La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement
Projet de loi modificatif--Quinzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international--Suite du débat
3 décembre 2024
Honorables sénateurs, compte tenu du fait qu’aujourd’hui nous avons réalisé d’énormes prouesses en ce qui concerne notre programme législatif et que nous avons une longue route à parcourir au cours des deux prochains jours, je pense que nous devrions tous nous retirer ce soir et réfléchir un peu à l’énorme travail que nous allons accomplir demain et jeudi.
Par conséquent, je propose :
Que la séance soit maintenant levée.
L’honorable sénateur Housakos, avec l’appui de l’honorable sénateur Plett, propose que la séance soit maintenant levée. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les non l’emportent.
Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
Une heure? Il n’y a pas d’entente au sujet de la sonnerie. Par conséquent, la sonnerie retentira, et le vote aura lieu à 22 h 46.
Convoquez les sénateurs.
Reprise du débat sur le quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international sur le projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre). Je vais expliquer pourquoi je pense que l’amendement proposé et adopté par le comité était nécessaire et que cela paraît évident, mais avant, je veux parler de la dissidence.
Avant même que nous commencions l’étude de ce projet de loi en comité et avant que nous commencions la deuxième lecture au Sénat, j’avais reçu des lettres de la part d’agriculteurs qui étaient autant pour que contre ce projet de loi. En tant que sénatrice originaire d’Orillia, en Ontario, je sais que l’agriculture contribue à faire rouler l’économie de la région et je soupçonne que c’est la raison pour laquelle j’ai reçu cette correspondance.
Nous avons également constaté des clivages évidents à l’étape de la deuxième lecture. Les sénateurs se sont exprimés avec passion tant pour que contre ce projet de loi. Une chose m’est apparue clairement dès le début de ces débats : je ne savais pas exactement de quel côté j’allais me ranger. Il y avait deux axes de discussion à l’époque, et ils ont persisté pendant les travaux de notre comité. Le premier portait sur la gestion de l’offre elle-même, ses avantages pour les agriculteurs et les garanties qu’elle apporte à notre sécurité alimentaire. Le second portait sur l’effet du projet de loi sur les négociations, à savoir qu’il entraverait la capacité de nos négociateurs à obtenir le meilleur accord possible pour le Canada dans son ensemble. Comme nous le savons tous, les négociateurs canadiens sont parmi les meilleurs au monde. Le comité l’a certainement reconnu. Normalement, ils ne disposent pas des mêmes leviers que bon nombre de nos partenaires commerciaux — en particulier les États-Unis, notre principal partenaire commercial.
Je vous donne quelques exemples du langage utilisé par les acteurs des secteurs axés sur l’exportation lorsqu’ils se sont présentés devant notre comité.
Michael Harvey, directeur général de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, ou ACCA, a dit : « [...] l’ACCA demande à ce comité de protéger les intérêts économiques de notre pays et recommande de ne pas adopter le projet de loi C-282. »
La deuxième citation provient de Troy Sherman, directeur principal au Conseil canadien du canola :
Nous demandons instamment au Sénat de rejeter le projet de loi C-282, compte tenu du préjudice qu’il causera à la politique commerciale du Canada et des risques qu’il créera pour les secteurs qui dépendent du commerce international, y compris le canola canadien.
Voici une troisième citation :
À cause de ces conséquences imprévues, Tree of Life exhorte respectueusement les sénateurs à s’opposer au projet de loi C-282.
C’est ce qu’a dit Patrick Heffernan, chef de l’exploitation de Tree of Life, une entreprise qui œuvre dans le secteur des aliments naturels.
La quatrième citation exprime le point de vue de Cereals Canada :
Compte tenu des répercussions négatives de ce projet de loi sur l’économie, Cereals Canada demande au comité de ne pas permettre au projet de loi C-282 d’aller de l’avant.
C’est ce qu’a dit Mark Walker, vice-président à Cereals Canada.
Enfin, voici ce qu’a dit Cathy Jo Noble, vice-présidente de l’Association nationale des engraisseurs de bovins :
Nous nous opposons fermement au projet de loi C-282 en raison de l’effet incroyablement négatif qu’il aura sur l’économie et la réputation internationale du Canada.
