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La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Débat

21 juin 2021


L’honorable Rosa Galvez [ + ]

Honorables sénateurs, j’interviens à titre de porte-parole à l’égard du projet de loi C-204, loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999 afin d’interdire l’exportation de certains types de déchets plastiques vers des pays étrangers en vue de leur élimination définitive.

Premièrement, permettez-moi de remercier le député de York-Simcoe, M. Scot Davidson, ainsi que notre collègue, la sénatrice Frum, d’avoir soulevé l’important dossier de l’élimination définitive de nos déchets plastiques. Dans mon discours, je vais parler des raisons de ce type de mesure législative et de l’appui de principe que j’y porte. J’ai travaillé toute ma carrière à cerner, à évaluer et à résoudre les problèmes de pollution et de contamination créés par les déchets domestiques ou les déchets industriels dangereux. Ces problèmes se répercutent sur la santé et la sécurité des êtres humains ainsi que sur l’écosystème qui fournit les services écologiques essentiels à notre survie.

Trop de fois pour les énumérer ici, j’ai été directement témoin de l’incidence négative de nos habitudes irresponsables et toujours croissantes de production de déchets et de manipulation des substances toxiques. On envoie constamment dans les sites d’enfouissement toutes sortes d’objets qui pourraient être recyclés, mais qui, plutôt, deviennent des macroplastiques et des microplastiques qui finissent par se retrouver dans nos cours et nos étendues d’eau, où ils amorcent leur cheminement dans la chaîne alimentaire.

Une vision toujours fraîche à mon esprit est celle des nombreux poissons de la rivière Chaudière qui ont développé des tumeurs et des déformations après le déversement de pétrole de Lac-Mégantic. Qui mangera ces poissons? Savez-vous que les scientifiques ont trouvé des microplastiques dans les poumons, le foie, la rate, les reins et, récemment, le placenta d’êtres humains?

Honorables collègues, ce n’est un secret pour personne : partout dans le monde, les déchets constituent un problème. Si nous ne parvenons pas à les gérer de façon durable, nous nous intoxiquerons davantage au fur et à mesure que la population augmente.

Chaque année, 280 milliards de tonnes d’eaux souterraines sont polluées par des lixiviats de décharge renfermant des contaminants. Il s’agit là d’une source d’eau sur laquelle comptent le quart des Canadiens et au moins la moitié de la population mondiale pour survivre.

L’utilisation de terres pour les milliards de tonnes de déchets que nous générons chaque année réduit notre capacité de stopper la déforestation, de lutter contre les changements climatiques ou d’offrir des environnements sains pour les êtres humains et la faune. Pour minimiser la contamination des nos terres, nous dépendons des pays étrangers et des océans.

Chaque année, 13 millions de tonnes de plastique aboutissent dans les océans, polluant les eaux et détruisant les écosystèmes océaniques. Plus de la moitié de ce plastique est moins dense que l’eau et flotte. Une fois que les déchets plastiques pénètrent dans les courants océaniques, il est peu probable qu’ils les quittent tant qu’ils ne se seront pas décomposés en microplastiques sous l’effet du soleil, des vagues et de la vie marine. Alors que de plus en plus de plastiques sont jetés dans l’environnement, la concentration de plastique dans le vortex de déchets du Pacifique nord ne fera que continuer d’augmenter. Ce vortex flottant de déchets couvre une surface d’approximativement 1,6 million de kilomètres carrés, soit la taille de ma province, le Québec. À ce rythme, il y aura plus de déchets plastiques que de poissons dans les océans d’ici 2050.

Le Canada est loin d’être un modèle pour le reste du monde. En réalité, nous faisons partie des pires producteurs de déchets. Avec ses 1,33 milliard de tonnes de déchets et ses 36,1 tonnes par personne en 2017, le Canada était le plus gros producteur de déchets par habitant.

