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Le Code criminel

Rejet de la motion d'amendement

10 février 2021


L’honorable Donald Neil Plett [ - ]

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-7, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau à la page 7 par adjonction, après la ligne 28, de ce qui suit :

« 1.1 La même loi est modifiée par adjonction, après l’article 241.2, de ce qui suit :

241.21 (1) Le médecin ou l’infirmier practicien qui fournit des renseignements sur l’aide médicale à mourir à une personne qui est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables se rend coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si les renseignements sur l’aide médicale à mourir sont fournis à la personne à la demande de celle-ci. ».

Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénateur Plett, quelques sénateurs souhaitent vous poser des questions.

L’honorable Frances Lankin [ - ]

Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Plett [ - ]

Oui, j’y répondrai volontiers.

La sénatrice Lankin [ - ]

Merci beaucoup. Je suis favorable aux modifications que vous proposez à ce qui a été considéré par la Chambre des communes. À ce stade-ci, je ne sais pas encore comment je vais voter. J’aimerais soulever une ou deux questions techniques et j’aimerais obtenir une réponse technique.

D’après mes interventions précédentes dans le débat, vous savez sans doute que je m’interroge à bien des égards au sujet des compétences fédérales et provinciales et de l’interaction entre les deux ordres de gouvernement. Dans le cas qui nous occupe, il me semble que les exigences applicables à l’aide médicale à mourir prévues dans les codes d’éthique des ordres professionnels des travailleurs de la santé concernés — les règles d’éthique, les lignes directrices, la mise en œuvre par les provinces —, c’est-à-dire tout ce que vous suggérez, relèvent en fait de la compétence des provinces. Cela dit, je comprends tout à fait pourquoi vous prônez une approche pancanadienne.

L’autre question que je veux vous poser — il s’agit d’une question intéressante, dont j’ai discuté avec d’autres sénateurs lors de séances hybrides et en personne — est la suivante : votre amendement ne revient-il pas à empêcher les médecins, les infirmiers ou les autres intervenants dans le processus de communiquer les options qui en l’occurrence, à la suite d’arrêts de la Cour suprême, constituent en fait des droits individuels? Le projet de loi et les modifications au Code criminel ne touchent-ils pas à la question de l’autonomie individuelle? Ces deux choses me préoccupent. Premièrement, j’aimerais entendre vos observations au sujet des compétences fédérales et provinciales. Deuxièmement, je comprends qu’on veuille éviter la coercition, mais comment est-on censé informer les personnes qui ne sont pas au courant de cette option? C’est tout, merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Malheureusement, la période de 15 minutes est écoulée.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ - ]

Merci, honorables sénateurs. Je n’appuierai pas cet amendement. J’aimerais prendre quelques minutes pour expliquer pourquoi. Je comprends les préoccupations tout à fait légitimes qui motivent l’amendement du sénateur Plett. Je reconnais qu’il y a eu des cas où l’on a offert l’aide médicale à mourir à des personnes handicapées même si elles voulaient être traitées et continuer de vivre, et le comité en a effectivement entendu parler. Je suis conscient également que se faire offrir l’aide médicale à mourir peut amener une personne qui souhaite recevoir tous les traitements disponibles à ne plus faire confiance à son médecin ou infirmier praticien, ou que cela peut nuire à la façon dont cette personne se perçoit, ou même l’amener à vouloir mourir d’une façon qu’elle n’aurait pas envisagée dans d’autres circonstances.