Chers collègues, ce n’est qu’un bref aperçu de ce que disent, à propos du projet de loi, les secteurs qui ne sont pas soumis à la gestion de l’offre. D’autres organisations ont dit que ce projet de loi ne devait pas être adopté, qu’elles s’y opposaient vivement, qu’il fallait le rejeter, voter contre et l’empêcher d’avancer. Elles ne voulaient pas que nous apportions des amendements au projet de loi, mais que nous le fassions disparaître.
Elles auraient préféré que, dans son rapport, le comité recommande de ne pas laisser avancer le projet de loi à la prochaine étape. Nous ne sommes pas allés aussi loin, de toute évidence, mais nous avons convenu de présenter un rapport contenant un amendement nuancé et important.
Si les sénateurs ont lu les témoignages recueillis par le comité, ils auront remarqué un thème dans mes questions sur les divisions que ce projet de loi a créées dans le milieu agricole. Je parle de divisions « créées » parce que la plupart des secteurs axés sur l’exportation ont dit que ce qui leur pose problème, ce n’est pas la gestion de l’offre comme telle, mais ce projet de loi.
Lors de la deuxième journée de témoignages, j’ai demandé à un groupe d’organisations qui représentaient des secteurs soumis à la gestion de l’offre en quoi ce projet de loi créait d’importantes divisions et ce que nous pouvions faire pour y remédier.
En réponse à cette question, Tim Klompmaker, président des Producteurs de poulet du Canada, a dit : « Je pense qu’il suscite certainement quelques tensions. » Il a cependant ajouté ceci : « Je ne suis pas sûr que la division soit aussi importante que certains sont portés à le croire. »
De plus, en réponse à ma question, Phil Mount, vice-président de l’Union nationale des fermiers, a répondu : « Très souvent, ces désaccords sont absurdes, si vous voulez mon avis. »
Je ne sais pas si c’est de l’aveuglement volontaire, un manque de consultation ou autre chose. Nous sommes au courant de ces divisions depuis la version précédente de ce projet de loi, le projet de loi C-216, qui a été présenté lors de la dernière législature.
Par ailleurs, M. Mount a peut-être dit tout haut ce qu’on pensait tout bas en répondant : « Dans de nombreux cas, nous avons l’impression que ce désaccord est inventé de toutes pièces par des individus qui ont des raisons idéologiques de créer des désaccords. »
À mon avis, cela montre plutôt que les secteurs soumis à la gestion de l’offre veulent le beurre et l’argent du beurre, au lieu de se préoccuper de la position du Canada dans les négociations commerciales pour le bien de l’ensemble du pays, et pas seulement de certains secteurs.
Bien entendu, cela joue en leur faveur. D’ailleurs, en réponse à une question de la sénatrice Coyle, Phil Boyd, directeur général, Éleveurs de dindon du Canada, l’a admis en déclarant : « Oui, nous voulons le beurre et l’argent du beurre [...] » Il souhaite que le Canada protège la gestion de l’offre dans les négociations commerciales et qu’il obtienne les meilleurs accords pour nos secteurs d’exportation également.
Malheureusement, ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent, comme l’ont affirmé tous les experts commerciaux qui ont témoigné devant le comité. Il ne semble pas que les rédacteurs du projet de loi aient consulté les secteurs qui dépendent de l’exportation; autrement, je pense qu’ils le sauraient déjà.
Quand on leur a posé des questions, les témoins qui dépendent du commerce ont déclaré qu’ils s’étaient entretenus avec des experts en commerce pour éclairer leur point de vue et, à mon avis, ils étaient ainsi mieux préparés. C’est pourquoi il était essentiel que le comité invite des experts en commerce et en relations internationales à donner leur avis, y compris d’anciens négociateurs commerciaux en chef.
Il s’agissait d’une omission flagrante de la part de la Chambre des communes pendant l’étude de ce projet de loi et de sa version précédente. Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour en arriver à la conclusion qu’il s’agissait d’un projet de loi qui porte entièrement sur la politique commerciale du Canada et non d’un projet de loi sur la gestion de l’offre. Étant donné qu’il s’agit d’un projet de loi sur le commerce international, j’ai trouvé inquiétant, tout comme d’autres membres du comité, que le comité de la Chambre n’ait entendu aucun témoin des domaines des négociations et des relations internationales.
