Projet de loi sur la protection financière pour les producteurs de fruits et légumes frais
Projet de loi modificatif--Seizième rapport du Comité des banques, du commerce et de l'économie--Ajournement du débat
19 novembre 2024
Propose que le rapport soit adopté.
Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter le 16e rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, qui porte sur le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables).
Nous avons entendu 18 témoins et procédé à l’étude article par article au cours de quatre réunions. Le comité a reçu huit mémoires supplémentaires pendant la durée de l’étude. Notre comité a entendu des producteurs de fruits et légumes, des organisations agricoles, des experts en faillite et en insolvabilité, des organismes de recherche et des avocats, y compris des avocats spécialisés dans le droit commercial qui représentent des producteurs de fruits et légumes aux États-Unis et qui connaissent bien la Perishable Agricultural Commodities Act, connue sous le nom de PACA, et la PACA Trust, l’équivalent américain du projet de loi C-280.
Nous avons également entendu des représentants d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et d’Industrie, Sciences et Développement économique Canada, la surintendante associée du Bureau du surintendant des faillites, ainsi que le porte-parole du projet de loi au Sénat, le sénateur Cotter, et le parrain à la Chambre des communes, Scot Davidson, député de York—Simcoe.
Au cours de l’étude article par article, des représentants du gouvernement sont revenus pour répondre aux questions des membres du comité. Tout au long de nos réunions, une certaine confusion a régné quant à savoir qui serait couvert par la loi, comment la chaîne d’approvisionnement du secteur est affectée par la faillite et l’insolvabilité, quelles sont les protections dont les agriculteurs disposent actuellement et si elles sont accessibles et abordables, ainsi que sur l’historique des relations commerciales canado-américaines sur la question de la protection réciproque pour les producteurs de fruits et légumes périssables.
Le comité a entendu des témoignages convaincants de la part de nombreux intervenants sur l’importance du projet de loi. Ron Lemaire, président de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, a déclaré que le mécanisme de protection contre la faillite prévu dans le projet de loi créerait « un outil essentiel adapté aux besoins pour une industrie unique qui n’est actuellement pas protégée ».
L’ancien président et directeur général de la Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes a déclaré que le projet de loi ouvrirait la voie au rétablissement de la protection financière des producteurs canadiens en vertu de la loi américaine sur les produits agricoles périssables. En 2014, les États-Unis ont suspendu l’accès des producteurs canadiens de fruits et légumes aux mécanismes de protection contre la faillite prévus par cette loi, laissant les producteurs canadiens impuissants face aux payeurs insolvables dans ce marché clé.
Le sénateur Varone a proposé deux amendements. Comme ils font deux pages, je ne les lirai pas ici, mais j’encourage les sénateurs à consulter le procès-verbal de la réunion et à lire la transcription de l’étude article par article, qui a eu lieu le jeudi 31 octobre, afin d’obtenir un portrait complet.
Les raisons invoquées par le sénateur Varone pour justifier ces amendements étaient qu’ils rendraient le projet de loi plus clair et exempt d’ambiguïtés. Cependant, d’autres témoins ont affirmé le contraire : amender le projet de loi mettrait en péril son adoption et pourrait potentiellement diminuer la réciprocité de la loi miroir des États-Unis.
Nos collègues du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes nous ont écrit la semaine dernière pour nous demander d’adopter cet important projet de loi sans amendement. Cependant, les deux amendements ont été adoptés à sept voix contre quatre, et le rapport a été adopté avec dissidence.
J’espère qu’au cours de notre débat, nous examinerons sérieusement la question, car de nouvelles informations nous sont parvenues depuis l’étude du projet de loi en comité. Je demande à tous les sénateurs d’être très attentifs aux interventions des autres sur le projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
Sénatrice Wallin, acceptez-vous de répondre à une question?
Oui.
Je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir présenté une vue d’ensemble du rapport et de l’amendement. Je crois comprendre que le comité, comme vous l’avez mentionné, a entendu plusieurs points de vue différents sur la question de savoir si l’amendement au projet de loi pourrait compromettre certains des objectifs qui sous-tendent cette mesure législative. En particulier, le projet de loi C-280 cherche à ouvrir la porte au rétablissement des protections financières pour les producteurs canadiens dans le cadre de la Perishable Agricultural Commodities Act des États-Unis. Ces protections ont été suspendues en 2014 en raison de l’absence de mesures réciproques au Canada.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur les raisons invoquées par les parties prenantes qui ont témoigné devant le comité pour justifier l’adoption du projet de loi dans sa forme originale et nous dire si cet amendement particulier présente des risques précis pour nos relations avec les États-Unis?
Bien sûr. Je vous encourage aussi à écouter d’autres personnes qui ont étudié davantage cette question. Cela dit, nous avons entendu des arguments très solides selon lesquels, lorsqu’on négocie avec les États-Unis et qu’il est question des lois des deux pays et de mesures législatives réciproques, il est préférable de limiter les obstacles le plus possible.
Cela a été dit très clairement, je crois. Des acteurs de l’industrie ont souligné que, si nous apportions des amendements, non seulement cela viendrait mettre en péril l’adoption du projet de loi au Sénat et à l’autre endroit, mais il y aurait aussi des répercussions concernant la réciprocité des mesures législatives entre le Canada et les États-Unis, laquelle pourrait être mise en péril. Ils ont laissé entendre que, si nous agissons ainsi, ils reviendront à ce qui existait avant que les règles changent en 2014, ce qui procurerait une protection à ce groupe très vulnérable de producteurs de fruits et légumes périssables. Il s’agit d’un groupe très petit qui a besoin d’une aide particulière parce que ses produits sont périssables : comme on ne peut ni les congeler ni les réfrigérer, les producteurs perdent de l’argent. S’il n’y a aucune façon de protéger ces producteurs, ils n’auront aucun recours et ne pourront obtenir aucun avantage financier plus tard, puisque leurs produits ne seront plus disponibles.
Sénatrice Wallin, accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Oui.
Sénatrice Wallin, vous ai-je bien entendue dire au début du rapport du comité, dont vous êtes la présidente, que des témoins ont dit que le système du Canada et celui des États-Unis seraient exactement le même si ce projet de loi est adopté? Quels sont les mots exacts que vous avez utilisés? Pourriez-vous les répéter, s’il vous plaît?
Je suis désolée. Je ne comprends pas bien la question. Que demandez-vous?
Au début du rapport, sénatrice Wallin, vous semblez avoir indiqué, sans aucune compétence ni preuve — j’étais là en tant que membre du comité —, que ce projet de loi était la copie conforme de la Perishable Agricultural Commodities Act. Pourriez-vous nous relire cette partie, s’il vous plaît?
Je pense qu’il y a une référence à la loi miroir américaine dans le libellé qui a été utilisé.
Pourriez-vous répéter ce que vous avez dit au début de votre discours à ce sujet?
Voulez-vous que je le relise?
Je veux que vous lisiez le début, sénatrice Wallin.
J’ai dit :
J’ai l’honneur de présenter le 16e rapport du Comité sénatorial permanent [...]
— etc.
Nous avons entendu 18 témoins [...] au cours de quatre réunions. Le Comité a reçu huit mémoires [...] Notre comité a entendu des producteurs de fruits et légumes [...]
— et j’ai ensuite énuméré la longue liste des gens qui ont témoigné, notamment des personnes qui connaissent bien la Perishable Agricultural Commodities Act.
Nous avons également entendu des représentants [du gouvernement] le porte-parole du projet de loi au Sénat [...] le parrain à la Chambre des communes [...]
[...] des représentants du gouvernement sont revenus répondre aux questions [...] Tout au long de nos réunions, une certaine confusion a régné quant à savoir qui serait couvert par la loi [...] ainsi que sur l’historique des relations commerciales canado-américaines sur la question de la protection réciproque pour les producteurs de fruits et légumes périssables.
Le Comité a entendu des témoignages convaincants [...] Ron Lemaire, président de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes [...]
— Je suis essentiellement en train de tout relire, —
[...] a déclaré que le mécanisme de protection contre la faillite prévu dans le projet de loi créerait « un outil essentiel adapté aux besoins pour une industrie unique qui n’est actuellement pas protégée. » [...]
En 2014, les États-Unis ont suspendu l’accès des producteurs canadiens de fruits et légumes aux mécanismes de protection contre la faillite [...], laissant les producteurs [...] impuissants face aux payeurs insolvables dans [le] marché [américain].
Le sénateur Varone a proposé deux amendements [...]
[...] d’autres témoins ont affirmé [qu’]amender le projet de loi mettrait en péril son adoption et pourrait potentiellement diminuer la réciprocité de la loi miroir des États-Unis.
Nos collègues du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes nous ont [demandé] la semaine dernière [...]
— d’adopter le projet de loi sans amendement.
Ensuite, j’ai dit que, pendant les débats au Sénat, mes collègues devraient bien écouter les autres discours qui seront prononcés par les membres du comité.
À moins que j’aie mal entendu, ce que vous venez de dire n’était pas la même chose que tout à l’heure. Vous avez dit que le projet de loi représentait un processus équivalent à la Perishable Agricultural Commodities Act américaine.
Sénatrice Wallin, je vérifierai les bleus et je vous reviendrai demain pour vous dire si j’avais bien compris.
Je vais relire tout le paragraphe :
L’ancien président et directeur général de la Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes a déclaré que le projet de loi ouvrirait la voie au rétablissement de la protection financière des producteurs canadiens en vertu de la loi américaine sur les produits agricoles périssables [...]
— c’est ce qu’on nous a dit, que les Américains allaient rétablir cette mesure.
Si je reviens à ce que j’ai dit dans mon discours :
En 2014, les États-Unis ont suspendu l’accès des producteurs canadiens de fruits et légumes aux mécanismes de protection contre la faillite prévus par cette loi, laissant les producteurs [...] impuissants face aux payeurs insolvables dans [le] marché [américain].
C’est mot pour mot le texte que j’ai lu pendant mon discours.
Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour m’opposer à ce rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Pour les raisons que je vais expliquer, je pense que les amendements proposés par certains membres du comité sapent indubitablement les objectifs principaux du projet de loi.
Le projet de loi C-280, Loi sur la protection financière pour les producteurs de fruits et légumes frais, a franchi l’étape de la troisième lecture aux Communes, sans amendement. Il a reçu un appui quasi unanime des députés, qui l’ont adopté par 320 voix contre 1. Ce projet de loi a été présenté avec deux objectifs fondamentaux.
Le premier de ces objectifs est de combler les lacunes de la législation canadienne en matière de faillite afin de garantir que les vendeurs canadiens de fruits et légumes frais bénéficient d’un statut prioritaire lors des procédures de faillite et d’insolvabilité. La Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies prévoient déjà des mesures visant à donner aux producteurs agricoles un statut prioritaire au cours de ces procédures, en reconnaissance de leur importance dans l’alimentation des Canadiens.
Cependant, les dispositions actuelles de ces lois sur la priorité absolue et le droit de possession pour les agriculteurs, qui visent à fournir une protection financière aux producteurs agricoles, ne sont pas adéquates pour les producteurs de fruits et légumes frais en cas d’insolvabilité de leurs acheteurs. La reprise de possession est rarement possible, car les produits frais se gâtent rapidement, sont vendus aux consommateurs en peu de temps ou sont incorporés dans d’autres produits. En outre, le délai de 15 jours prévu par la Loi sur la faillite et l’insolvabilité est trop court pour un secteur où les délais de paiement sont généralement de 30 jours ou plus, bien après que le produit a été vendu, transformé ou consommé par les consommateurs.
À cause de cela, les producteurs canadiens de fruits et de légumes essuient des pertes considérables, et parfois insurmontables, quand un acheteur déclare faillite. Ils doivent faire la file avec tous les autres créanciers pour obtenir un paiement, et, trop souvent, les vendeurs de fruits et de légumes doivent renoncer à leur dû.
Ces faillites ont des répercussions en cascade dans le secteur. Elles placent les agriculteurs et les autres vendeurs de fruits et de légumes dans des situations difficiles et elles limitent leur capacité de développer leur activité, d’innover et de prendre de l’expansion, puisque, par nécessité, ils deviennent peu enclins à courir des risques de crainte de perdre eux aussi leur entreprise quand un vendeur devient soudainement insolvable ou fait faillite.