Cependant, cet amendement n’est pas nécessaire pour protéger le patient, et le gouvernement n’estime pas souhaitable d’adopter une disposition législative ou une politique à cette fin. Premièrement, ce n’est pas nécessaire. Les critères d’admissibilité prévus dans la loi protègent la population de manière à éviter que l’aide médicale à mourir soit offerte à une personne qui ne souhaite pas véritablement la recevoir. Selon l’alinéa 241.2(1)e), la personne doit accorder son consentement de manière éclairée, et le personnel médical ou infirmier doit l’aviser qu’elle peut retirer son consentement en tout temps. Par ailleurs, encourager une personne à mourir en se suicidant ou en demandant l’aide médicale à mourir est encore considéré comme un acte criminel, même si le geste est posé par un médecin ou un infirmier praticien. Selon les dispositions législatives actuelles, un médecin ou un infirmier praticien qui offrirait l’aide médicale à mourir à une personne en sachant qu’on l’a poussée à demander cette procédure devrait faire face à des poursuites pénales.

Deuxièmement, comme l’a fait remarquer la sénatrice Lankin dans sa question, la surveillance de la conduite des fournisseurs de soins de santé, y compris s’ils ont fait preuve d’un mauvais jugement clinique ou qu’ils n’ont pas bien traité leurs patients, relève de la compétence législative exclusive des provinces et est du ressort des organismes provinciaux de réglementation professionnelle.

Je veux citer l’une des témoins qui a comparu devant nous. Voici ce qu’a dit Fleur-Ange Lefebvre, directrice générale et chef de la direction de la Fédération des ordres des médecins du Canada :

La FOMC maintient que la question de la liberté de conscience des médecins devrait continuer de relever de la compétence provinciale et territoriale. Nous croyons que la responsabilité d’orienter les médecins dans leurs responsabilités vis-à-vis des patients qui demandent l’AMM, lorsqu’il y a une objection de conscience, devrait toujours incomber à l’ordre auquel le médecin appartient.

Non seulement cet amendement n’est pas nécessaire, honorables collègues, mais il n’est également pas souhaitable, que ce soit comme disposition législative ou comme politique. Tout d’abord, n’oublions pas que l’accès à l’aide médicale à mourir est un droit constitutionnel reconnu par les tribunaux, ancré dans nos droits à l’autonomie personnelle, et que toutes les réponses législatives — fédérales ou provinciales — doivent clairement en tenir compte. À cet égard, nous devons nous rappeler l’obligation qu’ont les professionnels de la santé. Ils ont l’obligation professionnelle d’informer les patients de toutes les options qui s’offrent à eux. Voici ce que nous ont dit certains témoins durant l’étude menée par notre comité.

Tout d’abord, Sylvain Le May, du Service d’accueil et de soutien aux étudiants en situation de handicap à l’Université du Québec à Montréal, a dit ceci, et je cite :

Les personnes en situation de handicap éprouvant une souffrance intolérable ne seront pas mieux servies par la criminalisation de l’aide que les professionnels de la santé pourraient leur apporter pour mettre fin à leurs jours. L’interdiction de cette aide prive ces personnes de la possibilité que leur désir de mort soit pris au sérieux. Écoutez. Que différentes options soient discutées et considérées, y compris l’aide médicale à mourir.

En effet, les soins de vie incluant l’aide médicale à mourir s’inscrivent dans un continuum de soins.

La Dre Chantal Perrot, qui effectue des évaluations et offre l’aide médicale à mourir à Toronto, a témoigné devant le comité. Elle a précisé ce qui suit dans le mémoire qu’elle a alors soumis :

La légalité de l’AMM et le droit à l’AMM sont encore peu connus des Canadiens. Demander aux gens de soulever une question qu’ils ne connaissent pas est ridicule et punitif, et revient à refuser l’AMM à de nombreuses personnes. Les médecins devraient non seulement pouvoir — mais également devoir — informer leurs patients de l’existence de l’AMM légale au Canada et de leur droit à une évaluation, sans craindre d’être accusés d’un acte criminel.

