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Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement à ordonner à l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme de convoquer un deuxième sommet national pour combattre l’antisémitisme--Ajournement du débat

16 avril 2024


Conformément au préavis donné le 29 février 2024, propose :

Que le Sénat prenne note :

a)des données de Statistique Canada et des organisations juives telles que le Centre pour Israël et les affaires juives, les Amis du Centre Simon Wiesenthal et B’nai Brith indiquant une augmentation choquante des incidents antisémites au Canada au cours des dernières années;

b)qu’il y a eu une poussée mondiale d’antisémitisme, à laquelle le Canada n’a pas échappé, depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre et le devoir d’Israël d’y répondre;

c)que depuis octobre 2023, la communauté juive du Canada a été témoin de coups de feu dans ses écoles, de tentatives d’incendie criminel dans ses bâtiments communautaires, d’efforts de boycottage et de vandalisme visant des entreprises privées, simplement parce que leurs propriétaires sont juifs, et de l’intimidation de ses étudiants dans les universités;

d)que les services de police de tout le pays font tous état d’une augmentation importante et sans précédent des crimes haineux depuis octobre 2023, la communauté juive étant de loin la plus visée;

e)que le gouvernement du Canada a nommé Deborah Lyons, ancienne ambassadrice du Canada en Israël, comme nouvelle envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme;

f)que l’autorité conférée au bureau de l’envoyée spéciale lui permet d’être particulièrement bien placée pour convoquer et présider un deuxième sommet national pour combattre l’antisémitisme;

g)qu’un deuxième sommet national de lutte contre l’antisémitisme constituerait un forum important pour les parties prenantes représentant tous les ordres de gouvernement, les fonctionnaires, les forces de l’ordre, les éducateurs et les dirigeants communautaires, afin de partager des informations et de convenir de stratégies efficaces pour endiguer la vague de haine sans précédent visant les Juifs;

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à ordonner à l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme de convoquer un deuxième sommet national pour combattre l’antisémitisme.

 — Honorables sénateurs, plus de six mois se sont écoulés depuis que nous avons été témoins des atrocités commises par le Hamas lors de son attaque envers des Israéliens innocents le 7 octobre. Les atrocités se poursuivent alors que plus de 100 Israéliens innocents, des hommes, des femmes, des jeunes et des vieux, sont toujours retenus en otage par le Hamas.

Ici, au Canada, au cours des six derniers mois, nous avons vu des manchettes choquantes et des messages sur les médias sociaux faisant état d’une augmentation sans précédent des incidents antisémites. On a rapporté plusieurs incidents où des coups de feu ont été tirés sur des écoles et des maisons juives, mais aussi des tentatives d’incendie criminel visant des entreprises et des centres communautaires juifs, des rassemblements haineux, y compris aux portes de synagogues, qui ont appelé à la destruction d’Israël et à la mort des Juifs, et même des agressions physiques contre des juifs, notamment dans des universités.

Les arrestations ont été relativement peu nombreuses, bien que ces rassemblements aient franchi la ligne qui sépare la liberté d’expression de l’incitation à la haine, avec des comportements que la plupart des Canadiens considèrent comme des violations flagrantes de nos lois contre la haine. Les manifestants sont enhardis par l’absence de conséquences, mais aussi par l’attitude cavalière de nombreux politiciens.

Samedi dernier, j’ai été dégoûté de voir, à Toronto, que des manifestants pro-Hamas applaudissaient l’attaque aux drones et aux missiles lancée par l’Iran contre Israël — imaginez, des gens qui acclament le Corps des Gardiens de la révolution islamique ici même, dans les rues du pays — et, hier, dans ma ville, Montréal, des manifestants ont prêté allégeance au leader du Hamas en le nommant et en affirmant qu’ils étaient ses soldats. Des gens, ici au Canada, prêtent allégeance à une organisation terroriste reconnue, dont l’objectif est d’anéantir Israël.