En établissant une fiducie réputée limitée pour le secteur, le projet de loi C-280 comblerait cette lacune et mettrait les vendeurs canadiens de fruits et de légumes sur un pied d’égalité avec les autres producteurs agricoles en tant que créanciers dans le cadre des procédures de faillite. Certains sénateurs ont exprimé des préoccupations au Comité des banques concernant l’utilisation d’un mécanisme de fiducie réputée pour régler le problème de l’absence de protection financière pour les producteurs de fruits et de légumes frais.
Le secteur des fruits et des légumes a ceci d’unique qu’il n’a pas les garanties supplémentaires dont bénéficient d’autres secteurs de l’agriculture. La plupart sont couverts par les dispositions existantes, mais la plupart des autres secteurs bénéficient de protections supplémentaires, comme le système de gestion de l’offre pour les produits laitiers et la volaille, les titres détenus par la Commission canadienne des grains et d’autres programmes gérés par les provinces.
Outre la fiducie réputée limitée, des groupes de travail fédéral-provinciaux ont déjà étudié d’autres modèles de projection financière dans le passé, dont les groupements d’assureurs, les centres d’échange, l’affacturage et les fonds communs de placement. Ils en sont venus à la conclusion qu’aucune de ces mesures ne permet d’avoir un coût concurrentiel, un impact sur les marchés, un accès pour les acheteurs et les vendeurs ou une applicabilité aux réalités des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis.
Ce qui nous amène au deuxième objectif du projet de loi C-280 : rétablir l’accès préférentiel des vendeurs canadiens de fruits et de légumes en vertu de la Perishable Agricultural Commodities Act du département américain de l’Agriculture. Il s’agit d’un mécanisme de fiducie réputée et de règlement des différends utilisé par nos exportateurs de fruits et de légumes, mais les États-Unis ont retiré aux Canadiens la capacité de recourir à la Perishable Agricultural Commodities Act en 2014. Même s’il existe un système de résolution des différends au Canada, il ne comporte aucune forme de protection financière, comme une fiducie réputée par exemple. Depuis que cet accès réciproque a été annulé, les exportateurs canadiens de fruits et légumes doivent maintenant verser une caution équivalant à 200 % de la valeur de leurs produits exportés pour être couverts par la Perishable Agricultural Commodities Act, ce qui est hors de portée de la plupart des producteurs du pays. Par conséquent, lorsqu’un vendeur américain fait faillite, les producteurs canadiens qui exportent perdent tout, contrairement à leurs homologues américains.
Honorables sénateurs, cela nous amène aux amendements proposés par le Comité permanent des banques, du commerce et de l’économie, qui risquent de miner les principaux objectifs du projet de loi. Ces amendements restreignent l’accès au mécanisme de protection financière prévu dans le projet de loi aux agriculteurs ou aux détaillants, soit ceux qui achètent des fruits et des légumes directement d’un agriculteur pour les revendre. En limitant l’accès à la protection financière uniquement au premier niveau de vente, ces modifications ne tiennent pas compte du fait que les faillites touchent l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et du marché, y compris les producteurs et les distributeurs, et qu’une foule d’intervenants participent à la chaîne d’approvisionnement en fruits et légumes frais, de la ferme à la table.
Les agriculteurs et les producteurs ne vendent généralement pas directement aux magasins de détail; d’autres s’en chargent. Les entreprises de conditionnement, les grossistes et les courtiers jouent le rôle essentiel d’intermédiaires entre les producteurs et les secteurs de la restauration, de l’hôtellerie et de la vente au détail. Il est essentiel qu’ils bénéficient tous de la protection financière prévue à l’origine par le projet de loi C-280, afin de garantir que les paiements descendent la chaîne et, en fin de compte, parviennent aux agriculteurs. C’était le premier objectif du projet de loi.
Ces amendements signifient également que le projet de loi C-280 ne remplit plus les critères fixés par les États-Unis pour rétablir l’accès préférentiel du Canada aux protections offertes par la Perishable Agricultural Commodities Act.
Le département américain de l’Agriculture a été très clair sur les conditions du rétablissement de l’accès des producteurs canadiens à la Perishable Agricultural Commodities Act. Lors des réunions multipartites de l’été 2023 avec des sénateurs et des députés au sujet du projet de loi C-280, on a affirmé que la disposition en suspens qui restait était la suivante :
[...] la création d’un système de fiducie réputée similaire au Canada, qui permettrait d’obtenir des résultats comparables à ceux de la fiducie de la Perishable Agricultural Commodities Act pour tous les détaillants de fruits et légumes.
En limitant ces protections aux seuls agriculteurs et détaillants, le projet de loi n’offrirait pas un système comparable à celui qui existe aux États-Unis. En effet, ces amendements signifieraient sans aucun doute que la Perishable Agricultural Commodities Act ne serait pas rétablie pour les exportateurs canadiens, ce qui continuerait à exposer les agriculteurs canadiens à des risques accrus et inutiles.
En fait, dans une lettre adressée à la Western Growers Association au début du mois, Bruce Summers, administrateur du département de l’Agriculture des États-Unis, a comparé les amendements proposés au projet de loi C-280 à ceux du système américain en soulignant que les amendements étaient « sensiblement différents » de la Perishable Agricultural Commodities Act.
J’ajouterai également, honorables sénateurs, que le comité s’est fait mettre en garde à plusieurs reprises au sujet de l’effet de ces amendements, non seulement par des représentants de l’industrie et des experts en commerce, mais aussi par les propres fonctionnaires du gouvernement, qui ont averti le comité que les amendements proposés allaient réduire la probabilité que la Perishable Agricultural Commodities Act soit rétablie. L’un des objectifs fondamentaux du projet de loi est justement de rétablir la réciprocité avec le système américain, afin que nos agriculteurs bénéficient de cette protection cruciale. Le rapport du comité garantit pratiquement l’annulation de cette probabilité.
Je souhaite également répondre à d’autres commentaires formulés par certains sénateurs au sujet de ce projet de loi, notamment concernant le fait que les agriculteurs auraient plus difficilement accès au crédit s’ils bénéficiaient d’un statut de créancier prioritaire dans le cadre d’une fiducie réputée. Cette affirmation est tout simplement infondée. La fiducie réputée est prévue dans la Perishable Agricultural Commodities Act depuis 40 ans et elle s’est avérée positive pour les producteurs et les entreprises de conditionnement de l’industrie des fruits et légumes frais, ainsi que pour les banquiers qui financent ces secteurs. En effet, une fiducie réputée modifie simplement le calcul de la garantie disponible pour le créancier. Grâce à la fiducie réputée, la garantie est moins grande pour l’acheteur et plus grande pour le vendeur. Les créanciers peuvent prendre des décisions appropriées en matière de prêt à la lumière de ces calculs. En rendant les paiements plus prévisibles tout au long de la chaîne de valeur, de l’agriculteur au détaillant, la fiducie réputée permet aux prêteurs de prévoir plus facilement les rentrées de fonds pour rembourser les prêts à chaque maillon de la chaîne de valeur. Une prévisibilité accrue facilite l’octroi de prêts, au lieu de le rendre plus difficile.
Il est important de noter que la possibilité de restreindre la portée de l’application du projet de loi au premier niveau de vente, comme le proposent les amendements, a été envisagée à l’autre endroit. Cependant, des témoins et des mémoires ont souligné qu’il était essentiel de protéger tous les fournisseurs de la chaîne d’approvisionnement en fruits et légumes frais afin de maintenir la stabilité du marché, et que limiter la définition de « fournisseur » empêcherait le Canada d’obtenir le rétablissement de la protection réciproque pour les vendeurs canadiens. Les amendements du comité ne constituent pas une nouveauté. Ils ne sont pas étonnants de la part des sénateurs. La portée de l’application a été examinée à la Chambre et, pour les raisons que j’ai exposées, les députés ont finalement refusé de proposer des amendements. Je vous rappelle que la Chambre élue a adopté le projet de loi dans une proportion de 320 contre 1 et que le premier ministre et l’ensemble du Cabinet ont voté en faveur de ce dernier.
Nos producteurs de fruits et légumes jouent un rôle essentiel dans l’approvisionnement de nos familles et de nos collectivités en fruits et légumes nutritifs, mais ils sont soumis actuellement à des risques particuliers et accrus en raison de la nature périssable de leur produit et du manque de réciprocité avec le système américain. Le projet de loi C-280 donne simplement à nos agriculteurs et aux autres membres de la chaîne d’approvisionnement en fruits et légumes frais une chance plus équitable d’être payés advenant qu’un acheteur fasse faillite. Il n’y a pas de fardeau pour le gouvernement ou le contribuable, il s’agit plutôt d’un transfert de coûts d’une partie prenante à une autre.
Je pense que les agriculteurs ne devraient plus assumer ce coût, car il a des répercussions sur l’économie et la sécurité alimentaire du Canada. Les prêteurs sont bien mieux placés pour absorber l’incidence distributive d’une fiducie réputée que les petits agriculteurs et producteurs et les autres vendeurs de fruits et légumes qui sont déjà soumis à des pressions de toutes parts.
Pour terminer, j’exhorte les sénateurs à rejeter le rapport. Nous avons l’obligation de veiller à ce que les lois canadiennes sur la faillite soient équitables et adaptées à leur objectif. Les producteurs de fruits et légumes frais de notre pays devraient avoir la certitude qu’ils seront payés pour les produits qu’ils cultivent, tout comme le reste de l’industrie devrait pouvoir compter sur la stabilité de son marché sans craindre des pertes insurmontables causées par des lacunes dans nos règles sur les faillites.
C’est le problème que le projet de loi C-280 propose de régler, et je crois que même s’ils partent peut-être d’une bonne intention, les amendements contenus dans le rapport du comité annulent les objectifs principaux du projet de loi. Il faudrait rejeter le projet de loi amendé et adopter le projet de loi dans sa forme originale. Merci.
Sénateur MacDonald, je vous remercie pour votre discours. Vous avez dit qu’il devrait être plus facile — et non plus difficile — pour les prêteurs d’accorder des prêts. Ne convenez-vous pas qu’il existe un risque accru parce que les créances des prêteurs garantis risquent d’être subordonnées? Si leurs créances sont subordonnées, pourquoi serait-il plus facile de prêter?
Sénateur Loffreda, voici comment je vois les choses. Bien entendu, il y a un risque le long de la chaîne, mais lorsqu’on examine l’histoire du système bancaire et du secteur agricole au Canada, il faut se demander combien d’agriculteurs ont perdu leur ferme ou ont fait faillite à cause de décisions prises par les banques, et combien de banques ont fait faillite à cause des agriculteurs. Voilà comment je vois les choses.
Les banques devraient être prêtes à participer au risque de la chaîne d’approvisionnement beaucoup plus que les agriculteurs. Voilà pourquoi j’appuie ce projet de loi.
Je suis d’accord. Nous appuyons tous nos agriculteurs. Nous avons de l’empathie et de la compassion pour eux. Ils fournissent ce qui est vital à chacun d’entre nous. Toutefois, si l’on regarde le secteur bancaire, tout repose sur des risques et des rendements. Plus le risque est élevé, plus le rendement l’est aussi. Donc, si le risque est accru — et bon nombre de nos témoins ont convenu que le risque pour les banques sera accru parce qu’elles seront maintenant subordonnées — eh bien, les taux d’intérêt pourraient être plus élevés.
Ne craignez-vous pas que la hausse des taux d’intérêt se traduise par une augmentation du prix des fruits et des légumes pour les consommateurs? Ces coûts seront-ils absorbés par les agriculteurs ou seront-ils refilés aux consommateurs? Je suis simplement préoccupé par votre affirmation selon laquelle il sera plus facile d’accorder des prêts aux agriculteurs. Je n’en suis pas convaincu. Je suis même certain qu’il ne sera pas plus facile de prêter de l’argent aux agriculteurs. J’en suis certain.
Sénateur MacDonald, je voulais juste vous mentionner que votre temps de parole est presque écoulé.
Voulez-vous plus de temps pour répondre à la question?
Oui.
Le consentement est-il accordé?
Sénateur, si les agriculteurs avaient des inquiétudes à propos des taux d’intérêt et de l’augmentation des prix, je pense qu’ils les auraient exprimées clairement.
Ils ne l’ont pas fait. La question pour nous est très simple : sommes-nous du côté des agriculteurs ou du côté des banques?
Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour vous exhorter à rejeter les amendements proposés par le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie.
