper de la comptabilité, de la paperasse administrative, des achats de matériel, des ventes, c’est faire le suivi des marchés et des innovations et des flux de trésorerie et c’est accomplir toutes les autres tâches connexes. C’est avoir des connaissances en agronomie, en biologie, en mécanique, en météorologie et en ingénierie. Être producteur agricole, c’est devoir gérer les aléas de la météo, les maladies des animaux et des plantes. C’est lutter contre et avec mère Nature. Enfin, être producteur agricole, c’est aussi faire face aux charges sociales, aux taxes et aux impôts qui peuvent parfois peser lourd sur les finances d’une exploitation.
La plupart des exploitations agricoles sont familiales. Les questions de transferts de propriété et les versements aux conjoints et aux autres membres de la famille affectent grandement les producteurs. Il est grand temps de réfléchir à des solutions pour alléger le fardeau fiscal de nos exploitants agricoles. Il faut également réduire la réglementation et la paperasse. Il n’est pas normal que les producteurs doivent passer de plus en plus de temps à remplir des formulaires, et de moins en moins de temps à s’occuper de leur bétail ou de leurs champs.
La mise en œuvre des programmes destinés aux entreprises dans le cadre de la pandémie de COVID-19 illustre bien mon propos. Plusieurs exploitants agricoles ne sont pas couverts par les programmes mis en place par le gouvernement Trudeau, parce que leurs structures corporatives ou certaines décisions relatives au versement des salaires ou des dividendes les ont exclus de ces programmes. Comme trop souvent, les programmes imaginés dans les bureaux d’Ottawa ne résistent pas à la réalité sur le terrain. On aurait dû penser à nos agriculteurs avant de créer ces programmes, et non pas après, comme si ces agriculteurs n’étaient qu’une arrière-pensée.
Fait no 2 : les producteurs agricoles ne doivent plus être une monnaie d’échange dans les ententes commerciales et les conflits internationaux. Il est grand temps de mettre fin à ce jeu.
Après la conclusion de l’entente de libre-échange avec l’Union européenne et du Partenariat transpacifique, le gouvernement a dû faire d’autres concessions en vue de conclure un accord avec le Mexique et les États-Unis. Pour comble d’insulte, la décision du gouvernement de ratifier l’accord avant le 1ermai coûtera aux transformateurs laitiers plus de 100 millions de dollars.
Évidemment, il est primordial que les producteurs et transformateurs soient adéquatement compensés pour les ententes qui ont été conclues récemment. Toutefois, le monde agricole canadien ne peut croître sur la base de compensations obtenues pour les parts de marché perdues.
Malgré les belles paroles des politiciens, les agriculteurs sont nerveux : sont-ils menacés par les futurs pactes commerciaux avec le Royaume-Uni et le Mercosur? Auront-ils, encore une fois, une mauvaise surprise à la dernière minute?
Le gouvernement fédéral doit être clair : l’agriculture canadienne ne doit plus être un enjeu dans les négociations commerciales.
En plus, les agriculteurs font souvent les frais des guerres commerciales et autres conflits diplomatiques. J’en veux pour exemple les décisions de la Chine relativement au canola et au porc, celles de l’Inde par rapport aux légumineuses, ou encore celles des États-Unis sur le bœuf, l’agneau ou le bois d’œuvre. Les agriculteurs payent trop souvent pour des manœuvres diplomatiques qui n’ont absolument rien à voir avec eux.
Enfin, nous ne devons plus accepter que nos partenaires commerciaux agissent de mauvaise foi, en utilisant des barrières non tarifaires pour refuser ou ralentir l’entrée des produits agricoles canadiens. Nous devons être plus agressifs dans la défense des droits de nos exportateurs. Au Canada, les règles doivent être les mêmes pour les produits importés et pour les produits canadiens. Nous devons être aussi exigeants vis-à-vis des importations que nous le sommes à l’endroit de nos produits locaux. D’ailleurs, on ne peut qu’être déçu du refus de la ministre Bibeau d’accepter le principe de réciprocité dans l’application des règles en matière de produits alimentaires.
Fait no 3 : les producteurs agricoles ont besoin de main d’œuvre et de relève. La présente crise l’a démontré : il manque de bras dans nos exploitations agricoles.
Plusieurs producteurs agricoles doivent avoir recours aux travailleurs étrangers temporaires. Cependant, la bureaucratie est lourde. Il arrive parfois, comme avec la pandémie actuelle, que les événements ne permettent pas d’embaucher toute la main-d’œuvre nécessaire. De toute façon, ce programme ne répond pas aux besoins à long terme, puisqu’il faut recommencer chaque année.
Il faut revoir le programme des travailleurs étrangers. On ne doit plus traiter le recours à ces travailleurs comme une solution temporaire. La crise actuelle le montre clairement; cette main-d’œuvre fait partie de la solution à long terme.
Les permis de travail devraient durer plus d’une saison et les travailleurs temporaires devraient avoir une voie vers la résidence permanente. Enfin, il faut que de plus en plus d’immigrants économiques soient sélectionnés pour travailler dans le secteur agricole.
Les producteurs sont aussi préoccupés par la relève, et plus particulièrement par le transfert de leur exploitation à leurs enfants. Il faut encourager les jeunes à choisir l’agriculture comme future profession. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à cet égard.
La question de la fiscalité des transferts d’entreprises est complexe, comme tout ce qui touche la Loi sur les impôts, mais il faut examiner des façons de ne pas pénaliser ceux qui veulent transférer leur entreprise à leurs descendants plutôt qu’à des tiers.
Fait no 4 : il faut apporter des changements aux programmes de gestion des risques.
Les divers programmes de gestion des risques ne sont plus adaptés aux réalités vécues par le monde agricole. Il faut les revoir, notamment afin de tenir compte des risques politiques. Plusieurs des difficultés expérimentées par les exploitants agricoles sont attribuables à des décisions politiques, comme je l’ai dit plus tôt. Il faut que les programmes d’aide soient adaptés.
D’autre part, il faut être bien conscient du fait qu’il ne peut plus y avoir de programme universel. Chaque secteur agricole a ses propres particularités. Les risques associés à la production et les façons d’indemniser les producteurs ne sont pas les mêmes si on élève des poulets ou si on fait pousser des champignons.
Fait no 5 : il faut associer les producteurs agricoles à la lutte aux changements climatiques.
La taxe fédérale sur le carbone présentée par les libéraux n’aura aucun impact sur les changements climatiques. Cette taxe ne fait que rendre la vie plus chère pour les Canadiens et elle rend nos producteurs agricoles moins compétitifs.
Les agriculteurs sont les plus grands intendants de notre terre. Au Canada, nos agriculteurs ont séquestré des millions de tonnes de CO2 en améliorant les pratiques d’utilisation des terres, comme l’ensemencement sans labour. Nous devrions reconnaître leur contribution à la séquestration du carbone au lieu de leur imposer des coûts supplémentaires comme la taxe sur le carbone.
Fait no 6 : les producteurs agricoles font face à des défis liés à la santé mentale.
Les statistiques le prouvent : les agriculteurs sont de plus en plus aux prises avec des problèmes de santé mentale et peuvent souffrir de toxicomanie, de dépression ou penser au suicide.
Ces problèmes sont causés par le stress inhérent à la gestion d’une PME, mais aussi aux facteurs propres à l’agriculture. De plus, les agriculteurs vivent souvent isolés, ce qui les rend vulnérables non seulement à la criminalité, mais aussi à la solitude.
Il faut améliorer l’accès à des ressources spécialisées et favoriser les projets visant à donner du répit aux producteurs. Par exemple, les programmes de travailleurs de rang mis en place au Québec me semblent une avenue qu’il faut privilégier.
Le gouvernement fédéral doit le dire haut et fort : nos agriculteurs ne sont pas des criminels ou des tortionnaires. Il faut les défendre face aux attaques vicieuses des activistes. Les agriculteurs devraient pouvoir se sentir en sécurité chez eux.
Fait no 7 : l’agriculture doit reprendre sa place au Canada.
Les Canadiens sont fiers de leur secteur agricole, mais l’industrie n’est pratiquement plus entendue à Ottawa. Le ministre de l’Agriculture est maintenant un joueur mineur. Trop souvent, les décisions touchant l’agriculture sont laissées aux fonctionnaires et aux politiciens, qui ont peu de connaissances ou de considération pour le secteur agricole.
Il faut redonner de l’importance au poste de ministre de l’Agriculture. Il faut que les décisions comme les règlements en matière d’agriculture, les règles sur l’affichage ou le contenu du guide alimentaire soient prises en tenant compte de la science et de l’équité envers nos producteurs. Le gouvernement doit se fier aux études, et non simplement aux perceptions répandues par des lobbys anti-fermiers.
Fait no 8 : les producteurs agricoles sont la colonne vertébrale de la ruralité et ils ne veulent pas être des citoyens de seconde zone.
Depuis quelques années, les régions rurales ont été laissées pour compte. Il faut s’assurer que toutes les régions reçoivent leur juste part des sommes consacrées aux infrastructures. C’est très bien, les annonces sur le transport en commun et le logement social, mais, au cas où certains l’auraient oublié, nous ne vivons pas tous dans une grande ville. Il faut donc s’assurer que toutes les décisions du Cabinet et tous les programmes du gouvernement intègrent une perspective rurale.
Enfin, il faut s’assurer que les habitants des régions rurales aient accès à l’Internet haute vitesse, parce qu’on est aussi en 2020 sur une ferme.
Chers collègues, je voulais partager avec vous ces quelques réflexions. Nous tenons trop souvent pour acquise notre sécurité alimentaire. Nous avons tendance à oublier que le lait ne vient pas du magasin, mais qu’il y a des milliers de familles qui travaillent fort pour que nos réfrigérateurs et nos garde-manger soient bien remplis.
Il faut écouter nos producteurs agricoles, non seulement en ce qui a trait à ce qui touche directement l’agriculture, mais également sur des questions aussi diverses que la gestion et la fiscalité des PME, la lutte aux changements climatiques et les défis de la ruralité.
Avant de terminer, je tiens à saluer également la contribution des travailleurs du secteur de la transformation alimentaire. Ils travaillent souvent dans des conditions difficiles et pour une faible rémunération. De plus, les usines de transformation de la viande ont été particulièrement touchées par l’épidémie de COVID-19. À tous ces hommes et à toutes ces femmes du monde agricole, des secteurs de la production et de la transformation, je dis merci. Merci pour tout ce que vous faites en ce moment.
Enfin, à vous, chers collègues, je dis ceci : ne les oublions pas lorsque cette crise sera terminée.
Merci.
Honorables sénateurs, avec un peu de chance, à partir de demain, nous n’aurons plus à nous désoler que du lait soit jeté. Nous avons tous été bouleversés d’apprendre le gaspillage de 30 millions de litres de lait canadien à cause de la pandémie de COVID-19 et du déséquilibre qu’elle a causé entre l’offre et la demande dans le secteur laitier.
Aujourd’hui, le Sénat du Canada étudie le projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du lait, afin que les producteurs laitiers d’ici ne soient plus obligés de jeter du lait. Tous les Canadiens, y compris ces producteurs, seront soulagés de voir cette situation déplorable et scandaleuse prendre fin.
L’industrie laitière canadienne, comme l’a dit notre collègue le sénateur Rob Black, est très importante pour la sécurité alimentaire et l’état nutritionnel au pays, en plus de jouer un rôle crucial dans notre économie, en particulier dans les régions rurales, comme notre collègue le sénateur Carignan vient tout juste de le souligner.
Le Canada a plus de 10 000 fermes laitières, un cheptel de 1,4 million de vaches laitières et 514 transformateurs laitiers. Le secteur représente environ 220 000 emplois à temps plein au pays. Sa contribution au PIB du Canada s’élève à 20 milliards de dollars, et il verse 3,8 milliards de dollars annuellement en recettes fiscales. C’est un apport considérable.
Avant cette catastrophe du lait jeté à cause de la COVID-19, le secteur laitier canadien — une industrie névralgique — traversait déjà une crise provoquée par trois accords commerciaux internationaux récents : l’Accord économique et commercial global avec l’Europe, l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste et le tout dernier Accord Canada—États-Unis—Mexique. Lorsque ces accords seront pleinement mis en œuvre, les pays signataires obtiendront un accès qui représentera 18 % du marché canadien. Les producteurs laitiers d’ici enregistreront donc des pertes annuelles de 328 millions de dollars, dont 154 millions de dollars à cause de l’accord avec les États-Unis et le Mexique seulement.
