Projet de loi de Jane Goodall
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat
7 février 2023
Chers collègues, je m’adresse à vous aujourd’hui au sujet du projet de loi S-241, la Loi de Jane Goodall. Ce projet de loi, qui vise à appuyer le leadership du Canada en ce qui a trait à l’interdiction de maintenir les baleines et les dauphins en captivité, a reçu un fort soutien public.
Je voudrais tout d’abord saluer le travail de l’ancien sénateur Murray Sinclair, qui a présenté ce projet de loi en 2020. J’aimerais également remercier le sénateur Klyne et son équipe, qui ont travaillé sans relâche pour veiller à ce que ce travail important ne reste pas inachevé.
Honorables sénateurs, à l’instar d’un nombre de plus en plus élevé de Canadiens, j’estime que les animaux sauvages ont le droit de vivre en liberté dans leur habitat naturel et qu’ils ne devraient pas être gardés en captivité, à moins que cela ne leur procure un avantage direct ou à des fins de conservation de leur espèce. Je suis convaincue que ce projet de loi contribue grandement à réaliser cet objectif pour une vaste sélection d’animaux, y compris les grands singes, les éléphants, les grands félins, les ours, les loups, les phoques, les morses et les reptiles dangereux.
Le projet de loi S-241 renforce la protection de plus de 800 espèces animales sauvages dont on a abondamment documenté la grande souffrance en captivité du fait que leurs mouvements et leur comportement sont sévèrement limités. Seules des circonstances exceptionnelles devraient justifier de garder des animaux sauvages en captivité : quand c’est dans l’intérêt de l’animal et pour des raisons de recherche aux fins de la conservation de l’espèce.
Même si la reproduction d’un animal en captivité représente un avantage pour la conservation de l’espèce, le projet de loi a été conçu de manière à accroître les critères pour protéger la dignité des espèces animales sauvages et, par le fait même, la nôtre. Le préambule du projet de loi énonce la problématique du commerce international d’espèces sauvages, et j’appuie fortement toute nouvelle initiative pour aller plus loin dans ce dossier.
Dans son discours initial, le sénateur Klyne a parlé de la possibilité de protéger les amphibiens contre un champignon dangereux et de la chasse illégale aux ours canadiens pour leur vésicule biliaire. Je pense que ce sont là des exemples importants du tort causé par le commerce des espèces sauvages. Que ce commerce soit légal ou non, il cause du tort aux animaux eux-mêmes et augmente la possibilité de zoonoses importantes qui peuvent nuire aux animaux et aux humains. À titre d’exemple, nous venons de traverser la pandémie de COVID-19.
Le projet de loi fera du Canada un chef de file mondial en matière de protection du bien-être des animaux sauvages et permettra au ministre de l’Environnement de remplir son mandat, qui consiste à protéger les animaux en captivité, à contrer le commerce illégal des espèces sauvages et à mettre fin au commerce de l’ivoire de l’éléphant et de la corne de rhinocéros au Canada.
L’année dernière, Protection mondiale des animaux a publié un rapport. Selon son analyse des registres d’importation du Canada, l’organisme a estimé que plus de 1,8 million d’animaux sauvages ont été importés au pays entre 2014 et 2018 et que la grande majorité d’entre eux, soit 93 %, n’étaient apparemment pas assujettis à un permis et n’auraient fait l’objet d’aucun dépistage d’agents pathogènes. Étant donné le rôle du commerce des espèces sauvages dans l’alimentation de la crise de la biodiversité et dans l’augmentation du risque de maladie — j’en ai parlé il y a quelques semaines —, c’est très inquiétant.
La science du bien-être animal est en constante évolution. Nous en apprenons de plus en plus sur les besoins biologiques, psychologiques et écologiques complexes de diverses espèces d’animaux sauvages et sur la difficulté de répondre à ces besoins en captivité.
Je suis très heureuse que le projet de loi mette fin à la captivité des éléphants au Canada. Je félicite le Zoo de Granby d’avoir annoncé son intention de se départir de ses éléphants et d’appuyer ce projet de loi. Les animaux hautement sociaux, intelligents et très mobiles comme les éléphants ne devraient pas être détenus en captivité, particulièrement au Canada, où notre climat est brutal pour eux pendant la majeure partie de l’année. Beaucoup de gens ne réalisent pas que ces animaux passent la plupart de leur temps dans des enclos intérieurs très étroits à cause du froid et que, par conséquent, ils ne peuvent pas toujours profiter pleinement des grands enclos extérieurs, s’il y en a.
Ce projet de loi contribuera à prévenir des cas comme celui de l’éléphant Lucy. Si vous me suivez sur Twitter, vous saurez que j’ai aidé le groupe qui la protège. La situation de Lucy est vraiment triste. Elle doit passer plus des deux tiers de sa vie à l’intérieur, au Edmonton Valley Zoo, en raison de la rigueur des hivers canadiens. En conséquence, elle a un surpoids de 1 000 livres et elle montre des signes de détresse mentale, comme le fait de se balancer d’avant en arrière. J’aimerais remercier le projet des défenseurs de Lucy à Edmonton pour son important travail visant à se porter à la défense de Lucy.
Je suis heureuse de constater que le projet de loi jouit aussi du soutien d’autres zoos, comme le zoo de Toronto, le zoo de Calgary et le Biodôme de Montréal. Le projet de loi n’est manifestement pas contre les zoos; au contraire, il permettra de rehausser la qualité des zoos que nous, en tant que société, considérons comme étant acceptables. Il permettra d’établir des normes juridiques, transparentes et aux fondements scientifiques afin que les animaux comme les tigres, les lions et de nombreuses espèces de singes ne soient plus gardés dans des cages peu solides et trop petites par des personnes qui n’ont besoin d’aucun permis, d’aucune raison, d’aucune expertise, ni d’aucune formation pour garder un tigre ou un autre animal exotique.
Ce n’est pas surprenant que les animaux sauvages s’enfuient des zoos en bordure de route et que des gens aient été blessés et même tués à cause des graves lacunes réglementaires. Pas plus tard qu’en 2013, on a eu un cas tragique au Nouveau-Brunswick lorsqu’un python de Séba, un reptile qu’on ne pourrait pas garder en captivité en vertu du projet de loi dont nous sommes saisis, a tué deux enfants âgés de 4 et 6 ans. Il est grand temps d’adopter le projet de loi.
Au Québec, on a également porté des accusations criminelles pour cruauté et négligence envers les animaux dans un zoo, ce qui a imposé un fardeau à la SPCA de Montréal et à ses partenaires, qui ont dû saisir et relocaliser plus de 100 animaux sauvages.
Malgré l’importance de ce projet de loi, il ne s’agit pas du dernier chapitre. Il est encore nécessaire d’adopter d’autres règlements pour lutter contre le commerce des animaux sauvages. Il s’agit d’un secteur sous-réglementé et non durable. Le préambule du projet de loi évoque cette question en raison du plaidoyer de l’organisme World Animal Protection, mais il faut faire davantage pour réduire la souffrance animale, les risques de maladie et la perte de biodiversité. Le commerce légal alimente le commerce illégal, et nous avons besoin de nouvelles réglementations pour améliorer le système très laxiste qui existe au Canada en matière de surveillance et de collecte de données.
Le projet de loi S-241 a mon soutien indéfectible, et il devrait être renvoyé en comité pour être étudié en temps opportun, afin que nous puissions faire ce grand pas en reconnaissant que le bien-être des animaux est un élément essentiel de la façon dont nous mesurons le progrès dans notre société.
Merci. Meegwetch.