Projet de loi de Jane Goodall
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat
29 novembre 2022
Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-241, Loi de Jane Goodall.
Cette mesure législative tant attendue interdira la mise en captivité de grands félins, d’ours, de loups, de lions de mer, de phoques, de morses, de certains singes et de reptiles dangereux dans les zoos en bordure de route. Elle exigera la délivrance d’une licence pour la reproduction et l’acquisition d’espèces comme les grands félins, éliminera progressivement la captivité des éléphants au Canada et conférera un statut juridique limité à certaines espèces. Cette mesure exigera également que les organismes animaliers désignés satisfassent à des critères rigoureux, notamment des normes supérieures en soins animaliers, la protection des dénonciateurs, l’acquisition responsable d’animaux et l’interdiction d’utiliser des animaux dans le cadre de spectacles itinérants comme les cirques.
Ce projet de loi ne changera rien aux activités des zoos et aquariums responsables qui respectent déjà des normes supérieures en soins animaliers. En fait, la loi de Jane Goodall a reçu l’appui du Zoo de Calgary, du Zoo de Toronto, du Jardin zoologique Assiniboine de Winnipeg, du Zoo de Granby au Québec et du Biodôme de Montréal.
Je profite de l’occasion pour répondre aux questions qui ont été posées à la Chambre la semaine dernière, à savoir pourquoi une organisation américaine, l’Association of Zoos and Aquariums, ou AZA, et non l’organisme Aquariums et zoos accrédité du Canada, ou AZAC, est considérée comme un modèle en matière de soins animaliers. Les normes de cet organisme sont critiquées pour leur manque de rigueur et leur caractère subjectif. De plus, cet organisme ne retire pas son accréditation en cas de non-respect de ces normes. L’AZA a des normes plus strictes. Elle est beaucoup plus rigoureuse quant à l’application de sanctions en cas de non‑conformité et a toujours été plus rapide pour interdire les pratiques inhumaines.
Par exemple, l’AZAC a interdit les promenades à dos d’éléphant dix ans après l’AZA, et seulement après qu’une attaque vicieuse par un éléphant se soit produite dans un zoo accrédité par l’AZAC. Les normes de l’AZAC continuent d’être moins strictes en matière de soins aux éléphants. Les normes de l’AZA n’autorisent que des contacts protégés avec les éléphants. Autrement dit, les humains ne peuvent pas se trouver dans l’enclos des éléphants, alors que l’AZAC autorise ce type de contact, qui peut s’avérer angoissant pour les animaux et dangereux pour les humains.
Un honorable collègue a demandé pourquoi nous voudrions confier l’accréditation des zoos canadiens à un organisme américain. D’autres professionnels canadiens, y compris des ingénieurs et des médecins, sont accrédités par des organismes américains. C’est parce que des organismes de plus grande envergure tels que l’Association of Zoos and Aquariums, ou AZA, possèdent souvent davantage de ressources pour faire appliquer les normes réglementaires.
Par exemple, l’AZA a accès à un plus vaste bassin d’experts en soins animaliers afin d’assurer l’inspection appropriée et impartiale des zoos. De plus, comme elle compte davantage de membres cotisants, l’AZA a la capacité financière de révoquer l’accréditation des zoos qui ne respectent pas ses normes.
Les zoos canadiens accrédités par l’AZA répondent en tout temps aux normes les plus élevées en matière de soins animaliers, et leur soutien à l’égard de ce projet de loi illustre l’importance de celui-ci.
Avant d’expliquer pourquoi ce projet de loi est nécessaire, j’aimerais dire quelques mots au sujet du zoo de ma localité afin d’illustrer les effets positifs des zoos accrédités canadiens.
Le Zoo de Calgary répond aux normes d’accréditation rigoureuses de la World Association of Zoos and Aquariums — la WAZA — et de l’Association of Zoos and Aquariums — l’AZA. Sa division de conservation, l’Institut Wilder, a dirigé des efforts révolutionnaires en matière de protection des animaux et de développement international tant au Canada qu’ailleurs dans le monde.
