Le Sénat
Motion tendant à exhorter le gouvernement du Canada à condamner l’agression de la Turquie et de l’Azerbaïdjan contre la République d’Artsakh--Ajournement du débat
28 octobre 2020
Conformément au préavis donné le 27 octobre 2020, propose :
Que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement du Canada à condamner immédiatement l’agression de la Turquie et de l’Azerbaïdjan contre la République d’Artsakh, à maintenir l’interdiction d’exporter du matériel militaire vers la Turquie, à reconnaître le droit inaliénable de la République d’Artsakh à l’autodétermination et, à la lumière de l’intensification continue des conflits et du ciblage d’innocents civils arméniens, à reconnaître l’indépendance de la République d’Artsakh.
— Honorables sénateurs, j’ai suivi avec une grande inquiétude le conflit actuel dans la République d’Artsakh, que certains d’entre vous la connaissent peut-être sous le nom de République du Nagorno-Karabakh.
Le 27 septembre, l’Azerbaïdjan a lancé une nouvelle offensive contre la République d’Artsakh le long de toute la ligne de front. Ce grave conflit survient deux mois après que l’Azerbaïdjan eut attaqué l’Arménie en juillet de cette année, causant un nombre considérable de morts, et eut menacé de bombarder une centrale nucléaire de l’Arménie. Depuis le début des hostilités, trois tentatives de cessez-le-feu ont été orchestrées par la Russie, la France et les États-Unis — les 10, 18 et 26 octobre respectivement.
Chaque fois, bien que l’Arménie ait entièrement respecté les termes de cette trêve, l’Azerbaïdjan les a violés — indiquant clairement qu’il n’est pas disposé à trouver une solution pacifique au conflit.
Les attaques de l’Azerbaïdjan contre des régions et des civils pacifiques, très loin de la ligne de front, et les bombardements des principales villes et localités constituent des crimes de guerre flagrants et suscitent l’indignation générale.
Chers collègues, selon les rapports officiels, les pertes civiles et militaires augmentent, notamment à cause d’éléments technologiques canadiens installés sur des drones turcs. L’infrastructure civile a été considérablement détruite, notamment la cathédrale principale de Stepanakert, ainsi que du matériel humanitaire de première nécessité.
Par surcroît, la République de Turquie ne fait qu’exacerber la situation en fournissant un appui militaire à l’Azerbaïdjan et en envoyant des mercenaires djihadistes étrangers prêter main-forte à l’armée azerbaïdjanaise. Il s’agit de toute évidence d’une violation du droit international, inadmissible de la part d’un allié de l’OTAN, qui doit être condamnée immédiatement et le plus vigoureusement possible.
Quiconque s’intéresse au président Erdogan, à son régime autoritaire et à l’attitude de plus en plus belliqueuse de la Turquie ces derniers temps, tant à l’échelle nationale que dans les régions de la Méditerranée, de la Baltique et du Moyen-Orient, ne peut se surprendre de l’intervention de la Turquie dans ce conflit.
Ce qui m’inquiète le plus est que cette agression se poursuit dans l’indifférence du monde occidental démocratique — dont le Canada fait partie. Elle ne fait qu’enhardir davantage Erdogan et encourager ses aspirations panturquistes en Asie Mineure.
Nous avons pu le voir quand il a transformé Sainte-Sophie en mosquée, en violation et mépris flagrants des lois internationales. Des mois se sont écoulés depuis, sans aucune conséquence. Nous le voyons dans le refus de la Turquie de respecter les eaux souveraines de la Grèce et de Chypre, où elle continue de faire fi des déclarations de l’ONU depuis des années, menaçant de déclencher la guerre contre ses voisins dans la Méditerranée.
Depuis deux semaines, on a des preuves accablantes que l’Azerbaïdjan utilise les drones de combat Bayraktar TB2 fabriqués en Turquie. C’est là que nous sommes concernés, chers collègues. La semaine dernière, nous avons pu voir des images d’un représentant de la défense de l’Arménie montrant des pièces de certains de ces drones, qui avaient été abattus. Ce qui est vraiment inquiétant pour nous, à juste titre, est le fait que ces drones sont non seulement équipés d’une technologie de détection de cibles fabriquée au Canada par L3Harris WESCAM, mais aussi — nous le savons maintenant — du moteur Rotax, qui est fabriqué par la filiale autrichienne du fabricant canadien Bombardier.
