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La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture

22 juin 2021


L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat)

Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je reprends mes observations à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-204, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (élimination définitive de déchets plastiques).

Chers collègues, le monde est confronté à un problème de gestion responsable des déchets plastiques. Les difficultés liées à la gestion nationale de grands volumes de déchets plastiques se traduisent souvent par des décharges ou des enfouissements dans l’environnement, ce qui pose un grave problème environnemental mondial et représente une occasion économique perdue. Il est tout simplement impossible de nier ce fait.

Cependant, la question de savoir si le projet de loi C-204 est l’instrument approprié pour régler ces problèmes ou même pour aider à les régler est importante, et le Sénat doit l’étudier attentivement. Respectueusement, le gouvernement est d’avis que le projet de loi n’est pas l’instrument approprié, et je vais vous expliquer pourquoi.

La politique du Canada en ce qui concerne la circulation transnationale des déchets plastiques nuisibles est axée sur les solutions multilatérales. Plus précisément, le Canada et ses alliés ont réussi à cibler ce problème dans le cadre de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination.

La Convention de Bâle a été adoptée le 22 mars 1989, en réponse au tollé suscité par la découverte de dépôts de déchets toxiques importés de l’étranger en Afrique et dans d’autres régions du monde en développement. À titre d’information, dans les années 1980, le resserrement de la réglementation environnementale dans les pays industrialisés a entraîné une hausse considérable du coût de l’élimination des déchets toxiques. Il s’en est suivi une augmentation de ce qu’on qualifie de « commerce des produits toxiques » dans le cadre duquel des déchets dangereux ont commencé à être expédiés aux pays en développement et à l’Europe de l’Est. Lorsque cette pratique odieuse a été révélée, l’indignation internationale a mené à la conclusion de la Convention de Bâle.

La Convention de Bâle a pour objectif de protéger la santé humaine et l’environnement contre les effets nocifs graves des déchets dangereux. Le fait qu’elle lie 188 pays en fait un instrument crucial dans les efforts mondiaux visant à réduire les dommages causés par les déchets dangereux dans les pays en développement. Elle est également une plateforme efficace pour s’attaquer efficacement aux problèmes émergents de concert avec la communauté internationale.

En mai 2019, les parties à la Convention de Bâle ont accepté des modifications en réponse au problème mondial des déchets plastiques et elles les ont ratifiées. Ces modifications portaient à la fois sur l’exportation de déchets plastiques destinés à l’élimination définitive, qui est l’objet du projet de loi C-204, et sur l’exportation de déchets plastiques destinés au recyclage. Fait important, ces contrôles exigent le consentement préalable en connaissance de cause d’un pays importateur qui est partie à la Convention de Bâle avant que l’exportation de déchets plastiques puisse avoir lieu.

Les amendements sont mis en œuvre dans le droit canadien en vertu du Règlement sur l’exportation et l’importation de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses, qui a été adopté aux termes de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999. En termes simples, au titre des nouvelles règles, depuis le 1er janvier 2021, il faut un permis d’exportation pour pouvoir exporter des déchets plastiques assujettis à la Convention de Bâle lorsque ceux-ci sont destinés à un État partie à la convention. Avant de délivrer un permis, il faut obtenir le consentement des pays de transit et d’importation. En somme, cela signifie que le Canada a pris des mesures importantes pour améliorer le contrôle des exportations de déchets plastiques, de concert avec la communauté internationale.

Chers collègues, je signale également que le projet de loi C-204 a été présenté à l’autre endroit avant que ces mesures soient mises en place au pays. On peut se demander ce que le projet de loi C-204 peut faire pour s’attaquer au problème des déchets plastiques, s’il est redondant ou s’il peut créer de la confusion dans l’application des lois et des règlements.

Comme on l’a dit, les modifications à la Convention de Bâle concernant les déchets plastiques imposent des contrôles sur les déchets plastiques destinés à l’élimination définitive et au recyclage. Ce point est important, car comme l’ont fait remarquer certains de nos collègues de l’autre endroit au cours de leurs délibérations sur le projet de loi, on suppose que la majorité des déchets plastiques exportés sont destinés à une certaine forme de recyclage plutôt qu’à l’élimination définitive — ce qui est l’objet du projet de loi C-204 —, car il y a peu d’incitatifs économiques à exporter des déchets plastiques sur de longues distances si c’est pour une élimination définitive.