En 1998, l’Institut Wilder du Zoo de Calgary a appuyé la création du sanctuaire communautaire pour hippopotames de Wechiau, consacré à la sauvegarde des hippopotames du Ghana, qui sont en voie de disparition. Ce sanctuaire surveille et protège la population d’hippopotames en combinant la conservation et la gestion d’une zone protégée à l’écotourisme et au développement économique.
Au Ghana, l’Institut Wilder fait un travail exemplaire pour protéger l’écosystème, sans sacrifier d’emplois ni l’économie. En fait, le sanctuaire d’hippopotames crée des emplois et stimule l’industrie dans la région. Le sanctuaire favorise l’écotourisme responsable avec sa plateforme d’observation des hippopotames, qui permet aux visiteurs d’admirer ces magnifiques créatures et aux agents de protection de mieux surveiller les animaux.
Ce n’est pas tout. Le sanctuaire comprend aussi une coopérative de produits de karité biologiques et un centre de transformation du beurre de karité qui emploient près de 2 000 femmes de la région. L’initiative fournit un emploi et un revenu à plus de 20 % de la population locale, si bien que les collectivités n’auront jamais à sacrifier la protection de l’environnement au nom du commerce. Par ailleurs, en employant des femmes, on contribue à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes au Ghana et à assurer un degré d’égalité économique et politique qui n’existait pas auparavant, et ce, tout en contribuant à stabiliser et accroître la population d’hippopotames au Ghana.
Au Canada, l’Institut Wilder du Zoo de Calgary fait également du bon travail. Depuis 1985, les installations d’élevage et de protection que le zoo a établies en dehors de son site ont assuré la survie de certaines espèces comme la grue blanche et la marmotte de l’île de Vancouver. L’été dernier, dans le comté de Wheatland, en Alberta, le zoo a entamé l’aménagement de nouvelles installations qui lui permettront d’accroître ses efforts de protection en offrant de meilleurs habitats plus spacieux.
Comme exemple du travail qu’on y accomplit, l’Institut Wilder s’est associé aux gouvernements fédéral et provinciaux de même qu’au Service canadien de la faune pour protéger les chevêches des terriers, qui sont en voie de disparition dans les Prairies. L’Institut recueille les chouettes les plus jeunes et les moins susceptibles de survivre, et il s’en occupe pendant l’automne et l’hiver, ce qui augmente leurs chances de survie lorsqu’elles sont réintroduites dans la nature. Rien qu’en 2021, l’Institut a pris soin de 20 petites chouettes.
Le zoo se lance également dans un nouveau projet pour faire progresser ses efforts de conservation dans l’Arctique, notamment avec un sanctuaire pour les ours polaires.
Tous ceux qui ont déjà visité le Zoo de Calgary reconnaîtront ce souci du bien-être des animaux. En effet, les visiteurs du zoo peuvent y voir des enclos sûrs et spacieux qui offrent un habitat convenable aux animaux, sans oublier les accessoires d’enrichissement qui leur permettent de faire travailler leur corps et leur cerveau. Ils y rencontreront aussi un personnel expérimenté qui comprend les besoins des animaux et leur donne la priorité.
On n’y trouve pas de numéros de cirque dégradants, de promenades cruelles à dos d’éléphant ou d’activités de manipulation des animaux, qui leur causent un stress excessif. Le personnel du Zoo de Calgary n’a même aucun contact physique avec les animaux, sauf lorsqu’il leur prodigue des soins médicaux.
Il ne pourrait y avoir plus de différence entre les zoos accrédités et responsables comme le Zoo de Calgary et les zoos non réglementés, non accrédités et irresponsables que l’on voit en bordure de route, et qui sont visés par ce projet de loi.
L’émission W5 du réseau CTV a récemment présenté un reportage troublant sur les zoos en bordure de route ici, en Ontario. Le reportage fait état du traitement cruel infligé aux animaux, qui va d’enclos inhumains à des contacts inappropriés avec les humains, en passant par des cas de cruauté physique flagrante : des alligators coincés dans des minuscules bassins remplis d’excréments; des singes confinés dans de petites cages, tournant en rond et se mordant parce qu’ils n’ont aucune autre stimulation; des tigres derrière des clôtures non conformes aux normes; et une personne chargée de « dresser » les animaux se vantant d’avoir maltraité un lionceau sans défense.
