PÉRIODE DES QUESTIONS — Les finances
Le contrat de service à fournisseur unique
27 juillet 2020
Sénateur Gold, vous ne serez sans doute pas étonné que ma question porte sur le scandale concernant UNIS.
Monsieur le leader, le 25 juin, le premier ministre a annoncé que le programme de Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant, doté de 912 millions de dollars, serait géré par l’organisme UNIS, lequel a versé plus de 300 000 $ à des membres de sa propre famille. L’organisme contrevenait à ses accords bancaires et a vu une bonne partie de son conseil d’administration démissionner le printemps dernier.
En fait, l’organisme UNIS, avec qui le gouvernement Trudeau a signé un contrat à fournisseur unique, est une société de portefeuille immobilière qui a obtenu le statut d’organisme de bienfaisance l’an dernier. Cette société de portefeuille a un budget se chiffrant à seulement 150 000 $ et ne possède aucune expérience dans la prestation de programmes. Il aurait fallu qu’elle mobilise de 40 000 à 50 000 bénévoles en peu de temps. Même si elle y était arrivée et avait versé 5 000 $ à chaque bénévole, elle n’aurait jamais pu rendre compte du montant total de ce contrat de 1 milliard de dollars.
Monsieur le leader, votre gouvernement aurait-il signé une entente de 1 milliard de dollars avec une coquille vide? Où seraient allés les centaines de millions de dollars non utilisés? La GRC a-t-elle communiqué avec un membre de votre gouvernement au sujet d’UNIS?
Merci de vos questions. En ce qui concerne votre dernière question, je n’ai connaissance d’aucune communication entre la GRC et le gouvernement.
En ce qui concerne votre première question, les fonctionnaires ont travaillé avec diligence pour trouver le meilleur mode de prestation possible pour le programme, de manière à accorder des bourses à des étudiants afin qu’ils fassent, comme nous continuons de l’espérer, du bénévolat. Ce sont des fonctionnaires qui ont effectué ce travail et qui ont mené les négociations.
Malheureusement, le programme n’a pas été exécuté comme prévu, mais le gouvernement continuera de soutenir les étudiants comme il le fait pour tous les Canadiens en cette période difficile.
Je pense que le public canadien a de la chance que le programme n’ait pas été exécuté comme le gouvernement l’avait prévu.
Le même jour, la semaine dernière, le ministre des Finances a témoigné devant le comité en affirmant que, à sa grande surprise, il s’était miraculeusement souvenu que sa famille et lui avaient reçu plus de 41 000 dollars d’UNIS pour des frais de déplacement et d’autres dépenses. Le ministre Morneau a dit au comité qu’il avait toujours eu l’intention de rembourser ces dépenses. Cependant, quelques heures plus tard, UNIS l’a contredit en déclarant que les déplacements avaient été offerts à titre gracieux. C’est la deuxième fois que le ministre des Finances viole la loi sur l’éthique, sa première violation ayant eu lieu lorsqu’il a oublié de déclarer sa villa française à la commissaire à l’éthique en 2017.
Monsieur le leader, étant donné ses nombreux et graves manquements à l’éthique, pourquoi le ministre Morneau est-il toujours ministre des Finances? Pourquoi les Canadiens devraient-ils lui faire le moindrement confiance? Pouvez-vous nous dire si la GRC a communiqué avec le ministre ou un des employés de son bureau ou de son ministère au sujet d’UNIS?
Merci pour votre question. Concernant la dernière partie de votre question, je n’ai connaissance d’aucune communication de ce genre.
Comme nous le savons tous, le ministre des Finances a témoigné devant le comité. Il s’est montré ouvert. Il s’est montré transparent quant à la participation de sa famille aux activités de l’organisation UNIS et à son propre rôle dans la mise sur pied de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant. Il a, par ailleurs, reconnu qu’il aurait dû se retirer des délibérations portant sur l’organisation. En plus, il a fait preuve d’ouverture et de transparence en s’excusant pour toutes ses erreurs et il s’est engagé à travailler avec le commissaire à l’éthique dans ce dossier.
Quant à votre principale question, je dirai que le gouvernement a toujours pleinement confiance dans le ministre des Finances. Il nous a montré la voie, à nous ainsi qu’à la fonction publique et à ses collègues, en une période extrêmement difficile. Il a veillé à ce que les Canadiens soient en mesure de payer leur loyer et de nourrir leur famille et à ce que l’économie soit suffisamment soutenue pour surmonter la crise, de même que nous, dans l’espoir que l’économie puisse graduellement revenir en force d’ici à la fin de la pandémie.
Monsieur le leader, en tout respect, je crois que je me dois d’exprimer mon désaccord quant à la confiance grandissante envers le ministre des Finances. Ce serait même plutôt le contraire. Je pense en particulier à la fois où il est venu au Sénat et que, la veille, il avait affirmé sur Twitter vouloir aider les petites entreprises, mais qu’il les a fait attendre une fois de plus alors qu’elles attendaient son aide depuis des mois déjà.
Je ne dis pas que son ministère ne fait rien, mais quand même, je m’interroge au sujet des priorités du ministre. D’ailleurs, lorsqu’il est allé témoigner devant le comité de la Chambre, il s’est souvenu le jour même, à peine quelques heures avant son témoignage, qu’il avait reçu 41 000 $ d’UNIS.
Ce sont là des exemples patents qui expliquent notre perte de confiance envers le ministre des Finances. Lors d’une récente conférence de presse, le premier ministre a affirmé :
Nous sommes encore à étudier ce que nous pourrions faire pour être plus ouverts.