Mais, chers collègues, comment est-ce possible puisque le Canada a interdit les exportations de technologies de défense vers la Turquie en octobre de l’an dernier après que cette dernière ait eu envahi le nord de la Syrie et qu’il a renouvelé cette interdiction en avril dernier?
Les pièces de moteur fabriquées en Autriche et soumises à la réglementation de ce pays pouvaient faire l’objet d’une échappatoire. Mis au courant de l’usage probable de moteurs d’aéronefs dans le conflit azerbaïdjanais, Bombardier — et c’est tout à son honneur — a fait preuve de responsabilité en en suspendant la livraison aux pays susceptibles d’en faire un usage douteux.
Qu’en est-il de la technologie de ciblage? Je félicite le ministre des Affaires étrangères du Canada, M. Champagne, qui a annoncé au début du mois que le Canada suspendrait les permis d’exportation de technologie de ciblage en Turquie, mais pourquoi ces permis d’exportation ont-ils été accordés en premier lieu? Chers collègues, qu’est-il arrivé à l’interdiction initiale?
Il se trouve que des exemptions à l’interdiction actuelle avaient été accordées. À mon avis, les parlementaires et les Canadiens doivent savoir pourquoi cette exemption a été accordée et par qui.
La semaine dernière, un comité de la Chambre des communes a été incapable d’obtenir des réponses claires d’un haut fonctionnaire. Néanmoins, nous savons que, en avril dernier et au début du mois, le premier ministre Trudeau a parlé au président Erdogan au sujet de ces exportations lors d’un appel téléphonique. Le premier ministre a-t-il conclu avec le président Erdogan un accord dont nous ignorons l’existence? Le cas échéant, cette situation se répétera-t-elle?
Il est absolument essentiel que le Canada ne conclue aucune autre vente avec la République turque et qu’il respecte rigoureusement la décision du gouvernement de suspendre les exportations sans que personne s’ingère dans cette affaire, pas même le premier ministre.
Les Canadiens méritent l’assurance que M. Trudeau ne fera pas d’autres exceptions en faveur du président Erdogan. L’interdiction d’exporter des technologies militaires offensives et agressives — encore utilisées aujourd’hui pour commettre un génocide et des crimes contre l’humanité — vers la Turquie doit être maintenue, point final; c’est non négociable, il n’y a pas d’exception.
Le gouvernement doit également réagir de manière appropriée à la situation, il doit la dénoncer. Depuis le début du conflit dans les années 1990, le Canada et la communauté internationale se sont abstenus de condamner en termes clairs l’agression de l’Azerbaïdjan, l’encourageant à lancer des attaques, même pendant la pandémie mondiale actuelle.
Le premier ministre Justin Trudeau et le ministre Champagne doivent condamner sans équivoque les agressions ainsi que dénoncer les crimes odieux et les violations du droit international commis par l’Azerbaïdjan avec l’aide de la puissance et du soutien militaires de la Turquie.
Le Canada doit le faire non pas pour des raisons politiques, mais parce que cela est juste. Ce que nous observons actuellement ressemble à la réponse du gouvernement Trudeau à l’agression croissante de la Chine, que ce soit à l’égard de Hong Kong ou des musulmans ouïghours, à l’intimidation de Taïwan, à l’agression militaire dans la mer de Chine méridionale ou à la détention illégale de Michael Kovrig et Michael Spavor.
Le premier ministre Trudeau ferme les yeux sur ce qui se passe, accordant la priorité aux intérêts commerciaux, et Dieu sait quoi encore, plus qu’à toute autre chose. Cette attitude ne fait qu’encourager les agissements tyranniques de présidents comme Xi Jinping et Erdogan. C’est ce que nous constatons un peu partout dans le monde : des tyrans et des agresseurs qui ont systématiquement recours au pouvoir économique pour échapper aux conséquences de ce qui devrait être considéré comme des crimes contre l’humanité.
Le peuple arménien souffre depuis trop longtemps sous le joug de la Turquie et de l’Azerbaïdjan et, en tant que leaders du monde occidental et gardiens de nos valeurs communes que sont la démocratie, la justice et les droits de la personne, nous ne pouvons pas demeurer les bras croisés et laisser des régimes dictatoriaux meurtriers commettre encore un autre génocide juste devant nos yeux. Trop de fois par le passé, les pays démocratiques n’ont pas dit un mot et leur Parlement respectif ont fait semblant de ne rien voir.