Pourquoi n’assistons-nous pas à une séance d’indignation collective comme ce fut le cas lorsqu’une seule croix gammée a été aperçue au moment du convoi? Dimanche, nous avons vu l’image d’une personne dans une ville canadienne qui faisait le salut nazi en tenant une photographie de l’ayatollah. Où est l’indignation? Pourquoi le premier ministre n’organise-t-il pas de conférences de presse quotidiennes pour dénoncer la situation? Il a déjà convoqué les médias pour bien moins.

Il y a aussi le refus du gouvernement Trudeau d’inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des entités terroristes. Cela envoie le message au régime islamique d’Iran et à ses partisans qui sont ici, en sol canadien, qu’ils n’ont pas à craindre de devoir répondre de leurs actes. En attendant, nous avons eu droit, dans les heures qui ont suivi l’attaque de samedi, aux paroles creuses du premier ministre et de la ministre des Affaires étrangères, qui affirment soutenir le droit d’Israël de se défendre en se gardant bien de rappeler que, pour amadouer le NPD, le gouvernement a consenti à interdire les exportations militaires à Israël.

Puis, hier, la ministre Joly est allée jusqu’à qualifier ce qui s’est produit samedi de victoire pour Israël. Elle a même déclaré hier qu’Israël devait « prendre le gain ». Quel type de logique faut-il pour considérer comme une victoire l’explosion de centaines de missiles au-dessus de son territoire?

Ce n’est pas faute d’avoir essayé que l’Iran n’a pas fait de victimes israéliennes. La thèse défendue par Mme Joly, selon laquelle l’Iran a voulu qu’il en soit ainsi, est risible. Qu’est-ce que cela révèle à propos du Canada que l’Arabie saoudite en fasse plus que nous pour aider Israël à se défendre?

Il n’est donc pas étonnant que, ces derniers mois, nous ayons vu les manifestants anti-israéliens s’enhardir de plus en plus. Ils ont bloqué les entrées de synagogues et de centres communautaires juifs, piégeant les fidèles à l’intérieur pendant des heures sans que la police n’intervienne. À l’Université McGill, les manifestants ont bloqué toutes les entrées du pavillon Bronfman simplement parce qu’il porte le nom d’un éminent philanthrope juif qui a contribué à sa construction.

Il y a plusieurs mois, lors d’une manifestation à Montréal, un imam local a appelé à la mort des Juifs, selon son interprétation du Coran. Il a fallu des mois pour que la police réagisse enfin. Heureusement, hier, nous avons vu quelques manifestants se faire arrêter à Montréal, et même à Toronto.

Toutefois, dans l’ensemble, les cris scandant « Mort aux Juifs » continuent à retentir sans conséquence. En tant que Canadien, je suis indigné. Les personnes qui fomentent ce genre de haine doivent subir toute la rigueur de la loi, et nous devons être plus nombreux ici au Parlement à dénoncer de tels actes.

Aucune région du pays n’a été épargnée par la vague de haine visant les Juifs. La police de Vancouver a annoncé une augmentation de 62 % des incidents antisémites en 2023, la police de Toronto a signalé une augmentation de 53 % des crimes haineux en 2023, et l’information dont nous disposons déjà indique que 2024 dépassera largement ces chiffres. Dans un document récent, la police de Montréal a signalé un nombre impressionnant de 39 crimes haineux contre des Juifs, 36 crimes haineux contre des biens juifs et 56 incidents haineux, rien qu’entre le 7 octobre et le 24 janvier. Ce sont les données de la police.

Une recherche rapide sur Internet révèle de nombreux incidents visant les Juifs au cours des six derniers mois dans tout le pays. Selon les médias, les incidents antisémites ont plus que doublé à Halifax, passant de sept en 2022 à 18 en 2023, la plupart s’étant produits après les attaques du 7 octobre. La police de Calgary a signalé 27 incidents antisémites en 2023, contre 15 auparavant, tandis qu’à Edmonton, le nombre d’incidents est passé de 10 en 2022 à 18 en 2023, dont 15 se sont produits, encore une fois, après le 7 octobre.

Chers collègues, nous ne pouvons laisser l’antisémitisme se normaliser et nous ne pouvons laisser les semeurs de haine croire qu’ils peuvent agir en toute impunité. Il est totalement inacceptable que la communauté juive, dont l’histoire remonte à la fondation de notre pays et qui a tant contribué au bien-être et au succès du Canada, ne se sente pas en sécurité dans les rues et les villes de son propre pays.

