La Loi sur l'accès à l'information—La Loi sur la protection des renseignements personnels
Projet de loi modificatif--Message des Communes--Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat--Débat
19 juin 2019
Propose :
Que, relativement au projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence, le Sénat :
a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes aux amendements du Sénat, y compris les amendements apportés en raison des amendements du Sénat;
b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;
Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.
—Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du message concernant le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence.
Premièrement, je tiens à remercier le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles de leur examen approfondi et attentif de ce projet de loi, et la sénatrice Ringuette, la marraine du projet de loi, qui a joué un rôle très important dans l’étude de ce dossier par le Sénat.
L’entrée en vigueur de la Loi sur l’accès à l’information, en 1985, a marqué une avancée considérable au chapitre de l’ouverture et de la transparence que les citoyens d’une démocratie moderne attendent de leur gouvernement. Elle a aussi renforcé l’idée qu’en fin de compte, les renseignements que détiennent les institutions fédérales appartiennent aux gens qu’elles servent. Rappelons toutefois qu’aucune modification substantielle n’a été apportée à cette loi depuis plus de 30 ans.
Le projet de loi C-58 présenté par le gouvernement vise à renforcer l’administration de la Loi sur l’accès à l’information. Il propose, pour ce faire, d’accorder des pouvoirs supplémentaires au commissaire à l’information, de publier des renseignements de façon proactive, et de voir à ce que la loi soit examinée plus régulièrement.
Une nouvelle partie de la loi, la partie 2, rendrait le gouvernement ouvert par défaut, puisqu’elle inscrirait dans la loi la publication proactive d’un vaste éventail de renseignements. Le projet de loi donnerait au commissaire à l’information le pouvoir, longtemps attendu, d’ordonner à une institution fédérale de communiquer des documents à la suite d’une demande d’accès à l’information. Il permettrait aussi au commissaire à l’information et au commissaire à la protection de la vie privée de communiquer l’un avec l’autre et les obligerait à le faire dans certains cas, dans le but de trouver un juste équilibre entre, d’une part, le droit d’avoir accès à l’information et, d’autre part, le droit à la protection des renseignements personnels.
Cependant, comme les honorables sénateurs le savent, divers intervenants, y compris des universitaires, des juristes, des organisations autochtones et des citoyens préoccupés, ont dit que, selon eux, le projet de loi C-58, tel qu’il a été élaboré à l’origine, ne permettrait pas d’atteindre les objectifs fixés. Lorsqu’il a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le 3 octobre dernier, l’honorable Scott Brison, ancien président du Conseil du Trésor, s’est dit prêt à considérer des amendements du Sénat qui amélioreraient certains aspects du projet de loi. Cette ouverture se reflète également dans la correspondance que l’ancien président du Conseil du Trésor a fait parvenir au comité, le 25 février dernier.
Au terme d’une étude approfondie, le comité a proposé 20 amendements ainsi que des observations détaillées sur divers éléments du projet de loi et du système d’accès à l’information en général. Le gouvernement considérera attentivement les observations du comité, particulièrement lors des prochains examens de la loi qui sont prévus dans celle-ci.
Je suis heureux d’annoncer que le gouvernement a convenu d’adopter la grande majorité des amendements, soit 16 amendements, tout en rejetant respectueusement 4 d’entre eux.
Le gouvernement a accepté des amendements très importants pour nombre d’entre nous, c’est-à-dire les amendements du Sénat concernant les décisions sur les questions de privilège au Sénat. Le gouvernement a reconnu qu’il n’avait pas l’intention de changer la façon dont les Chambres du Parlement prennent leurs décisions sur les questions de privilège, et qu’il ne voulait pas porter atteinte aux privilèges dont jouissent les deux Chambres et leurs membres respectifs.
Conformément aux précédents établis au Sénat et à l’application des dispositions pertinentes du Règlement du Sénat, le Président devra entendre les débats sur les questions de privilège et les sénateurs continueront de pouvoir faire appel d’une décision de la présidence, comme le prévoit notre Règlement.