Comme nous l’avons déjà vu aujourd’hui, ces amendements portent gravement atteinte aux objectifs fondamentaux de cet important projet de loi, qui a été adopté presque à l’unanimité à la Chambre des communes.
J’aimerais citer un extrait d’une lettre envoyée par l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes. Cette Association travaille avec diligence au nom de l’industrie des fruits et légumes frais partout au Canada. Je suis sûr que bon nombre d’entre vous ont reçu des lettres semblables, mais je tiens à faire part de ces préoccupations au Sénat. J’espère que mes honorables collègues les écouteront et rejetteront le rapport du comité.
Avant de commencer, je tiens à mentionner que la lettre a été signée par les organisations suivantes : la Fédération canadienne de l’agriculture, l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, les Producteurs de fruits et légumes du Canada, l’Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l’Ontario, l’Association des producteurs maraîchers du Québec, l’Association québécoise de la distribution de fruits et légumes, le Blueberry Council de la Colombie-Britannique, l’association des producteurs fruitiers de la Colombie-Britannique, l’association des serristes de la Colombie-Britannique, les producteurs de légumes frais de l’Ontario, la Holland Marsh Grower’s Association, Horticulture Nouvelle-Écosse, l’organisation Keystone Agricultural Producers du Manitoba, l’association des producteurs fruitiers de Norfolk, les pomiculteurs de l’Ontario, les producteurs d’asperges de l’Ontario, les producteurs de petits fruits de l’Ontario, l’Ontario Potato Board, les producteurs de légumes de serre de l’Ontario, l’association d’horticulture de l’Île-du-Prince-Édouard, l’office de la pomme de terre de l’Île-du-Prince-Édouard, les producteurs de pommes de terre de l’Alberta, Pommes de terre Nouveau-Brunswick, les Producteurs de pommes du Québec, l’association des producteurs de légumes de la Saskatchewan, ainsi que d’autres organisations.
Voici maintenant des extraits de la lettre :
Il est essentiel de souligner le rôle crucial du projet de loi C-280, qui vise à établir une protection financière pour tous les vendeurs de fruits et légumes. Cette protection favoriserait un environnement d’équité sur le marché, soutiendrait la stabilité au sein de nos chaînes d’approvisionnement et renforcerait la résilience de notre secteur agricole.
En effet, la protection de tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement, des producteurs aux distributeurs, soutient non seulement notre secteur national, mais encourage également le commerce international, ce qui renforce la position du Canada sur le marché mondial.
En vertu des dispositions initiales du projet de loi C-280, tous les fournisseurs profiteraient (ou non) de la même manière des « actifs détenus en fiducie » d’une société insolvable, et tous les fournisseurs y auraient un accès égal, au prorata.
Les modifications proposées au projet de loi C-280 limiteraient dans les faits l’accès à la protection au premier niveau de vente, ce qui va à l’encontre de l’objectif de la loi visant à promouvoir les pratiques commerciales équitables et à renforcer la stabilité du marché dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement des fruits et légumes frais.
La lettre se poursuit ainsi :
Plus grave encore, limiter la portée de la protection offerte par le projet de loi C-280, comme dans les modifications proposées, ne créerait pas une protection équivalente à celle offerte au secteur américain en vertu de la loi américaine Perishable Agricultural Commodities Act (PACA), et serait donc inférieure à ce qui est nécessaire pour obtenir le rétablissement de l’accès préférentiel des vendeurs de fruits et légumes canadiens au mécanisme américain de règlement des différends pour les fruits et légumes frais en vertu de la PACA — un objectif fondamental de la loi initiale.
L’accès préférentiel à la PACA, dont bénéficiaient les vendeurs de fruits et légumes canadiens jusqu’en 2014, est un outil financier important pour permettre aux producteurs et aux expéditeurs canadiens d’exporter des fruits et légumes vers notre plus grand partenaire commercial avec l’assurance d’un traitement équitable qui ne les freine pas financièrement en cas de litige avec des acheteurs américains.
Les représentants du ministère de l’Agriculture des États-Unis ont confirmé qu’un mécanisme de protection financière canadien équivalent à la PACA, qui couvre tous les fournisseurs de la chaîne, est la seule exigence qui reste au Canada pour obtenir le rétablissement de l’accès préférentiel à la PACA.
Le projet de loi C-280 initial, non modifié, répondrait à ces critères.
Les amendements proposés par le Comité sénatorial des banques ne reflètent tout simplement pas l’interconnexion de la chaîne qui assure l’approvisionnement en fruits et légumes frais de la ferme à la table.
Contrairement à la croyance populaire, les producteurs ne vendent généralement pas directement aux magasins de détail.
Les emballeurs, les grossistes, les courtiers et les autres agissent comme intermédiaires essentiels entre les producteurs, les détaillants et les services alimentaires, et il faut qu’ils reçoivent la protection nécessaire pour s’assurer que les paiements circulent le long de la chaîne et, au bout du compte, vers les producteurs.
Chers collègues, nos producteurs partout au pays sont de fervents partisans du projet de loi C-280 original et demandent instamment à tous les sénateurs de rejeter les amendements proposés par le Comité des banques, d’adopter le projet de loi à l’étape du rapport et de le faire passer, non modifié, à l’étape de la troisième lecture.
Il est important que nous adoptions ce projet de loi dans les plus brefs délais. Comme nous l’avons vu avec d’autres projets de loi que le Sénat a amendés, notamment le projet de loi C-234, ou même le projet de loi C-275, l’amendement du projet de loi retardera inévitablement son adoption et aboutira probablement à sa mort au Feuilleton.
Chers collègues, le secteur agricole perçoit négativement cette vénérable Chambre en raison des amendements proposés à de nombreuses mesures législatives qui le touchent. C’est particulièrement décourageant pour ceux qui travaillent dur pour représenter l’industrie agricole, et cela devrait également préoccuper tous mes honorables collègues ici, au Sénat, quand on dit, au sein de la population, que nous sommes hostiles à l’agriculture.
Je demande à mes collègues, en tant que sénateur d’un milieu agricole et défenseur de longue date de l’agriculture, de voter contre le rapport du comité. Je vous exhorte à adopter le projet de loi sans amendement. Faisons en sorte que l’étape du rapport du comité et la troisième lecture soient terminées le plus rapidement possible afin que le projet de loi puisse recevoir la sanction royale avant le congé de Noël.
Nous connaissons tous le climat politique actuel. Le secteur attend l’adoption de ce projet de loi depuis presque 10 ans. Ne le faisons pas attendre plus longtemps.
Je vous remercie. Meegwetch.
Le sénateur Black accepterait-il de répondre à quelques questions?
Non.
Non? Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe, qui vit sur cette terre depuis des temps immémoriaux.
Je suis reconnaissant d’avoir l’occasion de discuter du projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables).
Je tiens à remercier sincèrement mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants — les sénateurs Loffreda, Yussuff, McNair, Ringuette et Massicotte — pour leur soutien indéfectible tout au long de l’étude de ce projet de loi crucial. En outre, j’apprécie les contributions du sénateur Fridhandler, du Groupe progressiste du Sénat et de la sénatrice Robinson, du Groupe des sénateurs canadiens, qui ont tous deux apporté une sagesse et une réflexion précieuses à nos discussions.
Mon expérience du droit de la faillite est considérable, en particulier parce que j’ai collaboré avec des administrateurs judiciaires afin de relancer des projets de construction en défaut de paiement. C’est de ce point de vue que j’ai observé l’autorité considérable exercée par les syndics de faillite et les administrateurs judiciaires. Souvent, ce pouvoir est exercé au détriment de toutes les parties prenantes tout au long de la chaîne d’approvisionnement, ces agents financiers assumant le rôle de créanciers super-prioritaires, se plaçant au-dessus de tous les autres dans la hiérarchie des créances de la faillite.
Je tiens à préciser que je suis entrepreneur en construction résidentielle. J’ai passé 40 ans dans ce secteur et j’en suis fier. Je n’ai jamais eu de retard de paiement et je n’ai jamais fait faillite. J’ai protégé mes gens de métier et je les ai adulés, car ils sont l’élément vital du secteur — même les plombiers.
Cependant, sénateurs, ce n’est là qu’une partie de mon histoire personnelle. Je suis toujours propriétaire d’une entreprise de restauration tout aussi importante, qui compte quelque 250 employés. Nous sommes spécialisés dans les services de traiteur à grande échelle, et, oui, j’ai de l’expérience concrète dans l’achat de fruits et légumes frais auprès des agriculteurs de l’Ontario et du Marché des produits alimentaires de l’Ontario. Je suis en relation directe et respectueuse avec les agriculteurs et les négociants depuis 50 ans.
Après avoir analysé le libellé original du projet de loi C-280, il m’est apparu que les dispositions n’étaient pas assez claires. En fait, le projet de loi C-280, tel qu’il a été présenté à l’origine, n’est rien d’autre qu’un hologramme qui me rappelle la célèbre citation de Shakespeare dans Macbeth :
[...] pleines de bruit et de fureur,
Qui ne signifient rien.
Les agriculteurs canadiens ont besoin d’une protection en bonne et due forme, et ce projet de loi, dans sa version initiale, ne fera rien pour les protéger. En fait, même dans sa version amendée, le projet de loi exige que l’industrie canadienne soit plus proactive pour se protéger contre les mauvais acteurs.
Les États-Unis ont bien fait les choses. Ils ont un cadre législatif sur les fiducies, mais ils l’utilisent comme un moyen dissuasif et non comme une arme, et son intégration dans la hiérarchie des faillites est judicieuse. L’industrie étatsunienne s’est mieux outillée pour faire face aux mauvais acteurs sans avoir à recourir aux tribunaux.
Selon mes interprétations initiales, bien des gens, moi y compris, ont cru que l’intention était d’élever, dans les dispositions canadiennes sur la faillite, les producteurs de fruits et légumes frais au statut de créancier réputé. Il est essentiel de préciser que le statut de fiducie réputée au Canada a un poids important et qu’il est depuis toujours réservé aux employés canadiens et à leurs cotisations au Régime de pensions du Canada, ou RPC, et à l’assurance-chômage. Tout rabaissement de ce statut constituerait une grave injustice pour l’ensemble des travailleurs, dans tous les secteurs du pays. Il est essentiel d’aborder toute modification concernant la catégorie de fiducie réputée avec la plus grande prudence.
En y regardant de plus près, je me suis rendu compte que le libellé du projet de loi C-280 n’apportait pas l’élévation recherchée. Le libellé exact indique que les actifs sont « réputés être détenus en fiducie », ce qui s’écarte considérablement de la déclaration définitive d’établissement d’une fiducie réputée.
En comparant nos lois avec celles de nos homologues américains, on trouve certaines similitudes dans la hiérarchie des faillites. Les États-Unis disposent d’une catégorie de super-priorité réservée aux fiduciaires et séquestres de faillite. Toutefois, ils ne disposent pas d’une catégorie de fiducie réputée comme celle qui est établie au Canada. Cette catégorie est propre à la loi canadienne sur les faillites et, comme on l’a indiqué précédemment, elle sert à protéger tous les employés au Canada. Les Américains intègrent les fiducies dans la hiérarchie des faillites, mais ils le font en les classant dans une catégorie différente, celle des créanciers garantis. Cette classification offre à leurs agriculteurs des protections mesurées, ce qui les place dans une position avantageuse par rapport aux autres créanciers.
Il m’apparaît maintenant évident que le projet de loi C-280 nécessite deux amendements distincts.
Premièrement, la définition du terme « fournisseur » doit être affinée afin d’englober avec précision les agriculteurs et les négociants du marché primaire dont les intérêts sont en jeu en cas de faillite. Sans cette définition du terme « fournisseur », tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, y compris Loblaws, Sobeys et Costco, qui n’ont pas besoin de protection, seront indûment protégés au détriment des travailleurs canadiens.
Deuxièmement, nous devons évaluer la position des agriculteurs dans la hiérarchie de la protection de la loi sur la faillite pour qu’ils soient traités de manière comparable à leurs homologues aux États-Unis. Il s’agit de protéger les agriculteurs canadiens à titre de créanciers garantis, comme le sont les Américains, mais sans toucher à la catégorie particulière de la fiducie réputée. C’est dans cet esprit que j’ai proposé deux amendements au projet de loi, qui ont tous les deux ont été adoptés par sept voix contre quatre.