En plus des concessions concernant l’accès au marché, l’Accord Canada—États-Unis—Mexique impose des plafonds à l’exportation dans le monde — j’insiste sur le fait qu’on ne se limite pas aux États-Unis — de certains produits laitiers canadiens. Comme cet accord doit entrer en vigueur le 1er juillet au lieu du 1er août prochain, les répercussions négatives seront plus importantes et plus rapides. Ces plafonds à l’exportation entraîneront aussi de lourdes pertes annuelles pour les producteurs laitiers.
Donc, en termes clairs, nous étudions aujourd’hui une mesure qui vise à répondre aux répercussions négatives de la crise de la COVID-19 sur un secteur déjà meurtri. Les trois projets de loi précédents sur les mesures d’urgence dont nous avons été saisis visaient à combler les besoins des Canadiens victimes des répercussions de la pandémie de COVID-19. Le premier a établi une allocation de soutien du revenu, la Prestation canadienne d’urgence, pour les personnes qui ne pouvaient plus travailler en raison de la COVID-19. Le deuxième a créé la Subvention salariale d’urgence du Canada pour les entreprises et les organismes sans but lucratif qui ont perdu une part importante de leurs revenus à cause de la COVID-19 afin qu’ils puissent payer leurs employés qui restent ainsi prêts à reprendre le travail. Le troisième projet de loi a créé la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants, c’est-à-dire un soutien au revenu pour les étudiants qui ne parviendront pas à trouver du travail cet été. Il est possible de présenter des demandes dans le cadre de ce programme à partir d’aujourd’hui.
En raison de la pandémie de COVID-19, nous découvrons et remarquons toutes sortes de vulnérabilités dans divers segments de la population et différents secteurs de l’économie au Canada. Nous tentons ensuite de les corriger.
Depuis la création de la Commission canadienne du lait et l’instauration du système de gestion de l’offre par le secteur laitier canadien dans les années 1970, tant les producteurs que les consommateurs ont pu compter sur la grande fiabilité de la gestion de ce secteur. Toutefois, depuis l’éclosion de la COVID, cette machine bien huilée a développé des vulnérabilités auxquelles nous n’aurions jamais pu nous attendre. Pour combattre la pandémie de COVID, l’une des principales mesures de santé publique mises en place a été la distanciation sociale. Or, cette mesure a mené à la fermeture du secteur de la restauration, ainsi que de nombreux autres établissements comme les écoles et les universités.
Tout cela a entraîné une baisse de la demande de produits laitiers, y compris le fromage et la crème, ce qui a causé les goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement ayant malheureusement forcé les producteurs à jeter du lait.
La Commission canadienne du lait est une société d’État canadienne, qui a pour mandat d’offrir aux producteurs de lait et de crème la possibilité d’obtenir une juste rétribution pour leur travail et leurs investissements et d’assurer aux consommateurs un approvisionnement suffisant et continu de produits laitiers de qualité.
Elle est donc bien placée pour aider le secteur laitier à résoudre le problème d’offre excédentaire causé par la COVID. En fait, le projet de loi C-16 fait suite à une demande du secteur laitier, qui souhaite que la commission bonifie ses programmes d’achat et de stockage pour aider l’industrie à s’adapter aux variations de l’offre et de la demande qui sont devenues imprévisibles à cause des effets de la COVID-19 sur le comportement des consommateurs.
En gros, le projet de loi C-16 modifie la Loi sur la Commission canadienne du lait en vue d’augmenter son plafond d’emprunt de 200 millions de dollars, le faisant ainsi passer à 500 millions de dollars. Par conséquent, la Commission canadienne du lait sera en mesure d’acheter plus de fromage et de beurre des transformateurs laitiers et de l’entreposer jusqu’à ce que ces derniers soient prêts à le racheter pour répondre aux exigences du marché.
Cette mesure, qui accordera à la Commission canadienne du lait une capacité d’emprunt suffisante dès maintenant et pour longtemps, procure un répit aux producteurs et aux transformateurs laitiers et réduit le gaspillage. Nous espérons qu’il ne sera plus nécessaire de jeter du lait.
Chers collègues, c’est une excellente nouvelle pour le secteur et pour tous les Canadiens. Heureusement, les producteurs laitiers ont généreusement offert une partie de leur lait excédentaire aux banques d’alimentation. Nous espérons que le programme d’achat des aliments excédentaires de 50 millions de dollars annoncé récemment par le gouvernement — qui fait partie de l’investissement de plus de 252 millions de dollars visant à soutenir les agriculteurs, les entreprises alimentaires et les transformateurs d’aliments — permettra aux producteurs laitiers d’acheter et de revendre tout le lait qu’ils produiront en trop.
J’habite une région principalement rurale dans le nord-est de la Nouvelle-Écosse qui compte de nombreuses exploitations laitières bien gérées. Certaines d’entre elles appartiennent à des familles néerlandaises qui se sont installées dans notre région après la Seconde Guerre mondiale. Dans le cadre de notre examen du projet de loi, nous avons communiqué avec Chris van den Heuvel, un producteur laitier du comté d’Inverness, l’ancien président de la Nova Scotia Federation of Agriculture et l’actuel deuxième vice-président de la Fédération canadienne de l’agriculture.
Chris van den Heuvel nous a dit : « Les temps sont difficiles. En dépit du système de gestion de l’offre, les producteurs laitiers sont durement touchés. Les ventes du côté des services d’alimentation ont tellement diminué qu’on jette au-delà d’un million de litres de lait par semaine. Nous avons eu deux baisses de quota consécutives en autant de mois, ce qui signifie moins de lait à expédier et donc, évidemment, moins de revenus. Tout cela ajoute au stress des producteurs laitiers, qui composent déjà avec une industrie où la marge de profit est très mince, et nuit à leur santé mentale. Sans compter la question du bien-être des animaux, les producteurs étant forcés de tarir des vaches de manière précoce ou d’en abattre. Bref, la situation est loin d’être idéale, mais n’oublions pas que les autres secteurs, tels que l’horticulture, l’élevage de bœuf, de porc, de volaille et de chevaux, l’aquaculture et la culture de champignons, pour ne nommer que ceux-là, ne sont pas non plus épargnés. »
En réponse à nos communications, Brian Cameron, directeur général des Producteurs laitiers de la Nouvelle-Écosse, a dit ceci : « Les producteurs laitiers se réjouissent de l’annonce de soutien fédéral pour le secteur agricole. Partout au pays, les producteurs laitiers travaillent sans relâche pour alimenter les Canadiens en cette période de grande incertitude, et nous accueillons volontiers des mesures visant à stabiliser notre secteur. L’importante réduction des quotas en avril et en mai, où la production de lait est habituellement supérieure, diminue directement les liquidités à un moment de l’année où les dépenses sont élevées en raison de la préparation des champs et de l’ensemencement. »
M. Cameron ajoute ce qui suit : « J’ai parlé à de nombreux producteurs et je pense que les événements tragiques survenus au début avril en Nouvelle-Écosse, combinés à la distanciation sociale et aux autres restrictions, ont un effet néfaste tant sur le plan mental que sur le plan social. » La mauvaise nouvelle selon laquelle le gouvernement a accepté le 1er août comme date d’entrée en vigueur de l’ACEUM nuit encore plus aux producteurs laitiers. Nous avons été déçus trop souvent.
Malgré ces revers, M. Cameron affirme que les producteurs sont forts et résilients et qu’ils produiront un lait de grande qualité.
Honorables collègues, les producteurs laitiers canadiens sont peut-être forts et résilients, comme M. Cameron les a décrits, mais je sais que cela leur a brisé le cœur et le moral de devoir se débarrasser du précieux lait qu’eux et leurs vaches ont travaillé si dur pour produire. Honorables collègues, ne laissons pas ces agriculteurs tomber. Adoptons le projet de loi C-16 et pensons tous aux producteurs laitiers qui travaillent fort lorsque nous dégusterons nos laits frappés, nos Frappuccinos et nos cornets de crème glacée en famille cet été. Wela’lioq. Merci.
Honorables sénateurs, le 11 mars, l’Organisation mondiale de la santé déclarait que l’épidémie de coronavirus était devenue une pandémie. Dans sa déclaration aux médias ce jour-là, le directeur de l’OMS a dit ce qui suit :
Ces deux dernières semaines, le nombre de cas de COVID-19 hors de Chine a été multiplié par 13 et le nombre de pays touchés a triplé.
On compte désormais plus de 118 000 cas dans 114 pays et 4 291 décès.
Des milliers de personnes sont hospitalisées entre la vie et la mort.
Dans les jours et les semaines à venir, le nombre de cas, de décès et de pays touchés devrait encore augmenter.
Chers collègues, nous le savons, c’est exactement ce qui s’est produit. Mercredi marquait la 9e semaine depuis le 11 mars. Il y a 9 semaines, il y avait 118 000 cas de COVID-19. Aujourd’hui, il y a plus de 4,5 millions de cas à l’échelle de la planète.
Il y a 9 semaines, 4 291 personnes avaient été emportées par le virus. Le taux de mortalité de la COVID-19 atteignait 3,6 %. Aujourd’hui, le virus a tué plus de 300 000 personnes dans 177 pays et le taux de mortalité atteint les 6,7 %. Au Canada, le taux de mortalité est encore plus élevé, à 7,5 %. Plus de 73 000 Canadiens ont reçu un résultat positif au test de dépistage du virus et plus de 5 400 ont perdu la vie.
Cela représente plus de 5 400 familles et un nombre incalculable d’êtres chers qui ont été directement touchés par la mort prématurée d’un parent ou d’un ami à cause du virus. Ces personnes étaient des mères et des pères, des sœurs et des frères, des grands-mères et des grands-pères qui, il y a à peine quelques semaines, s’étaient réunis autour d’un repas ou dans un foyer pour personnes âgées pour rire ensemble et partager des moments remplis d’amour. Maintenant, ils ne sont plus parmi nous. La douleur causée par ce virus est incommensurable, et nos pensées et nos prières accompagnent toutes les personnes qui ont été touchées.
Chers collègues, beaucoup d’entre vous ignorent peut-être que, il y a deux jours à peine, l’une des nôtres a perdu son père après que ce dernier a succombé à la maladie. Madame la sénatrice Saint-Germain, nous sommes de tout cœur avec vous.
Elle a pu parler avec son père sur FaceTime lors de ses derniers moments. Malheureusement, rien ne permettra de faire un retour en arrière; rien ne permettra de remplacer ce qui a été perdu. Ce n’est pas comme un jeu vidéo où on peut recommencer les niveaux ratés. Nous sommes dans la vraie vie, et la vraie vie est remplie de peines et de joies, certaines évitables et d’autres inévitables. C’est la grande tragédie de la pandémie de la COVID-19 : elle nous plonge à la fois dans des situations qui peuvent être évitées et dans des situations qui ne le peuvent pas.
Le Canada ne pouvait pas prévenir l’éclosion du coronavirus, mais il aurait pu en faire davantage et aurait pu agir plus rapidement pour éviter sa propagation. Il était inévitable que nous serions touchés par la pandémie et que des vies seraient perdues. Cependant, on aurait pu éviter que le virus ravage sans relâche tant de résidences pour personnes âgées. Nous aurions pu, et nous aurions dû, en faire davantage pour protéger les personnes âgées et les membres les plus vulnérables de notre société.
Il était également inévitable qu’une pandémie mondiale aurait des conséquences économiques majeures. Or, il est indéniable que la gestion maladroite par le gouvernement de la crise de santé a amplifié la crise économique actuelle. Personne ne s’attend à ce que le gouvernement soit parfait ou à ce qu’il fasse tout correctement. Toutefois, en temps de crise nationale, le gouvernement devrait au moins faire tout en son pouvoir pour être plus efficace en adoptant une approche coopérative plutôt que combative, collégiale plutôt qu’exclusive, et réfléchie plutôt que politique.