De plus, honorables collègues, l’amendement proposé aurait un effet négatif et paralysant sur les professionnels de la santé. La menace de la responsabilité criminelle potentielle pour avoir donné de l’information pourrait les empêcher de faire ce que leur obligation professionnelle et leurs codes professionnels leur enjoignent de faire. Ainsi, en tenant compte de ces considérations, honorables collègues, l’amendement est une utilisation inappropriée — voire inconstitutionnelle — du pouvoir en matière de droit pénal du Parlement en vertu de la Constitution. Il cible le cœur d’un champ de compétence provinciale exclusive, sans faire valoir une application claire et convaincante du droit pénal. Il ne peut donc être justifié par le pouvoir en matière de droit pénal du Parlement en vertu de l’article 91.27 de la Loi constitutionnelle de 1867.

J’essaie dorénavant d’invoquer la Constitution avec prudence. Je prends très au sérieux ce qu’on dit de nombreux sénateurs dans cette enceinte, à savoir que l’on ne devrait pas se servir de la Constitution comme d’un étouffoir, et c’est ce que j’ai essayé de ne pas faire tout au long de ma carrière au Sénat. Cela dit, même si l’amendement n’est pas clairement inconstitutionnel — et je ne dis pas que c’est le cas —, il s’agit très certainement, selon moi, d’une utilisation inappropriée du droit pénal étant donné que l’amendement relève étroitement du pouvoir législatif provincial.

Pour conclure, l’amendement n’est ni nécessaire ni souhaitable. Je voterai contre. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Avant de passer au prochain sénateur, j’aimerais signaler que de nombreux sénateurs participant à la séance par vidéoconférence ont la main levée. Si c’est pour poser une question à un sénateur concernant une question antérieure, veuillez baisser votre main.

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia [ - ]

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour exprimer mon point de vue au sujet de cet amendement, en tant que médecin de famille dans une collectivité rurale.

Comme nous le savons, le régime d’aide médicale à mourir du Canada a été élaboré à la suite de la décision rendue en 2015 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Carter. Avant cette décision, on considérait que tout professionnel de la santé, y compris les infirmiers praticiens, qui fournissait ou aidait à fournir ce qu’on appelle maintenant l’aide médicale à mourir était coupable d’un acte criminel passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 14 ans.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui fait suite à une deuxième décision judiciaire qui a invalidé d’une part la notion de mort naturelle raisonnablement prévisible comme critère d’admissibilité dans le Code criminel, et, d’autre part, l’exigence que le demandeur de l’aide médicale à mourir soit en fin de vie comme critère d’admissibilité prévu dans la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec. Encore une fois, le tribunal a conclu que ces critères violaient l’article 7 de la Charte.

La Charte vise à protéger les droits les plus fondamentaux et essentiels de tous les Canadiens. Nos tribunaux ont constamment statué qu’en raison de la Charte, on ne peut empêcher les Canadiens de se prévaloir de l’aide médicale à mourir. Il importe de rappeler que le débat d’aujourd’hui se déroule dans ce contexte.

Honorables collègues, d’après mon expérience à titre de médecin de famille, la libre circulation de l’information est essentielle à la relation qu’un médecin bâtit au fil du temps avec ses patients. Les patients comptent sur leur médecin pour avoir la formation, le jugement professionnel et l’intégrité voulus pour leur fournir tous les renseignements disponibles. Mes patients me faisaient confiance pour leur offrir le meilleur éventail d’options de traitement possible en fonction de leurs circonstances uniques. Ma pratique était avant tout axée sur le patient.

La réalité, aussi simple et aussi dévastatrice soit-elle, c’est qu’il existe des circonstances où le patient souffre tellement qu’il peut arriver que l’accès à des soins en vue de mettre un terme paisiblement à sa vie, comme il l’entend, s’avère la seule solution parmi tous les choix déchirants qui s’offrent à lui. Il n’est pas question de coercition ni de persuasion. L’offre d’une aide médicale à mourir fait partie intégrante de ma pratique quotidienne.