Ces amendements au projet de loi C-280 représentent un pas encourageant dans le sens d’une véritable réciprocité avec les États-Unis. Cependant, nous devons reconnaître que, à elles seules, ces améliorations sont insuffisantes pour faire franchir aux agriculteurs la ligne d’arrivée de la réciprocité.
Dans son libellé original, le projet de loi C-280 ne répond pas aux besoins des agriculteurs. Avec les amendements, nous commençons à réparer ce qu’exige la loi pour les protéger. Les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas fourni de feuille de route à leur intention, non seulement dans la loi sur la faillite, mais aussi au moyen de lois plus efficaces qui codifieraient une protection en bonne et due forme pour les agriculteurs d’ici.
Je m’explique. Nous devons nous pencher plus avant sur les aspects fondamentaux de cette question. Aux États-Unis, les activités sont menées sous le régime de la Perishable Agricultural Commodities Act, une loi qui régit judicieusement la commercialisation des fruits et légumes frais et congelés. Celle-ci a été adoptée pour encourager les pratiques commerciales équitables ainsi que pour protéger les droits tant des expéditeurs que des vendeurs et des acheteurs. Le Canada n’a pas de loi équivalente. Ce qui remplit le rôle de la Perishable Agricultural Commodities Act au Canada, c’est l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes. Sur le plan de la portée et de l’application, les deux structures n’ont aucune commune mesure.
La Perishable Agricultural Commodities Act, qui est administrée par le département de l’Agriculture des États-Unis, définit un cadre, elle instaure des licences pour les négociants et les courtiers, et elle permet de faire des demandes d’indemnisation pour les transactions impayées. En outre, elle comprend des dispositions qui garantissent l’indemnisation rapide des vendeurs, offrant ainsi de solides protections financières, tout cela dans le but d’éviter aux agriculteurs de se retrouver devant un tribunal de la faillite. En revanche, les activités de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes sont principalement axées sur la défense des intérêts. Il n’y a pas le même niveau de protection juridique.
Aujourd’hui, vous avez entendu des sénateurs plaider en faveur du projet de loi C-280 non amendé en prétendant qu’il mettrait les agriculteurs canadiens sur un pied d’égalité avec les Américains en cas de faillite ou d’insolvabilité dans leur chaîne d’approvisionnement.
Eh bien, sénateurs, ce n’est pas si simple. Les différences entre la protection au Canada et aux États-Unis sont alarmantes. D’un côté, les membres couverts par la Perishable Agricultural Commodities Act sont tenus d’avoir une licence. De l’autre, l’adhésion à l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes est volontaire. Dans le cas de la Perishable Agricultural Commodities Act, les membres paient des cotisations. Ces cotisations contribuent à la restitution en cas de faillite ou d’insolvabilité et elles permettent souvent des règlements à l’amiable. Pour leur part, les membres de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes ne paient pas de cotisations. Aux États-Unis, les membres ont une licence et ils se sont fait approuver. Ils doivent payer leurs factures dans un délai de 10 à 20 jours. Les retards de paiement sont réprimandés. Il n’y a pas de retardataires parce qu’ils se font expulser. C’est ainsi que fonctionnent leurs licences.
Dans le cadre de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, rien de tout cela n’existe au Canada. En fait, nous avons entendu des témoignages selon lesquels l’atténuation du crédit ou les délais atteignent souvent 90 à 120 jours. Les agriculteurs d’ici ont besoin d’une protection réelle, et non d’un faux-semblant. Pour que la réciprocité soit intégrée dans le tissu des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, le Canada doit remédier aux lacunes inhérentes à son cadre structurel. L’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes doit être réévaluée pour devenir un organisme d’agrément plutôt qu’une organisation à adhésion volontaire. Le renforcement des normes réglementaires, la prise en compte de l’atténuation du crédit et la mise en place de mécanismes d’autorégulation sont autant d’éléments indispensables à la réussite d’un accord réciproque avec les États-Unis.
En conclusion, le projet de loi C-280 amendé fournit une protection juste et mesurée aux agriculteurs d’ici, mais j’affirme respectueusement qu’un véritable progrès vers la réciprocité entre les deux pays dépend maintenant d’une refonte de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes et de son approche à l’égard des défis du secteur agricole. Ce n’est qu’en répondant à ces préoccupations cruciales que le département américain de l’Agriculture envisagera un accord de réciprocité avec le Canada.
Ensemble, il est de notre devoir de veiller à ce que les voix des agriculteurs d’ici soient entendues, que leurs intérêts soient protégés et qu’un cadre qui reconnaît leurs contributions vitales à notre économie soit établi. Le projet de loi C-280 amendé amorce ce processus, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.
Merci. Meegwetch.
Sénateur Varone, merci beaucoup pour votre excellent discours. Je veux m’assurer d’avoir bien entendu, car je n’ai pas assisté aux réunions du comité et je tente de comprendre les arguments avancés. Je pense que votre position est qu’il n’y aurait pas de réciprocité. D’autres ont soutenu que le projet de loi initial permettrait une certaine réciprocité.
Or, je crois vous avoir entendu dire que ce n’est pas le cas. Pourriez-vous clarifier votre position, s’il vous plaît?
Merci.
Le régime de réciprocité en vigueur aux États-Unis repose sur le mode d’administration de la Perishable Agricultural Commodities Act et le mode de délivrance des permis aux marchands et aux agriculteurs qui y sont assujettis, ainsi qu’aux acheteurs des produits. Les paiements doivent se faire rapidement. Les cas de faillite ne se retrouvent pas devant les tribunaux. C’est en quelque sorte une doctrine de préclusion où ce n’est pas l’épée, mais le bouclier qui compte.
À mon avis, nous faisons les choses de travers au Canada. Pour que nous puissions vraiment nous engager dans la réciprocité, nous devons procéder à une refonte de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes et de son cadre juridique, puis établir un mécanisme de protection contre la faillite. Il est illusoire de croire que la faillite résoudra tout. Ce n’est pas vrai.
Encore une fois, dans l’état actuel des choses, lorsque nous exportons vers les États-Unis, nos exportations ne sont pas protégées par la Perishable Agricultural Commodities Act. Lorsque les producteurs américains exportent vers le Canada, ils sont protégés par cette loi, je suppose. Je ne sais pas.
Je suis préoccupé par les exportations qui vont dans ce sens. Nous sommes probablement quelque peu vulnérables face aux négociants non couverts par la Perishable Agricultural Commodities Act qui achètent nos produits parce qu’ils savent qu’ils ne sont pas soumis aux exigences de permis et à tout ce dont vous avez parlé.
Encore une fois, si nous avons une indication que ce projet de loi original permet d’obtenir la réciprocité, il y a deux choses qui, je pense, se produiront. Premièrement, nos producteurs seront protégés par le système de la Perishable Agricultural Commodities Act. Deuxièmement, les producteurs et les détaillants américains seront vraisemblablement protégés par ce projet de loi, car il ne parle pas des États-Unis ou du Canada, mais des fournisseurs et des acheteurs.
Est-ce que j’ai raison de dire que pour les Canadiens, il y aurait un resserrement du crédit chez les détaillants en alimentation, où cette fiducie réputée serait établie, et dans les restaurants canadiens qui achètent des fruits et des légumes frais en hiver auprès de fournisseurs américains? Il incomberait alors à la banque de se concentrer sur ces utilisateurs finaux qui consomment des produits américains au Canada. C’est là que se poserait la question du crédit dont a parlé le sénateur Loffreda. Il y aurait ce problème d’accessibilité du crédit, mais ce que nous obtenons en retour, c’est la protection de nos propres agriculteurs. Je ne sais pas si vous avez bien répondu à la question de savoir si le projet de loi non amendé que vous avez examiné en comité permettrait d’obtenir la réciprocité.
Vous soulevez un point intéressant, mais les seules personnes qui ont dit que cela aiderait les États-Unis sont les Canadiens, et non les Américains. C’est un dilemme compliqué en ce qui concerne les ventes des agriculteurs canadiens. Les agriculteurs canadiens produisent pour 3 milliards de dollars de fruits et légumes par an. En raison de nos saisons de croissance, la moitié de ces fruits et légumes, ce qui représente 1,5 milliard de dollars, est destinée à la consommation canadienne et le reste à la consommation américaine. Nous n’avons pas de région comme la Californie, qui peut cultiver des fruits et légumes 12 mois par année. Nous importons pour 6 milliards de dollars de fruits et légumes et, soyons clairs, la réciprocité...
Sénateur Varone, je suis désolée, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?
J’aimerais avoir plus de temps, merci.
Le consentement est-il accordé?
La réciprocité dont nous parlons signifie que pour protéger 1,5 milliard de dollars de ventes canadiennes aux États-Unis, il faut protéger les ventes des agriculteurs étatsuniens à hauteur de 6 milliards de dollars au Canada.
Comme les sénateurs ont consenti à permettre au sénateur de répondre à la question, je donne la parole au sénateur C. Deacon.
Honorables sénateurs, je pense que vous savez de quoi je vais parler, à savoir le 16e rapport du Comité des banques. Il a été présenté ici, au Sénat, le mardi 5 novembre. Parallèlement, plus tard ce jour-là, les États-Uniens ont décidé de réélire le président Donald Trump.
Je prends la parole pour me prononcer contre l’adoption du rapport et de ses amendements, surtout dans le contexte des promesses qu’il faut s’attendre à voir être réalisées au cours de la prochaine administration Trump.
Lors de la renégociation de l’ALENA durant son premier mandat, le président Trump s’était concentré sur un irritant lié à l’agriculture canadienne : les produits laitiers. Cette fois-ci, il a promis d’imposer immédiatement des droits de douane sur toutes les importations aux États-Unis, et son administration qui fera passer les États-Unis en premier réexaminera l’Accord Canada—États-Unis—Mexique au plus tard en 2026. Je doute que quiconque veuille augmenter le nombre d’irritants sur sa liste.
Toutefois, le département de l’Agriculture des États-Unis est depuis longtemps irrité par le fait que le Canada n’a jamais respecté son engagement de mettre en œuvre la modification législative prévue dans le projet de loi C-280. Le projet de loi C-280 non amendé élimine cet irritant.
Tout aussi important, adopter le projet de loi C-280 non amendé permettrait aux producteurs de denrées périssables de ne plus avoir à maintenir un fonds de roulement supplémentaire pour se protéger contre les défauts de paiement lorsqu’ils exportent vers les États-Unis.
Au lieu de cela, ils pourront profiter de débouchés élargis et investir dans la résilience climatique et les innovations qui améliorent la productivité. Tout cela améliore la sécurité alimentaire du Canada. Pour gagner votre appui au rejet de ce rapport, je tiens à vous donner le contexte de la Perishable Agricultural Commodities Act du département de l’Agriculture des États-Unis. Je pense que vous en avez entendu beaucoup parler, mais je voudrais en dire un peu plus au sujet de la réponse du département de l’Agriculture aux amendements proposés dans ce rapport et, enfin, donner un aperçu des débouchés qui seront perdus si le Sénat décide d’amender le projet de loi C-280.
À partir de 1937, les producteurs canadiens de fruits et légumes périssables ont été les seuls au monde à bénéficier d’un accès préférentiel au marché américain et à être certains d’être payés pour leurs produits. À partir de 1984, cet accès préférentiel a été accordé au Canada en vertu de la Perishable Agricultural Commodities Act.
Cette loi permet à l’industrie des fruits et légumes frais de résoudre rapidement les cas de non-paiement. Il s’agit du système officiel de règlement des différends entre les parties — des producteurs jusqu’aux détaillants en passant par toute la chaîne d’approvisionnement —, et il montre la valeur que les États-Unis accordent au secteur des denrées périssables.
En 1984, les États-Unis ont officiellement accordé la réciprocité au Canada à condition que nous mettions en œuvre un mécanisme équivalent de protection contre l’insolvabilité pour les producteurs de fruits et légumes. Nous ne l’avons jamais fait. Par conséquent, le 1er octobre 2014, le département américain de l’Agriculture a perdu patience et a mis fin à la réciprocité avec le Canada. Cette décision administrative a aboli l’accès privilégié des agriculteurs canadiens au marché américain. Toutefois, ce privilège pourrait être rétabli par un acte administratif si nous adoptons le projet de loi C-280 sans amendement.
L’objectif principal du projet de loi C-280 est de parvenir à la réciprocité aux termes de la Perishable Agricultural Commodities Act.