Le gouvernement a aussi accepté les amendements du Sénat qui élimineraient le pouvoir du gouvernement de fixer et de percevoir des droits, à part les droits de demande. Sur ce point, le gouvernement s’est engagé à ne pas augmenter le faible coût de 5 $.
Notre comité a affirmé que le fait d’accorder au commissaire à l’information le pouvoir d’ordonner la publication d’information détenue par le gouvernement nécessitait l’inclusion de dispositions plus musclées en matière de vie privée. Le comité a adopté un amendement qui obligerait le commissaire à l’information à consulter le commissaire à la protection de la vie privée avant d’ordonner la communication de renseignements personnels qu’une institution avait refusé de communiquer sur la base de l’exception relative aux renseignements personnels. Le gouvernement accepte cet important amendement du Sénat.
Le gouvernement a également accepté d’autres amendements du Sénat qui amélioreraient la communication entre les commissaires à l’information et à la protection de la vie privée, renforçant davantage la protection des renseignements personnels. Ce sont les deux commissaires qui ont suggéré ces amendements dans une proposition conjointe.
Le gouvernement a aussi accepté un amendement du Sénat qui oblige les institutions fédérales à continuer de publier l’information sur leur organisation, leurs documents et leurs manuels sur Info Source. C’est un outil important pour les Canadiens qui veulent savoir comment l’information est recueillie par le gouvernement et où cette information est conservée.
Un autre amendement du Sénat qui a été accepté porte sur les demandes d’accès à l’information qui sont vexatoires, entachées de mauvaise foi ou qui constituent un abus du droit d’accès. En 2017-2018, pour la première fois, le gouvernement a reçu plus de 100 000 demandes d’accès à l’information. Malheureusement, une petite, mais non négligeable, partie de ces demandes ont été faites pour des raisons incompatibles avec l’objet de la loi.
Le gouvernement est d’accord avec le comité lorsqu’il affirme que la permission donnée aux responsables des institutions de demander l’autorisation du commissaire à l’information pour ne pas donner suite à une demande devrait être très restreinte. Le gouvernement a accepté des amendements du Sénat visant à limiter cette permission aux demandes vexatoires, entachées de mauvaise foi ou constituant un abus du droit d’accès. Cela permettra aux institutions de se concentrer sur les demandes légitimes.
Un élément clé du projet de loi C-58 est le pouvoir de rendre des ordonnances qu’il conférerait au commissaire à l’information, plus précisément le pouvoir de rendre des ordonnances exécutoires concernant le traitement des demandes, y compris la communication des documents. Le titulaire du poste pourrait publier ces ordonnances et établir une jurisprudence pour guider les institutions et les utilisateurs du système.
En outre, le gouvernement accepte l’amendement du Sénat qui conférerait au commissaire le pouvoir de rendre des ordonnances dès que le projet de loi aura reçu la sanction royale.
Dans sa forme initiale, le projet de loi aurait repoussé l’entrée en vigueur de ce pouvoir à un an après la sanction royale afin que le titulaire du poste ait le temps de bien se préparer. Or, la commissaire actuelle a affirmé que tout était prêt et elle a demandé que ce pouvoir entre en vigueur en même temps que la sanction royale.
Pour le moment, la commissaire à l’information doit s’adresser aux tribunaux si un organisme refuse de suivre ses recommandations, mais une fois le projet de loi C-58 en vigueur, ce sera le contraire, et les organismes qui jugent ses ordonnances injustifiées auront 30 jours pour les contester devant la Cour fédérale.
Le projet de loi C-58 prévoit aussi la publication proactive des dépenses remboursées à chacun des juges des cours supérieures, ce qui permettra de répondre aux attentes du public, qui souhaite que les dépenses de la magistrature soient administrées de manière plus transparente, tout en respectant le principe fondamental de l’indépendance judiciaire. Pour éviter tout manquement à ce principe essentiel, une vaste exception a été ajoutée au projet de loi.
Cela dit, les témoins entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dont des juges, des juristes et des professeurs de droit, ont clairement indiqué que la publication des dépenses des juges eux-mêmes pourrait soulever de sérieux doutes quant à leur indépendance.