Cependant, le Canada exporte des déchets solides municipaux qui contiennent des déchets plastiques vers les États-Unis en vue de leur élimination définitive. Le projet de loi C-204 interdirait le commerce de déchets plastiques aux États-Unis en vue de leur élimination définitive. L’arrêt du commerce des déchets solides municipaux vers les États-Unis aura des répercussions économiques et environnementales au Canada. Voilà, chers collègues, un aspect du projet de loi que le Sénat devrait examiner attentivement en faisant son second examen objectif.

Certains députés à l’autre endroit ont également fait valoir que le projet de loi C-204 était trop restrictif à l’égard de l’élimination définitive. La question a également été évoquée au Comité permanent de l’environnement et du développement durable en mars de cette année. La question du recyclage a été abordée par des organisations environnementales et non gouvernementales ainsi que par l’industrie, quoique sous différents angles. M. James Puckett, du Basel Action Network, qui a témoigné devant le comité, a déclaré ce qui suit :

[...] le projet de loi ne résout pas le plus grand problème d’envergure mondiale que M. Davidson et d’autres tentent de régler au moyen de cette mesure législative puisqu’il porte uniquement sur l’exportation à des fins d’élimination définitive, c’est-à-dire l’enfouissement ou l’incinération. La version actuelle du projet de loi ne s’attaque pas au fond du problème, à savoir l’exportation à des fins de recyclage.

Cependant, l’industrie canadienne a envoyé des mémoires au comité sur l’importance du commerce des plastiques recyclés et les effets négatifs que le projet de loi C-204 pourrait avoir sur les efforts de recyclage en Amérique du Nord.

Honorables sénateurs, les modifications à la Convention de Bâle concernant les déchets plastiques mettent en place de nouvelles mesures de contrôle à l’égard de certains déchets plastiques destinés à l’élimination définitive et au recyclage, afin de permettre uniquement le libre-échange de déchets plastiques précieux, moins polluants et faciles à recycler. Ces mesures de contrôle ne sont en place que depuis janvier dernier, et les efforts se poursuivent pour veiller à ce que les parties concernées par ce commerce aient accordé leur consentement.

En tout respect, je dirais que c’est pour cette raison que le projet de loi C-204 rate la cible, car de nouvelles mesures de contrôle ont été mises en place à la suite de la présentation du projet de loi, et elles sont conçues pour résoudre les problèmes causés par les exportations de déchets plastiques à l’échelle mondiale.

De plus, la liste proposée à l’annexe 7 du projet de loi présente aussi certains problèmes de nature plus technique dont nous devrons tenir compte. Selon la définition du terme « déchets plastiques » fournie dans le projet de loi C-204, ce terme « s’entend des types de plastiques énumérés à l’annexe 7 ». L’annexe comprend 32 éléments, soit 31 qui ont été proposés par le parrain du projet de loi et un autre qui a été adopté à l’autre endroit, à l’étape du comité.

J’aimerais souligner quelques problèmes associés à la liste qui est proposée à l’annexe 7, dont certains ont été soulevés lors de l’étude du projet de loi au Comité permanent de l’environnement et du développement durable.

Premièrement, les modifications à la Convention de Bâle concernant les déchets plastiques visent probablement un plus vaste ensemble de « déchets plastiques » que ceux qui se trouvent à l’annexe 7. De plus, le projet de loi C-204 propose un contrôle plus strict seulement pour les exportations destinées à l’élimination définitive. La différence entre les déchets plastiques assujettis à la Convention de Bâle et les déchets plastiques énoncés à l’annexe 7 créerait de la confusion pour les entreprises. Des réglementations distinctes se superposeraient, et engendreraient des difficultés pour les exportateurs.

