Énergie, environnement et ressources naturelles
Motion tendant à autoriser le comité à examiner les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources--Suite du débat
24 février 2022
Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer la motion no 12 présentée par la sénatrice McCallum demandant que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les effets cumulatifs positifs et négatifs de l’extraction et du développement des ressources, et ses effets sur les considérations environnementales, économiques et sociales.
Je suis convaincue que cette étude serait très utile pour comprendre l’incidence globale de l’extraction et du développement des ressources au Canada. Je dis « incidence globale » parce que les Canadiens, et surtout les parlementaires, sont souvent bombardés de messages partiaux faisant l’éloge des contributions positives de l’extraction des ressources au PIB du Canada, à l’emploi et aux recettes du gouvernement.
Ces voix amplifiées étouffent celles des communautés, des organismes non gouvernementaux, des universitaires et des scientifiques qui tentent de présenter d’autres aspects — positifs ou négatifs — et n’ont d’autre choix que de recourir à des manifestations pour attirer l’attention des médias.
J’ai enseigné à des étudiants en génie comment faire des évaluations environnementales pendant près de 30 ans. Un projet qui tient compte des besoins de la collectivité hôte et les intègre dès la conception sera un projet solide sur le plan technique et économique, sûr, prospère pour tous et bon pour la collectivité et l’environnement. À l’inverse, un projet monté en silo sans tenir compte des enjeux importants pour la collectivité risque de connaître des problèmes de mise en œuvre et causera presque assurément des irritants et de l’opposition qui pourraient entraîner la perte de précieux investissements. Personne ne souhaite se retrouver dans une telle situation, mais cela arrive pourtant fréquemment.
Pour prendre des décisions efficaces et fructueuses, il faut effectuer une analyse approfondie et égale des facteurs économiques, techniques, sociaux et environnementaux.
L’étude proposée est importante, car elle encouragera les échanges sur le type de développement que veulent les Canadiens. À cette fin, nous devons nous pencher sur ce qui se produit avant, pendant et après l’arrivée des projets d’extraction de ressources dans les collectivités. Qui sont ceux qui en tirent avantage? Quelle est leur incidence sur les collectivités? S’il y a des répercussions néfastes, quelles sont les mesures d’atténuation ou d’indemnisation mises en place? Est-ce que tout le monde est satisfait des projets?
En tant que parlementaires, nous donnons le meilleur de nous‑mêmes lorsque nous abordons les questions de manière globale en tenant compte de tous les facteurs — positifs, négatifs et aussi neutres — et que nous prenons des décisions éclairées qui s’appuient sur des études approfondies.
Je vais réitérer un des points que j’ai soulevés lors de la dernière session parlementaire. Le manque de connaissances qui règne lors de la prise de décisions concernant l’extraction des ressources entraîne une répartition inégale des bénéfices et des pertes. Certains pourraient penser que cela ne se produit pas ou que cela ne se produit que dans les pays en développement. Or, ce n’est pas le cas. Mon travail m’a menée à de nombreux endroits dans le monde et dans la plupart des provinces du Canada, justement pour redresser des situations concernant les négociations avec les parties prenantes, l’atténuation des impacts, le traitement de polluants, l’exposition humaine aux produits toxiques et bien d’autres situations très graves.
Pour ne citer qu’un exemple parmi des centaines, la population du quartier de Limoilou, dans la ville de Québec, est exposée aux particules de poussière de nickel portées par le vent et provenant des activités du port de Québec. Ce fait n’est pas nié par le gouvernement ni l’industrie. La solution proposée par le gouvernement est d’adopter un niveau d’exposition plus élevé, une décision qui fait les manchettes de nos jours. On parle d’un niveau 60 fois plus élevé que la norme admissible actuelle. Sachant cela, chers collègues, habiteriez-vous à Limoilou?
Très souvent, on se concentre de manière disproportionnée sur les avantages économiques. De 2014 à 2019, l’industrie pétrolière et de l’acier a atteint une production record tout en réduisant sa main-d’œuvre de 23 %. Cette industrie reçoit des milliards de dollars en subventions chaque année. Elle a récemment reçu 1,7 milliard de dollars des fonds publics pour nettoyer des puits abandonnés. Pourtant, ces fonds n’ont pas augmenté le nombre de puits nettoyés. Ils ont plutôt remplacé l’argent que les corporations auraient dû verser en nettoyage. Où est donc passé le principe du pollueur-payeur?
De plus, l’industrie est sur le point d’obtenir l’autorisation de déverser 1,4 billion de litres d’effluents liquides dans l’environnement, le long de zones où habitent des populations autochtones. Les humains ne boivent pas de pétrole ni de ses polluants; nous avons besoin d’eau et d’air propre pour survivre.
D’autres impacts comprennent, par exemple, l’instabilité du climat en raison des émissions de gaz à effet de serre et la déstabilisation de notre économie à cause des phénomènes météorologiques extrêmes. Il suffit de penser à la destruction qu’ont entraînée les récentes inondations en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve, et à l’impact de ces inondations sur les chaînes d’approvisionnement et l’inflation qui en résulte.
En tant que sénateurs, nous avons la responsabilité d’en comprendre les effets positifs, négatifs ou neutres, afin d’être de meilleurs législateurs et de promouvoir le bien-être de tous les Canadiens et Canadiennes.
Chers collègues, pendant toute ma carrière, j’ai travaillé avec l’industrie dans plusieurs domaines, de l’infrastructure à l’extraction minière, en passant par le secteur pétrolier et gazier. Je vous prie de me croire quand je dis que je comprends la valeur du travail d’ingénierie requis pour améliorer la qualité de vie. Je comprends aussi que la société compte sur les ingénieurs pour accroître la résilience et réduire la vulnérabilité en adaptant les infrastructures aux phénomènes météorologiques extrêmes qui sont causés par le changement climatique. J’en suis tout à fait consciente.
Nous pouvons prendre des décisions intelligentes et globales si nous analysons tous les effets, qu’ils soient positifs, négatifs, cumulatifs, directs ou indirects. Cela serait avantageux pour nos collectivités et nos industries, car lorsqu’on répond aux besoins des collectivités, l’industrie peut prospérer au lieu de se disputer avec les Canadiens.
Je vous invite à appuyer cette motion afin que nous puissions offrir au gouvernement fédéral et à tous les Canadiens une étude réfléchie et objective sur le développement et l’extraction des ressources. Merci, meegwetch.