Or, ce n’est pas ce que nous avons vu de la part du gouvernement. D’ailleurs, dans son approche à l’égard de la COVID-19, le gouvernement commence à ressembler à un hamster dans sa roue : il travaille très fort, mais il ne va pas bien loin. La même situation se reproduit sans arrêt : on annonce des dépenses, puis c’est la confusion et l’incertitude. Qui est admissible? Comment peut-on présenter une demande? Pourquoi le programme ne s’applique-t-il pas à telle situation ou à telle personne? Pourquoi y a-t-il autant de lacunes dans le filet de sécurité? Pourquoi fait-on une annonce sans fournir de détails sur le fonctionnement du programme?
Neuf semaines se sont écoulées depuis le début de la pandémie, mais certaines personnes en difficulté n’ont toujours pas de bouée de sauvetage. Le gouvernement vient en aide de façon sélective à certaines personnes, tandis que d’autres peinent à subsister.
Lorsque l’on veut annoncer des dépenses d’urgence de plusieurs milliards de dollars en fonds publics, il vaut mieux le faire dans l’enceinte de la Chambre des communes que sur les marches du chalet du premier ministre. On dirait que les libéraux ne considèrent pas le Parlement comme un service essentiel. Honorables collègues, les magasins Walmart et Costco et même les restaurants Tim Hortons sont ouverts, alors comment se fait-il que le Parlement ne le soit toujours pas? On dirait que, moins les libéraux ont à rendre des comptes à Ottawa, mieux ils se portent.
Chers collègues, aujourd’hui, nous avons été convoqués pour étudier le projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du lait.
Chers collègues, je trouve pour le moins intéressant de voir qu’après avoir fait des annonces de dépenses de plusieurs milliards de dollars et avoir empêché le Parlement de siéger plus fréquemment — ce qui aurait assuré une reddition de comptes appropriée et l’examen des politiques proposées —, le premier ministre nous rappelle maintenant au Parlement pour changer un mot dans une loi.
Dans l’esprit du premier ministre, il est trop dangereux que le Parlement siège régulièrement et exige que le gouvernement rende compte des dépenses extraordinaires de fonds publics pendant cette crise nationale, mais il n’hésite pas un seul instant à convoquer le Parlement pour remplacer un « trois » par un « cinq ».
Qu’on me comprenne bien. Je ne laisse pas entendre que cette modification est sans importance et je précise que nous avons la ferme intention de l’appuyer.
Le 5 mai, le premier ministre a annoncé de nouvelles dépenses de 252 millions de dollars pour soutenir les agriculteurs et les entreprises alimentaires, notamment dans le secteur de la transformation. Dans le cadre de ce train de mesures, le gouvernement a fait connaître son intention d’augmenter de 200 millions de dollars le plafond d’emprunt de la Commission canadienne du lait pour couvrir les coûts liés à l’entreposage des surplus de fromage et de beurre. Les producteurs laitiers n’ont jamais vu une fluctuation hebdomadaire de la demande de lait comme à l’heure actuelle.
Par surcroît, la fermeture soudaine des restaurants et des hôtels à l’échelle du pays a entraîné un excédent de production très difficile à gérer. On ne peut pas tout simplement arrêter de traire une vache pendant une semaine parce que la demande est faible — la ministre a bien expliqué que ce n’est pas comme fermer un robinet — pour ensuite recommencer la semaine suivante lorsque la demande est plus forte. La situation est légèrement plus compliquée.
L’industrie laitière s’est efforcée tant bien que mal de composer avec ces difficultés, notamment en faisant don de plus de 10 millions de dollars en produits laitiers aux banques alimentaires partout au pays, et en réduisant ses quotas de 2 à 5 %, selon les provinces. Malgré ces efforts, les producteurs laitiers ont été obligés de jeter 30 millions de litres de lait, en raison du manque pur et simple de débouchés. Personne ne souhaite une telle chose.
Les producteurs laitiers nous disent que cette modification contribuera à « compenser les répercussions des goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement qui ont empêché les produits laitiers de se rendre de la ferme à l’épicerie. »
La nécessité de la modification présentée aujourd’hui ne fait donc pas débat. Elle est nécessaire, car elle va permettre d’aider l’industrie laitière à traverser cette période difficile.
Mais ce dont le pays n’a pas besoin, c’est d’un premier ministre qui accepte que le Parlement siège uniquement lorsque cela lui convient et qui ne semble pas comprendre l’importance que revêt la surveillance parlementaire dans les circonstances actuelles. Qu’il en soit conscient ou non, il déprécie la valeur de l’institution la plus précieuse au pays, tout en cherchant à rehausser sa propre valeur.
Rex Murphy a très bien décrit la situation dans sa chronique publiée le 27 avril dans les pages du National Post:
Hélas, pour reprendre les paroles mémorables de sir Thomas Browne, en temps de crise nationale, la notion de Parlement habilité n’est que rêves et folies. L’idée d’une tribune nationale destinée à surveiller nos dirigeants, à garder un œil sur la distribution massive de deniers publics, à remettre en question les décisions que notre premier ministre nous présente quotidiennement n’est, semble-t-il, qu’une simple distraction, une perte de temps, une étape inutile dans le fonctionnement impeccable de ce gouvernement minoritaire.
On ne saurait mieux dire que Rex Murphy.
Toutefois, le Parlement n’est pas la seule cible de l’indifférence du premier ministre. Le secteur agricole du pays semble aussi très bas dans sa liste de priorités. Ce ne sont pas les exemples qui manquent. Je vais en énumérer quelques-uns.
Premièrement, le soutien que le gouvernement accorde au secteur agricole pendant cette pandémie est ridiculement inadéquat. Voici quelques chiffres : nous en sommes au 65e jour de la pandémie et, jusqu’à présent, le gouvernement a annoncé 156 milliards de dollars en paiements de soutien directs, ce qui représente 2,4 milliards de dollars par jour depuis le début de la pandémie.
Si ces dépenses étaient réparties de manière égale dans la population, cela correspondrait à un chèque d’un peu plus de 4 100 $ pour chaque homme, femme et enfant du pays ou de 16 400 $ pour une famille de quatre. Nous savons bien que l’argent n’est pas versé de cette façon, mais cela nous donne une idée de l’ampleur des sommes dépensées. Dans la pratique, l’argent est versé dans le cadre de programmes précis et va à des personnes et à des industries précises.
Le mois dernier, la Fédération canadienne de l’agriculture a établi à 2,6 milliards de dollars les besoins de l’industrie agricole découlant de la pandémie. Le gouvernement a répondu en annonçant 252 millions de dollars pour l’industrie.
Chers collègues, cela représente moins de 10 % des besoins de l’industrie et moins de 0,17 % des dépenses directes totales du gouvernement pour la crise du coronavirus jusqu’ici. Cela n’a aucun sens.
Deuxièmement, en plus d’être tout à fait insuffisant, ce soutien financier se fera en partie attendre pendant des mois.
Une partie des 252 millions de dollars annoncés doit servir à créer un Fonds d’urgence pour la transformation de 77,5 millions de dollars. Ce fonds aidera les producteurs d’aliments à avoir accès à davantage d’équipements de protection individuelle, à s’adapter aux protocoles sanitaires, à automatiser ou à moderniser leurs installations, leurs processus et leurs opérations, et à répondre aux nouvelles pressions issues de la COVID-19. Ils pourront ainsi approvisionner plus efficacement les Canadiens pendant cette période. Or, selon Global News, ce financement ne sera probablement pas disponible avant la fin du mois de septembre, et il n’y a toujours pas de détails sur les conditions à remplir pour bénéficier de ce financement.
Les usines de transformation de la viande ont été durement touchées par le coronavirus. L’usine Cargill de High River, en Alberta, a été fermée après que 350 cas de COVID-19 y aient été signalés. Dimanche, une autre usine Cargill près de Montréal a annoncé qu’elle fermerait temporairement ses portes après qu’au moins 64 travailleurs aient obtenu un résultat positif au test de dépistage.
Ce montant de 77,5 millions de dollars est censé aider les usines à améliorer leurs conditions de travail afin de prévenir de telles épidémies. Pourtant, comme l’a rapporté Global News : « Pour ce qui est de la date à laquelle l’argent devrait être distribué, le ministère a déclaré que cela se ferait « au plus tard » le 30 septembre. »
Le 30 septembre, c’est dans 139 jours. D’ici là, la pandémie aura duré 204 jours. Comment cette annonce aide-t-elle l’industrie à relever les défis liés à la COVID auxquels elle est confrontée en ce moment? Et pourquoi diable cette mesure est-elle annoncée en mai comme un financement imminent, alors qu’elle ne sera pas appliquée avant des mois?
Troisièmement, non seulement l’aide gouvernementale au secteur agricole est ridiculement insuffisante et ne sera pas complètement versée avant des mois, mais elle est aussi nettement inférieure à l’aide fournie aux autres secteurs.
Les 252 millions de dollars promis par le gouvernement incluent des fonds pour aider les éleveurs de bétail qui font face aux coûts supplémentaires engendrés par la COVID-19. Cela comprend des fonds mis de côté pour des programmes de gestion des bovins et des porcs afin de gérer le bétail en réserve dans les fermes en raison de la fermeture temporaire des usines de transformation des aliments.
Le montant prévu à cet effet est de 125 millions de dollars. Il y a toutefois un problème : l’on estime qu’il y a actuellement 14 millions de porcs et 11 millions de bovins. Cela représente 25 millions de têtes de bétail. Si l’on répartit ces 125 millions de dollars en fonction du nombre de têtes de bétail, cela reviendra à 5 $ par animal. À quel point ces 5 $ par bête vont-ils aider? Que permettront-ils de payer?
Les coûts de production quotidiens peuvent varier considérablement d’un bout à l’autre du Canada. Cependant, dans le secteur du bœuf du Manitoba, ce coût s’élève à environ 3 $ par animal par jour pour une exploitation de naissage, et à 5,75 $ par animal par jour pour un parc d’engraissement. Les porcs sont encore plus chers à élever, et coûtent environ 11 $ par animal par jour. Cela signifie que la grande annonce du gouvernement de 125 millions de dollars pour les producteurs de porcs et de bovins couvrira l’équivalent des coûts de production d’une exploitation d’élevage pour une période de 12 à 24 heures.
Les éleveurs de porcs et de bovins contribuent à hauteur de 13 milliards de dollars par année à l’économie canadienne, mais ne reçoivent que 125 millions de dollars en aide lorsque la planète est frappée d’une crise sanitaire. Cela représente un peu moins de 1 % de leur contribution annuelle totale à l’économie.
Comparons cela à ce que le gouvernement a fait pour les étudiants. Le gouvernement a annoncé une aide de 9 milliards de dollars pour les étudiants. Selon Statistique Canada, le Canada compte environ deux millions d’étudiants de niveau postsecondaire, ce qui revient à 4 500 $ par étudiant, sans compter l’argent qui a été affecté au programme Emplois d’été Canada.
Ces 9 milliards de dollars sont destinés à aider les étudiants dans le cadre de la Stratégie emploi et compétences jeunesse et à appuyer ceux qui ne trouvent pas de travail, qui font du bénévolat ou qui ont besoin d’aide pour leurs prêts étudiants. La Prestation canadienne d’urgence pour étudiants les aidera pendant une période pouvant atteindre 112 jours, du début mai jusqu’à la fin août.
Autrement dit, les étudiants sont couverts pendant 112 jours, mais les producteurs de porc et de bœuf sont couverts pendant 12 à 24 heures.
J’ose croire que personne n’aura l’idée d’insulter les agriculteurs en prétendant que cette comparaison revient à critiquer les étudiants. Ce serait absurde. Il faut offrir de l’aide aux étudiants dans le besoin et personne ne devrait leur reprocher cette assistance.
Ce que j’essaie de dire, c’est qu’il faut se demander pourquoi l’aide du gouvernement est si faible pour l’agriculture, toutes proportions gardées, alors que ce secteur est celui qui met de la nourriture sur nos tables? Cela n’a aucun sens.
