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Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif--Message des Communes--Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat--Motion d'amendement--Motion de sous-amendement--Débat

20 avril 2023


Je tiens à remercier le sénateur MacDonald pour son sous-amendement et son soutien constant envers le contenu généré par les utilisateurs et envers les fournisseurs de contenu numérique.

Nous avons entendu un certain nombre d’interventions cet après‑midi et ce soir sur le projet de loi C-11. Je voudrais simplement répondre à un certain nombre de questions qui nous préoccupent profondément.

Dans son intervention, le sénateur Cardozo a expliqué que l’opposition et ceux qui s’opposent au projet de loi s’allient en quelque sorte avec les sociétés et les plateformes numériques multimilliardaires, et ainsi de suite. Or, je commence à penser que nombre de nos interventions n’ont probablement pas été entendues ou ne sont pas vraiment comprises.

Ceux d’entre nous qui sont inquiets ne s’allient pas aux géants du numérique. Au contraire, c’est le gouvernement qui s’allie aux sociétés multimilliardaires. J’ai dit dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, à l’étape de la troisième lecture et en comité que nous pensons que l’objectif de ce projet de loi — et le gouvernement l’a exprimé clairement — est de mettre les radiodiffuseurs traditionnels du pays en phase avec les plateformes numériques. Ceux d’entre nous qui ont participé à l’étude approfondie du Comité des transports comprennent bien que les fournisseurs de services numériques ne sont pas des radiodiffuseurs, loin de là. Ce sont simplement des plateformes qui permettent aux diffuseurs et aux communications de parvenir à certaines destinations plus rapidement, à plus grande échelle et en plus grand nombre. Telle est la réalité de ce que font les fournisseurs de services numériques comme Facebook, Twitter, Google et tous les autres.

Dès le début, nous estimions que le projet de loi C-11 était non pas une tentative de mettre en phase les télédiffuseurs, mais plutôt de sauver l’industrie de la télédiffusion — et nous reconnaissons tous que le modèle d’affaires connaît des difficultés. Il connaît des difficultés parce que les temps ont changé. Il n’y a pas de meilleure preuve que les temps changent que le fait que la PDG de CBC/Radio-Canada a elle-même dit publiquement, le lendemain de l’adoption du projet de loi par le Sénat ou la veille, que dans quelques années, la CBC allait se retirer de la télédiffusion par câble pour transformer ses opérations en plateformes numériques. C’est pourquoi les organisations comme Québecor exploitent radio QUB, un service de radio numérique à part entière. Les télédiffuseurs prennent cette voie parce qu’ils commencent à se rendre compte que le monde évolue, et que les jeunes Canadiens vont dans cette direction.

Sénateur Cardozo, laissez-moi vous dire avec qui je m’allie. Je m’allie avec les créateurs de contenu généré par les utilisateurs.

Je me range du côté des producteurs canadiens qui privilégient le contenu numérique.

Honorables collègues, le terme « contenu généré par les utilisateurs » se rapporte au contenu numérique, et ces utilisateurs sont des Canadiens. Chaque fois que vous entendez parler de contenu généré par les utilisateurs ou de fournisseurs de contenu qui privilégient le numérique, vous n’avez qu’à remplacer cela par le mot « Canadiens ».

Je ne suis pas là pour défendre Meta ou Google. Contrairement au gouvernement, je ne me porte pas non plus à la défense de CTV, Québecor ou Rogers. Si leur modèle de gestion leur pose problème, et si ces entreprises estiment qu’elles ne sont pas assez concurrentielles, alors en principe, c’est à elles d’y remédier. Ce n’est pas mon rôle, en tant que législateur, ni le rôle de tout gouvernement, libéral ou conservateur, de légiférer et d’intervenir dans ce marché pour soutenir un modèle de gestion, car sinon, je me demande où cela va s’arrêter. Il doit y avoir des limites. Nos ressources financières ne sont pas illimitées; je sais que le gouvernement actuel pense qu’elles le sont, mais ce n’est pas le cas.