En juin dernier, le sénateur Cotter a pris la parole à la Chambre haute au sujet de ce projet de loi, en tant que porte-parole amical, ainsi que devant le comité en septembre. Il nous a informés qu’au printemps dernier, un groupe de sénateurs et de députés s’est rendu à Washington, aux États-Unis, pour rencontrer les fonctionnaires du département de l’Agriculture chargés d’administrer la Perishable Agricultural Commodities Act. Ces représentants ont exprimé leur soutien à l’égard des amendements aux mesures législatives incluses dans le projet de loi C-280 et ils estimaient qu’elles permettraient d’apporter les changements administratifs nécessaires pour rétablir la réciprocité en vertu de la Perishable Agricultural Commodities Act.
Je cite notre honorable collègue :
D’après ce qu’on m’a décrit de vive voix [...], un règlement n’était même pas nécessaire. Il fallait juste un acte administratif de la part d’un administrateur principal.
Le projet de loi C-280, dans sa forme initiale, était suffisant pour obtenir la réciprocité aux yeux du département américain de l’Agriculture. Cependant, les amendements proposés dans le rapport du Comité des banques risquent de mettre en péril cet objectif.
Le 7 novembre, soit seulement deux jours après la présentation du rapport du Comité des banques au Sénat, un représentant du département de l’Agriculture des États-Unis — qui administre la Perishable Agricultural Commodities Act — a envoyé une lettre répondant aux questions d’une association étatsunienne de fruits et légumes concernant les amendements proposés. J’ai fait circuler cette lettre parmi les membres du Comité des banques dès que je l’ai reçue.
Le représentant du département de l’Agriculture des États-Unis a déclaré que les amendements au projet de loi C-280 limiteraient la portée des mesures de protection par rapport à celles prévues dans la Perishable Agricultural Commodities Act, ce qui annulerait probablement la réciprocité des deux mesures.
Cela a renforcé la position d’un avocat étatsunien venu témoigner devant le comité le 31 octobre. Il a déclaré que les amendements vont « modifier les personnes qui auront le droit de demander un recours. [...] cette modification porterait un coup fatal à la réciprocité ». Cela signifie que le Canada perdrait l’avantage qu’il essaie de conserver.
Chers collègues, je suis persuadé que les amendements proposés par le sénateur Varone et le Comité des banques partent d’une bonne intention. Je ne doute aucunement qu’il a proposé ces amendements afin de mieux harmoniser le projet de loi avec la Perishable Agricultural Commodities Act, mais il est clair que le département de l’Agriculture des États-Unis et un expert étatsunien ayant 40 années d’expérience avec la Perishable Agricultural Commodities Act sont en désaccord avec la position du sénateur Varone.
Par ailleurs, nous savons que tout amendement à cette étape du processus, et dans cette législature en particulier, aura pour effet de torpiller le projet de loi. Je ne pense pas que ce soit l’intention du sénateur Varone et de la plupart des membres du Comité des banques.
À mon point de vue, c’est plus que suffisant pour demander au Sénat de rejeter le seizième rapport du Comité des banques et les amendements qu’il propose au projet de loi C-280.
Chers collègues, je voudrais maintenant parler des possibilités qu’offrirait un projet de loi C-280 non amendé.
Les effets de la pandémie de COVID ont démontré l’importance primordiale de la sécurité alimentaire. Bien avant la pandémie de COVID, le rapport Barton sur l’avenir de l’agriculture au Canada suggérait déjà de moderniser la réglementation et la fiscalité afin de promouvoir l’investissement et l’innovation, d’ouvrir des perspectives de croissance dans le secteur et de favoriser la création de valeur ajoutée dans l’agriculture canadienne.
Le rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts sur l’agriculture à valeur ajoutée, publié en juin 2019, comprend des données montrant que les Pays-Bas produisent 72 fois plus de valeur à l’exportation par acre de terre arable que le Canada. Leurs efforts collectifs découlent de leur détermination à ne plus jamais être confrontés à l’insécurité alimentaire qui a dévasté leur population pendant la Deuxième Guerre mondiale. À l’inverse, il arrive trop souvent que le Canada vende ses produits agricoles avant d’en avoir optimisé la valeur, ce qui nuit à la rentabilité et à la viabilité de l’industrie.
Pour changer cette situation, il est essentiel d’accroître les investissements des entreprises dans le secteur agricole.
À ces risques s’ajoutent des événements climatiques de plus en plus redoutables. À eux seuls, ils constituent une excellente raison de prioriser les efforts qui augmenteront la résilience de la production alimentaire intérieure du Canada, en particulier en utilisant des méthodes sans frais et axées sur le marché comme celles permises par le projet de loi C-280. Pensons aux pertes de 1 milliard de dollars causées il y a trois ans par la rivière atmosphérique de pluie et les inondations catastrophiques qui ont dévasté la prairie Sumas de la vallée du bas Fraser, le cœur du secteur agricole de la Colombie-Britannique.
L’accès aux marchés et aux paiements garantis, conformément à ce qui est prévu dans le projet de loi C-280, permet aux entreprises d’augmenter leurs investissements, et ces investissements font augmenter l’innovation et la productivité. Permettez-moi de vous donner un exemple canadien de ce genre d’innovation, à laquelle nous devons accorder la priorité.
Il y a environ une quinzaine d’années, les avancées technologiques ont atteint un point où l’agriculture en environnement contrôlé pouvait être économiquement viable. C’est ce qu’on appelle une « ferme intérieure » ou une « ferme verticale », où un éclairage à DEL et la robotique peuvent perturber l’agriculture traditionnelle en étant bien plus respectueux de l’environnement, de meilleure qualité et exercé juste à côté des grands marchés.
En juillet 2018, la sénatrice Coyle et moi-même avons visité TruLeaf, une entreprise qui construisait une installation du genre à Truro, en Nouvelle-Écosse. En mars 2019, l’ensemble du comité de l’agriculture a visité le premier grand site de production de l’entreprise à Guelph, en Ontario. À ce moment-là, le contrôle de l’entreprise était passé aux mains de McCain et le nom avait été changé pour GoodLeaf. Des dizaines de millions de dollars ont été investis pour construire d’autres installations à Calgary et à Montréal.
Traditionnellement, plus de 90 % des légumes feuillus achetés par les consommateurs canadiens sont cultivés en Californie ou en Arizona et parcourent en moyenne 4 000 kilomètres par camion jusqu’à nous. Des investissements considérables sont nécessaires pour développer une production locale qui permette de livrer les produits frais directement de la ferme au détaillant le jour même de la récolte, 365 jours par année. Ces installations fournissent désormais des emplois à longueur d’année. Elles utilisent 95 % moins d’eau que l’agriculture traditionnelle, n’ont pas besoin de pesticides ou d’herbicides, n’entraînent pas d’écoulement de produits chimiques et produisent 39 fois plus de produits par mètre carré que l’agriculture traditionnelle. Les aliments sont plus frais et plus nutritifs.
Lorsque la sénatrice Coyle a visité avec moi le premier site de l’entreprise en 2018, elle siégeait au Comité sur l’Arctique. Depuis, un projet semblable a été élaboré à Gjoa Haven, au Nunavut, avec le soutien de la fondation Arctic Research.
Le gestionnaire du projet est cité dans un article du Globe and Mail :
« Je n’arrive pas à croire que ce n’était qu’une graine », dit-elle en se rappelant son état d’esprit lorsqu’elle a récolté sa laitue romaine. « C’était incroyable. Mon Dieu, c’était tout simplement incroyable. Son goût était tellement frais. »
Voilà ce qui se passe dans l’Arctique canadien quand nous investissons pour innover en agriculture.
Voilà le type d’innovation que nous devons promouvoir au Canada. Le meilleur moyen d’y parvenir, c’est que nos producteurs d’aliments aient accès à des marchés vigoureux et à des paiements réguliers. En tant que partisan de la concurrence qui en comprend la valeur, je pense que cela devrait être possible sans avoir à vendre son entreprise à un géant de l’industrie.
Examinons maintenant les difficultés que les producteurs canadiens de fruits et légumes périssables rencontrent dans la commercialisation de leurs produits lorsqu’ils ne peuvent pas profiter de la Perishable Agricultural Commodities Act ou PACA.
Lorsqu’il a témoigné devant le comité des banques, Quinton Woods, gestionnaire des opérations chez Gwillimdale Farms, a raconté l’épisode d’une perte financière importante subie en 2014 en raison d’un défaut de paiement de la part d’un client américain :
Nous n’avons eu d’autre choix que de lancer une plainte officielle contre cette entreprise par l’intermédiaire de la PACA aux États-Unis.
Malheureusement, le jour où nous avons déposé la plainte officielle, les États-Unis ont retiré la réciprocité pour les vendeurs canadiens. Ce changement a fait en sorte que nous étions tenus de déposer une caution équivalant au double de la valeur de notre réclamation. À l’époque, notre réclamation était de 100 000 dollars américains. Nous n’étions pas en mesure de déposer la caution requise de 200 000 dollars américains et avons été forcés de retirer notre réclamation.
Jusque-là, ils avaient déjà perdu, net, 300 000 $ US. Il a ensuite ajouté :
Si le Canada avait disposé d’un système de protection financière, nous aurions été en mesure d’aller de l’avant avec notre plainte sans être obligés de déposer une caution. Le rétablissement des protections prévues dans la PACA permettrait d’atténuer de tels risques dans l’avenir.
Les producteurs américains ne sont pas exposés à un tel risque de perte dans leur contexte national, mais les producteurs canadiens, si. Les producteurs canadiens sont donc considérablement désavantagés, puisque 40 % des fruits et légumes canadiens sont exportés vers les États-Unis. En l’absence de réciprocité dans le cadre de la loi PACA, ils doivent continuer de déposer une double caution, c’est-à-dire 200 % du montant de la facture, lorsqu’ils tentent de récupérer leur dû auprès d’un acheteur américain insolvable. Leur capacité d’investir dans leur entreprise s’en trouve donc limitée.
Les États-Unis ont indiqué qu’ils seraient prêts à cesser d’exiger une double caution si le Canada adoptait un mécanisme fiduciaire de type PACA. Le texte du projet de loi adopté par la Chambre visait à créer la réciprocité souhaitée. Malgré cela, nous avons devant nous, aujourd’hui, des propositions d’amendements qui, selon des experts américains, nuiraient à la réciprocité recherchée.
En comité, certains ont dit qu’ils croyaient que le projet de loi C-280 ferait croître le coût des emprunts pour tous les intervenants le long de la chaîne d’approvisionnement. Trois témoins ont répondu à cette préoccupation, notamment en mentionnant que cette préoccupation avait été soulevée aux États-Unis dans les années 1980. Tous ces témoins ont affirmé que la Perishable Agricultural Commodities Act avait en fait stabilisé le secteur des prêts, parce que les prêteurs savent que le vendeur des fruits et légumes, le producteur, l’emballeur et l’expéditeur sont tous sûrs, ce qui rend la chaîne d’approvisionnement plus stable à leurs yeux. De plus, comme l’a souligné un des agriculteurs devant le comité, les membres des trois principales associations ont demandé les changements législatifs proposés dans le projet de loi C-280, ce qui fait que toute inquiétude qu’il pourrait susciter concernant l’augmentation du coût des emprunts a déjà été levée.
Une autre question portait sur les raisons pour lesquelles le secteur des denrées périssables devrait profiter de manière préférentielle de ce changement législatif, en particulier dans le contexte actuel. Ma réponse est que si un secteur peut obtenir une telle réciprocité avec notre plus grand partenaire commercial sur cette question, il faut absolument l’envisager.
Chers collègues, j’espère que vous comprenez pourquoi il est essentiel que nous votions contre le rapport et que nous adoptions le projet de loi C-280 sans amendement. En ces temps de plus en plus incertains, nous devons trouver des moyens de nous aligner sur la politique commerciale des États-Unis d’une manière résiliente et conforme à l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. Le projet de loi C-280 est un moyen de soutenir à coût nul l’alignement bilatéral des politiques dont les producteurs de denrées alimentaires canadiens ont besoin.
Un jour, un agriculteur plein de sagesse m’a dit que les deux plus grands risques auxquels les agriculteurs sont exposés sont la météo et les hommes politiques. Chers collègues, montrons à tout le monde que c’est faux. Merci.
Sénateur Deacon, accepteriez-vous de répondre à une question?
Certainement.