À mon avis, les études précédentes à la Chambre n’ont apporté que très peu de valeur au projet de loi dont nous sommes saisis et elles ont perpétué les divisions apparentes dans le milieu de l’agroalimentaire et ailleurs.
Le comité de la Chambre aurait eu intérêt à recevoir des témoins pertinents au sujet des relations commerciales et internationales. S’il l’avait fait, le Sénat ne se retrouverait peut-être pas dans cette position. Le projet de loi C-282 n’aurait peut-être pas franchi toutes les étapes qu’il a franchies si le comité de la Chambre avait entendu des témoignages sur le risque fondamental qu’il représente pour les négociations et choisi de recommander que son étude n’aille pas plus loin.
Nous avons une décision difficile à prendre pour remédier aux graves conséquences que ce projet de loi aura sur notre économie fondée sur les exportations.
Je prends un instant pour remercier le comité directeur du Comité des affaires étrangères d’avoir inclus des professionnels du commerce dans notre démarche en vue de mieux comprendre l’incidence qu’aurait le projet de loi C-282. Chers collègues, pour un projet de loi qui suscite autant l’attention, le comité directeur a fait un travail incroyable pour trouver un juste équilibre. Je l’en félicite. Je remercie le sénateur Boehm de son leadership.
Examinons maintenant l’amendement proposé par le sénateur Harder. Comme nous le savons, cet amendement garantit que tout accord commercial déjà en place, devant être renégocié ou en cours de négociation ne sera pas touché par le projet de loi C-282. Les arguments présentés en faveur de cet amendement par des représentants d’industries qui dépendent des exportations et des experts en commerce étaient solides et prouvent qu’il est nécessaire d’appuyer cet amendement.
Aucun des témoins que nous avons entendus n’a dit que les récents accords de libre-échange qui accordent des concessions dans les industries canadiennes assujetties à la gestion de l’offre sont désavantageux pour le Canada, mais nous savons que ces accords peuvent être renégociés.
Dave Carey, vice-président, Relations avec les gouvernements et l’industrie, de la Canadian Canola Growers Association, nous l’a rappelé :
[…] tous les accords de libre-échange font l’objet d’un examen, qu’il s’agisse de l’ACEUM, du PTPGP ou des accords bilatéraux, et [...] de nombreux ALE peuvent être annulés par n’importe quel signataire avec un préavis de six mois.
C’est en grande partie la raison pour laquelle j’ai appuyé l’amendement du sénateur Harder à la séance du comité. Comme vous, je suis particulièrement inquiète à la perspective de la renégociation de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. Comme les États-Unis sont le principal partenaire commercial du Canada, cet accord a des effets existentiels sur les industries exportatrices de notre pays. Il doit être bien négocié, et tous les outils doivent être à la disposition des négociateurs du Canada.
Pour les personnes qui croient que la gestion de l’offre a besoin d’une protection législative et que cela indiquerait clairement aux négociateurs du Canada et à leurs homologues qu’il ne s’agit pas d’un domaine ouvert aux négociations, nous avons entendu le contraire de la part des experts qui ont comparu, des personnes qui négocient des accords commerciaux. Ils disent que, d’une part, c’est un signal d’alarme pour les partenaires avec qui le Canada négocie, qui ne prendront pas le Canada au sérieux, et, d’autre part, cela incitera les partenaires commerciaux du Canada à s’attaquer plus vigoureusement à la gestion de l’offre. Dans le secteur soumis à la gestion de l’offre, on a le sentiment que cela clarifie la situation, mais je doute que l’on comprenne les répercussions à la table des négociations. Pourquoi le feraient-ils? Le but de la gestion de l’offre est l’approvisionnement sur le plan national, et non international.
La renégociation de l’accord qui aura lieu pendant le mandat de la prochaine administration sera difficile pour le Canada, peu importe sous quel angle on l’envisage. Pourquoi ajouter un facteur de risque avec ce projet de loi? Pourquoi lier ainsi les mains des négociateurs? Nous devrions garder nos atouts dans nos manches, comme nous l’avons toujours fait.