Malgré l’exemption générale prévue dans la version initiale du projet de loi, bien des personnes estimaient qu’en mettant l’accent sur les dépenses engagées individuellement par les juges, on exposait indûment ces derniers à des critiques injustes et que cette exigence posait un trop grand risque. L’amendement adopté au comité, piloté par notre collègue le sénateur Dalphond, remplace l’exigence de publication proactive des dépenses engagées individuellement par les juges par un modèle global.
Le gouvernement accepte cet amendement proposé par le Sénat, en convenant qu’il permettra d’éliminer les craintes relatives à l’indépendance judiciaire dans presque toutes les circonstances, sauf les plus exceptionnelles.
Comme l’a souligné le sénateur Dalphond dans un communiqué sur le sujet publié le 12 juin dernier :
Cet amendement élimine un trou noir dans la mouture initiale du projet de loi C-58 [...]
Il ajoutait que, selon lui, le projet de loi amendé représente :
[...] un bon équilibre entre les objectifs de transparence et le respect de l’indépendance judiciaire.
Le gouvernement accepte également les amendements proposés par le Sénat pour remédier à d’importants problèmes soulevés dans les témoignages de représentants d’organismes autochtones, de même que du commissaire à l’information et d’autres intervenants.
Dans son libellé initial, le projet de loi C-58 renferme des dispositions visant à accélérer le processus en exigeant que les auteurs d’une demande de communication indiquent le sujet précis sur lequel porte la demande, le type de document demandé et la période visée par la demande.
Voilà un exemple d’une idée proposée avec la meilleure des intentions qui pourrait avoir des conséquences non prévues.
Selon les représentants d’organismes autochtones qui ont témoigné devant le comité, ces dispositions pourraient entraver leur droit d’accès à l’information, puisque les documents remontent souvent à des décennies et même parfois à des siècles.
Dans un tel contexte, il est déraisonnable d’exiger de préciser le sujet, le type de document et la période que vise la demande. Le gouvernement en convient et il a accepté l’amendement du Sénat qui éliminerait cette exigence. Il tient à ce que les peuples autochtones puissent accéder à l’information dont ils auront besoin pour appuyer des revendications territoriales, par exemple, ou pour demander réparation pour les torts passés.
Des représentants d’organisations autochtones qui ont comparu devant le comité se sont également dits préoccupés par le fait qu’ils n’avaient pas été consultés de façon appropriée lors de l’élaboration du projet de loi C-58. Dans la correspondance que l’ancien président du Conseil du Trésor a fait parvenir au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dont j’ai parlé plus tôt, il s’est engagé à inciter les organisations et les représentants autochtones à se pencher sur les modifications qu’il serait possible d’apporter à la Loi sur l’accès à l’information afin de mieux répondre aux préoccupations des Autochtones. Comme toujours à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis, le ministre s’est engagé à travailler en concertation avec eux. Le fait que l’on prenne acte de telles préoccupations et que l’on y donne suite témoigne de l’importance d’examiner régulièrement la loi, un engagement qui est maintenant inscrit dans celle qui nous occupe. Selon le projet de loi C-58, le ministre devrait entreprendre l’examen du fonctionnement de la loi tous les cinq ans, le premier devant avoir lieu dans l’année suivant la sanction royale.
Pour soutenir l’efficacité de ces examens et éliminer toute perception de conflit d’intérêts, le comité a amendé le projet de loi C-58 pour demander que des examens soient aussi entrepris par des comités des deux Chambres du Parlement. Cela permettrait de discuter en profondeur des grandes questions qui, comme nous l’avons vu, se posent lorsqu’il s’agit de l’accès à l’information. Le gouvernement accepte l’amendement du Sénat puisqu’il prévoit un niveau supplémentaire d’examen qui sera enrichi par l’expertise de nos comités parlementaires respectifs.
Le gouvernement a refusé respectueusement d’accepter certains amendements du Sénat pour des raisons techniques ou au motif qu’ils devraient être davantage étudiés pour relever toutes conséquences inattendues possibles et y remédier. Par exemple, le gouvernement a refusé l’amendement du Sénat qui créerait une nouvelle infraction criminelle pour l’usage d’un code, d’un surnom ou d’un mot ou d’une phrase fabriqué dans un document au lieu du nom de toute personne, société, entité, tiers ou organisation.