Pendant des milliers d’années, la République d’Artsakh a fait partie intégrante de l’histoire de l’Arménie et elle n’a jamais fait partie de l’Azerbaïdjan indépendant. La seule raison pour laquelle l’Azerbaïdjan revendique le territoire de la République d’Artsakh est le fait que le dictateur soviétique Joseph Staline l’avait volée aux Arméniens pour la remettre aux mains des Azerbaïdjanais, tout comme il l’avait fait avec le Nakhitchevan, l’autre région arménienne enclavée à l’ouest, dans le cadre de la stratégie de l’URSS communiste qui reposait sur le principe de diviser pour conquérir.
Dans les derniers jours de l’Union soviétique, les Arméniens pacifiques de l’Arménie et de l’Artsakh ont demandé la réunification de l’Artsakh avec l’Arménie. Plus tard, ils ont revendiqué le droit fondamental à l’autodétermination et à l’indépendance pour l’Arménie, qu’ils ont obtenu au moyen d’un référendum légal et démocratique, conformément au droit international. Les nationalistes azéris ont réagi en commettant des massacres et des pogroms à Sumqayit, en Azerbaïdjan, au cours desquels d’innocents hommes, femmes et enfants arméniens ont perdu la vie. Cette campagne de nettoyage ethnique menée par les forces azéries contre les Arméniens a établi un précédent qui hante encore les gens aujourd’hui et qui a servi à justifier par la suite des crimes contre l’humanité, y compris le pogrom de Bakou perpétré en 1990 et la campagne haineuse de nettoyage ethnique commanditée par l’État qui a été menée contre les Arméniens en Azerbaïdjan et qui continue encore aujourd’hui.
Qu’on ne s’y trompe pas : si la guerre en cours se poursuit et que l’armée azerbaïdjanaise, appuyée par l’armée turque, ainsi que des mercenaires djihadistes étrangers parviennent à la République d’Artsakh, un deuxième génocide de la population arménienne aura lieu.
Ce sont des faits, pas des suppositions ni des conjectures. Ce sont des signaux d’alerte et des avertissements à l’intention de la communauté internationale. Le président Erdogan, de la Turquie, et le président Aliyev, de l’Azerbaïdjan, se servent depuis longtemps d’une rhétorique toxique. Ils jurent qu’ils sont déterminés à finir le génocide inachevé perpétré par leurs ancêtres turcs ottomans contre les Arméniens, les Grecs, les Pontiens et les Assyriens. Ce n’est pas moi qui le dis, mais bien les ministres actuels du gouvernement Erdogan, en Turquie. Ce sont des propos qui, en 2020, sont odieux et dégoûtants.
Les gestes que pose le Canada sur la scène mondiale doivent être guidés par un profond respect de nos valeurs et de nos principes, et non par une approche « deux poids, deux mesures », un opportunisme politique, ou les bénéfices des entreprises et les pressions qu’elles exercent. Nous ne pouvons pas laisser les intérêts économiques et l’influence des puissances étrangères dicter notre réaction devant des enjeux porteurs d’une telle menace.
Les paroles et les gestes du Canada doivent refléter la réputation bien ancrée qui est la sienne, celle d’un artisan et d’un gardien de la paix. Dans cette optique, il convient avant tout de savoir bien distinguer les agresseurs des victimes innocentes et pacifiques.
Depuis le cessez-le-feu négocié à l’échelle internationale en 1994, l’Azerbaïdjan n’a cessé de le violer, ce qui remet sérieusement en question son engagement envers la paix et la stabilité dans la région. De plus, Bakou refuse constamment les demandes de la communauté internationale visant à permettre l’installation de dispositifs de surveillance le long de sa ligne de contact avec la République d’Artsakh.
D’autre part, l’Arménie et l’Artsakh ont toujours milité pour l’installation de ces dispositifs de repérage des tirs, comme moyen de renforcer la confiance et de décourager la violence.
L’agresseur dans ce conflit ne fait pas l’ombre d’un doute. Comme le président français Macron l’a déclaré il y a quelques semaines, les actions de l’Azerbaïdjan sont inacceptables. Les gouvernements doivent comprendre que les déclarations neutres et bien ficelées invitant les parties à s’abstenir d’user de la force ne feront qu’encourager l’Azerbaïdjan à poursuivre ses attaques barbares.