En fait, il y a une raison pour laquelle nous insistons et pour laquelle vous êtes saisis du sous-amendement du sénateur MacDonald pour que nous insistions sur les amendements que nous avons tous appuyés collectivement; nous avons tous voté pour ces amendements au comité. Nous avons voté pour ces amendements dans cette enceinte. Nous ne l’avons pas fait par caprice, car nous sommes véritablement la Chambre de second examen objectif. Nous avons fait tout cela parce que nous avons entendu de nombreux témoignages d’un grand nombre de personnes au sujet des producteurs de contenu générés par les utilisateurs, c’est-à-dire des millions de Canadiens qui ont fait cette demande à notre comité et à cette institution.

Nous sommes le dernier espoir de ces personnes. Nous parlons ici de gens qui créent quotidiennement. Ils génèrent des revenus pour le Conseil du Trésor du Canada. Ils génèrent du contenu qui est diffusé partout dans le monde et qui connaît beaucoup de succès. Nous constatons de nos jours que les jeunes Canadiens, tout particulièrement, ont complètement abandonné l’industrie de la câblodistribution en faveur de l’industrie en ligne.

Comme je l’ai déjà dit dans mes interventions, je fais encore partie de l’ancienne génération. À 21 heures ou à 22 heures, je cours regarder le bulletin d’information de CTV. Mes garçons passent devant la salle familiale et ils se moquent de moi. Ils me débitent toutes les nouvelles à la vitesse de l’éclair parce qu’elles se trouvent sur toutes ces plateformes, et ils estiment qu’ils les obtiennent plus rapidement, qu’ils disposent de plus d’options, et que l’information qu’ils reçoivent est plus approfondie. Ils disent que je suis un vrai dinosaure.

Nous avons un problème en tant qu’institution, sénateur Cotter et sénateur Dalphond, car j’ai écouté vos discours avec beaucoup d’attention et je n’ai pas entendu grand-chose au sujet du projet de loi C-11. J’ai entendu beaucoup d’arguments constitutionnels sur le fait que cet endroit est un organe non élu. J’ai entendu des arguments sur le fait qu’il n’est pas de notre ressort de nous opposer aux projets de loi du gouvernement de l’autre endroit parce qu’il a été élu par le peuple, et ainsi de suite. Cependant, je voudrais juste revenir un peu en arrière et reprendre les paroles du sénateur Serge Joyal, un éminent sénateur qui a, bien sûr, défendu le pouvoir judiciaire dans cette assemblée à de nombreuses occasions en expliquant quels sont nos droits et nos privilèges. Il a dit à de nombreuses reprises, et même un peu avant de quitter ses fonctions, que nous devions être utiles, utiles pour notre circonscription.

Ainsi, au sénateur Cotter et au sénateur Dalphond, avec tout le respect que je vous dois, j’ai dit au sénateur Dalphond que dans les années à venir, les leaders du gouvernement des futurs gouvernements citeront probablement son discours à plusieurs reprises. C’est très bien, parce qu’il a mis sa casquette de magistrat, puisqu’il était un juge éminent, et il a fait un très bon travail en présentant un argument judiciaire sur le parquet. Toutefois, en tant que législateur, j’ai eu le privilège de faire mon apprentissage du Parlement auprès de géants tels que Serge Joyal et Lowell Murray et d’autres qui m’ont précédé.

Plus important encore, j’ai également eu le privilège d’étudier les sciences politiques à l’Université McGill, où un professeur nommé J.R. Mallory, expert constitutionnel renommé au pays, m’a également appris une chose ou deux. Il m’a dit que nous vivons dans un pays où les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont séparés.

