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DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté

1 mai 2019


L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat)

Les gouvernements commettent des erreurs.

Je m’attendais à ce genre de réaction. Je prends la parole afin de souligner le 100e anniversaire d’une de ces erreurs. Il y a 100 ans, le décret suivant a été adopté par le gouvernement du Canada. Voici la version traduite du décret :

Le gouverneur général en conseil : Attendu que le ministre de l’Immigration et de la Colonisation rapporte qu’en raison de conditions qui prévalent à la suite de la guerre, il règne dans l’ensemble du Dominion et plus particulièrement dans l’Ouest du Canada le sentiment que des mesures devraient être prises pour prévenir l’entrée au Canada de personnes pouvant être considérées comme indésirables, étant donné leurs étranges coutumes, habitudes, modes de vie et façons de posséder des biens. Ces gens ne pourront probablement pas s’assimiler aisément ou assumer les devoirs liés à la citoyenneté canadienne dans un délai raisonnable. Attendu que le ministre rapporte également que le ministère de l’Immigration et de la Colonisation a reçu de nombreuses représentations indiquant que les personnes que l’on appelle les doukhobors, les huttérites et les mennonites correspondent à la description ci-haut et que, par conséquent, il est souhaitable d’interdire leur entrée au Canada.

Par conséquent, Son Excellence le gouverneur général en conseil, en vertu de l’article 38 de la Loi sur l’immigration, chapitre 27, veut bien ordonner et ordonne par la présente qu’à partir du deuxième jour du mois de mai 1919, et jusqu’à nouvel ordre, l’entrée au Canada des immigrants des communautés doukhobores, huttérites et mennonites soit interdite.

Ce décret a empêché mes parents, les membres de ma famille et des milliers d’autres mennonites qui en avaient fait la demande de venir au Canada après avoir quitté l’Union soviétique. Ils ont donc été coincés là-bas.

Je ne soulève pas cette question simplement pour souligner la douleur et la souffrance qu’ont endurées ces personnes il y a 100 ans, mais aussi pour qu’elle nous incite à réfléchir à l’intolérance qui sévit aujourd’hui et à lutter contre les mensonges et les préjugés qui sont véhiculés à notre époque.

Jonathan Swift a écrit ce qui suit :

Le mensonge vole et la vérité ne le suit qu’en boitant [...]

C’est ce qui s’est passé dans le cas de ce décret, puisque, trois ans plus tard, un nouveau gouvernement — et si je voulais faire de la politique, je préciserais qu’il était d’allégeance libérale — a déclaré ce qui suit :

Son Excellence le gouverneur général en conseil, sur la recommandation du ministre de l’Immigration et de la Colonisation par intérim, est heureux d’ordonner que le décret du 9 juin 1919, qui interdit l’entrée au Canada de tout immigrant des communautés doukhobores, huttérites ou mennonites, soit par la présente modifié pour qu’il ne vise plus les huttérites et les mennonites.

Évidemment, c’est ce qui a déclenché ce qu’on a appelé l’exode mennonite de Russie dans les années 1920 et 1930.

Je parle de cet événement aujourd’hui afin que nous redoublions d’efforts pour que le Canada soit un symbole permanent de protection des réfugiés, d’accueil des immigrants et de pluralisme, et qu’il constitue un rempart contre les mensonges et les diverses formes de discrimination raciale.

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