Des images filmées clandestinement montrent aussi que ces établissements ont une attitude cavalière à l’égard de la sécurité de leurs clients, y compris les enfants. D’ailleurs, le reportage de W5 incluait des images d’enfants mettant leurs doigts dans des cages où se trouvaient des lémurs aux dents pointues. On pouvait aussi voir l’une des personnes responsables des animaux en train de tenir un bébé — un bébé humain — d’un bras, tout en caressant un lion de l’autre. Ce type d’imprudence met tant la vie des humains que celles des animaux en danger.
En 2016, les policiers ont été appelés quand un lion blanc s’est échappé de son enclos au Zoo Papanack. Le zoo a blâmé l’« erreur humaine » pour sa fuite. Le lion a été abattu.
À cause d’une réglementation insuffisante, il incombe souvent aux municipalités de sévir contre ces organisations irresponsables. C’est pourquoi nous avons besoin d’une réglementation fédérale solide pour prévenir de telles abominations.
À leur meilleur, les zoos sont des lieux d’émerveillement et d’éducation. Bon nombre de protecteurs de l’environnement et de défenseurs des droits des animaux ont appris à aimer les animaux et la nature grâce au temps qu’ils ont passé dans ces établissements quand ils étaient jeunes.
Cependant, les animaux n’existent pas uniquement pour nous divertir. Ce sont des êtres sensibles qui ressentent non seulement la douleur, mais aussi la peur, le stress, la joie, l’affection et peut-être même l’amour. Les éléphants vivent en troupeaux. Ils ont besoin d’avoir des interactions sociales et de pleurer leurs morts. On a observé certains grands singes réconforter d’autres grands singes en détresse, et des mères primates pleurer leur nourrisson mort, prenant soin de son corps pendant des semaines, voire des mois après son décès. Les pieuvres — que nous ne croyions même pas être des êtres sensibles jusqu’à récemment — sont des créatures rusées et curieuses capables de résoudre des casse-tête et d’utiliser des outils.
Lorsque les animaux n’ont pas l’espace, l’intimité et l’interaction sociale avec d’autres animaux dont ils ont besoin, ils adoptent des comportements anormaux. Les baleines en captivité montrent des tendances compulsives dangereuses : mordiller les parois de leur bassin, régurgiter leur nourriture pour jouer avec et s’infliger des blessures en fonçant dans les murs. Des baleines à qui l’on a appris à s’échouer dans le cadre de leur prestation commencent à le faire compulsivement même lorsqu’elles ne se produisent pas en spectacle, ce qui endommage leurs organes internes et entraîne de l’insuffisance rénale.
Les animaux en captivité dont on ne prend pas soin adéquatement posent un danger pour les humains. Un épaulard qui a donné des spectacles à SeaWorld pendant plus de 20 ans a été responsable de la mort violente de trois personnes, dont deux entraîneurs qu’il a attaqués et tirés sous l’eau.
Plus près de chez nous, un éléphant agressif a tué un meneur au African Lion Safari d’Hamilton, en 1989. Trente ans plus tard, une autre attaque par un éléphant au même zoo a amené Aquariums et zoos accrédités du Canada à interdire les balades à dos d’éléphant.
Beaucoup de Canadiens gardent de bons souvenirs d’une promenade à dos d’éléphant au cirque, d’avoir flatté une baleine à Marineland ou tenu dans la main un serpent à un zoo en bordure de route. Cependant, ces pratiques ont été élaborées à une époque où nous en savions très peu sur les animaux et où nous ne comprenions pas qu’ils ont des besoins émotionnels et qu’ils peuvent devenir dangereux pour eux-mêmes et pour les autres lorsque ces besoins ne sont pas satisfaits.
Nous en savons maintenant plus sur les animaux et il serait irresponsable d’ignorer des décennies de recherches et d’observation — sans parler des principes de base de la dignité et de la décence — uniquement pour nous amuser.
J’exhorte mes collègues du Sénat à appuyer le projet de loi.
La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
Oui, avec plaisir.
Modérez un peu votre enthousiasme, sénatrice Sorensen. Lorsqu’on dit des choses qui frôlent les propos erronés, je pense qu’on s’expose à des questions.
Je répondrai volontiers à vos questions.