Soyons clairs et ne mâchons pas nos mots. Traçons la voie d’une action décisive. Certes, le gouvernement prend certaines mesures pour faire ce qui s’impose, mais je ne saurais trop insister sur l’importance pour le gouvernement de se situer du bon côté de l’histoire en ce qui concerne ce conflit et tous les autres problèmes de l’humanité, notamment le droit des nations à l’autodétermination.
Il faut à tout prix maintenir l’interdiction des exportations militaires en Turquie. Le Canada doit faire tout en son pouvoir pour collaborer avec les partenaires étrangers et les organismes internationaux afin de condamner et contenir les agresseurs, et d’établir une paix durable dans la région. Autrement, la Turquie et l’Azerbaïdjan continueront assurément leurs attaques et déclencheront une guerre régionale qui aura sans doute de graves conséquences pour la communauté internationale.
Nous devons nous engager à protéger les droits inaliénables des Arméniens qui vivent en République d’Artsakh, y compris le droit à l’autodétermination. Il s’agit de gens pacifiques qui n’ont rien de belliqueux et nous devons leur donner l’occasion de choisir eux-mêmes de quoi leur avenir sera fait. La seule façon de dénouer ce conflit de manière durable, c’est en défendant le droit à l’autodétermination de la République d’Artsakh et en la reconnaissant comme un État libre et souverain. C’est le seul moyen d’empêcher que le climat de violence ne dégénère encore plus dans la région et que d’autres conflits n’éclatent ailleurs dans le monde.
Le temps est venu pour le Canada de se tenir debout et d’agir. Le temps est venu pour les parlementaires canadiens de prêter l’oreille, car si nous ne le faisons pas maintenant, au début du conflit, nous nous retrouverons avec un autre Kosovo sur les bras. C’est quand on ferme les yeux sur les conflits que les pages du grand livre de l’humanité se couvrent d’histoires d’horreur et de nettoyage ethnique. Si l’histoire se répète cette fois-ci, ce sera parce que nous aurons détourné le regard. Quand il y a un accord commercial à la clé, les puissances moyennes, dont le Canada, et les superpuissances ont souvent tendance à s’enfoncer la tête dans le sable, même si le prix à payer se compte en vies humaines.
Honorables sénateurs, la région de l’Artsakh — ou, comme l’appellent les Azerbaïdjanais, le Nagorno-Karabakh — compte 150 000 habitants et elle est occupée par des chrétiens de langue arménienne depuis des siècles. Dernièrement, elle a organisé un référendum qui a été reconnu légalement par les autorités, comme je l’expliquais plus tôt, à l’issue duquel ses habitants ont voté massivement pour l’autodétermination et l’indépendance. Dans toute l’humanité, il n’y a rien qui mérite plus d’être défendu que la démocratie. Notre existence doit être consacrée à ce but, et nous devons le défendre.
Dans ce cas particulier, la situation ressemble au combat de David contre Goliath, puisque 10 millions d’Azerbaïdjanais essaient d’écraser 150 000 Arméniens avec l’aide d’une superpuissance de la région, la Turquie. Ils emploient tous les moyens militaires et politiques à leur disposition simplement pour repousser les Arméniens comme les Turcs l’ont fait sans raison pendant des siècles.
Je pense qu’il y a là pour le Sénat une occasion de défendre des principes et des valeurs comme la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit, et de faire comprendre essentiellement que la République d’Artsakh — le Nagorno-Karabakh — devrait avoir le droit de s’autodéterminer sans ingérence de la part de l’Azerbaïdjan, de la Turquie, de la Russie ou de qui que ce soit d’autre, car la démocratie et la primauté du droit doivent l’emporter.
Je pense que c’est important, honorables collègues. Nous devons agir dans les prochaines semaines, car si nous ne dénonçons pas la situation, comme certains parlementaires le font en France et aux États-Unis, et si le Canada ne participe pas à ce débat et ne se range pas du bon côté de l’histoire, alors c’est avec beaucoup de honte que nous parlerons de ce nettoyage ethnique dans quelques années. Merci beaucoup, honorables collègues.
Sénateur Housakos, accepteriez-vous de répondre à une question?
Absolument.
Sénateur Housakos, merci beaucoup de votre exposé. J’ai trouvé très intéressant d’entendre ce que vous aviez à dire sur le sujet.
J’aimerais vous poser deux questions. D’abord, vous avez parlé des victimes civiles. C’est un dossier que vous connaissez bien. Pouvez-vous nous donner une meilleure idée des victimes? Je ne suis pas en train d’essayer de minimiser la situation. Je cherche seulement à savoir de quelles victimes vous parlez.