La production de déchets varie grandement selon les provinces et territoires. Dans les provinces comme l’Alberta et la Saskatchewan, la production par personne fait plus que doubler par rapport à des provinces comme la Nouvelle-Écosse ou l’Île-du-Prince-Édouard. Il est intéressant de noter que ce résultat est obtenu en additionnant les déchets domestiques, industriels et municipaux, avant de diviser le total par le nombre d’habitants dans la province.

Le problème des déchets ne cesse d’empirer au Canada, et cela ne concerne pas que le plastique. J’espère donc que nous allons nous attaquer au problème de manière globale avec une solide mesure législative.

En 2016, nous avons généré 3,3 millions de tonnes de plastique, dont seulement 9 % ont été correctement recyclés, 4 % ont été incinérés avec récupération d’énergie, et un énorme 86 % ont été envoyés vers des décharges. Prenez un instant pour réfléchir à l’énorme quantité de déchets plastiques qui attendent dans des décharges partout dans le pays, des déchets qui seront encore là dans plusieurs générations.

Le principal responsable est le secteur de l’emballage; il représente presque la moitié des déchets du Canada. Viennent ensuite le secteur automobile, la filière du textile, les composants électriques et électroniques, et le secteur de la construction.

Pourquoi est-il urgent de résoudre les problèmes liés aux déchets de plastique? Parce que ce n’est pas seulement un problème de matières entreposées. C’est aussi un problème de santé et un problème environnemental et, si cela n’est pas assez important pour vous, vous devez savoir que c’est aussi un problème économique considérable. J’ajouterais aussi que, comme mère et grand-mère, c’est aussi un problème moral qui cause des dommages importants partout dans le monde.

Historiquement et encore aujourd’hui, notre économie suit un modèle linéaire, soit l’extraction, la production et l’élimination. Plus de 60 % de toutes les ressources naturelles extraites finissent en déchets. Quel gâchis! Quel manque d’efficacité et d’efficience! Ces modèles économiques totalement dépassés dépendent de l’hypothèse fausse et illogique selon laquelle notre planète a des ressources infinies et que nous pouvons croître éternellement au sein d’un système qui n’existe pourtant pas sur notre planète.

Par ailleurs, en 2009, des scientifiques ont décrit les limites de notre système planétaire, qui est essentiel à la conservation de la vie sur Terre, telle que le monde entier la connaît. Aujourd’hui, nous avons déjà dépassé quatre de ces limites, soit l’instabilité du climat, la perte de la biodiversité, l’utilisation des terres et les cycles de nutriments.

Nous devons dès maintenant transformer notre modèle de consommation en une économie circulaire.

Utiliser nos ressources naturelles plus efficacement, empêcher les produits et les matériaux de devenir des déchets le plus longtemps possible et transformer les déchets qui ne peuvent être évités en une nouvelle ressource représentent des étapes clés pour parvenir à une économie plus durable et plus circulaire. Ces étapes clés permettront de stimuler l’économie, d’assurer la stabilité économique tant réclamée par les investisseurs et les industriels et de créer des millions d’emplois en développant et en mettant en œuvre des technologies propres.

Les actions en vue d’assurer une gestion durable des déchets doivent suivre un ordre clair : réduction à la source, réutilisation, recyclage, récupération de l’énergie et encapsulation finale des résidus ultimes. Tel est le modèle de gestion des déchets prôné par tous les experts en gestion de matières résiduelles dans le monde, y compris par des organismes multinationaux comme l’OCDE, dont fait partie le Canada.

Pourtant, historiquement, le Canada a choisi de mettre l’accent sur la troisième option, soit en créant une industrie du recyclage. Quand on examine les statistiques se rapportant au recyclage du plastique aujourd’hui, nous pouvons constater que nos faibles tentatives de saine gestion des déchets sont un échec total — et il faut le reconnaître. Nous avons créé une industrie entière de recyclage qui est assez peu efficace. Nos matières recyclées sont très peu utilisées dans la fabrication de nouveaux produits. La fabrication d’emballages, les personnes qui prônent l’obsolescence programmée et celles et ceux qui gaspillent des matières n’assument aucune responsabilité, ce qui ne permet d’assurer aucune circularité.

