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Peuples autochtones

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les effets de la fraude d’identité sur la marginalisation accrue des peuples autochtones--Suite du débat

21 novembre 2024


L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition)

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mon appui à l’étude proposée par la sénatrice McCallum sur l’identité autochtone et les conséquences des fausses revendications de cette identité. Compte tenu de la complexité de l’identité autochtone, de son impact sur les politiques, de la représentation des peuples autochtones et de leurs droits au Canada, on ne saurait trop insister sur l’importance de réaliser cette étude.

En outre, je n’ai jamais autant ressenti la nécessité de cette étude que lors des récents événements entourant l’ancien ministre Randy Boissonnault. Apprendre qu’une personne occupant un poste aussi élevé que celui de ministre du gouvernement fédéral peut prétendre être autochtone pour faire avancer sa carrière et ses affaires personnelles, y compris en tentant d’obtenir frauduleusement des fonds de son propre gouvernement, a parfaitement mis en lumière ce que la sénatrice McCallum a décrit lorsqu’elle a présenté la motion.

La sénatrice McCallum nous a dit ceci :

Jouer à l’Indien est une pratique de plus en plus courante selon laquelle des personnes non autochtones [...] revendiquent de manière particulièrement publique leur identité autochtone, parfois pour en tirer un grand profit financier et pour faire avancer leur carrière.

Il est crucial de comprendre que ces fausses prétentions ont des conséquences bien tangibles. Les personnes qui s’identifient à tort comme étant autochtones peuvent obtenir des avantages qui seraient normalement destinés à ceux qui ont des raisons légitimes de revendiquer le statut d’Autochtone. Ces avantages peuvent prendre la forme d’un financement, comme dans le cas de l’ancien ministre Boissonnault, d’une attestation dans des programmes liés à la formation ou à l’emploi ou d’un rôle dans les discussions sur les politiques publiques où le point de vue des Autochtones est essentiel, comme dans le cas, encore une fois, du député Boissonnault.

En plus de déformer la vérité, revendiquer frauduleusement ou sans motif valable l’identité autochtone perpétue et aggrave les inégalités systémiques. La légitimité des communautés autochtones se trouve amoindrie, et les voix des réels porteurs du patrimoine, de la culture et du vécu autochtones se font entendre moins fort. Les fausses prétentions peuvent déformer la perception qu’a le public de l’identité autochtone, surtout qu’elles viennent de personnes qui occupent des postes de pouvoir ou d’influence. Chers collègues, il ne s’agit pas d’un problème mineur, mais d’un enjeu majeur qui a une incidence sur la représentation, les droits et l’accès aux ressources dont les Autochtones ont longuement été privés.

J’aimerais également attirer votre attention sur une autre chose que la sénatrice McCallum a dite dans son discours. En citant le Groupement des femmes autochtones, elle a dit :

[...] le préjudice le plus insidieux causé par le « fauxtochtonisme » est celui qu’il inflige aux peuples autochtones qui renouent avec leur culture et leur identité.

Elle a poursuivi ainsi :

Les « fauxtochtones » revendiquent de manière perverse la vulnérabilité et la violence vécues par les peuples autochtones et l’utilisent ensuite à leurs propres fins insensibles et égocentriques.

En adoptant cette motion, le comité serait tenu d’examiner les incidences sociales, culturelles et juridiques des fausses revendications de patrimoine autochtone, ce qui constituerait une avancée essentielle pour garantir l’intégrité et l’authenticité de la représentation autochtone dans le discours national.

Je pense que le cas de M. Boissonnault met en évidence la nécessité de prévenir toute revendication de l’identité autochtone ayant pour but d’exploiter ou de marginaliser ceux qui portent depuis longtemps le fardeau de cette marginalisation. Les peuples autochtones du Canada ont subi des siècles de spoliation, d’effacement et de discrimination. Il faut protéger leurs voix, leurs expériences et leurs droits.

Deuxièmement, l’étude est essentielle pour établir des lignes directrices claires et équitables concernant l’identité autochtone. Il existe des critères d’appartenance à de nombreuses communautés autochtones, qu’ils soient définis par l’ascendance, la culture ou les liens familiaux. Cependant, ces critères peuvent parfois être mal compris, mal utilisés ou délibérément manipulés à des fins personnelles. La sénatrice LaBoucane-Benson en a parlé en sa qualité de Métisse dans son intervention sur cette motion :

[...] l’identité métisse n’est pas quelque chose que l’on peut revendiquer simplement en faisant quelques déclarations vagues sur l’existence d’un ancêtre autochtone. C’est plutôt quelque chose de très précis.

Une étude permettrait de clarifier le critère et d’établir des lignes directrices pour identifier les Autochtones d’une manière qui est transparente et conforme aux normes de la communauté autochtone et qui n’est pas fondée uniquement sur l’auto-identification.

Troisièmement, une telle étude nous permettrait d’aborder les scénarios qui cherchent à définir ou à diluer l’identité autochtone à des fins politiques et économiques. En offrant une tribune où tenir des discussions fondées sur des données probantes solides, nous pourrons aller au-delà des stéréotypes et des idées fausses et prendre des mesures vers une véritable réconciliation.