Le gouvernement indique que les dispositions de la Loi sur l’accès à l’information relatives aux infractions criminelles n’ont pas fait l’objet d’une consultation ou d’une étude lors de l’élaboration de ce projet de loi. Par conséquent, il serait plus approprié d’examiner les modifications à apporter à ces dispositions dans le cadre de l’examen complet de la loi, surtout compte tenu de la lourde peine prévue lorsqu’une personne est reconnue coupable.
Un autre amendement du Sénat aurait limité la prorogation du délai de réponse aux demandes. Aux termes de la loi actuelle, le responsable d’une institution peut, dans certaines circonstances, aviser un demandeur qu’un délai supplémentaire est nécessaire pour répondre à sa demande. Si la prorogation dépasse 30 jours, le responsable de l’institution doit en aviser le commissaire. L’amendement du Sénat prévoit qu’il faut obtenir l’approbation du commissaire pour les prorogations de plus de 30 jours. Si cet amendement était adopté, plus 11 000 nouvelles demandes seraient envoyées au Commissariat à l’information chaque année.
Le gouvernement estime qu’un changement de cette ampleur nécessite une étude approfondie et la tenue d’une consultation auprès du Commissariat à l’information du Canada afin d’en évaluer les répercussions sur son bureau. Par conséquent, le gouvernement rejette respectueusement l’amendement du Sénat. Étant donné que le projet de loi a été amendé de façon à exiger que l’examen de cette loi soit effectué par des comités au Sénat et à l’autre endroit, le Sénat aura l’occasion d’étudier cette question et d’autres sujets dans un très proche avenir.
Étant donné que le rejet de cette modification a pour effet de laisser en place le régime de délais actuel, le pouvoir de la commissaire de recevoir les plaintes concernant les délais et de faire enquête sur celles-ci doit être maintenu. Par conséquent, l’amendement du Sénat visant à éliminer ce pouvoir est également rejeté.
Le gouvernement a également refusé un amendement connexe du Sénat qui aurait retiré à la commissaire le pouvoir d’accepter les plaintes relatives à la dispense du paiement de droits et de faire enquête sur ces plaintes. Le gouvernement a indiqué que la commissaire pourrait continuer d’exercer une surveillance de la façon dont les institutions exercent le pouvoir de dispenser les intéressés du paiement des droits.
Un amendement du Sénat qui exigerait que la commissaire à l’information examine l’application de la partie 2 proposée de la loi et communique annuellement au Parlement les résultats a également été refusé. Le gouvernement soutient qu’une telle disposition risquerait de porter atteinte au privilège parlementaire et à l’indépendance judiciaire. Quoi qu’il en soit, le gouvernement souligne que les préoccupations à cet égard sont en grande partie dissipées par le fait que les personnes peuvent continuer à avoir accès aux documents publiés en vertu de la partie 2 en présentant une demande en vertu de la partie 1. Elles peuvent également demander les pièces justificatives relatives à la partie 2 ou publiées au titre de celle-ci. La commissaire aura le pouvoir de surveillance à l’égard des documents communiqués en réponse à ces demandes.
Enfin, le gouvernement a respectueusement rejeté l’amendement du Sénat visant à donner à la commissaire à l’information le pouvoir de déposer des ordonnances auprès de la Cour fédérale pour qu’elles deviennent des ordonnances de celle-ci. Le gouvernement estime qu’en vertu du projet de loi C-58, il n’est pas nécessaire d’autoriser la commissaire à déposer une ordonnance auprès de la Cour fédérale. Les ordonnances de la commissaire à l’information sont déjà contraignantes et le projet de loi établit déjà une voie de recours auprès de cette cour pour le cas où une institution aurait de sérieuses préoccupations concernant une ordonnance.