Sénatrice Sorensen, je crois que personne, au Sénat, ne s’oppose à la fermeture des zoos en bordure de route. Pourquoi alors parlons-nous toujours d’un aspect qui fait l’unanimité? Le débat porte sur les zoos accrédités et les répercussions que le projet de loi aurait sur ceux-ci. Vous avez tenu des propos plutôt désobligeants au sujet d’Aquariums et zoos accrédités du Canada, un organisme canadien.
Sénatrice Sorensen, on nous dit qu’il faut adopter le projet de loi S-241 de toute urgence. Or, le jour où il sera adopté, pas un seul zoo en bordure de route ne fermera ses portes. Les animaux qui s’y trouvent actuellement sont visés par une disposition de droits acquis : ils mourront dans ces conditions. Le projet de loi n’a aucun effet. Je me demande pourquoi nous n’élaborons pas plutôt une mesure législative qui s’attaquerait aux problèmes actuels.
Aquariums et zoos accrédités du Canada est un organisme d’accréditation, tout comme l’Association of Zoos and Aquariums. J’en viendrai bientôt à une question pour vous permettre de répondre à ce que j’ai déjà dit, sénatrice Sorensen. La question que j’ai posée au sénateur Dean la semaine dernière portait sur le fait que le projet de loi S-241 confierait l’accréditation des zoos canadiens à un organisme américain. À l’heure actuelle, la Chambre des représentants des États-Unis étudie la Strengthening Welfare in Marine Settings Act, un projet de loi sur la protection des espèces marines en captivité. Vous devinez quelle sera ma question. Ce projet de loi interdit la reproduction, l’importation et l’exportation d’épaulards, de bélugas, de fausses orques et de globicéphales à des fins d’exposition publique aux États-Unis.
Au Canada, les zoos enregistrés auprès de l’organisme Aquariums et zoos accrédités du Canada doivent déjà se conformer à des règles similaires. Or, l’organisme Association of Zoos and Aquariums s’oppose à ce projet de loi, mais vous voulez leur présence ici pour accréditer nos zoos.
En passant, l’organisme World Association of Zoos and Aquariums n’est pas un organisme d’accréditation. Par contre, les organismes Aquariums et zoos accrédités du Canada et Association of Zoos and Aquariums le sont.
Pourquoi souhaitez-vous la présence ici d’un organisme à qui l’on confierait la responsabilité d’accréditation alors que, d’une part, cet organisme s’oppose aux principes mêmes que nous essayons, ou plutôt que le sénateur Klyne essaie de défendre avec ce projet de loi et que, d’autre part, il s’oppose au projet de loi au sud de notre frontière?
Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur.
C’est simplement qu’à mon avis, l’Association of Zoos and Aquariums est un meilleur organisme d’accréditation, doté de normes plus élevées en matière de bien-être des animaux. C’est pourquoi j’appuie cette accréditation.
J’ai dû faire des recherches au sujet de la loi Strengthening Welfare in Marine Settings, ou SWIMS. Je comprends qu’elle interdit carrément l’importation, l’exportation, le transport et l’élevage de certains cétacés dans le but de les présenter publiquement. Il s’agit probablement d’une mesure législative plus rigoureuse que la nôtre, vous avez raison.
L’Association of Zoos and Aquariums s’oppose à cette interdiction parce qu’elle est d’avis que les zoos peuvent héberger certains cétacés sans cruauté dans certaines conditions.
Sénateur Plett, vous avez 35 secondes.
Eh bien, je poserai la moitié de ma question.
Encore une fois, vous voulez faire quelque chose avec un projet de loi où il y a beaucoup de droits acquis — les éléphants sont maintenant pris en charge par les humains, les zoos appellent cela la « prise en charge par les humains » et non pas la captivité. Le fait est que le Parc Omega et le Parc Safari ont des installations beaucoup plus grandes que celles de Calgary, de Toronto ou du parc Assiniboine — et je les ai tous visités. Donc ces animaux ne sont pas dans de petites cages...
Demandez-vous cinq minutes de plus?
Trente-cinq secondes se sont déjà écoulées?
Plus que 35 secondes se sont écoulées.
Je terminerai la présentation de mes arguments lorsque le prochain sénateur interviendra, ou lors de mon discours.