Avec votre longue expérience, n’estimez-vous pas qu’il y a au Canada — pour répondre à la question du sénateur Tannas — l’assurance d’Exportation et développement Canada, qui permet aux exportateurs d’assurer leurs comptes débiteurs à un coût nominal de 1 %, selon le risque? Pourquoi l’assurance d’Exportation et développement Canada ne serait-elle pas une solution plus simple pour les agriculteurs qui exportent aux États-Unis? Il s’agit de 40 % des agriculteurs, comme vous l’avez mentionné. Devant le comité, des experts nous ont dit que les prêts seraient plus difficiles. Je le mentionnerai dans mon prochain discours. Il y a un risque accru pour les prêteurs. Il y a des réévaluations des politiques de crédit en jeu et une réduction possible de la disponibilité du crédit. Pourquoi l’assurance d’Exportation et développement Canada ne serait-elle pas une solution plus simple?
Vous avez dit que, si un précédent est créé, vous espérez que ce précédent s’appliquerait à tous les secteurs. Eh bien, si tous les secteurs ...
Sénateur Loffreda, le temps prévu pour le débat est écoulé. Sénateur Deacon, demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?
Oui.
Le consentement est-il accordé?
Veuillez répondre à la question, sénateur Deacon.
Merci, sénateurs. J’ai utilisé l’assurance d’Exportation et développement Canada lorsque j’étais dans le milieu des affaires. C’est un outil fantastique pour les exportations à marge de profit élevée. Cependant, pour les exportations avec des marges et des délais serrés, il faut un outil de prévention, comme la PACA. L’univers des exportateurs de produits périssables est tout à fait différent, et je les respecte vraiment quand je vois tout ce qu’ils doivent affronter. Ce n’est pas du tout la même expérience que j’ai vécue quand je vendais de l’équipement technique à forte marge de profit partout dans le monde. Il s’agit de deux réalités tout à fait distinctes. Je pense que l’assurance d’Exportation et développement Canada est mieux adaptée à mon ancienne réalité. C’est là qu’elle est plus utile. Je n’ai trouvé aucun producteur de denrées périssables qui pense avoir les moyens d’utiliser cet outil. Il n’est pas conçu pour ce secteur d’activité.
Merci. Je pense qu’un nouveau groupe de pression vient d’apparaître à Ottawa. Ce sont des banquiers faisant front commun contre l’agriculture.
Ce groupe existe depuis un certain temps.
Il existe depuis un certain temps, sénatrice Batters? Eh bien, il est encore bien présent.
Je remercie tous mes honorables collègues qui ont pris la parole, et je vous assure que je serai très bref. Je tiens à dire que je suis d’accord avec le sénateur Varone lorsqu’il dit qu’il est temps que les agriculteurs se fassent entendre. Je ne sais pas si ce sont ses propos exacts, mais c’est essentiellement ce qu’il a dit vers la fin.
Je remercie le sénateur Varone de toute l’aide qu’il a apportée à des plombiers de partout au pays, grâce à sa formidable façon de faire des affaires. Je suis sûr que nous vous sommes également tous reconnaissants de votre appui. Je ne sais pas comment nous pourrions nous en sortir sans les sénateurs Varone, Loffreda, Massicotte, Ringuette et McNair. Nous vous sommes très reconnaissants d’être là pour nous aider, et je suis sûr que les agriculteurs vous enverront des cartes de Noël pendant les Fêtes pour vous remercier d’avoir contribué à torpiller un autre bon projet de loi.
Je suis sûr que tous les agriculteurs du pays vous en seront reconnaissants, tout comme ils remercieront le sénateur Dalphond de tenter de torpiller le projet de loi C-275. Ils sont ravis. Vous pouvez me faire confiance : tous les agriculteurs du pays vous remercient de vouloir les défendre et de les aider à votre façon. Ils n’auraient jamais pu s’en sortir sans votre aide. Malgré les intempéries, ils savent qu’ils peuvent compter sur les banquiers du Canada pour les protéger.
Chers collègues, le sénateur MacDonald a très bien expliqué, tout comme le sénateur Deacon et le sénateur Black, pourquoi il est impératif que le Sénat rejette ce rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie.
Le rapport porte sur le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables). J’essaierai de ne pas trop répéter ce que le sénateur MacDonald et d’autres ont déjà dit, mais je voudrais me faire l’écho de certaines prises de position et souligner quelques points.
Qu’est-ce que ce projet de loi et quels sont ses objectifs? Tout d’abord, l’industrie réclame depuis des années la protection financière accrue prévue par le projet de loi C-280. Comme l’a expliqué le sénateur MacDonald, l’objet du projet de loi est d’établir une fiducie réputée pour les produits agricoles périssables au Canada qui donnerait la priorité aux paiements aux fournisseurs de fruits et de légumes en cas d’insolvabilité de l’acheteur. Cette protection permettrait aux agriculteurs, aux distributeurs et à tous les fournisseurs de la chaîne d’approvisionnement en denrées périssables de disposer d’un mécanisme sûr et fiable pour recouvrer les fonds impayés.
Deuxièmement, le projet de loi C-280 a été spécifiquement rédigé pour rétablir les conditions nécessaires au rétablissement de l’équivalent, pour les producteurs canadiens, de la Perishable Agricultural Commodities Act, comme l’ont expliqué le sénateur MacDonald et d’autres. Toutefois, certains membres du comité ont décidé de saper cette intention et de compromettre gravement la capacité du Canada d’obtenir le statut de partenaire commercial privilégié dont il a tant besoin auprès des États-Unis. Malheureusement, ces amendements ont fait en sorte que le projet de loi rate ces deux objectifs et est vidé de sa substance.
Chers collègues, si on renvoie le projet de loi modifié à la Chambre dans ce climat — et le sénateur Deacon a tout à fait raison —, il n’a aucune chance de devenir une loi. Si telle est votre intention, ayez au moins le courage, chers collègues, de dire que vous voulez torpiller le projet de loi, car c’est ce qui arrivera, sénateurs Varone, Loffreda et compagnie, si le projet de loi est renvoyé à la Chambre. Le sénateur Deacon affirme que les amendements découlent de bonnes intentions. Je suis quelque peu sceptique. Très franchement, je ne suis pas sûr que les intentions soient si bonnes. Comme je l’ai dit, je pense qu’il s’agit d’une tentative délibérée pour torpiller un bon projet de loi agricole.
Ce qui me déconcerte, chers collègues, c’est que tout cela n’est pas un oubli de la part du sénateur Varone. Le comité avait déjà été averti par les producteurs, les associations de producteurs, les distributeurs, les avocats et le ministère de l’Agriculture que l’adoption de ces amendements annulerait les conditions de réciprocité prévues par le projet de loi. Il est clair que ce sont des experts qui leur ont dit cela. Pourtant, le sénateur Varone a poursuivi dans cette voie, avec l’appui d’une horde de banquiers et d’autres sénateurs qui ont décidé qu’ils savaient tout mieux que tout le monde. Il s’agissait de 320 députés, mais qu’est-ce que ces gens‑là savent? Nous, nous savons. Le premier ministre qui vous a nommés dans cette auguste Chambre a voté en faveur du projet de loi à l’autre endroit.
En outre, et je dirais surtout, je le répète, la Chambre des communes avait déjà envisagé de restreindre la définition de « fournisseur » et avait rejeté l’amendement pour les raisons que j’ai déjà évoquées : cela rendrait le projet de loi inefficace.
La décision de ne pas amender le projet de loi a fini par recevoir l’aval de 320 députés en troisième lecture, dont le premier ministre et le ministre de l’Agriculture de l’époque, ainsi que l’ensemble des députés ministériels. Un vote de 320 contre 1 témoigne d’un soutien gouvernemental on ne peut plus évident.
Le sénateur Gold nous a dit tout à l’heure que le gouvernement appuyait maintenant le projet de loi C-275, et je lui en suis reconnaissant. J’aurais aimé qu’il ait cette expérience de conversion quand le comité étudiait le projet de loi, parce que s’il avait été au comité — le sénateur Varone a assisté à une seule réunion et n’a posé aucune question, et il est venu porter le coup fatal au projet de loi en votant. Il a été la dernière personne au comité à voter pour l’amendement que le sénateur Dalphond a ajouté — la pilule empoisonnée qu’il a ajoutée. Il n’a pas posé de questions. Il remplaçait quelqu’un d’autre. Mais, oui, il en savait plus que n’importe quel acteur du monde agricole. Si le sénateur Gold avait été présent, et s’il avait voté comme il veut le faire maintenant, ou comme il dit qu’il veut le faire, il y aurait eu égalité des voix : l’amendement aurait été rejeté, et nous n’aurions pas à nous en préoccuper.
Maintenant, il dit qu’il l’appuie, et je lui en sais gré, alors nous espérons certainement qu’il appuiera tout autant le projet de loi C-280, parce que, de toute évidence, le gouvernement l’appuie.
Toutefois, il semble qu’une demi-douzaine de sénateurs soient plus avisés que l’ensemble du gouvernement. Les sénateurs Ringuette et Massicotte sont ici depuis quelques années et ils sont plus avisés que 320 députés. La sénatrice Ringuette a déjà été députée. Je me demande comment elle se serait sentie quand elle était députée à la Chambre des communes si le Sénat avait fait ce qu’il s’apprête à faire maintenant.
Les sénateurs Varone, Loffreda, Massicotte, McNair, Ringuette, Yussuff et Fridhandler ont décidé de faire fi des données probantes, des témoignages d’experts et du protocole parlementaire et de voter contre l’ensemble de la Chambre des communes.
Chers collègues, je l’ai déjà dit, mais j’ai une impression de déjà-vu : je revis un peu l’expérience des projets de loi C-275 et C-234. La même chose s’est produite avec le projet de loi C-275 : la Chambre des communes avait examiné et rejeté un amendement, mais le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts l’a repris, il a fait pied de nez à la Chambre des communes et il lui a dit : « Allez au diable. Nous apportons l’amendement de toute façon parce que nous sommes plus avisés que vous. »
Si vous faites une telle chose, le sénateur Loffreda vous imposera davantage d’intérêts, alors vous devriez être mieux avisés parce que vous devez tenir compte des intérêts. C’est la même chose ici.
Chers collègues, ce n’est pas le rôle du Sénat. Notre Chambre est la Chambre du second examen objectif. Nous sommes ici pour relever les failles. Oui, sénateur Varone, je vous en prie, indiquez-nous où sont les failles dans le projet de loi à l’étude. Si nécessaire, proposez un amendement. Je suis d’accord avec cela. Nous renverrons ensuite le projet de loi à la Chambre. Notre rôle est de dire aux députés : « Hé, à notre avis, vous avez oublié ceci. »
Ce que le comité a fait de l’amendement dépasse le second examen objectif. Il tente une deuxième fois de faire adopter les mêmes amendements déjà rejetés par les personnes à qui nous devons renvoyer le projet de loi. Si nous faisons assez de tentatives, les députés changeront-ils d’avis?
Nous savons quelle sera la réponse de la Chambre, si tant est qu’elle parvienne à étudier les amendements du Sénat. Elle a déjà examiné cet amendement et elle a déjà dit clairement ce qu’elle en pense. Nous le savons très bien.
Chers collègues, notre travail et notre devoir consistent à respecter la volonté de la Chambre lorsqu’elle a déjà été clairement exprimée, et je dis cela en tant que chef de l’opposition. Je trouve cela difficile, j’ai beaucoup de choses à dire contre sa volonté et je continuerai de m’exprimer, mais il n’en demeure pas moins que notre travail consiste à respecter la volonté de la Chambre élue. Or, ce n’est pas ce que nous faisons en ce moment.
Pourquoi le sénateur Varone pense-t-il que lui et 6 autres sénateurs devraient pouvoir passer outre les 320 députés qui ont été élus pour représenter 35 millions de personnes? C’est en fait très simple : ils pensent qu’ils sont mieux avisés que les autres.
Je sais que bien des sénateurs détestent que mes collègues du caucus conservateur et moi-même critiquions le soi-disant nouveau Sénat de Trudeau. Comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, il s’agit d’une expérience ratée, rédigée sur un coin de table et qui présente de nombreuses lacunes. Chers collègues, si cet amendement est adopté, cela prouvera que j’ai raison. Je sais qu’aucun des sénateurs d’en face ne veut devoir un jour admettre que le sénateur Don Plett a raison, alors évitez de me donner raison et votez contre cet amendement. Vous prouverez alors que j’ai tort.