Deuxièmement, quatre substances énumérées à l’annexe 7 ne sont pas habituellement considérées comme des plastiques. L’éthylène, par exemple, est un gaz à la température ambiante et il est utilisé comme matière première. J’ai l’impression qu’il faudrait rédiger adéquatement l’annexe si l’on veut que le projet de loi C-204 soit efficace. Le texte actuel de l’annexe serait une source de confusion et de difficultés opérationnelles. Bien que le projet de loi propose que le gouverneur en conseil puisse modifier cette annexe, je crois que nous devrions examiner attentivement sa version actuelle ainsi que les difficultés associées à sa mise en œuvre.

J’aimerais aussi attirer votre attention sur d’autres difficultés relatives au projet de loi C-204. Premièrement, si des agents responsables de l’application de la loi veulent inspecter une cargaison, des analyses en laboratoire pourraient être nécessaires afin de déterminer si un objet contient des substances figurant dans l’annexe. Les analyses en laboratoire coûtent cher, en argent et en temps, et elles causeraient des problèmes d’organisation à l’Agence des services frontaliers du Canada et aux autorités portuaires parce que les conteneurs ne peuvent pas rester au port pendant des périodes prolongées.

En plus des difficultés associées à l’application de l’interdiction proposée par le projet de loi, il pourrait y avoir des répercussions sur les systèmes de gestion des déchets des provinces et des territoires. Le projet de loi pourrait entraîner des tensions dans les relations intergouvernementales, car une interdiction immédiate de l’exportation des déchets plastiques est contraire à l’approche collaborative que le gouvernement fédéral prône avec les provinces et les territoires en vue de réduire à zéro les déchets plastiques et opérer la transition vers une économie circulaire pour les plastiques. Une action unilatérale du fédéral sans consultation suffisante pourrait avoir des conséquences imprévues sur ces initiatives, comme la complication des efforts pour atteindre l’objectif zéro de déchets de plastique. Par exemple, elle pourrait nuire à la transition vers des régimes meilleurs et plus vastes de responsabilité élargie des producteurs.

En outre, honorables sénateurs, le gouvernement du Canada travaille étroitement avec les provinces et les territoires par l’intermédiaire du Conseil canadien des ministres de l’Environnement. En 2018, le Conseil a approuvé une stratégie visant l’atteinte de zéro déchet de plastique, puis un plan d’action en deux phases mis en œuvre conjointement. Le plan consiste à faciliter la mise en place de programmes cohérents et étendus de responsabilité des producteurs dans tout le pays, afin de rendre les entreprises responsables de la collecte et du recyclage des produits et des emballages qu’elles mettent sur le marché.

Avant d’adopter les mesures proposées dans le projet de loi C-204, il faudrait mener des consultations auprès des provinces et des territoires pour comprendre les conséquences possibles sur leur système de gestion des déchets. Le projet de loi C-204 vise à contribuer à surmonter un défi mondial complexe. Tout problème de nature environnementale qui est transnational et complexe et qui touche de nombreux joueurs doit être considéré sous des angles multiples.

En résumé, le gouvernement a déjà commencé à agir pour s’attaquer aux problèmes causés par l’exportation de déchets plastiques : il a fortement appuyé l’adoption des amendements sur les déchets plastiques à la Convention de Bâle, les a ratifiés en 2020 et procède maintenant à leur mise en œuvre par l’entremise de ses règlements. Le projet de loi C-204 se limite à l’élimination définitive alors que notre régime national actuel englobe le recyclage et l’élimination définitive. De plus, l’annexe 7 proposée contient des produits posant des difficultés techniques et des produits qui ne sont pas généralement considérés comme du plastique.

Enfin, le projet de loi présente des défis de mise en œuvre dans la pratique. L’un d’entre eux est de taille. L’interdiction prévue par le projet de loi C-204 aurait probablement comme effet d’interdire l’exportation de tous les déchets solides des municipalités destinés à l’élimination définitive vers les États-Unis s’ils contiennent des éléments visés par l’annexe 7. Ce changement aurait des répercussions sur les provinces, les territoires et les municipalités en augmentant la pression et les coûts pour les systèmes de gestion des déchets en raison des volumes accrus de déchets solides des municipalités qui devraient être enfouis au Canada.

Honorables sénateurs, ce ne sont là que quelques-uns des problèmes que je voulais soulever, j’espère qu’ils feront l’objet d’une étude rigoureuse et approfondie du Comité sénatorial de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je vous remercie de votre attention.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

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