Avec tout le respect que je dois aux juges qui sont maintenant, bien sûr, des législateurs, je tiens à souligner que nous avons l’autorité constitutionnelle suprême sur les questions législatives, ce qui nous permet d’intervenir et d’élaborer des projets de loi au mieux de nos capacités, en écoutant nos concitoyens, même si nous ne sommes pas élus. Je sais que nous avons tous été nommés par un premier ministre — le premier ministre Trudeau ou le premier ministre Harper; je ne pense pas qu’il reste des sénateurs nommés par le premier ministre Martin —, mais, en fin de compte, nous sommes toujours responsables à l’égard de nos concitoyens, à l’égard de nos provinces.

Ah, donc la sénatrice Cordy et le sénateur Massicotte.

Jean Chrétien, un grand premier ministre qui a fait une excellente nomination. Je ne veux pas oublier, bien sûr, le premier ministre Chrétien et le premier ministre Martin. Je suis ici depuis si longtemps, sénatrice Cordy, que ma mémoire commence à s’embrouiller.

Pour poursuivre mon raisonnement, nous avons tous des obligations envers nos concitoyens. Nous avons donné au comité le mandat de réaliser une étude solide et approfondie et nous avons entendons de très nombreuses voix, littéralement des millions de personnes, des producteurs de contenu généré par les utilisateurs — autrement dit, des Canadiens, vos enfants, vos neveux, mes enfants, des artistes, des chanteurs —, et ces personnes nous considèrent comme leur dernier espoir parce que le projet de loi est criblé de dangers potentiels, et ce, même s’il est possible que le CRTC fasse ce qui est juste et que les politiciens et Patrimoine Canada tiennent parole.

Toutefois, je ne vois ici aucun obstacle — aucun problème avec les amendements proposés par la sénatrice Miville-Dechêne et la sénatrice Simons, qui ont vraiment été à l’écoute de l’indignation des citoyens. Il ne s’agit pas d’un programme politique ou d’un enjeu partisan. Il s’agit de sénateurs de tous les groupes qui, au comité, ont entendu un grand nombre de Canadiens qui leur ont demandé ceci : « S’il vous plaît, portez cette question loin des pressions politiques de la Chambre des communes; faites ce qui est juste, menez votre second examen objectif et apportez les amendements qui nous donneront une chance et la confiance que le gouvernement ne réduira pas notre succès en miettes en se mettant sur notre chemin. »

Le sénateur Plett [ - ]

Bravo!

Au bout du compte, chers collègues, soyons clairs : sénateurs Dalphond et Cotter, nous obtenons notre légitimité lorsque nous parlons au nom de ceux qui estiment ne pas avoir été entendus à la Chambre et ailleurs. C’est là que nous sommes jugés.

Comme je l’ai constaté à maintes reprises au cours de mes 15 années au Sénat, et ce, sous des gouvernements de toutes les couleurs, nous courons très souvent le risque d’acquiescer à la volonté de ceux qui nous ont nommés ici. Lorsque nous acquiesçons à la volonté de l’exécutif qui nous a nommés ici, nous réduisons au silence nos concitoyens qui nous demandent sans cesse de les représenter et de parler en leur nom.

Sénateur Cotter, je remercie le sénateur Downe parce qu’il siège au Sénat depuis plus longtemps que moi et il a souligné à juste titre que le Sénat a exercé son pouvoir constitutionnel à plusieurs reprises lorsqu’il pensait parler au nom d’un grand nombre de Canadiens qui estimaient que la loi que l’exécutif cherchait à leur imposer était si scandaleuse que le Sénat représentait leur dernier espoir d’être défendus.

Quand nous choisissons de ne pas les défendre pour une vaste gamme de raisons, je pense que — là encore, souvenons-nous des propos du sénateur Joyal quand il a quitté cette enceinte — le Sénat perd un peu de sa crédibilité aux yeux du public. Tous les sénateurs qui sont arrivés après moi sont très conscients que le plus grand défi que nous devons relever est de préserver notre légitimité, car nous ne sommes pas élus. Trop souvent, des voix s’élèvent dans notre pays, il peut s’agir d’Autochtones ou de personnes démunies, peu importe l’enjeu et le moment, qu’on soit d’accord ou non, peu importe dans quel camp on se trouve, et ces gens sont nombreux à avoir l’impression que nous acquiesçons à l’exécutif la plupart du temps. Dans les médias ou au sein de la population, nous avons tous entendu ce qui se dit à notre sujet : « Le Sénat est une simple formalité. »