Sénateurs, ce projet de loi n’est pas nécessaire pour protéger la gestion de l’offre dans le cadre des négociations. On nous a dit à maintes et maintes reprises qu’une directive de l’exécutif pouvait accomplir la même chose. Le gouvernement a d’ailleurs utilisé pareille directive dans le cadre des négociations entre le Canada et le Royaume-Uni. S’il n’y a pas d’accord, c’est en grande partie en raison de cette directive, mais, grâce à elle, nous n’avons fait aucune concession sur le plan de la gestion de l’offre.
Pourquoi présenter ce projet de loi, et pourquoi maintenant?
Les témoins étaient très fortement opposés à son effet sur les négociations commerciales, mais extrêmement positifs dans les secteurs soumis à la gestion de l’offre. Je vous rappelle encore une fois, sénateurs, que ce projet de loi ne concerne pas la gestion de l’offre et que la gestion de l’offre n’a pas besoin de ce mécanisme pour être protégée. Il est redondant et va à l’encontre des intérêts du Canada. Les gouvernements adoptent depuis longtemps une orientation qui consiste à maintenir la gestion de l’offre.
Avec le projet de loi C-282 dans sa version non amendée, la gestion de l’offre peut être protégée. Or, plus important encore, sans ce projet de loi, la gestion de l’offre peut aussi être protégée.
L’amendement proposé par le sénateur Harder comble le vide qui préoccupait beaucoup d’entre nous depuis le début. Il atténue les risques bien réels posés par le projet de loi C-282 à la table des négociations.
Nous ne nous attendions pas à ce que ce projet de loi prenne un caractère aussi politique. Cependant, nous avons encore un travail à faire. L’amendement proposé constitue une façon raisonnable de traiter le projet de loi et tient compte des échanges en cours entre le Sénat et la Chambre des communes.
Je rappelle aux sénateurs que cet amendement a été adopté au comité par 10 voix contre 3 avec 1 abstention. Les membres du comité qui étaient présents aux audiences et ont entendu les témoignages sur cette question ont voté massivement en faveur de l’amendement, ce qui est révélateur. Je vous demande de tenir compte du processus rigoureux suivi par le comité et, surtout, des témoignages qu’il a entendus. Veuillez suivre les conseils du comité et adopter le rapport tel qu’il est recommandé.
Je vous rappelle encore une fois, chers collègues, qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi sur la gestion de l’offre. Nous devons voir au‑delà de son titre pour comprendre ce qui est vraiment en jeu, à savoir notre économie d’exportation. Cette dernière contribue énormément à notre PIB — environ 33 % —, et nous devons donc assurer sa prospérité pour favoriser la croissance durable de l’ensemble du Canada.
Voici que qu’a dit Grant McLellan, chef de la direction de l’association des éleveurs de bovins de la Saskatchewan, lors de sa comparution devant le comité :
Le projet de loi C-282 ne concerne pas la gestion de l’offre. Nous ne sommes pas ici pour parler de la gestion de l’offre, car le projet de loi C-282, pour l’essentiel, est une mauvaise politique commerciale. C’est franchement dommage que ce projet de loi soit utilisé pour créer une division dans un secteur agricole tellement interconnecté [...] Alors que nous nous dirigeons vers l’examen de l’accord en 2026, nous avons déjà entendu dire que le projet de loi C-282 va créer des tensions inutiles avant même le début des négociations. Les représentants d’États américains et les intervenants de toute l’Amérique du Nord ont exprimé de sérieuses préoccupations quant aux effets du projet de loi C-282 sur nos relations commerciales.
Dans une autre réponse, M. McLellan a dit ce qui suit à propos de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique : « Si tout ce document était jeté à la poubelle, nous parlons de milliards et de milliards de dollars. »
Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres...
Sénatrice Boniface, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous à obtenir plus de temps pour pouvoir terminer votre intervention?
Oui.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Honorables sénateurs, je vous prie d’adopter le rapport dans sa forme actuelle. Merci.