Pour conclure, j’aimerais rappeler que le gouvernement a suivi attentivement les travaux de cette assemblée, et qu’il a accepté la grande majorité des amendements proposés par le Sénat, y compris ceux qui, selon moi, sont les plus importants pour combler les lacunes constatées par le comité. Enfin, nous avons un projet de loi qui a subi un examen objectif. Le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a fait un travail incroyable à cet égard, sur une longue période. J’encourage les honorables sénateurs à accepter le message de l’autre endroit, puisque ce projet de loi améliore vraiment le régime d’accès à l’information, le rendant plus efficace et lui permettant de mieux répondre aux intérêts des Canadiens.
Honorables sénateurs je m’adresse à vous au sujet du message de la Chambre des communes portant sur le projet de loi C-58, Loi modernisant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence.
Je dois vous avouer ma très grande déception et ma grande surprise de constater que le gouvernement libéral a rejeté l’amendement sur l’entrave au droit d’accès à l’information que j’avais proposé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Cet amendement avait d’ailleurs été adopté par le Sénat, puis renvoyé à la Chambre des communes.
Le Sénat, en allant de l’avant avec cet amendement, aurait permis de combler une faille en ce qui a trait à l’infraction ayant trait à l’entrave au droit d’accès à l’information qui existe depuis 2009 dans la loi. Il s’agit d’une faille qui pourrait gêner le travail de la commissaire à l’information. Cet amendement visait non seulement à améliorer la Loi sur l’accès à l’information afin de sanctionner l’utilisation de codes et d’autres subterfuges en vue d’entraver l’application de la loi, mais aussi à protéger le mécanisme d’accès à l’information par l’usage de techniques destinées à embrouiller les pistes de recherche.
Le seul motif de refus que nous trouvons dans la réponse du gouvernement est basé sur l’objectif stratégique du projet de loi. Or, quel était l’objectif stratégique de ce projet de loi? Comme l’a dit le président du Conseil du Trésor lors de son témoignage devant le comité, le projet de loi C-58 devait remplir une promesse électorale du gouvernement libéral. Cette promesse consistait à apporter davantage de transparence au régime d’accès à l’information, afin d’élargir le champ des informations gouvernementales auxquelles les Canadiens ont droit.
On nous a dit également que le projet de loi C-58 rendrait l’accès à l’information plus efficace; « Nous améliorerons l’accès à l’information gouvernementale », nous disait Justin Trudeau pendant la campagne électorale de 2015.
La lettre de mandat du président du Conseil du Trésor demandait à ce dernier ce qui suit, et je cite :
[...] d’accroître la transparence du gouvernement [...] et que la Loi s’applique de façon appropriée au Cabinet du premier ministre et aux cabinets des ministres [...]
En outre, le président du Conseil du Trésor a déclaré, à l’occasion de son témoignage, que ce projet de loi allait donner plus de pouvoir à la commissaire à l’information.
Toutefois, honorables sénateurs, je vous rappelle que, au cours de l’étude du projet de loi C-58, des faits préoccupants et troublants ont été révélés dans les grands médias canadiens. Entre autres, le quotidien National Post et toutes les grandes chaînes médiatiques ont révélé, en plein cœur du scandale Norman, que des militaires employés au ministère de la Défense nationale avaient utilisé des codes pour masquer le nom du vice-amiral dans des échanges de courriels et d’autres communications à ce sujet.
Derrière le scandale Norman se cache un autre scandale tout aussi préoccupant, soit celui de l’utilisation, avec une intention malveillante, de codes, de surnoms ou de mots de passe au lieu du nom du vice-amiral Norman, et ce, afin de contourner ou d’entraver la recherche de documents visés par une ou des demandes d’accès à l’information.
Le stratagème consistait à utiliser des codes ou des surnoms, ce qui empêchait de retrouver les communications ou les échanges portant sur le vice-amiral.
Plus précisément, selon une publication du réseau Global News le 29 janvier 2019, Marie Henein, l’avocate de la défense représentant le vice-amiral Norman, a présenté à la juge Heather Perkins-McVey, de la Cour supérieure de l’Ontario, une liste de noms de codes que son équipe d’avocats avait réussi à obtenir à la suite de demandes d’accès à l’information : « The Kracken », « The Boss », « C34 », et j’en passe.