Quatrième exemple qui montre que l’agriculture n’est pas une grande priorité pour le gouvernement : une grande partie de l’aide annoncée pour l’agriculture n’est qu’un ramassis d’anciens engagements. Il ne s’agit pas d’argent frais dégagé pour répondre aux difficultés causées par la COVID-19. Le gouvernement s’est bien gardé de dire que la moitié des 252 millions de dollars annoncés pour l’agriculture n’est pas de l’argent frais et que ce montant faisait déjà partie de l’enveloppe consacrée à l’agriculture et l’agroalimentaire cette année. Il en va de même pour les mesures visant à augmenter les liquidités par l’intermédiaire de Financement agricole Canada. Au lieu d’offrir un nouveau programme d’aide lié à la COVID-19, les libéraux ont simplement annoncé de nouveau une promesse électorale de 2019. Cette tendance du gouvernement à annoncer des mesures d’aide existantes pour le secteur agricole montre qu’il ne considère pas l’agriculture comme une priorité. Si c’était une priorité, les décisions du gouvernement et les ressources qu’il consacre à ce secteur ne seraient pas les mêmes.
On estime que 15 % des exploitations agricoles, soit environ 30 000 d’entre elles, feront faillite si on ne fournit pas immédiatement une aide véritable au secteur canadien de l’agriculture et de l’alimentation. La situation est grave. La nature sans précédent de la pandémie exige des mesures sans précédent, et non des programmes recyclés par un gouvernement qui ne prend pas le secteur agricole au sérieux.
Cinquième exemple qui montre à quel point le gouvernement fait peu de cas du secteur agricole : la manière dont il traite l’industrie laitière.
Posez-vous la question suivante : qu’a fait le gouvernement pour l’industrie laitière depuis que la pandémie a forcé l’arrêt de pratiquement toute l’économie? Eh bien, la première chose qu’il a faite, comme je l’ai dit la dernière fois que nous nous sommes réunis dans cette enceinte, a été de poignarder l’industrie laitière dans le dos. Il avait promis aux Producteurs laitiers du Canada et à l’Association des transformateurs laitiers du Canada que le nouvel Accord Canada—États-Unis—Mexique ne serait pas mis en vigueur avant le 1er août, afin que le secteur puisse profiter de 12 mois complets pour exporter d’importants produits laitiers en profitant du seuil d’exportation prévu pour la première année de l’accord, avant de devoir se conformer au seuil beaucoup moins élevé que le gouvernement a concédé et qui entrera en vigueur à la deuxième année. Au lieu de tenir cette promesse faite aux agriculteurs et aux producteurs laitiers canadiens, le gouvernement libéral a été le premier à aviser les autres partis qu’il était prêt à mettre l’accord en œuvre un mois avant la date qu’il avait promise. En ratifiant l’accord un mois plus tôt, le gouvernement a privé l’industrie laitière de 11 mois d’exportations avec un seuil préférentiel. Cela coûtera 100 millions de dollars à l’industrie. Maintenant, le gouvernement dit qu’il remboursera ces pertes à l’industrie, mais la confiance perdue avec cette bourde monumentale ne sera pas rétablie. Tout ce que le gouvernement aura réussi à faire, c’est de refiler aux contribuables canadiens la facture à payer en raison son incompétence.
Qu’en est-il de la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd’hui? Le projet de loi hausse de 200 millions de dollars la capacité d’emprunt de la Commission canadienne du lait pour couvrir les coûts de stockage des excédents de fromage et de beurre. Cette mesure montre sûrement l’attachement du gouvernement à l’industrie laitière? Pas vraiment. Voici ce qu’il en est. Il s’agit d’une mesure nécessaire, mais elle ne coûtera probablement rien au gouvernement fédéral. Le directeur parlementaire du budget a confirmé que, presque chaque fois que le gouvernement annonce un nouveau programme de prêts ou une autre mesure visant à injecter des liquidités, ce dernier en tire des revenus; il n’y consacre pas d’argent.
Prenons le programme de prêts de 5,2 milliards de dollars de Financement agricole Canada, que le gouvernement a annoncé le 18 mars dernier. Ce programme d’aide aux agriculteurs rapportera 96 millions de dollars à l’État. Le programme de prêt et de garantie pour les PME de 20 milliards de dollars d’Exportation et développement Canada rapportera 3 millions de dollars au Trésor. Le Programme de garantie de prêt pour les petites et moyennes entreprises de 20 milliards de dollars de la Banque de développement du Canada rapportera 389 millions de dollars à l’État. L’aide au crédit et aux liquidités de 150 milliards de dollars dans le cadre du programme de protection de l’assurance hypothécaire rapportera quant à lui 428 millions de dollars à l’État.
L’augmentation de 200 millions de dollars de la capacité d’emprunt prévue dans le projet de loi C-16 est aussi nécessaire que bienvenue, mais il ne faut pas croire que cette mesure coûtera un sou au gouvernement. Nous devrons attendre que le directeur parlementaire du budget procède à l’évaluation des coûts, mais il est fort probable que l’État tirera également des revenus de ce programme.
Un autre point que vous devez comprendre à propos de la façon dont le gouvernement traite l’industrie laitière est comment il suggère de gérer les contingents tarifaires. L’Association des transformateurs laitiers du Canada explique l’importance des contingents tarifaires pour l’industrie laitière comme suit : « Les contingents tarifaires, ou licences d’importations de produits laitiers, ont pour but de protéger les industries canadiennes qui ont subi les contrecoups économiques des accords commerciaux internationaux, notamment l’Accord économique et commercial global, l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste ou l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. Traditionnellement, ils procurent une stabilité à long terme aux industries comme la nôtre. Les contingents tarifaires nous permettent d’importer des produits selon des tarifs bas ou sans tarifs, ce qui nous permet d’offrir ces produits aux Canadiens à des prix concurrentiels par l’intermédiaire des détaillants. Le profit aide notre industrie à compenser les pertes encourues en raison des accords commerciaux internationaux. »
Le problème est que le premier ministre s’apprête à donner 100 % de ces contingents tarifaires aux détaillants plutôt qu’aux transformateurs laitiers. Ces derniers sont très inquiets, car les détaillants n’ont subi aucun contrecoup économique à la suite des signatures de ces accords commerciaux, contrairement à l’industrie laitière. C’est inconcevable, sauf que je me rappelle que le gouvernement a pensé qu’il devait refiler aux contribuables la facture de 12 millions de dollars pour des réfrigérateurs destinés à Loblaws l’année dernière. Il veut probablement remplir ces réfrigérateurs aux dépens de l’industrie laitière.
Voici pourquoi les transformateurs laitiers estiment qu’ils devraient avoir droit aux contingents tarifaires, mais pas les détaillants : en deux mots, c’est parce que les détaillants et les distributeurs n’ont pas souffert des récents accords commerciaux. Ils ne produisent rien, ils offrent simplement les produits des autres aux consommateurs canadiens, avec profit à la clé. Les transformateurs laitiers, de leur côté, ont investi des sommes importantes dans leur équipement de production afin de créer de nouveaux produits et de les mettre en marché. Pour les entreprises de ce secteur, les contingents tarifaires constitueraient un gage de stabilité qui les aiderait à mieux prévoir leurs affaires et à continuer d’investir, en plus de leur fournir un rendement des investissements raisonnable.
L’association demeure persuadée que les contingents tarifaires liés à l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste et à l’Accord Canada—États-Unis—Mexique doivent impérativement être accordés aux transformateurs laitiers afin de les dédommager pour les pertes que leur causera immanquablement l’ouverture du marché canadien des produits laitiers. Or, pour une raison qu’on ne saurait expliquer, le gouvernement fait la sourde oreille. Il faut dire qu’on commence à avoir l’habitude parce que c’est ainsi qu’il traite désormais le milieu de la production laitière et le secteur agricole en général.
Le traitement réservé à l’industrie céréalière constitue le sixième exemple montrant à quel point le secteur agricole est loin sur la liste des priorités du gouvernement. Les producteurs du pays n’ont pas manqué de remarquer qu’ils étaient tout simplement exclus du programme d’aide de 252 millions de dollars destiné au secteur agricole et agroalimentaire.
Les Producteurs de grains du Canada ont réagi ainsi à l’annonce du gouvernement :
Ce programme d’aide ne permet de résoudre aucun des problèmes qui nous affligent depuis longtemps déjà, comme l’accès au marché, le blocage des voies ferrées et la récolte pitoyable de 2019.
Alors que les revenus agricoles nets continuent à dégringoler, le gouvernement fédéral n’a offert que des programmes d’aide qui ne sont pas accessibles à la majorité des exploitations agricoles ou qui se concentrent sur l’accès au capital d’emprunt pour des agriculteurs déjà fortement endettés. Ce programme d’aide renforce malheureusement la tendance.
Encore et encore, le gouvernement libéral laisse tomber les producteurs de grains du Canada. Ce n’est là que l’exemple le plus récent.
Sans exagérer, je pourrais probablement continuer à vous donner des exemples du mépris du gouvernement envers le secteur agricole canadien jusqu’à minuit — je pense que la motion nous permet de prolonger la séance jusqu’à cette heure. Je ne suis toutefois pas certain que j’arriverais à conserver votre attention aussi longtemps. Permettez-moi donc d’ajouter un septième et dernier exemple : la taxe fédérale sur le carbone.
Il est difficile de trouver une mesure qui nuira davantage à l’industrie agricole que la taxe sur le carbone. L’agriculture a grandement besoin de combustibles fossiles parce que les tracteurs ne sont plus tirés par des chevaux. Ils fonctionnent au diésel.
Les grains ne sont plus asséchés au soleil comme on le faisait il y a des centaines d’années. Les agriculteurs utilisent plutôt la chaleur produite avec du propane.
Il faut aussi tenir compte du transport ferroviaire, du chauffage, de l’électricité et du camionnage, qui sont essentiels pour de nombreux aspects des activités agricoles. Tous nécessitent des combustibles fossiles. Il n’y a en ce moment aucune solution de rechange fiable.
Et contrairement à ce qu’Elizabeth May, du Parti vert, et le Bloc québécois tentent de nous faire croire, il est plutôt difficile d’installer des panneaux solaires ou des éoliennes sur un tracteur.
C’est le premier problème que pose la taxe sur le carbone : les agriculteurs utilisent beaucoup de combustibles à base de carbone.
Le deuxième problème, c’est que les agriculteurs sont des preneurs de prix et que, contrairement à de nombreuses autres industries, ils ne peuvent pas refiler le coût de la taxe sur le carbone aux consommateurs.
Selon les recherches effectuées par l’Association des producteurs agricoles de la Saskatchewan, le résultat net de ces deux facteurs est le suivant :
[...] les agriculteurs peuvent s’attendre à perdre 8 % de leur revenu net total en 2020 à cause de la taxe sur le carbone. Pour un ménage qui gère une ferme céréalière de 5 000 acres en Saskatchewan, le montant de la facture variera entre 8 000 et 10 000 $.
Dans moins de deux ans, lorsque la taxe sur le carbone passera à 50 $ la tonne en 2022, le montant de la facture variera entre 13 000 et 17 000 $ pour le même ménage, soit l’équivalent d’une diminution de 12 % de son revenu net.
Partout au pays, les producteurs sont très préoccupés par la taxe sur le carbone, et ce, à juste titre. Je remarque que la sénatrice Griffin a attiré l’attention du Sénat sur cette situation en présentant le projet de loi S-215, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (exemptions pour les activités agricoles).
Tandis que les agriculteurs sont très inquiets des répercussions de la taxe sur le carbone sur l’industrie agricole et que les sénateurs suivent de près ces préoccupations, le gouvernement n’y porte aucune attention. Comment expliquer tout cela?
D’une part, nous avons la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Marie-Claude Bibeau, qui était ici aujourd’hui, qui fait des déclarations comme celle-ci :
Je tiens à rassurer tous nos agriculteurs et propriétaires d’entreprises agroalimentaires que notre gouvernement reconnaît à quel point ils sont essentiels à nos communautés. Nous sommes là pour les aider à traverser cette crise.
D’autre part, ces belles paroles ne se traduisent jamais en actions concrètes.
Que sont censés en conclure les agriculteurs?
Si le gouvernement était à tout le moins cohérent dans sa façon de traiter les Canadiens, peut-être que nous pourrions conclure qu’il fait de son mieux. Or, il est loin d’être cohérent.
Il fait fi des besoins et des préoccupations de l’industrie agricole tout en envoyant de l’argent sans discernement aux personnes qui n’y sont même pas admissibles.