Enfin, nous ne pouvons pas ignorer les considérations éthiques qui accompagnent les revendications identitaires autochtones. Pour de nombreux Autochtones, l’identité n’est pas une simple étiquette ou un symbole. Il s’agit d’une expérience vivante qui est ancrée dans la culture, la communauté, l’histoire et la résistance. Si nous traitons cette identité comme quelque chose qui peut être revendiquée sans conséquence, nous minons les fondements mêmes de la culture autochtone.

Chers collègues, à la lumière des récents événements, je pense qu’il est essentiel que nous commencions cette étude en entendant Randy Boissonnault lui-même, car il est la personne si manifestement au cœur de cette discussion. Son témoignage pourrait nous permettre d’expliquer ses affirmations et leurs répercussions. Comme il a déclaré quitter son poste de ministre afin de se concentrer à faire la lumière sur les troublantes allégations à son encontre, je dirais que nous lui fournirions l’occasion et la plateforme rêvées pour le faire. De plus, inviter M. Boissonnault permettrait de souligner tout le sérieux de cette étude. Cela démontrerait que nous ne cherchons pas simplement à tenir une discussion théorique, mais que nous sommes plutôt déterminés à nous attaquer à des problèmes réels et aux répercussions que ces fausses affirmations ont sur les communautés autochtones.

En conclusion, chers collègues, la demande visant la tenue d’une étude sur l’identité autochtone, qui a été formulée par la sénatrice Mary Jane McCallum, est non seulement opportune, mais aussi essentielle. Les fausses revendications d’identité autochtone, comme celles de Randy Boissonnault, sapent les efforts de ceux qui se battent depuis longtemps pour les droits, la reconnaissance et la justice des Autochtones. L’étude ne vise pas à pointer du doigt des gens en particulier, mais plutôt à garantir l’intégrité et l’authenticité de l’identité autochtone dans le tissu juridique, politique et social du Canada.

En tenant cette étude et en invitant Randy Boissonnault comme premier témoin, nous pouvons entamer un débat indispensable qui aura des répercussions durables sur notre perception de l’identité autochtone au Canada. C’est un débat qui doit être ancré dans le respect, la reddition de comptes et, surtout, la vérité.

Dans ce contexte, je tiens à revenir sur quelque chose qui a été dit à ce sujet hier, au Sénat, dans le cadre d’une réponse que j’ai reçue de la part du gouvernement concernant le cas de M. Boissonnault.

Chers collègues, dans le cas présent, un ministre qui représente le gouvernement a décidé de prétendre être autochtone alors qu’il ne l’est pas. Pendant des jours, voire des semaines, le premier ministre a refusé de le renvoyer pour ce comportement scandaleux, soit de le tenir essentiellement responsable de ses actes, ce qui est son rôle.

Au lieu de congédier quelqu’un qui a fait quelque chose d’aussi gravissime ou de lui demander de démissionner, le premier ministre nous a envoyé hier une déclaration où il écrit avoir accepté que le ministre renonce à ses fonctions pendant un certain temps. Ce n’est tout simplement pas suffisant, chers collègues. La politique ne doit pas s’immiscer dans quelque chose qui entache aussi gravement le tissu social canadien. Vient un moment où, même dans cette institution, il faut se tenir debout. De toute évidence, ce qui s’est passé au cours des derniers jours et des dernières semaines confirme encore plus la nécessité absolue de la motion de la sénatrice McCallum.

Pour être honnête, je suis un peu surpris que nous ne soyons pas plus nombreux à nous indigner de ce qui s’est passé au cours des dernières semaines. Lorsque j’ai posé une question légitime au leader du gouvernement au sujet de M. Boissonnault, il a dit que j’étais en train de racler le fond du panier parce que j’avais également souligné quelque chose que le Parti libéral du Canada a du mal à digérer, à savoir que nous avons actuellement un premier ministre et un chef de parti qui, à diverses reprises dans sa vie, a arboré le « blackface » en prétendant être une personne de couleur alors que ce n’est pas le cas.

Sénateur Gold, je sais que vous levez les yeux au ciel lorsqu’on en parle, mais au bout du compte, c’est la réalité, et ce n’est pas plus acceptable que ce que le ministre Boissonnault a fait au cours des dernières semaines. Il ne suffit pas de dire que les gens ont mal compris les choses ou que c’est une leçon de vie. Lorsqu’on occupe une fonction d’autorité aux plus hautes instances d’un pays, vient un moment où il faut se tenir debout, prendre le taureau par les cornes et exercer son autorité. Si on veut que les choses changent, on doit exiger que les gens répondent de leurs actes. Quand il n’y a pas de véritables conséquences, les choses ne changent jamais. Nous parlons constamment de la réconciliation nationale. Nous parlons de bien faire les choses pour les communautés autochtones, mais concrètement, nous ne faisons jamais ce qui doit être fait.

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