En sautant les deux premières étapes de toute bonne gestion de déchets, nous réduisons massivement nos occasions de réduire ces déchets.

En fait, Environnement et Changement climatique Canada a financé la production d’un rapport intitulé Étude économique sur l’industrie, les marchés et les déchets du plastique au Canada, qui a été publié en 2019. Selon ce rapport, les matières plastiques qui n’ont pas été récupérées représentaient une occasion perdue de 8 milliards de dollars pour le Canada en 2016, un chiffre qui atteindra 11 milliards de dollars d’ici 2030.

Selon le même rapport, en réacheminant 90 % des déchets de plastique des sites d’enfouissement vers le cycle de production d’ici 2030, le Canada pourrait économiser 500 millions de dollars par année. Cette approche pourrait aussi créer 42 000 emplois directs et indirects, et réduire les émissions de gaz à effet de serre de 1,8 million de tonnes de CO2 par année.

Pourquoi ne suivons-nous pas cette voie? Le monde se tourne vers la décarbonisation, et une meilleure gestion des déchets est un facteur décisif.

En 2019, Environnement et Changement climatique Canada a publié un document de consultation intitulé Une approche proposée de gestion intégrée des produits de plastique visant à réduire les déchets et à prévenir la pollution. Le ministère y a adopté une cible d’au moins 50 % de contenu recyclé dans les produits de plastique d’ici 2030. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement n’a pas agi plus tôt dans ce dossier.

Du côté du secteur privé, une série de sociétés qui exercent des activités au Canada ont établi un partenariat avec le Pacte canadien sur les plastiques, qui fait partie du réseau mondial des Pactes sur les plastiques de la Fondation Ellen MacArthur. Elles s’engagent ainsi à atteindre quatre objectifs réalisables d’ici 2025, y compris que tous les emballages en plastique soient conçus pour être réutilisables, recyclables ou compostables, que la moitié de ceux-ci soient recyclés avec succès et que tous les emballages de ce type contiennent 30 % de matières recyclées.

Il est encourageant d’entendre parler de ces initiatives, mais elles ne contribueront que modestement à résoudre le problème de déchets plastiques au Canada. Nous avons besoin d’un cadre législatif sur les déchets, qui est global et interdépendant.

Par exemple, encourager le recyclage n’est qu’une composante de l’économie circulaire. Les fabricants doivent utiliser le plus possible de matériaux recyclés dans leurs nouveaux produits pour profiter de leur valeur et éviter d’épuiser les ressources naturelles. De telles politiques ambitieuses nous aideront à nous tourner vers une économie plus durable.

Où se retrouvent actuellement nos déchets plastiques? Plus de 90 % de ces derniers sont exportés aux États-Unis; le reste est réparti entre des pays comme le Vietnam, la Malaisie, le Honduras, la Turquie et le Chili. Toutefois, le commerce des déchets plastiques est réglementé internationalement par la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, qui a été adoptée en mars 1989 à la suite d’une controverse croissante sur l’exportation par les pays riches de déchets dangereux dans des pays en développement n’ayant pas la capacité de les gérer adéquatement, provoquant ainsi d’énormes problèmes environnementaux et sanitaires. Ses principaux objectifs sont de réduire la production de déchets dangereux, de promouvoir une gestion écologiquement rationnelle, de limiter les mouvements transfrontières de déchets dangereux aux pays capables d’une telle gestion et de créer un système de réglementation pour encadrer le commerce autorisé de déchets dangereux.

Bien que le Canada ait ratifié en décembre 2020 de nouvelles modifications à la Convention de Bâle « [...] qui exigent des mesures de contrôle pour s’assurer du consentement préalable donné en connaissance de cause pour l’exportation de toutes les formes de déchets plastiques, à l’exception des moins polluants, qui font l’objet d’échanges commerciaux entre les pays parties au traité », les États-Unis ne l’ont pas fait, si bien que nombre d’experts craignent qu’un accord bilatéral conclu en 2020 avec les États-Unis permette d’exporter des déchets plastiques vers le sud en se soumettant à des mesures de contrôle moins strictes que celles de la Convention de Bâle, et que ces déchets puissent ensuite être exportés de nouveau vers les pays en développement.