Je suis certain que vous avez tous vu le grand titre du National Post, dont nous avons parlé ce matin : « “Pas d’arrêt de paiement” : les fonctionnaires fédéraux chargés de traiter les demandes de Prestation canadienne d’urgence et d’assurance-emploi reçoivent l’ordre de fermer les yeux sur l’abus ».
C’était le titre de l’article du National Post.
Il semblerait que les employés d’Emploi et Développement social Canada et de Service Canada auraient reçu une note de service disant ceci :
À compter de maintenant, dans le traitement des demandes, si un agent relève des informations qui semblent indiquer une fraude possible du système d’assurance-emploi par un client, un employeur ou un tiers, il ne doit pas imposer un arrêt de paiement ni transmettre la demande aux Services d’intégrité, à moins qu’il considère que la situation nécessite d’entreprendre une enquête urgente.
La raison est que la Direction des Services d’intégrité a suspendu toutes les enquêtes qui ne sont pas urgentes. En plus de la suspension des Séances d’information à l’intention des prestataires, des rencontres en personne et des visites sur place, la Direction a suspendu toutes les activités des Opérations d’intégrité relatives à la conformité et à l’application du programme d’assurance-emploi.
Je trouve cela incroyable. Comment peut-on d’une main refuser aux agriculteurs canadiens l’aide dont ils ont désespérément besoin et, de l’autre, balancer de l’argent par les fenêtres pour des gens qui n’y ont même pas droit? Et il n’y a même pas de mécanisme permettant de récupérer cet argent.
Comment peut-on fermer les yeux face à des demandes visiblement frauduleuses et insister pour que l’argent soit tout de même versé, puis tourner le dos de façon cavalière au secteur agricole alors qu’il a des besoins financiers critiques?
Cela en dit long sur l’attitude déplorable du gouvernement face au secteur agricole et sur l’incompétence dont il fait preuve dans la gestion de la pandémie.
Chers collègues, en terminant, permettez-moi de dire ceci : j’ai été troublé d’apprendre que le Bureau du vérificateur général a été contraint de suspendre la plupart de ses travaux en raison d’un manque de financement.
Permettez-moi de citer un article paru sur i Politics.
Le vérificateur général du Canada déclare qu’un manque de financement ne lui a laissé d’autre choix que de retarder la plupart des travaux de vérification, puisque la pandémie de la COVID-19 exerce de nouvelles pressions sur son bureau, qui est déjà en manque de ressources.
Le vérificateur général intérimaire, Sylvain Ricard, a déclaré mardi au Comité des finances de la Chambre des communes que son bureau a dû interrompre toutes les vérifications, à l’exception de trois.
Nous pourrions peut-être interroger la candidate à ce sujet un peu plus tard.
Honorables sénateurs, c’est incroyable et inacceptable. Au moment où le gouvernement dépense des sommes record et où le premier ministre se vante d’avoir présenté « les mesures économiques les plus importantes de notre époque », la seule chose pour laquelle il semble incapable de trouver de l’argent est le bureau responsable de lui demander des comptes sur ses dépenses.
Cela ne vous paraît-il pas plutôt curieux?
D’abord, le premier ministre ne veut pas que le Parlement siège trop souvent pour ne pas qu’on pose trop de questions. Ensuite, il refuse de financer le Bureau du vérificateur général pour que celui-ci puisse faire son travail de chien de garde des dépenses publiques.
Chers collègues, je dois avouer que le gouvernement fournit tous les éléments nécessaires à une bonne théorie du complot. Comme vous, je reçois d’innombrables courriels de la part de gens qui sont convaincus que le gouvernement participe à une sorte d’infâme complot et qu’il travaille en catimini, dans les coulisses, pour mettre en place les composantes de son programme secret.
Eh bien, permettez-moi d’en douter. Non pas parce que je suis persuadé d’avoir débusqué les intentions du premier ministre, mais bien car je suis presque certain que toute conspiration réussie nécessite un certain degré de compétence. Ce n’est manifestement pas le cas du gouvernement.
Je suis sûr que beaucoup d’entre vous ont entendu à la Chambre des communes hier — ou peut-être était-ce avant-hier — le député Pierre Poilievre poser au ministre des Finances une série de questions fondamentales sur l’état des finances du pays. La première question était la suivante :
Quelle est la valeur en dollars des actifs totaux du gouvernement du Canada?
La deuxième question était :
Quel est le total des passifs du gouvernement du Canada?
La troisième question était :
Je sais que nous ne devrions pas interroger le ministre sur les chiffres. Il n’est que le ministre des Finances, après tout, mais à combien s’élèvent les capitaux dans le bilan financier du gouvernement du Canada?
La quatrième question était :
Le ministre peut-il, s’il connaît ces chiffres, nous dire s’il est possible que son gouvernement atteigne un endettement de 1 billion de dollars cette année?
La dernière question était :
À combien s’élève notre dette nationale actuelle?
Chers collègues, le ministre des Finances n’a pas su répondre à une seule de ces questions. Pas une seule. Par conséquent, soit il n’a pas voulu répondre, ce qui est honteux dans le contexte actuel, où on ne le voit qu’une seule fois par semaine au Parlement, soit il est incompétent s’il ne le sait pas.
Chers collègues, imaginez un instant être propriétaire d’entreprise. Vous faites venir votre chef des opérations à votre bureau pour lui demander quel est le bilan financier de l’entreprise, et il ne sait pas quoi répondre. Comment réagiriez-vous? Vous le congédieriez.
Lorsque le ministre des Finances ne semble pas connaître les données fondamentales des finances du pays, on sait que le gouvernement en place est incompétent.
Chers collègues, aujourd’hui, le caucus conservateur appuiera l’adoption du projet de loi C-16 à l’unanimité, et non avec dissidence, car les producteurs laitiers et leur industrie ont besoin de cette aide en cette période critique. Toutefois, nous ne pouvons pas et nous n’allons pas sanctionner l’indifférence dont le gouvernement fait preuve à l’endroit du secteur agricole.
J’invite tous les sénateurs à se joindre à moi pour exhorter le gouvernement non seulement à reconnaître que le secteur agricole fournit des services essentiels, mais aussi à en faire la preuve en accordant le soutien et les services dont ce secteur a besoin au cours de cette période difficile. Je vous remercie.
C’est difficile de faire mieux, monsieur le sénateur.
C’est le milieu de l’après-midi et la question est très importante. Je vous félicite. Comme vous l’avez déjà dit, Jean Chrétien avait mentionné que dans le mot « opposition », il y a un beau grand « O ». Cela signifie que vous vous opposez et vous l’avez très bien fait.
Donc, vous avez le choix, monsieur.
Avant que je ne vous présente mon bref discours, j’ai pensé à ce que la sénatrice Coyle avait mentionné au sujet des laits frappés, de la crème glacée et ainsi de suite. J’ai eu le temps durant votre allocution de faire un peu de recherche. J’ai découvert un fait intéressant pour une personne originaire des Maritimes comme moi. Il y a une nouvelle boisson là-bas qui porte le nom de Rum Cow et qui est faite à partir d’une variété d’ingrédients. Je pense qu’en guise de soutien aux exploitants de fermes laitières, je vais être solidaire et appuyer le Rum Cow. Je ne vais pas lire toute la liste des ingrédients, mais il y a entre autres beaucoup de lait, six onces en tout, et un peu de rhum. Il est seulement 15 h 15, mais c’est l’heure où il faut faire attention si vous venez du Canada atlantique.
Je prends la parole au nom du groupe des sénateurs progressistes. J’ai l’honneur de formuler des commentaires à propos du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du lait. D’autres avant moi ont également passé en revue le projet de loi, alors je serai bref.
J’ai parlé avec mon bon ami, le sénateur Mercer, de la Nouvelle-Écosse. Il est 16 h 15 maintenant, alors Dieu sait ce qu’il fait. Il voulait que je formule quelques commentaires en son nom au sujet du projet de loi. Bien entendu, il est un membre distingué du comité de l’agriculture en plus d’être un allié et un ami des agriculteurs du Canada.
Je cite donc le sénateur Mercer : le monde d’aujourd’hui est différent. Les restaurants sont fermés et d’autres entreprises le sont aussi, et la consommation de lait et de produits laitiers a considérablement diminué. Même si nous commençons à voir la lumière au bout du tunnel à travers le pays alors que nous redémarrons tranquillement nos économies, nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Le secteur agricole et agroalimentaire n’a pas échappé aux conséquences de la COVID-19. Les agriculteurs canadiens ont maintenant besoin d’aide et le projet de loi dont nous sommes saisis constitue une partie de la solution.
Honorables sénateurs, personne ne se réjouit d’entendre que les producteurs laitiers doivent se débarrasser de leur lait. Comme la ministre nous l’a dit plus tôt, ces derniers ont toujours donné leur lait excédentaire aux banques alimentaires lorsqu’ils le pouvaient, et nous saluons leur initiative. Toutefois, nos producteurs laitiers ne peuvent pas donner du lait cru. Ils peuvent uniquement donner les produits fabriqués à base de lait.
C’est pourquoi ce projet de loi est aussi important : il accroît la capacité de la Commission canadienne du lait à acheter des produits laitiers en grosse quantité et à les entreposer pour éviter le gaspillage de lait cru. Cela apportera ainsi une aide financière fort nécessaire aux producteurs et aux transformateurs laitiers.
Nous devrions être reconnaissants d’avoir notre système de gestion de l’offre. En effet, la capacité de s’adapter à des changements majeurs de la production et de la demande est essentielle. La crise de la COVID-19 a exercé des pressions supplémentaires sur le système. Nous espérons donc que le projet de loi à l’étude l’aidera à tenir le coup.
Finalement, il convient aussi de souligner que le financement annoncé par le gouvernement fédéral pour l’ensemble du secteur agricole est très loin du montant demandé par la Fédération canadienne de l’agriculture, mais c’est un début.
Aujourd’hui, nous nous penchons sur la production laitière mais, demain, nous nous intéresserons à d’autres activités du secteur agricole et agroalimentaire.
Les agriculteurs constituent l’épine dorsale du Canada rural. En fait, ils constituent l’épine dorsale du pays. N’oublions pas qu’ils assurent la subsistance de l’ensemble de la population canadienne.
Merci.
Honorables sénatrices et sénateurs, je veux vous faire part de quelques réflexions sur le projet de loi C-16 dont nous sommes saisis. En premier lieu, je dois dire que je suis particulièrement outré de voir le gouvernement en place distribuer de l’aide aux citoyens et aux entreprises en faisant des annonces quotidiennes, comme s’il était en campagne électorale, et nous forcer ainsi à approuver à la pièce des actions qui pourraient être davantage concertées et concentrées dans un même projet de loi. Ce genre de spectacle politique ne confirme qu’une chose, soit que ce gouvernement est incapable, après deux mois de pandémie, de faire une analyse sérieuse et d’avoir une vision globale des gestes qui doivent être posés pour sauver les Canadiennes et les Canadiens, tant sur le plan de la santé que sur le plan économique.
Avoir une vision politique de ce dont notre pays a besoin en ces temps de crise, ce n’est pas annoncer chaque jour, au compte-gouttes, une distribution sélective de chèques. Quand j’écoute le premier ministre et les ministres de ce gouvernement, j’ai aussi la nette conviction que personne n’a encore réfléchi à l’après-COVID-19. En seront-ils capables un jour? Permettez-moi d’en douter.
Le spectacle quasi théâtral que pose M. Trudeau chaque matin n’a rien de rassurant. Si la raison pour endetter le pays et les Canadiens est valable, l’absence d’explication sur le total de la note et sur la façon dont les Canadiens vont la payer est un élément inquiétant, surtout avec un gouvernement qui ne sait rien faire d’autre que des déficits depuis qu’il est en poste. Nous n’avons pas le droit, à titre de sénateurs, de rejeter aujourd’hui le projet de loi C-16. En cette période de crise, l’aide aux producteurs que contient ce projet de loi doit obtenir notre aval, aussi incomplète soit-elle. Cependant, donner notre aval au projet de loi C-16 ne devrait en aucun temps signifier que les sénateurs ici présents, du moins c’est mon cas, approuvent les politiques à courte vue du gouvernement libéral face aux problèmes que nos agriculteurs et nos producteurs devront affronter au cours des prochaines années. Je parle ici seulement de ceux qui réussiront à se sortir de cette crise, parce qu’il ne faut pas être devin pour affirmer que certains vont tout perdre.