Ma question, monsieur le leader, concerne le fait que, dans chacune des lettres de mandat remises par le premier ministre à ses ministres, il est écrit qu’on s’attend d’eux qu’ils relèvent la barre en matière d’ouverture, d’efficacité et de transparence au sein du gouvernement. Dans le cas du contrat accordé à UNIS, pourquoi le gouvernement a-t-il opté pour le secret et l’obstruction?
Je vous remercie de votre question. Toutefois, malgré tout le respect que je vous dois, je suis en désaccord avec vous quant à la prémisse qui la sous-tend.
Comme le savent les honorables sénateurs, le premier ministre et le ministre des Finances ont rapidement reconnu qu’ils ont eu tort de ne pas se récuser. De plus, comme il l’a déclaré à maintes occasions, le gouvernement a fait tout en son pouvoir pour aider dans les plus brefs délais les Canadiens à faire face à la crise qui a assailli le pays. Le gouvernement est conscient que son intervention a nécessité quelques rajustements. D’ailleurs, le Sénat en a lui-même traité à quelques occasions. Toutefois, l’important était d’agir rapidement, et non parfaitement. Je crois que cette rapidité d’intervention a été avantageuse pour les Canadiens face à la crise dans laquelle nous avons été plongés.
Ainsi, le gouvernement demeure résolu à faire preuve de transparence et d’ouverture. Le premier ministre et le ministre des Finances coopèrent pleinement avec le commissaire à l’éthique. Ce dernier dispose des outils et de la crédibilité voulus pour examiner ce dossier, et le Sénat demeure convaincu que le commissaire observera la procédure adéquate et que le gouvernement continuera de coopérer dans ce dossier.
Cela m’amène tout naturellement à ma question complémentaire. Elle revient sur le rapport qui a conclu que le premier ministre avait violé la Loi sur les conflits d’intérêts dans l’affaire SNC-Lavalin. Le commissaire à l’éthique avait alors déclaré que, puisque le gouvernement avait décidé de refuser au commissariat le plein accès aux renseignements confidentiels du Cabinet, « les témoins ont été limités dans leur capacité à fournir [des] éléments de preuve ».
Monsieur le leader, aux fins de l’enquête que mène cette année le commissaire à l’éthique sur la conduite du premier ministre, le gouvernement se montrera-t-il véritablement ouvert et transparent, comme vous dites qu’il est résolu à le faire, et s’engagera-t-il à lever complètement le secret du Cabinet en ce qui concerne l’accord de contribution accordé à la fondation UNIS?
Je vous remercie de votre question. Mon poste ne me donne pas les pouvoirs requis pour prendre moi-même quelque engagement que ce soit à ce sujet. Je peux toutefois réitérer que le gouvernement est résolu à collaborer de manière ouverte et transparente avec le commissaire à l’éthique ainsi qu’avec les trois comités de la Chambre des communes qui étudient ce dossier. On m’a d’ailleurs informé aujourd’hui même que, comme bon nombre d’entre nous l’avions prévu, le premier ministre et sa chef de Cabinet ont accepté de comparaître devant le Comité des finances de l’autre endroit et de répondre à toutes ses questions.
Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold.
Je suis aussi profondément troublée par les manquements éthiques du premier ministre et du ministre des Finances. À un moment où les Canadiens ont, plus que jamais, besoin d’un gouvernement crédible, des membres des familles immédiates de Justin Trudeau et de Bill Morneau ont reçu de l’argent ou travaillent pour l’organisme UNIS. Or, à une réunion du Cabinet qui s’est tenue en leur présence, on a décidé de donner à UNIS un contrat sans appel d’offres, qui aurait pu rapporter 43 millions de dollars à cet organisme. Le conflit d’intérêts est flagrant.
Le gouvernement Trudeau a-t-il voulu se servir de fonds publics pour venir à la rescousse de l’organisme UNIS, qui traversait des moments difficiles?
Je remercie la sénatrice de la question. L’objectif du gouvernement par rapport à ce programme était et est toujours de donner un coup de main aux jeunes et aux étudiants, pour qu’ils puissent faire du bénévolat pendant cette période où, malheureusement, non seulement dans le cas des jeunes, mais aussi de plusieurs travailleuses et travailleurs canadiens, les emplois désirés et attendus avaient peut-être disparu.
L’objectif du gouvernement était de faire en sorte qu’un programme soit mis en place pour aider le plus grand nombre possible de jeunes, et non pour aider l’organisation.
Ma question complémentaire, sénateur Gold, est la suivante. Peut-on savoir précisément qui a avancé cette idée à l’origine? Où a germé l’idée de ce programme plutôt mal ficelé, annoncé à la hâte, où l’on voulait payer de jeunes Canadiens pour faire du bénévolat, alors qu’un programme qui vise à aider les étudiants, la PCUE, était déjà en place? Est-ce le premier ministre qui a d’abord eu cette idée? Est-ce Bill Morneau ou l’organisme UNIS? Qui a d’abord avancé cette idée?
Je vous remercie de la question. Selon l’information dont je dispose, et qui a déjà été partagée dans l’espace public, on m’a avisé que ce sont des fonctionnaires impartiaux qui ont recommandé de conclure une entente de partenariat avec UNIS. Il est vrai que des programmes existent. Toutefois, la fonction publique était débordée, en raison des défis liés à l’obligation de mettre sur pied et superviser d’autres programmes que le gouvernement a mis en place et que nous, au Sénat, avons appuyés en adoptant plusieurs projets de loi.