Sénateur Housakos, avant de vous laisser répondre à la question, je dois vous dire que votre temps de parole est presque écoulé. Demandez-vous cinq minutes supplémentaires?
Je demande au Sénat de m’accorder cinq minutes supplémentaires.
Est-ce d’accord?
Sénatrice Jaffer, dans un conflit de cette nature, les médias ont tendance à parler davantage des victimes civiles que des militaires qui perdent la vie. À mon avis, toutes les victimes de la guerre, qu’il s’agisse d’hommes, de femmes, ou d’enfants, sont à déplorer.
Évidemment, les deux camps font des affirmations qui sont très difficiles à confirmer à distance. Nous savons toutefois une chose : le camp azerbaïdjanais a pris des mesures musclées pour que les médias n’aient pas librement accès à la région où se déroule le conflit. Le camp arménien a fait tout ce qu’il pouvait pour protéger les médias, pour leur permettre d’accéder à ces zones de conflit et pour révéler au monde le plus de renseignements possible sur les diverses attaques qui sont commises par le camp azerbaïdjanais, en ce qui concerne les technologies utilisées, les emplacements et le nombre de victimes.
Comme je l’ai dit, il est difficile de confirmer le nombre exact de victimes et, sur ce nombre, combien sont des civils et combien sont des combattants. Cependant, le conflit a lieu dans une région de 150 000 habitants, dont 97 % ou 98 % sont d’ethnie arménienne. Il est absurde que l’Azerbaïdjan, un pays indépendant de 10 millions d’habitants, revendique un territoire où la vaste majorité de la population a indiqué clairement qu’elle souhaitait l’indépendance. Les gens là-bas ne veulent faire partie ni de l’Azerbaïdjan ni de l’Arménie. Ils souhaitent leur indépendance. Je pense qu’il devrait être facile pour des parlementaires d’un pays démocratique de le comprendre. Il n’est pas question ici d’un conflit entre une multitude de communautés ethniques qui vivent ensemble dans une même région et ont du mal à s’entendre, mais d’une puissance étrangère qui, avec l’aide de quelques autres puissances étrangères, empiète sur la volonté d’autodétermination d’une entité.
Puis-je poser une autre question?
Bien sûr.
Monsieur le sénateur, le Canada est reconnu, entre autres, pour ses missions de maintien de la paix. J’ai moi-même été envoyée du Canada pour la paix. Ne croyez-vous pas que nous pourrions suggérer, dans le cadre de vos discussions sur le sujet, que le Canada intervienne dans le conflit et qu’il amène les parties à négocier la paix?
Sans contredit. Cependant, pour rétablir la paix, il faut que les deux parties y soient disposées. Rien qu’au cours des dernières semaines, nous avons eu trois occasions dans le cadre des cessez-le-feu négociés sous la direction des États-Unis, de la Russie et d’autres dirigeants internationaux. C’est l’Azerbaïdjan qui fait fi de ces appels à la paix et à la conclusion d’un cessez-le-feu.
De plus, si l’on compare les ressources des deux parties impliquées dans ce conflit, l’Azerbaïdjan a une capacité écrasante, tant sur le plan militaire que sur le plan des drones. L’Arménie n’a pas ce genre de ressources à sa disposition. Elle ne peut se défendre seule. Ces 150 000 personnes qui réclament l’indépendance ne peuvent se défendre elles-mêmes. Elles n’ont pas les ressources voulues pour le faire.
Allons-nous prendre position? Par exemple, la Russie et la Turquie participent pour des raisons géopolitiques en appuyant une partie et en contribuant à son armement. Pendant ce temps, nous sommes en mode apaisement, soutenant qu’il faut conclure une entente pacifique. Beaucoup de gens pensaient pouvoir apaiser Hitler à la Seconde Guerre mondiale. Or, on peut seulement rétablir la paix quand on a des négociations et un dialogue avec des personnes qui ne sont pas des tyrans et qui sont raisonnables. En l’occurrence, tout ce que nous voyons du côté turco-azerbaïdjanais n’est pas raisonnable. En fait, cette partie fait preuve d’une grande agressivité et continue d’intensifier son intervention militaire. Grâce à nos alliés, nous avons maintenant des preuves médiatiques que la Turquie envoie des mercenaires djihadistes dans cette zone de conflit depuis la Syrie et la Libye. C’est abominable et inacceptable, et nous devons le dénoncer.