En tant que sénateurs, nous devons nous demander comment nous pouvons tolérer que le gouvernement actuel annonce de nouvelles mesures financières pour aider le secteur agricole, des mesures qui auraient très bien pu être intégrées au projet de loi C-16 avant même que nous ayons adopté ce projet de loi. Politiquement, je vous le dis, tout cela fait pitié.
L’agriculture, l’agroalimentaire, les pêcheries, à mon avis, forment un tout, et ces secteurs représentent avant tout une partie importante et névralgique de l’économie de notre pays. Il suffit de prendre quelques instants pour écouter les représentants de l’industrie et les agriculteurs pour constater que des projets de loi comme le projet de loi C-16, et d’autres qui viendront probablement au cours des prochaines semaines, ne sont pas et ne seront pas à la hauteur des attentes et des besoins de nos producteurs. Je vais vous en donner la raison. Le gouvernement actuel ne comprend pas l’agriculture et, surtout, il n’écoute pas ceux qui sont en mesure de proposer des solutions.
C’est avec grand plaisir que j’ai été membre du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts au cours des huit dernières années. J’ai posé à maintes reprises la même question à des intervenants et des experts du monde agricole qui venaient nous exposer leurs points de vue sur les décisions du gouvernement. Je leur demandais s’ils avaient été consultés avant l’annonce des décisions politiques qui les concernaient directement. La réponse était toujours la même : non. Toujours non. C’est inacceptable.
Chers collègues, l’agriculture est un vecteur économique de la plus haute importance pour le Canada, autant sinon plus que l’automobile, l’aéronautique et les nouvelles technologies. Cependant, les libéraux sont des urbains qui pensent que les tomates poussent dans les épiceries. J’exagère peut-être un peu. Si les libéraux s’étaient déjà vraiment intéressés à l’agriculture, il n’aurait pas fallu deux mois de pandémie pour accoucher de ce maigre et incomplet projet de loi C-16.
Au pays, il y a des producteurs de porc et de bœuf qui devront euthanasier du bétail. Il y a des producteurs maraîchers qui perdront leur récolte. Il y a des transformateurs qui devront faire des mises à pied et des camionneurs qui n’auront rien à transporter. Sans compter que le prix de nos aliments grimpera au cours des prochaines années. C’est tout cela, l’agriculture au Canada. Cependant, je dois constater aujourd’hui que notre chaîne alimentaire est menacée et que les consommateurs en paieront le prix. Sur un plan plus politique, permettez-moi de vous dire ceci. On ne développe pas l’agriculture avec des chèques de compensation.
Les chèques de compensation, c’est pour réparer les erreurs qui ont été commises, comme celles que l’on trouve dans les accords internationaux négociés par ce gouvernement qui ne cessent de faire perdre du terrain à certains de nos producteurs. Pour que notre industrie agricole survive, il faut bien plus que des chèques de compensation, il faut une vision, et c’est ce qui manque à ce gouvernement. Il faut une vision pour amener notre agriculture plus loin et pour maintenir la capacité du Canada d’être un producteur mondial en alimentation.
Notre blé des Prairies, les pommes de terre des Maritimes, le lait du Québec et de l’Ontario, nos fruits, nos légumes, notre porc et notre bœuf, voilà la base d’une agriculture forte et compétitive. Nos voisins américains ont débloqué 19 milliards de dollars pour aider leurs producteurs agricoles, avec lesquels les nôtres sont souvent en compétition. Pendant ce temps, nos fermiers et nos producteurs ont réclamé une aide de 2,6 milliards de dollars, mais le gouvernement accouche du projet de loi C-16, qui leur offre 252 millions de dollars.
C’est à peine 10 % de ce qui était réclamé et de ce qui sera, de toute évidence, nécessaire pour sauver cette industrie. Évidemment, le gouvernement fera d’autres annonces. J’ai écouté la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire nous faire la liste de tout ce qui était disponible pour nos agriculteurs. Je vous dirais bien sincèrement qu’une chatte en perdrait ses chatons. Des chiffres, des programmes, du nouveau dans du vieux, du nouveau bien nouveau et sûrement du vieux que l’on recycle pour nous faire croire qu’il y a du nouveau.
On assiste à une séance de rapiéçage où les libéraux font clairement la démonstration de ce que je viens de vous dire. Ils n’ont aucune vision globale de l’agriculture au pays. Quand la distribution des chèques aux étudiants qui n’auront peut-être pas d’emploi cet été passe avant la mise en place d’une aide cohérente à l’agriculture, cela prouve clairement où se situent les priorités de ceux qui nous gouvernent.
Je suis heureux de voir que, pas plus tard qu’hier, le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, éprouvait les mêmes inquiétudes que moi. Ce gouvernement semble incapable d’accoucher d’un plan économique pour l’après-COVID-19. Il concentre toute son énergie à faire des chèques, sans rendre de comptes à ceux qui devront un jour payer la note. Je reviens donc au projet de loi C-16 dont nous sommes saisis.
Encore une fois aujourd’hui, les libéraux pourront bénéficier de la tolérance dont nous sommes tous obligés de faire preuve afin de permettre aux agriculteurs d’avoir accès à une certaine aide financière. Cependant, je suis encore bouleversé de constater que personne, dans ce gouvernement, n’est en mesure de voir plus loin que six mois pour notre industrie agricole et agroalimentaire. Il faudra bien plus de temps, bien plus d’imagination et bien plus d’argent que ce dont nous disposons actuellement pour nous remettre de cette pandémie. Il y aura même des choix à faire, des choix difficiles, mais l’agriculture, ce n’est pas un choix, c’est une obligation que nous devons tous collectivement appuyer. Merci.
J’aimerais prendre quelques instants pour transmettre mes plus sincères condoléances aux proches des victimes trop nombreuses de la COVID-19, et plus particulièrement à notre chère collègue la sénatrice Raymonde Saint-Germain, qui a perdu son père. Je vous transmets mes condoléances, Raymonde. Je vis sur l’île de Montréal où, hier, on a annoncé le décès d’une jeune femme de 27 ans qui n’avait apparemment aucun problème de santé auparavant. C’est la plus jeune victime jusqu’à maintenant. Bien des travailleurs de la santé sont épuisés et ils comptent pour la moitié des cas de COVID-19 chez les moins de 60 ans. Je leur rends hommage. On ne peut qu’espérer que les choses s’améliorent à Montréal, car les temps sont durs.
Je prends la parole à propos du projet de loi C-16 sur la Commission canadienne du lait, car la crise sanitaire fait mal à cette industrie très importante au Québec. Le Québec abrite la moitié des fermes laitières canadiennes, produit 36 % du lait et, fait à noter, 60 % à 70 % du fromage au pays. La COVID-19, combinée à l’entrée en vigueur plus tôt que prévu de l’Accord Canada—État-Unis—Mexique, déstabilise les producteurs de lait, qui ne comptent pas leurs heures sur leurs exploitations.
Je veux profiter de cette occasion pour dissiper quelques préjugés sur cette industrie qui est décrite par certains comme un enfant gâté, car elle bénéficie d’un système de gestion de l’offre. Ce système n’est pas sans défaut, j’en suis consciente. Les consommateurs paient leur lait plus cher, mais comparons un peu ce qui se passe des deux côtés de la frontière. Au début de la crise, comme on l’a dit, il y a eu une hausse fulgurante de la demande de lait pendant deux semaines, une hausse qui a été suivie d’une chute vertigineuse attribuable à la fermeture des restaurants et des écoles. Résultat : au pays, près de 30 millions de litres de lait frais qui n’ont pas trouvé preneur ont été jetés à la fosse.
Pourtant, au sud de la frontière, où il n’y a pas de gestion de l’offre, on estime que, chaque jour depuis le début de la crise, les fermes laitières américaines jettent 14 millions de litres de lait invendu dans les fosses à fumier. Ils en jettent aussi en temps normal.
Revenons chez nous. Pour limiter le gaspillage, notre système de gestion de l’offre, qui se caractérise aussi par une centralisation des décisions, a montré ses forces en ces temps de crise, selon un professeur de l’Université Laval, Maurice Doyon, qui est un expert en la matière.
En effet, selon M. Doyon, une réduction obligatoire de la production de 2 % a été décrétée. Les jours de tolérance — j’ai appris ce que c’était, c’est ce qui permet à un producteur de dépasser son quota en période de lactation — ont été carrément éliminés. On a donc réduit de 4 % le volume de lait produit. Les pertes ont donc été distribuées équitablement entre les producteurs, selon leurs quotas.
L’industrie a aussi fait, comme on l’a mentionné plus tôt, des dons importants aux banques alimentaires, soit 4 millions de litres, ce qui est un défi logistique, car il faut tout de même emballer ou transformer le lait destiné aux dons. Contrairement à ce que l’on croit, les producteurs sont seulement payés pour le lait qui est vendu, pas pour le lait qui est jeté.
Les revenus des producteurs ont donc baissé de 10 % à 15 %, en raison notamment de la chute du prix mondial. Cela semble peu par rapport à d’autres industries, mais les producteurs laitiers sont très endettés, ils ont des troupeaux qu’il faut nourrir et soigner. J’ai discuté avec l’un d’entre eux hier, et il m’a parlé du stress, de l’incertitude et de l’utilisation croissante de la marge de crédit, car les dépenses ne diminuent pas. De plus, ceux qui sont seuls ou en couple à la tête de leur ferme vivent dans la peur de contracter la COVID-19, car personne ne peut les remplacer.
Le projet de loi C-16 n’est pas miraculeux, il représente une mesure à court terme pour écouler le lait. Aurait-on dû réduire davantage la production? Peut-être, mais, à ce moment-là, il faudrait sacrifier des vaches, et si la demande reprenait dans 6 mois, on ne pourrait y répondre, car il faut compter 18 mois pour repeupler un troupeau.
Ce qui complique les choses, c’est que, à la faveur de la COVID-19, les habitudes alimentaires ont changé. On mange à la maison, les restaurants et les cafés sont fermés. On consomme davantage de lait de vache, soit 7 % de plus, mais beaucoup moins de crème, de yogourt et moins de fromage. Dans le cas des fromages fins, la demande s’est effondrée de 50 %, et même de 90 % pour certaines fromageries artisanales, qui distinguent notre industrie au Québec. La province est donc plus touchée que les autres à cause des caractéristiques de production.
L’autre mauvaise nouvelle pour l’industrie du lait, c’est que l’Accord Canada—États-Unis—Mexique entre en vigueur non pas le 1er août, comme on l’espérait, mais le 1er juillet. Cela veut dire que, en seulement un mois, les exportations canadiennes de poudre de lait écrémé et de concentré de protéines de lait devront être coupées de moitié, sans période de transition pour s’ajuster.
Malgré les compensations promises à venir, des fermes disparaîtront, c’est inévitable, d’autant plus que la crise sanitaire risque d’achever celles qui étaient déjà au bord du gouffre. Près de 83 000 emplois, surtout en région, dépendent du secteur laitier québécois. Alors que la crise sanitaire renforce l’importance de l’achat local et de la production locale, notre industrie laitière fait partie de cette tendance.
Est-ce que, une fois la crise passée, le secteur laitier devrait réfléchir aux assouplissements nécessaires au système de gestion de l’offre et à la nécessité d’innover encore davantage? Sans doute. J’ai été frappée, l’an dernier, en assistant à des témoignages en comité parlementaire, par l’absence de projets d’exportation novateurs des secteurs soumis à la gestion de l’offre.
Cela étant dit, j’appuierai sans hésitation le projet de loi C-16 à l’étude.
Merci.
Encore une fois aujourd’hui, avant de traiter du projet de loi C-16 dont nous sommes saisis, je me dois de dire quelques mots sur la situation dans les centres de soins de longue durée de la région montréalaise, mon coin de pays. J’en profite pour offrir toutes mes condoléances à la sénatrice Saint-Germain, qui a perdu son père, emporté par la COVID-19, comme des centaines d’autres personnes chaque jour.