Compte tenu des différends en matière de gestion des déchets qui impliquent le Canada et qui ont été très médiatisés à l’échelle internationale dans les dernières années, je ne peux pas dire que je suis convaincue que nos déchets plastiques seront bien gérés dans le cadre de nos ententes en vigueur.

Compte tenu de toute cette information, je souscris entièrement à l’objet du projet de loi C-204 et au principe qui le sous-tend. Je fais écho à ces propos de la sénatrice Frum : « En continuant d’exporter nos déchets plastiques, nous manquons à notre devoir d’intendance environnementale. »

Pendant des siècles, les pays riches ont imposé un fardeau aux pays en développement en les laissant s’occuper de nos déchets toxiques. Ce n’est ni plus ni moins que du racisme et du colonialisme environnementaux.

Le monde n’est pas notre dépotoir, et si on continue de le considérer comme tel, cela renforcera les tendances colonialistes d’un pays qui a dû mal à assumer les conséquences de ses propres gestes. La richesse d’un pays ne devrait pas justifier le transfert de sa responsabilité de gérer ses déchets. C’est même plutôt le contraire qui devrait se produire. Nous avons des capacités de gestion écologique des déchets parmi les plus importantes du monde.

Ce qui précède s’applique à la réduction de la pollution et à la protection environnementale en général, y compris les lois sur le climat. Le Canada doit cesser d’être à la traîne. Nous n’avons toujours pas de loi sur la responsabilité climatique qui harmoniserait nos lois avec nos engagements internationaux, rendrait notre pays plus propre et notre économie plus compétitive. Nous ne devrions pas craindre les projets de loi grâce auxquels les gens seront en meilleure santé, plus heureux et plus prospères. J’attends avec impatience le jour où ces questions cesseront d’être politiques et où nous commencerons à nous concentrer sur les besoins des êtres humains.

Cela dit, je suis d’avis que la question nécessite une étude approfondie et minutieuse, compte tenu, notamment, des effets possibles sur le commerce interprovincial et international, et le fait qu’elle touche de nombreux secteurs.

En tant que citoyens du monde responsables, nous voulons que le Canada s’occupe de ses propres déchets. Je crois que vous conviendrez comme moi que nous devons déterminer rapidement les moyens d’éliminer la production non nécessaire de déchets et de nous attaquer à la source du problème.

En tant que porte-parole pour le projet de loi, je suis entièrement d’accord pour le renvoyer au comité.

Chers collègues, je conclus sur de sages paroles tirées d’une chanson Pete Seeger, If It Can’t Be Reduced :

Si on ne peut le réutiliser, le réduire, le réparer

Le reconstruire, le revendre, le repolir, le rénover

Le recycler ou le composter

Il faut alors le restreindre, le redessiner

Ou cesser de le fabriquer

Merci beaucoup. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Gold, souhaitez-vous prendre la parole? Nous avons environ une minute avant de lever la séance.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat)

Merci, Votre Honneur. J’aimerais dire un mot ou deux, puis je voudrais ajourner le débat pour le reste du temps de parole dont je dispose.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-204, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (élimination définitive de déchets plastiques).

Honorables sénateurs, il est manifeste que le monde est confronté à un problème de gestion responsable des déchets plastiques. Les difficultés liées à la gestion nationale de grands volumes de déchets plastiques se traduisent souvent par des décharges ou des enfouissements dans l’environnement, ce qui pose un grave problème environnemental mondial et représente une occasion économique perdue. Il est tout simplement impossible de nier ce fait.

Cependant, la question de savoir si le projet de loi C-204 est l’instrument approprié pour régler ces problèmes ou même pour aider à les régler est importante, et le Sénat doit l’étudier attentivement. Respectueusement, le gouvernement est d’avis que le projet de loi n’est pas l’instrument approprié, et je vais vous expliquer pourquoi.

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