L’objectif de ces tactiques douteuses ne pouvait être que de bloquer ou de nuire à l’accès aux documents et aux communications portant sur le vice-amiral Norman et de porter atteinte à l’efficacité du système.
Comme l’a déclaré, lors de l’enquête préliminaire, un militaire dont le nom a fait l’objet d’une ordonnance de non-publication, l’utilisation de codes par des militaires du ministère de la Défense nationale avait pour objet de rendre des documents invisibles pour les fonctionnaires chargés de la recherche en vue de répondre aux demandes d’accès à l’information. Si cette action visant à nuire à la recherche d’information pertinente ne constitue pas une entrave au droit d’accès, comment peut-on la qualifier? Les médias parlent de manipulation du système de demandes d’accès à l’information au ministère de la Défense nationale. Les techniques ne visaient peut-être pas à cacher certains documents, mais elles pouvaient assurément nuire à l’exercice préalable qui vise à les retrouver.
C’est comme si on contournait la loi en brouillant volontairement les pistes de recherche. L’utilisation de codes vient directement en contradiction avec la raison d’être de la Loi sur l’accès à l’information. L’utilisation de codes va à l’encontre des objectifs du projet de loi C-58, qui sont de moderniser la Loi sur l’accès à l’information et d’apporter davantage de transparence aux Canadiens.
J’ai été très surpris d’entendre le sénateur Harder affirmer que cet amendement allait à l’encontre de l’objectif de cette loi, alors que le ministre parlait de la moderniser. J’estime que l’entrée en vigueur du paragraphe 67(1), adopté en 2009, a eu pour effet de dissuader les gens de contourner la loi, car, depuis ce temps, on n’a intenté aucune poursuite pour destruction de documents. Cependant, avec les phénomènes grandissants de diffusion de documents numérisés et d’envoi de courriels, cette pratique douteuse ayant trait à l’utilisation de codes doit être spécifiquement interdite dans la Loi sur l’accès à l’information.
Le 1er février dernier, le National Post a publié un article intitulé « Comment éviter de laisser des traces écrites? Les conseils fiables, parfois illégaux de bureaucrates et de personnel politique ». Cette pratique existe, car l’article en question faisait référence à l’utilisation de codes afin d’éviter de laisser toute trace écrite.
Si nous refusons de rendre cette pratique illégale, nous renonçons aux principes mêmes de la Loi sur l’accès à l’information. Au nom du principe de la transparence, qui est la raison d’être du projet de loi C-58, il faut bannir toute pratique qui consiste à entraver l’accès à l’information en utilisant des codes dans le but de bloquer l’accès à des documents. Nous avons l’occasion de mettre un terme à cette pratique en rejetant cette partie du message du gouvernement.
Si nous réussissons à éliminer cette échappatoire en ce qui concerne les termes susceptibles d’être utilisés pour éviter la divulgation de documents, nous protégerons les fondements mêmes de l’objectif du projet de loi C-58. Lorsqu’on sait que le Canada est passé au 55e rang sur la liste annuelle des classements mondiaux relativement au libre accès à l’information et qu’il est maintenant à égalité avec la Bulgarie et l’Uruguay, il est clair que les failles identifiées à la suite du célèbre scandale Norman doivent être comblées, afin de rehausser la crédibilité du Canada.
Je vous remercie, chers collègues, d’avoir adopté l’amendement qui concerne l’utilisation des codes à l’étape de l’étude en comité et dans cette Chambre. Je vous invite à appuyer l’amendement qui vise à insister sur l’amendement no 12, que nous avons accepté, et à renforcer plus spécifiquement le texte du paragraphe 67(1) de la Loi sur l’accès à l’information, en ajoutant les termes « utiliser tout code, surnom, nom ou phrase fabriquée dans un document au lieu du nom de toute personne, société, entité ou organisation ».
Cette question est au cœur de l’engagement du premier ministre Trudeau visant à rendre la Loi sur l’accès à l’information transparente et crédible. En plus de préserver la confiance du public canadien à l’égard du système d’accès à l’information, nous devons sauvegarder la transparence et l’efficacité de ce système.