La pandémie a mis en lumière non seulement l’importance du système de santé publique au Canada, qui nous permet de combattre la COVID-19 bien mieux que nos voisins du Sud, mais aussi les faiblesses des modèles d’intervention retenus relativement aux personnes âgées, aux personnes souffrant de problèmes cognitifs sérieux et aux personnes à mobilité réduite.
Dans une entrevue télédiffusée mercredi, Mme Pauline Marois, ancienne première ministre du Québec, a déclaré ce qui suit :
Je pense qu’on a fait fausse route. Et quand je dis qu’on a fait fausse route, ce n’est pas le gouvernement actuel. C’est l’ensemble des gouvernements qui se sont succédé. On a fait fausse route et aujourd’hui on en paie le prix. Ce sont nos parents et grands-parents [qui paient].
Elle a ajouté ceci :
Concentrer [les aînés ensemble], même dans les résidences privées où les gens se paient des appartements souvent très coûteux, est-ce que c’est une bonne idée? Est-ce qu’on n’est pas en train de faire des ghettos? Ce serait normal de vivre avec nos enfants, avec les petits-enfants, des gens d’un âge différent.
Voilà des questions fort pertinentes qui interpelleront la société québécoise et, dans une moindre mesure, la société ontarienne au cours des mois et des années à venir. J’espère que le gouvernement fédéral sera attentif et prêt à collaborer par l’intermédiaire de diverses mesures, comme des incitatifs fiscaux pour encourager les ménages multigénérationnels et un meilleur financement en santé dirigé vers les soins à domicile.
L’importance du projet de loi C-16 n’est pas divulguée par sa longueur. En effet, il contient à peine un petit article de quatre lignes, un seul et court article qui augmente la capacité d’emprunt de la Commission canadienne du lait de 200 millions de dollars afin de la faire passer à un demi-milliard de dollars. Cette augmentation du pouvoir d’emprunt de la commission permettra à cette dernière d’acheter et d’entreposer temporairement davantage de produits laitiers afin de stabiliser le marché canadien du lait, qui en a bien besoin actuellement.
Comme sénateur québécois, je ne peux passer sous silence l’importance de l’industrie laitière, puisque j’ai grandi à la campagne, entouré de fermes laitières.
J’aimerais maintenant reprendre certaines des idées que la sénatrice Miville-Dechêne a explorées. Comme vous le savez sans doute, le Québec est le plus grand producteur de lait au Canada, puisque les vaches québécoises produisent en moyenne 40 % du lait canadien. En d’autres mots, on produit au Québec plus de 40 % des 92 millions d’hectolitres de lait canadien. Cela en fait des pintes de lait, comme on disait dans le temps!
Parmi les 18 805 emplois canadiens reliés à la production de lait et de crème, 9 425 se trouvent dans les 5 050 fermes laitières québécoises. C’est aussi au Québec que l’on trouve les plus grands transformateurs de lait au pays. On peut penser à la société Saputo et à la coopérative Agropur, deux entreprises qui appartiennent à des intérêts canadiens.
Le Québec est reconnu pour la qualité de ses fromages industriels et surtout artisanaux. C’est un réel plaisir de voyager à travers le Québec et de découvrir les fromages de chaque région. Ce secteur important de l’économie québécoise doit cependant s’adapter à un contexte nouveau, soit l’ouverture du marché canadien aux produits laitiers provenant de l’extérieur, notamment de l’Europe, de la région transpacifique et, bientôt, des États-Unis. En tout, c’est près de 10 % du marché canadien qui ne sera plus protégé. De plus, l’accès au marché pour les Américains augmentera, au cours des 13 prochaines années, de 1 % chaque année.
En parallèle, les exportations canadiennes connaissent une croissance assez lente. En 2019, la valeur des importations canadiennes a augmenté d’un peu plus de 20 %, alors que les exportations ont diminué d’à peu près 6 % par rapport à 2018. En somme, en 2019, la valeur des produits laitiers importés a atteint pratiquement un milliard de dollars, alors que nos exportations n’ont même pas atteint 500 millions de dollars. L’écart, depuis quelques années, semble donc se creuser.
Avec l’entrée en vigueur de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, qui limite les exportations canadiennes de poudre de lait écrémé et de lait maternisé, on ne risque pas de réduire cet écart. Après la signature des derniers accords de libre-échange, le gouvernement canadien s’est engagé à indemniser les pertes de parts de marché de l’industrie, à l’aider financièrement à devenir plus compétitive et à mieux tirer son épingle du jeu en ce qui a trait à l’exportation. Je crois comprendre que les premières formes d’aide financière ou d’indemnités ont commencé à être versées. Il reste toutefois beaucoup à faire.
Alors que l’industrie fait face à des défis importants, voilà que la pandémie frappe. Les écoles ferment, et c’est la fin des petits déjeuners pour les enfants défavorisés, qui comprennent des produits laitiers. Les restaurants et les hôtels ferment leurs portes, et c’est la fin de l’utilisation de divers produits laitiers pour les plats, les desserts, sans parler des fameuses assiettes de fromage. En d’autres mots, la pandémie frappe à un bien mauvais moment. On voit des producteurs laitiers obligés de jeter des millions de litres de lait aux égouts. Près de 30 millions de litres auraient été jetés ainsi entre la fin mars et la mi-avril. Aucun producteur ne veut gaspiller du lait de cette manière. Nombreux sont ceux qui, au Québec et ailleurs, ont multiplié leurs dons de produits laitiers aux banques alimentaires. Toutefois, cela ne suffit pas à éliminer l’excédent de lait, et surtout de produits laitiers.
Aujourd’hui, on peut se réjouir du fait que la Commission canadienne du lait sera en mesure d’acheter plus de produits laitiers pour les entreposer temporairement pour ainsi stabiliser le marché et, ultimement, le prix du lait et du gras payé aux producteurs. On évite donc une dégringolade des revenus pour les producteurs laitiers, qui pourrait même entraîner leur faillite.
La production laitière n’est pas facile et requiert des investissements importants. Les fermes d’antan que j’ai connues, qui comptaient une quarantaine de vaches, n’existent plus. Aujourd’hui, ce sont des fermes de centaines de têtes.
Il ne faut pas décourager la relève en ouvrant toutes grandes les vannes de la compétition étrangère et de la déréglementation. Les producteurs de lait du Québec ont accueilli positivement cette modification au pouvoir d’emprunt de la Commission canadienne du lait. Par contre, ils ont fait valoir que cette mesure, à elle seule, est insuffisante pour le secteur laitier, comme les autres mesures mises en place pour l’ensemble du secteur agricole. C’est un pas dans la bonne direction, mais rien de plus. D’autres gestes doivent être posés.
Les producteurs laitiers du Canada ont, eux aussi, accueilli favorablement la mesure que nous allons adopter aujourd’hui, de même que le financement supplémentaire, grâce au cadre Agri-relance, accordé pour mettre sur pied un programme de mise en retrait qui inclurait les vaches de réforme laitières. Il s’agit d’un projet qui permettrait de retirer du marché les vaches qui ne sont plus productives pour les transformer en viande. Le marché actuel n’étant pas très bon, il faut les garder plus longtemps sur les fermes, et donc subventionner les agriculteurs. Le programme indemnisera les producteurs pour les coûts associés au maintien de vaches moins productives dans le cheptel pendant une plus longue période. Cependant, je le répète, cela ne suffira pas.
En terminant, j’invite le gouvernement à aller plus loin dans le soutien à l’adaptation des producteurs laitiers. J’invite aussi mes concitoyens d’un océan à l’autre à consommer des produits laitiers canadiens, qui n’ont rien à envier et qui sont produits dans des conditions supérieures à ce que l’on voit dans beaucoup d’autres pays. Ce sont des produits de grande qualité et ils sont bons pour la santé. Je bois mon litre de lait presque tous les jours et je m’en porte très bien.
Merci, meegwetch.
Honorables sénateurs, j’aimerais profiter de l’occasion pour vous présenter mes sincères condoléances, chère collègue, pour la perte votre père, M. Joseph-Louis Saint-Germain.
Honorables collègues, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-16, qui modifie la Loi sur la Commission canadienne du lait afin d’augmenter le plafond du total non remboursé des prêts consentis à la commission par le ministre des Finances et des sommes obtenues par celle-ci grâce à une ligne de crédit de 500 millions de dollars.
En effet, il est temps de venir en aide à l’industrie laitière canadienne, qui a vu diminuer la demande de produits laitiers, notamment celle du fromage et de la crème, et qui a obligé les producteurs laitiers à se débarrasser de volumes sans précédent de lait cru excédentaire.
Chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur des aspects essentiels et plus globaux qui devront être examinés à moyen terme, et au fur et à mesure que nous avançons et que nous nous sortons de cette pandémie.
Parallèlement à cette crise sanitaire sans précédent, nous devons aussi faire face à une crise économique sans précédent. Le projet de loi C-16 fait partie du plan de gestion de la crise économique proposé par le gouvernement. Idéalement, le plan se déclinera en trois étapes. La première consiste à maintenir l’économie à flot pendant la situation d’urgence. La deuxième consiste à offrir une aide aux travailleurs et aux secteurs économiques essentiels. La troisième consiste à stimuler l’économie pour la relancer de façon durable.
Selon les leçons que nous avons tirées des crises précédentes, la dernière étape devra comprendre la restructuration et le renouvellement des bases de notre économie pour que celle-ci soit véritablement robuste, résiliente et prospère, mais aussi pour répartir équitablement les retombées sociales tout en respectant les limites écologiques des régions que nous habitons.
La mise en œuvre des première et deuxième étapes fera augmenter le déficit budgétaire que le directeur parlementaire du budget a prévu pour cette année, le faisant passer à 252,1 milliards de dollars. Pour ce qui est de l’étape de la relance économique, il faudra probablement investir plus de fonds publics, ce qui alourdira considérablement la dette nationale, qui était évaluée à 685 milliards de dollars avant la pandémie de COVID-19. Cette dette appartient à 70 % aux Canadiens, et à 30 % aux prêteurs internationaux. Elle sera remboursée par les Canadiens des générations actuelles et futures, et nous devons agir de façon responsable en leur nom. Si nous voulons éviter un terrible effondrement économique, nous devons planifier la reprise et la relance de manière à faire des gains durables au fil du temps. Nous devrions essayer d’éviter de régler cette dette au moyen de mesures d’austérité restrictives comme celles adoptées à la suite de la crise financière de 2008, puisque les compressions imposées pendant ces années sont en partie responsables du fait que nos systèmes de santé étaient mal préparés à lutter contre la COVID-19. Nous devons donc agir de façon stratégique en fonction des priorités. Premièrement, nous devons adopter des mesures afin d’accroître l’emploi le plus possible, surtout dans les petites et moyennes entreprises. Deuxièmement, nous devons soutenir les organisations qui amélioreront notre qualité de vie et qui produiront des revenus pour le Canada. Troisièmement, nous devons revoir notre approche stratégique et renouveler le mode de développement des secteurs de la santé et de l’alimentation, ainsi que des secteurs industriel et manufacturier.
Il nous faut une politique industrielle pour revoir la chaîne de production des produits essentiels et pour réexaminer notre secteur agricole en fonction de la sécurité alimentaire. Était-il normal que les courtiers intermédiaires fassent des millions de dollars sur le dos des exploitations agricoles canadiennes? Était-il normal que 60 % des semences destinées aux producteurs de grains soient contrôlées par seulement trois multinationales? Nous devons nous pencher sur ces problèmes tout en cherchant des solutions à d’autres crises, comme celle des changements climatiques, qui pourrait accroître le risque de voir apparaître d’autres pandémies.
Nos travailleurs dans le domaine de la santé, de la sécurité et des services sont déjà épuisés et très mal payés compte tenu du risque énorme auquel ils s’exposent chaque jour. Nous étions déjà très mal préparés et nous le serons encore pour les vagues secondaires qui pourraient frapper. Vous n’êtes pas sans savoir, par exemple, que l’automne prochain, la COVID-19 et la grippe saisonnière nous frapperont en même temps.
Heureusement, les experts réfléchissent sur ces sujets et nous ferions bien de les écouter. Par exemple, des chercheurs des universités d’Oxford, de la London School of Economics, de Columbia et de Cambridge ont interrogé 231 responsables de banques centrales, de ministères des Finances et d’autres experts économiques des pays du G20 sur la performance relative de 25 grandes mesures de relance budgétaire, en les étudiant sous quatre angles : la rapidité de mise en œuvre, le multiplicateur économique, le potentiel d’impact climatique et les avantages globaux.