L’une de ces lacunes est l’absence totale de reddition de comptes de la part des sénateurs dits indépendants. Comme ils ne font pas partie d’un caucus où les députés doivent faire face au jugement de leurs concitoyens aux prochaines élections, ils se sentent libres de faire ce qu’ils veulent. Ces sénateurs, qui n’ont de comptes à rendre à personne, se sentent libres de légiférer à leur guise puisqu’ils ne sont entravés que par leur conscience.
On ne sait donc jamais vraiment qui est le véritable auteur d’un projet de loi ou d’un amendement. Le sénateur le fait-il de son propre chef? Représente-t-il un lobby ou d’autres intérêts particuliers? Personne ne peut le savoir. Les sénateurs dits indépendants n’ont pas à s’expliquer. Ils peuvent discrètement torpiller un projet de loi qui a l’appui de toute une industrie.
Toute une industrie appuie ce projet de loi sans amendement. Je vous mets au défi, chers collègues, d’aller demander à n’importe quel agriculteur qui est au courant de quoi que ce soit sur ce projet de loi ou sur le projet de loi C-275 s’il appuie les amendements qui ont été proposés.
Maintenant, il va de soi que nous ne voulons jamais admettre que nous amendons un projet de loi et que nous nuisons aux agriculteurs parce nous favorisons un autre groupe. Les sénateurs vont plutôt vous dire qu’ils veulent aider le secteur agricole.
Le sénateur Varone a dit lui-même au comité : « Mes amendements sont [...] simples et accomplissent quatre choses simples, qui sont toutes conçues pour aider les agriculteurs [...] » Pourtant, les agriculteurs ne semblent pas le comprendre.
Je ne comprends tout simplement pas ces agriculteurs, sénateur Varone. Vous voulez les aider, et ils ne l’apprécient pas. Incroyable. Quels ingrats.
Ronald Reagan, l’ancien président des États-Unis, a déjà déclaré : « [...] les neuf mots les plus terrifiants de la langue anglaise sont : je suis du gouvernement et je viens vous aider. »
Eh bien, je pense qu’après ce qu’on vient de voir au sujet des projets de loi C-275 et C-280, il faudrait revoir cet adage et dire que les neuf mots les plus terrifiants de la langue anglaise sont « je suis du Sénat et je viens vous aider ».
Malgré tous les avertissements au comité selon lesquels les amendements nuiraient aux agriculteurs au lieu de les aider, le sénateur Varone et ses six collègues ont vu les choses autrement. Je ne sais pas si c’est par arrogance ou par ignorance, mais choisir de faire fi de la volonté de la Chambre élue et d’accorder à répétition la priorité au bien-être des banquiers et des avocats — oui, accorder la priorité aux banquiers et aux avocats — au détriment des agriculteurs est le moyen le plus rapide pour être considéré comme non pertinent à la grandeur du pays et s’attirer la désapprobation du public.
C’est ce que nous faisons au Sénat, chers collègues. Nous allons devenir non pertinents. La désapprobation existe déjà, croyez-moi. Lorsque nous voyageons, on peut voir qu’on désapprouve déjà notre existence, et nous allons devenir non pertinents.
Chers collègues, c’est le genre d’aide dont notre secteur agricole n’a pas besoin et dont il ne veut pas. Le projet de loi C-280, dans sa forme initiale, a été conçu pour harmoniser les protections du Canada à celles prévues dans la Perishable Agricultural Commodities Act américaine de manière à permettre une concurrence équitable et la sécurité pour notre secteur agricole. Le devoir du Sénat est d’appuyer les mesures législatives qui protègent les intérêts des Canadiens — pas ceux des banquiers, des promoteurs immobiliers, ni des plombiers; ceux des Canadiens —, mais ces amendements vont de toute évidence à l’encontre de cette mission. Pour garantir la réciprocité aux termes de la Perishable Agricultural Commodities Act, le projet de loi C-280 doit inclure l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement dans sa définition du terme « fournisseur » et doit conserver une véritable protection de la fiducie pour les fournisseurs canadiens.
L’autre endroit l’a reconnu et a voté en conséquence. Les amendements présentés dans ce rapport ont déjà été rejetés par l’autre endroit, et nous devons les rejeter ici aussi.
Nous devons faire notre travail, chers collègues, et nous devons demeurer dans notre rôle de Chambre de second examen objectif et accepter la volonté de l’autre endroit.
Je vous demande, je vous implore, je vous supplie de rejeter les amendements du comité et de rétablir le projet de loi C-280 dans sa forme initiale, sans amendement.
Merci, chers collègues.
Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une question?
Oui, je vais répondre à une autre question.
Je vous remercie d’accepter de répondre à ma question et je vous remercie de votre discours.
Il ne s’agit pas de défendre les banquiers ni les avocats. Il s’agit de défendre l’économie, de faire ce qu’il y a de mieux pour les Canadiens et d’être pertinent, et non pas inutile. C’est pourquoi je soulève ces questions importantes.
Bien que nous appuyions fermement le fait de protéger les agriculteurs et de veiller à ce qu’ils soient rémunérés pour leur dur labeur, ce projet de loi ne crée-t-il pas un dangereux précédent qui pourrait amener d’autres secteurs d’activité à demander des protections semblables? Si tous les prêteurs étaient ainsi subordonnés à chaque industrie, cela ne risquerait-il pas de nuire à la valeur des créances en garantie et, au bout du compte, de nuire à la capacité des prêteurs d’accorder du crédit dans l’ensemble de l’économie?
Nous avons également entendu des témoignages convaincants contre le projet de loi. Nous les avons entendus, et je soulèverai ces préoccupations importantes dans mon prochain discours. Il s’agit toutefois de protéger l’économie.
Comme l’a dit le sénateur Deacon, chaque secteur d’activité a un précédent, et si les prêteurs sont subordonnés à chaque industrie et à chaque créance, il n’y aura plus de créances pouvant servir de garantie. Oui, comme on dit, ce n’est pas toujours une question d’argent, mais on a toujours besoin d’argent.
Je n’ai pas bien saisi quelle est la question, mais je crois que ma réponse est non.
Voici ma question : toutes les autres industries demanderont la même chose. Alors, aucune créance ne pourra servir de garantie, puisque les prêteurs passeront après chacune des industries. Quelle sera la prochaine? Nous accordons la priorité aux agriculteurs.
Nous aimons les agriculteurs, bien sûr. Nous n’avons rien contre eux, mais on parle ici de leur accorder la priorité. Ne craignez-vous pas que d’autres personnes qui attendent leur tour demandent, elles aussi, d’être prioritaires?
Tout d’abord, pour le moment, nous nous occupons des agriculteurs. Vous dites vouloir les aider alors que ce n’est pas le cas.
Vous...
Vouliez-vous que je réponde à votre question, sénateur?
Oui.
Merci. Alors veuillez ne pas m’interrompre. Moi, je ne vous ai pas interrompu.
Si vous voulez aider les agriculteurs, alors aidez-les. C’est de cela que nous parlons. Si vous voulez parler d’aider d’autres industries, parlons-en.
Est-ce que j’ai peur que d’autres viennent faire des demandes? Je suis absolument convaincu que d’autres viendront. Il nous incombe, à vous et à moi, d’essayer d’aider le plus grand nombre de Canadiens possible.
Nous sommes en train d’examiner le projet de loi qui aide les producteurs que nous voulons aider dans l’industrie agricole, mais ne me dites pas, sénateur Loffreda, que je sais ce qui est le mieux pour vous. Vous savez ce qui est le mieux pour le secteur bancaire, et c’est cela qui vous préoccupe, sénateur Loffreda. Vous l’avez montré très clairement dans vos questions. Vous vous préoccupez des banques et de veiller à ce qu’elles fassent assez d’argent. Croyez-moi, sénateur Loffreda, les banques continueront de faire de l’argent même si ce projet de loi est adopté.
Vous m’avez mal compris. Il ne s’agit pas de permettre aux banques de faire plus d’argent. Les banques font partie des institutions les plus solides du monde; je ne m’en fais pas pour elles. D’ailleurs, le projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2024, que j’ai parrainé, imposerait les banques à hauteur de 15 % et leur coûterait des milliards de dollars. Il ne s’agit donc pas de protéger les banques. Je l’ai toujours dit clairement. Il s’agit de protéger l’économie.
Tout projet de loi a des conséquences. Je disais aux prêteurs qui venaient me voir que nous allions vivre avec les conséquences pendant longtemps. Nous allons vivre avec les conséquences de ce projet de loi pendant longtemps. Cela a des conséquences. Cela a des effets sur l’économie. Ne craignez-vous pas que créer de tels précédents nuise à l’accès au crédit? Il est vrai que les banques vont encore faire de l’argent, mais cela va nuire à l’accès au crédit pour d’autres industries, ce qui aura d’énormes répercussions sur l’économie.
Tout d’abord, pourquoi ne donnez-vous pas d’exemple? Je trouve que c’est vraiment fort de la part de quelqu’un qui vote en faveur de ces budgets déficitaires libéraux absolument irresponsables qui coûtent des centaines de milliards de dollars, comme vous le faites, sénateur Loffreda. Si vous vous souciez d’aider l’économie, alors votez contre le prochain budget libéral.
Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Oui.
Sénateur Plett, je vous informe que mon opinion n’est pas encore arrêtée, mais je prendrai bientôt ma décision. Si je viens au Sénat, c’est parce que c’est une Chambre de second examen objectif. J’ai été actif en politique pendant de nombreuses années et j’ai donc beaucoup de respect pour les gens à l’autre endroit — la Chambre des communes. Ne vous y trompez pas.
Néanmoins, j’ai essayé de suivre votre logique. Si nous formons une Chambre de second examen objectif, cela signifie-t-il que nous devons nous abstenir d’amender tout projet de loi émanant de la Chambre des communes? Cela signifie-t-il que nous ne les respectons pas? Nous allons bientôt être saisis du projet de loi C-282. Que recommandez-vous? Si nous voulons faire notre travail de second examen objectif, devrions-nous nous abstenir d’amender tout projet de loi émanant de la Chambre des communes? Pourriez-vous m’aider?
Bien sûr. Merci beaucoup de la question, sénateur Gignac. Le contexte entourant le projet de loi C-282 et ce projet de loi est manifestement bien différent, et je vais vous expliquer pourquoi. D’abord, ce projet de loi a été adopté par 320 voix contre 1. C’est une des différences. Le projet de loi C-282 a été adopté par une forte majorité, mais, dans mon propre caucus, les voix étaient partagées pratiquement en parts égales. Je pense qu’il y a peut-être eu deux députés de plus qui ont voté en faveur. Ce n’était pas un projet de loi qui a essentiellement fait l’unanimité.
Ensuite, l’amendement au projet de loi C-282 présenté par le sénateur Harder n’a jamais été soumis à l’autre endroit. L’amendement que le sénateur Varone a présenté ici a été soumis à l’autre endroit, puis rejeté. Le processus a donc déjà été suivi. À mon avis, lorsque le Sénat est saisi d’un projet de loi, nous avons parfaitement le droit de l’amender, sénateur Gignac. Je suis d’accord. Puis, nous le renvoyons à l’autre endroit, et les députés décident s’ils acceptent la version amendée. S’ils l’acceptent, nous sommes heureux d’avoir fait du bon travail et de les avoir aidés. S’ils la rejettent, nous devons en tenir compte. Nous devons accepter la volonté de la Chambre des communes. C’est ce que je suis en train de dire.
En ce qui concerne le projet de loi dont nous débattons, il est vrai que nous ne l’avons pas renvoyé à la Chambre des communes après l’avoir amendé. Cependant, nous avons vécu quelque chose de semblable avec le projet de loi C-275, lorsque le sénateur Dalphond a proposé un amendement très similaire et que la Chambre des communes l’a rejeté. Nous nous ridiculisons. Merci.
Sénateur Plett, j’ai écouté très attentivement votre exposé, comme d’habitude. Comment conciliez-vous les propos que vous tenez aujourd’hui avec le fait que votre caucus a empêché la tenue de votes sur 15 projets de loi d’initiative parlementaire en 2019? Quel sénateur Plett dois-je croire? Lequel dois-je considérer comme digne de confiance : celui qui, en 2019, a torpillé tous les projets de loi d’initiative parlementaire ou celui qui, aujourd’hui, affirme que tous les projets de loi d’initiative parlementaire devraient être adoptés?