Par conséquent, c’est bien la première fois où je suis en désaccord avec le sénateur Dalphond. Nous pouvons exercer nos droits constitutionnels en présence d’un tel tollé. En tant que président du Comité des transports et des communications, j’étais aux premières loges avec mes collègues, et j’ai constaté une absence évidente de consensus.

Il existe un fossé particulier entre les générations dans notre pays. Je crois que nous enverrons aussi un message clair aux jeunes générations qui se demandent ce que fait réellement une Chambre haute non élue. J’ai pu le voir parmi les témoins — les vlogueurs et les instavidéastes — francophones et anglophones qui ont comparu devant le comité. Ils disaient des choses comme : « Sénateur, c’est la première fois que je vois l’utilité de la Chambre haute. Servez‑vous de votre pouvoir, je vous en prie. »

Voilà pourquoi je prends la parole pour appuyer l’amendement du sénateur MacDonald. Je ne crois pas que nous outrepasserons notre pouvoir si nous retournons ce message au gouvernement en lui disant : « Nous vous recommandons fortement d’écouter nos sages conseils et de prendre note des amendements qui sont présentés », par des sénateurs nommés par le premier ministre Trudeau soit dit en passant.

Je souligne, une fois de plus, qu’il ne s’agit pas d’un enjeu partisan. Il ne s’agit pas défendre les multinationales numériques, comme beaucoup de gens le prétendent. Il s’agit de défendre les Canadiens ordinaires qui placent leur dernier espoir dans le Sénat.

Il y a déjà un certain temps que j’implore et que je supplie les sénateurs, tant en public, à l’extérieur du Sénat que dans cette enceinte, de faire ce qui s’impose. Nous tenons à faire savoir que nous sommes indépendants et que nous sommes solidaires des gens et non du gouvernement. Voilà l’enjeu.

Je vous remercie, chers collègues.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ - ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Absolument.

Le sénateur Dalphond [ - ]

Merci d’accepter de répondre à une question.

Dans un pays où une majorité peut résulter d’une élection où un parti obtient de 37 % à 41 % des votes, cela signifie que 60 % des gens n’ont pas voté pour ce gouvernement. Ce que vous nous dites, c’est que s’il y a des changements de gouvernement, nous devrions parler pour les 60 % qui n’auraient pas voté pour ce gouvernement et empêcher ses projets de loi d’être adoptés?

C’est une excellente question, sénateur Dalphond.

Premièrement, comme vous le savez, notre petit groupe de conservateurs parle pour la majorité des Canadiens, puisque nous avons obtenu la majorité des votes aux dernières élections. Il s’agit d’un vote important et nous avons tout de même obtenu plus de votes que le gouvernement au pouvoir. Nous avons obtenu plus de votes que le gouvernement en place dans deux élections consécutives.

Il faut tenir pour acquis que même un système parlementaire démocratique est parfaitement imparfait. Il faut aussi souligner la réalité suivante, soit que le gouvernement est certainement élu en raison de son programme électoral. Cependant, il ne faut pas oublier que, dans un programme électoral, comme celui du Parti libéral, dire que la Loi sur la radiodiffusion sera réformée, c’est une chose; toutefois, les détails du processus ne figurent pas dans un programme électoral. Les détails viennent dans un projet de loi par la suite et, s’il y a une raison pour laquelle la Chambre haute doit faire son travail, c’est pour étudier tous les détails. Un programme électoral, c’est très général.

De plus, je n’utilise jamais l’argument selon lequel il faut appuyer un projet de loi simplement parce que sa révision figurait dans le programme d’un parti politique, car c’est tout à fait contraire à l’idée de l’indépendance de cette grande institution parlementaire.

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