Les chercheurs ont ciblé cinq politiques présentant un potentiel élevé d’effet multiplicateur sur le plan économique et d’incidence sur le plan climatique : investissements dans les infrastructures axées sur l’énergie propre; amélioration du rendement énergétique des immeubles; autosuffisance en matière d’aliments et de produits essentiels; éducation et formation; capital naturel; recherche-développement en matière d’énergie propre.
Les politiques les moins bien cotées étaient les sauvetages de compagnies aériennes, les sauvetages d’infrastructures de transport traditionnelles et les baisses d’impôt sur le revenu. Le rapport déconseille les sauvetages d’industries à forte intensité d’émissions comme les compagnies aériennes et les combustibles fossiles. À tout le moins, de tels sauvetages devraient être conditionnels à l’élaboration de plans d’action mesurables prévoyant une transition vers un avenir à émissions nettes nulles.
Chaque pays a ses particularités. Au Canada, comme l’industrie laitière représente un secteur économique important qui contribue à la sécurité alimentaire, elle est jugée essentielle. Toutefois, très peu de revenus seraient récupérés de nombreuses autres industries; il faut donc choisir avec soin. Prenons par exemple le secteur pétrolier, grand émetteur de gaz à effet de serre. Ses coûts directs élevés ne comprennent ni les effets des changements climatiques ni les coûts associés à l’assainissement des puits et des étangs de résidus, qui pourraient atteindre 260 milliards de dollars. Cela pourrait être très dangereux.
Comme l’OCDE, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international préconisent des mesures financières durables pour stimuler l’économie après la crise de la COVID-19, on n’a pu s’étonner d’apprendre hier que le fonds souverain de la Norvège n’investira plus dans 4 des 10 plus importants producteurs canadiens de sables bitumineux après avoir conclu que leurs émissions de gaz à effet de serre atteignaient des niveaux inacceptables. En plus de faire ressortir le manque d’intérêt des investisseurs étrangers, cela montre que la propriété étrangère des entreprises exploitant les sables bitumineux cotées en bourse pourrait atteindre 70 %, ce qui veut dire que la majeure partie des profits sort du pays.
Chers collègues, le principe précaution nous oblige à bien réfléchir à un avenir complexe et périlleux où des crises interreliées — des crises sanitaires, des crises liées aux inégalités sociales et des crises climatiques — se feront plus nombreuses. Nous devons redoubler d’efforts dans la lutte contre les changements climatiques pour nos enfants et nos petits-enfants afin de réduire les risques de nouvelles pandémies, réduire le nombre de décès prématurés et de maladies découlant de cette même pollution qui nuit à la planète et bâtir une nouvelle économie qui favorise la concrétisation de ces objectifs.
Les mesures à venir pour stimuler l’économie doivent favoriser les industries et des projets qui contribuent à la diminution des gaz à effet de serre, augmentent la résilience de l’économie grâce à la diversification et offrent aux travailleurs des occasions de rééducation professionnelle, ce qui nous permettra d’acquérir une plus grande autonomie en matière de produits et de services essentiels.
Certaines personnes veulent que les choses reviennent à la normale. Or, la normale tuait des gens; la normale rendait les agriculteurs et les autres gens malades physiquement et mentalement; la normale perturbait le climat de la planète dont nous dépendons tous.
Chers collègues, au lieu de revenir à la normale, allons de l’avant et bâtissons un avenir prospère. Les décisions que nous prenons ces jours-ci sont historiques. On se souviendra de nos paroles et de nos débats. Je vous remercie.
Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du lait. Cette mesure législative vise à hausser les limites d’emprunt de la Commission canadienne du lait et à fournir une aide immédiate à l’industrie laitière pour qu’elle puisse composer avec l’important excédent de lait causé par la COVID-19. Ces mesures répondent aux demandes de l’industrie et reçoivent l’appui de la Commission canadienne du lait et des Producteurs laitiers du Canada.
Comme bien d’autres industries, le secteur agricole a encaissé des pertes économiques considérables à cause de la COVID-19. Nous savons que la demande de lait subit des fluctuations importantes depuis le début de la pandémie. Même si les consommateurs continuent d’acheter régulièrement du beurre et du fromage, la fermeture des restaurants et des hôtels a eu pour effet de réduire considérablement la demande de produits laitiers. Malgré les efforts déployés pour aligner la production sur la demande des consommateurs, il y a eu des goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement. En conséquence, de nombreux producteurs ont dû jusqu’ici jeter environ 30 millions de litres de lait cru, soit 4 % de leur production.
Comme vous l’avez déjà entendu, le projet de loi proposé vise à remédier à cela. Les mesures dont nous sommes saisis contribueront à atténuer le problème en augmentant le plafond du total non remboursé des prêts consentis à la Commission canadienne du lait par le ministre des Finances et des sommes obtenues par celle-ci. L’augmentation de 200 millions de dollars fait passer la capacité d’emprunt maximale de 300 à 500 millions de dollars. Lors d’une séance d’information par téléconférence qui a eu lieu en début de semaine, des fonctionnaires ont confirmé que de 100 à 110 millions de dollars seront versés dès que possible pour apporter une aide immédiate au secteur. Un financement supplémentaire de 70 à 80 millions de dollars sera mis de côté pour être utilisé ultérieurement lorsque l’industrie aura adapté sa demande aux besoins des consommateurs dans cette nouvelle réalité.
Tout à l’heure, j’ai demandé à la ministre Bibeau de parler des autres programmes destinés aux producteurs et aux transformateurs de lait et je voudrais y revenir brièvement maintenant.
Cette modification vient à la suite de l’annonce, la semaine dernière, d’un montant de 252 millions de dollars pour un ensemble plus large de mesures visant le secteur agricole pour aider les agriculteurs ainsi que les entreprises de produits alimentaires et de transformation des aliments qui fournissent des services essentiels aux Canadiens. L’augmentation de la limite d’emprunt proposée sera mise en œuvre parallèlement à plusieurs programmes gouvernementaux existants, tels qu’un programme qui aide les producteurs à transformer leurs produits. La capacité d’emprunt supplémentaire prévue par la présente modification aidera les agriculteurs à accéder aux moyens nécessaires pour transformer leur lait en d’autres produits laitiers comme le fromage et le yogourt. La mesure permettra de compenser les excédents de lait et de conserver les produits plus longtemps, ce qui aidera à la fois les agriculteurs et les organisations telles que les banques alimentaires qui sont aux prises avec des problèmes d’entreposage.
Certains agriculteurs ont déjà pris des dispositions en ce sens et aideront les banques alimentaires locales dans le cadre du processus. Lundi dernier, les producteurs laitiers du Manitoba et la fromagerie Bothwell ont annoncé qu’ils transformaient le lait excédentaire en milliers de kilogrammes de fromage pour Winnipeg Harvest, un organisme sans but lucratif qui collecte et distribue les surplus de nourriture aux personnes qui souffrent de la faim. Le partenariat devrait permettre de produire 6 000 kilogrammes de fromage au cours des prochains mois, ce qui équivaut à près de 60 000 litres de lait.
Les agriculteurs et les travailleurs de l’agroalimentaire peuvent aussi profiter de plusieurs autres programmes de prestations d’urgence pour recouvrer leurs pertes, comme le Programme de subventions salariales, qui couvre jusqu’à 75 % du salaire d’un employé pour un maximum de 12 semaines, rétroactivement au 15 mars 2020. Le programme permet aux entreprises de réembaucher les travailleurs qui ont été précédemment mis à pied à cause de la COVID-19 et il vise à prévenir d’autres pertes d’emplois et à mieux préparer les entreprises à reprendre leurs activités normales après la crise.
Le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes aidera aussi les petites entreprises, y compris les travailleurs de l’agroalimentaire et les producteurs laitiers admissibles, en leur fournissant les capitaux dont elles ont besoin pour couvrir les coûts d’exploitation au cours des périodes où leurs revenus ont diminué temporairement à cause de la COVID-19. Ce programme de 25 milliards de dollars offre aux petites entreprises des prêts sans intérêt pouvant atteindre 40 000 $ afin de les aider à affronter cette tempête.
De plus, le gouvernement a annoncé, au début de la semaine, des détails supplémentaires sur le Fonds d’aide et de relance régionale. On injectera 1 milliard de dollars dans six agences de développement régional qui connaissent bien les réalités économiques de leurs régions et qui sont souvent le premier point de contact des gens à l’échelle locale. Le programme vise à atténuer la pression financière que subissent les entreprises et les organismes. Il leur permet de continuer leurs activités et de payer leurs employés. Il appuie également des projets d’organismes gouvernementaux et de collectivités pour leur permettre de préparer une relance efficace après la pandémie; il prévoit notamment 287 millions de dollars pour appuyer le Réseau de développement des collectivités, des sociétés d’aide au développement qui ciblent particulièrement les petites entreprises et les collectivités rurales du Canada.
Le secteur de l’agroalimentaire continuera de bénéficier d’un éventail de programmes existants qui ne relèvent pas des programmes d’aide d’urgence liés à la COVID-19, dont le Partenariat canadien pour l’agriculture, un investissement de 3 milliards de dollars sur cinq ans des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, qui a été lancé il y a quelques années et qui vise à renforcer le secteur agricole et agroalimentaire en offrant des programmes simplifiés et plus faciles d’accès. Il prévoit aussi des améliorations aux programmes qui aident les agriculteurs à gérer les risques importants qui menacent la viabilité de leur exploitation et qui dépassent leurs capacités de gestion. C’est d’autant plus important dans le contexte actuel où les agriculteurs doivent composer avec les répercussions économiques de la pandémie.
Afin de garantir la stabilité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire au Canada, le gouvernement offre également un soutien aux agriculteurs qui se prévalent de l’actuel Programme des travailleurs étrangers temporaires. Le gouvernement accorde 50 millions de dollars pour permettre aux agriculteurs d’accueillir en toute sécurité des travailleurs étrangers temporaires tout en se conformant à la Loi sur la mise en quarantaine. Afin de garantir que les agriculteurs puissent embaucher ces travailleurs pendant la saison de production, le gouvernement fédéral fournira aux employeurs ou à ceux qui travaillent avec eux une aide de 1 500 $ pour chaque travailleur étranger temporaire, afin de s’assurer que les exigences sont pleinement respectées.
La ministre a mentionné aujourd’hui qu’en avril, 22 000 travailleurs étrangers temporaires étaient arrivés au Canada, soit 80 % du nombre enregistré à la même époque l’année dernière. C’est un grand succès en ces temps incertains et imprévisibles.
Chers collègues, la gamme de programmes offerts aux agriculteurs admissibles assurera la stabilité du secteur tout en mettant l’accent sur la santé et la sécurité publiques. À l’instar de la plupart des autres pays, le Canada est confronté à de sérieux problèmes sanitaires, sociaux et économiques découlant de la COVID-19. Le gouvernement fédéral, l’Agence de la santé publique du Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada et les fonctionnaires fédéraux ont répondu à l’appel. Il y a encore beaucoup à faire, mais le Canada fait figure de chef de file sur la scène mondiale pour ce qui est de l’appui aux citoyens et aux entreprises, ce qui est précisément ce que nous attendons de notre pays dans le présent contexte de crise.
Notre gouvernement a procédé avec une collaboration absolument sans précédent de la part des provinces et des territoires. On peut en dire autant de la consultation auprès des secteurs économiques, et je n’ai aucun doute que les secteurs de l’agriculture ont été inclus.
Je vais terminer en remerciant le sénateur Robert Black d’avoir parrainé ce projet de loi et de diriger de main de maître les dossiers portant sur l’agriculture. De plus, je tiens à remercier les agriculteurs et les travailleurs du secteur agroalimentaire. Leurs efforts soutenus pour maintenir le fonctionnement de notre chaîne d’approvisionnement alimentaire sont appréciés par tous les Canadiens, d’un bout à l’autre du pays. J’invite mes collègues à se joindre à moi pour voter en faveur de ces mesures législatives. Notre secteur laitier et tous les Canadiens comptent sur nous durant cette période hors de l’ordinaire.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)