Je ne peux pas répondre à votre question, car je ne comprends pas du tout ce que vous me demandez. Veuillez répéter ce que vous venez de dire.
Je suis heureux de rappeler au sénateur Plett que, en juin 2019, nous avons torpillé 15 projets de loi d’intérêt privé qui venaient de la Chambre des communes, dont plusieurs qui avaient été adoptés à l’unanimité, y compris un sur la formation des juges qui avait été proposé par l’ancienne cheffe intérimaire du parti du sénateur, l’honorable Rona Ambrose. Vous avez refusé d’accorder le consentement. Vous avez réclamé la sonnerie. Vous avez proposé l’ajournement du débat sur les projets de loi et, en fin de compte, 15 projets de loi d’intérêt privé sont morts au Feuilleton. Pourtant, aujourd’hui, vous dites que tous les projets de loi d’intérêt privé devraient être adoptés.
Dois-je comprendre que nous adopterons dans les prochains jours le projet de loi sur les divulgateurs d’actes répréhensibles, parce que, enfin, la Chambre des communes a été unanime sur la question? Allez-vous intervenir à ce sujet et veiller à ce que l’étude du projet de loi puisse progresser, comme celle de tous les autres projets de loi de la Chambre des communes qui attendent d’être étudiés?
Sénateur Dalphond, tout d’abord, je n’ai torpillé aucun projet de loi présenté à la Chambre des communes par la cheffe de mon parti, la députée Ambrose. Je ne peux pas torpiller un projet de loi à moi seul, sénateur Dalphond. Je n’ai pas pris la parole dans cette enceinte pour dire aux sénateurs qu’ils ne devraient pas rejeter les projets de loi d’initiative parlementaire.
Je n’ai pas hésité à soutenir ou à ne pas soutenir certains projets de loi, et c’est le cas encore aujourd’hui. Ce n’est pas ce qui nous occupe en ce moment, sénateur Dalphond. Les sénateurs Varone et Loffreda, entre autres, disent qu’ils veulent aider les agriculteurs. Vous dites : « Nous voulons aider les agriculteurs, mais laissez-moi vous aider à torpiller votre projet de loi. »
Admettez donc, sénateur Dalphond, que vous voulez torpiller ce projet de loi. Vous en avez le droit. Vous avez le droit de continuer à ajourner le débat. Votre leader adjointe a ajourné le débat sur le projet de loi C-275 aujourd’hui, même si nous avions une entente non écrite selon laquelle vous feriez avancer le projet de loi C-275 assez rapidement. Vous ne le faites pas, et je sais qu’à un moment donné, nous serons saisis du projet de loi C-355, et que je recevrai une autre lettre de vos amis d’Animal Justice disant : « Pourquoi, Donald Plett, retardez-vous l’étude du projet de loi C-355 à vous seul? ».
Sénateur Dalphond, vous pourriez simplement admettre que vous voulez torpiller le projet de loi C-275, mais vous refusez de le faire. Le sénateur Varone nous dit qu’il veut vraiment aider les agriculteurs, en tant que promoteur de la ville de Toronto. Le sénateur Loffreda, en tant que banquier de la ville de Montréal, sait ce qui est bon pour un producteur de fraises ou autre de l’Île-du-Prince-Édouard. Admettons au moins ce que nous faisons et passons à autre chose. Ne comparez pas des pommes et des oranges comme vous venez de le faire dans votre question.
Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Plett? Je veux vous lire quelque chose, une simple phrase que j’ai trouvée sur le site Web du Sénat. Elle se lit comme suit : « Le Sénat sert de contrepoids à la Chambre des communes, où la représentation est démographiquement proportionnelle à la population. » La phrase suivante parle de l’évolution du rôle du Sénat, qui est passé de défenseur des intérêts régionaux à porte-parole, et ainsi de suite. Croyez-vous à la première phrase? Notre rôle est-il de servir de contrepoids à la Chambre des communes, où la représentation est démographiquement proportionnelle à la population?
Nous avons été nommés à la Chambre de second examen objectif. À mon avis, c’est ce que nous devrions être. Nous devrions examiner très attentivement tous les projets de loi. Nous devrions lire les projets de loi. Si une virgule est mal placée dans un projet de loi, nous devrions corriger la situation. C’est ce que nous avons toujours fait. C’est ce que nous faisions lorsque nous formions le gouvernement, et je continue d’appuyer cette approche.
Je crois toutefois que la Chambre des communes a été élue pour représenter les Canadiens. Nous n’appartenons pas à la même catégorie. Nous avons été nommés. Vous et moi avons été nommés à cette auguste Chambre jusqu’à l’âge de 75 ans, et rien ne peut nous en déloger à moins que nous le voulions. Je devrai malheureusement tirer ma révérence dans six mois, à mon corps défendant, mais j’aurai fait mon devoir et je partirai.
En tant que tel, je n’ai pas le même rôle qu’un député à la Chambre des communes, et c’est très bien ainsi. Les députés doivent rendre des comptes à l’électorat, ce qui n’est pas mon cas.
Avez-vous un problème avec ce qui est affiché sur notre site Web, à propos de notre rôle, où le Sénat est décrit comme étant l’entité qui fait contrepoids à la Chambre des communes, qui représente la population?
Effectivement, je ne suis pas d’accord avec cet énoncé.
Sénateur Plett, pour ce qui est de faire contrepoids à la Chambre des communes, y a-t-il un rapport entre votre position et le fait qu’à la Chambre des communes, si tous les députés de l’Ontario et du Québec votent en faveur d’une mesure alors que tous les autres votent contre, la mesure sera adoptée? Au Sénat, ce n’est pas le cas. Si tous les sénateurs de l’Ontario et du Québec votent en faveur d’une mesure et que tous les sénateurs des autres régions votent contre, la mesure serait rejetée.
Pourtant, nous avons ici des sénateurs de Toronto, de Montréal et des endroits qui exercent ce contrepoids. N’est-ce pas censé protéger les régions comme le Canada atlantique et l’Ouest?
Merci. C’est une bonne explication. Si on veut parler de représentation régionale, au fil du temps, les provinces de l’Atlantique ont peut-être reçu un peu plus que leur juste part.
Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une autre question de ma part?
À contrecœur, oui.
Je vous remercie de bien vouloir répondre à ma question.
Ne craignez-vous pas que les lois actuelles sur la faillite perturbent la hiérarchie des créanciers? Je m’explique.
Les détracteurs affirment que la mise en œuvre d’une fiducie réputée pourrait perturber l’ordre établi parmi les réclamations des créanciers, ce qui pourrait en désavantager certains dans les procédures de faillite étant donné que les agriculteurs passeront désormais en premier.
Qu’en est-il des camionneurs, par exemple? Qu’en est-il des ouvriers travailleurs qui emballent les légumes? En cas de faillite, si leurs réclamations passent après celles des agriculteurs, il ne restera pas assez d’argent pour eux. En passant, les faillites sont rares dans le secteur agricole : il y en a moins de 1 %.
Ne craignez-vous pas que, en cas de faillite, le fait que des petites et moyennes entreprises ne soient pas payées parce que les agriculteurs seront désormais payés avant tout le monde ait une incidence sur l’économie en général?
C’est strictement une question d’économie. Cela n’a rien à voir avec les banquiers. La loi d’exécution du budget que j’ai parrainée en est la preuve, puisqu’elle impose les banques à hauteur de 15 %. C’était un projet de loi omnibus. Les mesures phares n’ont pas toutes été incluses dans la loi d’exécution du budget. Les déficits ne sont pas aussi importants que vous le prévoyez, dans la loi d’exécution du budget.
Tout d’abord, sénateur Loffreda, je vous mets au défi d’appeler un agriculteur du Canada atlantique qui vient de déclarer faillite parce que son entreprise n’a pas réussi à se faire payer et de lui dire : « Cette situation ne touche que 1 % des agriculteurs. Pourquoi s’en préoccuper? » Quel argument ridicule.
Il y a peu de faillites. Nous avons entendu le même argument à propos du projet de loi C-275, lorsque la sénatrice Simons a questionné le sénateur Gold tout à l’heure. Quelles preuves a-t-on que les intrus sont à l’origine des problèmes? Il n’y en a pas vraiment, alors laissons les intrus continuer à venir et mettons les agriculteurs dans le même bateau qu’eux. C’est la même chose que votre argument, sénateur Loffreda.
Premièrement, non, je ne crains pas ce que vous avez mentionné.
Deuxièmement, je ne suis pas un banquier. J’admets sans hésiter que d’autres sénateurs, dont le sénateur Varone et vous-même, ont bien plus de connaissances que moi dans ce domaine. Cela dit, je suis un législateur et je sais quel rôle me revient en tant que législateur : je dois me ranger à ce qu’ont décidé les élus qui ont voté.
Votre premier ministre, l’homme grâce à qui vous siégez maintenant ici, vous a demandé de voter en faveur de ce projet de loi. Pourquoi ne lui posez-vous pas votre question? Pourquoi ne demandez-vous pas à Justin Trudeau et au ministre de l’Agriculture s’ils ne craignent pas de donner la priorité aux mauvaises personnes? Les députés ont voté à 320 voix contre 1 en faveur du projet de loi.
Je m’efforce simplement de faire le travail que vous et moi devons faire, c’est-à-dire respecter la volonté de la Chambre des élus.
Ma question comportait de nombreux éléments. Pour répondre, certains étaient moins évidents que d’autres.
Je vais donc vous poser une question directe à ce sujet. Êtes-vous en train de me dire que peu importe ce que nous renvoie la Chambre des communes, je dois me plier à sa volonté et voter pour ce qu’elle propose? Est-ce là une façon de nous montrer utiles?
À ce stade-ci, je pense que la version amendée du projet de loi est meilleure que le projet de loi initial. Si on s’en tient au projet de loi initial, je tiens à dire ici que je vais voter contre en raison non pas des banques, mais de l’économie.
Êtes-vous en train de me dire que je devrais me plier à la volonté de la Chambre des communes en votant en faveur de tout ce qu’elle propose?
Bien sûr, vous aimez beaucoup me faire dire des choses que je n’ai pas dites. Vous devriez tenir compte de tout ce que proposent les députés, en effet. Ils doivent rendre des comptes à l’électorat, mais pas vous. Vous rentrerez chez vous jeudi, mais vous n’avez de comptes à rendre à personne, contrairement à eux.
Est-ce que je crois que nous devons céder devant eux? Oui. Dès le début? Pas nécessairement. Nous n’en sommes cependant pas au début, comme je l’ai dit au sénateur Gignac.
C’est la même chose que si nous avions accepté cet amendement. S’ils n’avaient jamais proposé cet amendement à l’autre endroit, vous et le sénateur Varone, ou qui que ce soit d’autre, l’auriez proposé en disant : « Hé, vous n’avez jamais pensé à cela de votre côté, alors nous proposons cet amendement, dites-nous ce que vous en pensez. » Je ne sais pas si je l’aurais appuyé, mais j’aurais certainement appuyé votre droit de le présenter.
Je crois que nous aurions dû céder devant eux s’ils avaient ensuite renvoyé le projet de loi au Sénat en disant : « Non, sénateur Loffreda, nous ne sommes pas d’accord avec vous. Nous voulons que le projet de loi reste comme il est. » Je crois que vous devez céder. Ils ont déjà refusé.
Nous n’avons pas renvoyé cet amendement à l’autre endroit, mais ils s’y sont déjà opposés. Nous leur faisons maintenant un pied de nez en leur disant : « Vous ne savez pas ce que vous avez fait, alors nous allons vous donner une autre chance. » J’en doute.
Si, à l’autre endroit, ils décident soudainement de mettre fin aux manœuvres d’obstruction et d’invoquer la clôture; si, tout à coup, Jagmeet Singh a une révélation, qu’il veut aider Justin Trudeau à clore le débat, qu’ils font avancer les choses et que, pour une raison étrange, ils décident que le projet de loi C-280 est désormais leur priorité et qu’ils vont donc s’en occuper; s’ils rejettent cet amendement et qu’ils nous le renvoient, puisqu’ils l’ont déjà fait deux fois, est-ce que ce serait suffisant pour vous? Doivent-ils le renvoyer trois fois?
Combien de fois pensez-vous qu’ils doivent nous dire « non » avant que vous l’acceptiez? Je vais vous poser la question. Je sais que je ne suis pas censé poser la question ici, je suis censé y répondre. Je dirais que vous ne respectez pas la volonté de la Chambre.