Nous sommes tombés bien bas depuis le Sommet national sur l’antisémitisme de juillet 2021, qui s’est tenu sous les auspices de l’ancien envoyé spécial du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme. Ce sommet a mené à une injection considérable de fonds pour le bureau de l’envoyé spécial, à de nouveaux fonds pour le Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité, à un engagement à mieux former les fonctionnaires et les forces de l’ordre à reconnaître l’antisémitisme et à y réagir, ainsi qu’à une déclaration ferme du Canada au Forum international de Malmö sur la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme, en octobre 2021.

La situation a clairement empiré depuis. La tenue d’une réunion regroupant des décideurs tels que des agents électoraux à tous les niveaux, des fonctionnaires, des agents d’application de la loi, des éducateurs et des dirigeants communautaires et spirituels, ne peut être que bénéfique, surtout à un moment où nous sommes confrontés à un niveau record d’incidents antisémites. Nous devons réunir tout le monde pour trouver une solution.

Cependant, il y a une limite à ce que cela peut faire si le changement ne vient pas d’en haut. Il faut d’abord que le premier ministre et la ministre des Affaires étrangères mettent fin à leurs politiques visant à diviser la diaspora et à recueillir des votes sur le dos des enjeux identitaires. La motion que mon collègue le sénateur Dalphond et moi avons présentée appuie un mouvement qui prend de l’ampleur d’un océan à l’autre pour demander la tenue d’un deuxième sommet, cette fois sous l’autorité de Deborah Lyons, l’actuelle envoyée spéciale du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme.

Toutefois, pour être honnête, je ne sais pas ce qui me décourage le plus : la conviction que le gouvernement ne respectera pas une telle motion ou le fait qu’il le fera, mais seulement pour pouvoir dire : « Hé, regardez, nous faisons quelque chose. »

Peu importe, j’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer la motion afin d’envoyer un message non seulement au gouvernement pour qu’il prenne au sérieux la montée de l’antisémitisme et la contribution des Juifs, mais aussi aux Canadiens d’origine juive pour leur montrer qu’il y a encore des parlementaires qui croient que l’antisémitisme est mal, odieux et inacceptable. Récemment, un nombre croissant de municipalités ont adopté des motions tendant à exhorter la convocation rapide d’un deuxième sommet national, comme l’ont fait 200 Canadiens dans une lettre ouverte publiée récemment, dont les signataires comprennent des politiciens municipaux et provinciaux, des organismes et des dirigeants communautaires représentant de nombreuses minorités raciales, ainsi que des rabbins et tous les dirigeants religieux du pays.

Je tiens à remercier Marvin Rotrand d’avoir été l’instigateur de ces initiatives. Il est réconfortant de voir des chrétiens, des musulmans et des hindous se rallier à la communauté juive en ces temps difficiles.

Chers collègues, ce que nous avons observé ces derniers mois n’est pas sans rappeler les jours sombres des années 1930. Il s’agit d’un antisémitisme flagrant, souvent accompagné de violence, et cela doit cesser.

En terminant, j’aimerais mentionner que le rabbin Saul Emanuel, président du Conseil de la communauté juive de Montréal, fait partie des signataires de cette lettre ouverte. C’est aussi un de mes amis. Il y a quelques mois, on a tenté à quelques reprises d’incendier l’édifice du conseil. Heureusement, les dommages ont été limités et personne n’a été blessé, mais le rabbin Emanuel a souligné à juste titre que la communauté juive locale avait été — et demeure — traumatisée.

C’est pour des personnes comme le rabbin Emanuel que je demande aujourd’hui au Sénat d’agir. Chers collègues, nous devons prendre la défense de la communauté juive. Nous devons prendre la défense des Canadiens qui croient que nous pouvons vivre en paix, dans la liberté, la démocratie et le respect de la primauté du droit. Je sais que ces valeurs sont chères à chacun d’entre vous.

Chers collègues, je vous demande d’appuyer cette motion et d’indiquer clairement que nous sommes tous solidaires de la communauté juive du Canada.

Merci.

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