D’un point de vue clinique, le patient qui demande l’aide médicale à mourir a probablement un éventail de facteurs qui nuit à sa capacité de bien s’informer. Cette personne est probablement âgée, souffre certainement de problèmes de santé graves et irrémédiables risquant fort de lui causer fréquemment une douleur considérable. Ses problèmes de santé nuisent probablement, du moins dans une certaine mesure, à sa capacité d’exécuter des activités du quotidien. De plus, cette personne prend probablement des médicaments pouvant entraîner des effets secondaires.

Dans de telles circonstances, demander aux patients de trouver eux-mêmes de l’information au sujet de l’aide médicale à mourir et de déterminer quelles sources sont fiables ou non peut largement dépasser les capacités de bon nombre d’entre eux.

Les Canadiens des régions rurales et éloignées risquent d’être confrontés à des obstacles plus importants que leurs concitoyens des zones urbaines, car leur accès à Internet, à des ressources, à des services de soutien et à des soins uniformes est généralement plus limité.

Si cet amendement est adopté, les fournisseurs de soins médicaux du patient seront incapables de maintenir une relation fondée sur la libre circulation de l’information et leur jugement professionnel. Le médecin ou l’infirmer praticien du patient risquerait la prison simplement pour avoir fourni de l’information au sujet d’une procédure à laquelle les Canadiens doivent avoir accès, selon un jugement de la Cour suprême.

Comme je l’ai indiqué dans mon discours à l’étape de la troisième lecture, nous devons veiller à ce que les médecins et les infirmiers praticiens disposent d’un moyen pratique et viable de traiter pleinement les souffrances ou la douleur intolérables de leurs patients à l’aide de différentes options, dont l’aide médicale à mourir n’est qu’une — je dis bien une — des options possibles.

À Terre-Neuve-et-Labrador, les autorités régionales de la santé jouent un rôle prépondérant dans la coordination de l’aide médicale à mourir, ce qui inclut le soutien aux patients et aux fournisseurs de soins ayant besoin d’aide pour s’y retrouver. Quant aux médecins qui n’appuient pas l’aide médicale à mourir, ils doivent aiguiller leurs patients vers les ressources appropriées.

Honorables sénateurs, la communication de renseignements à un patient est un élément essentiel de tout traitement médical approuvé par les organismes de réglementation de la profession médicale et elle est essentielle pour garantir que les Canadiens puissent accéder aux soins qu’ils méritent. Les médecins et les infirmiers praticiens doivent être libres de fournir des informations appropriées et fiables sans crainte de sanctions.

C’est pourquoi je m’oppose à l’amendement. Merci. Meegwetch.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole pour m’opposer à la motion, mais dans une optique légèrement différente. Le sénateur Ravalia est médecin; je vais m’exprimer en fonction de mon expérience antérieure où j’ai été appelé à lire et à interpréter de nombreuses dispositions du Code criminel. Je remercie le sénateur Plett de m’avoir donné l’occasion de me replonger dans mon ancienne vie.

J’ai le libellé entre les mains. L’amendement dont nous sommes saisis deviendrait le nouvel article 241.21, qui est composé de deux paragraphes. Le premier énonce le principe et le deuxième prévoit l’exception à l’infraction créée dans le premier paragraphe.

Lisons le premier paragraphe : « Le médecin ou l’infirmier praticien qui fournit des renseignements [...] se rend coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. »

Quels sont les éléments de l’infraction? Tout d’abord, vous devez être un médecin ou un infirmier praticien. Ces deux expressions sont définies à l’article 241.1 dans la section du Code criminel qui porte sur l’aide médicale à mourir. Qui est un médecin? C’est un médecin autorisé « par le droit d’une province à exercer la médecine ». Qui est un infirmier praticien? Voici la définition :

« Infirmier agréé qui, en vertu du droit d’une province, peut [...] à titre d’infirmier praticien [...] poser des diagnostics [...] prescrire des substances [...] »

Ces dispositions ciblent les deux groupes de personnes que je viens de mentionner. Par contre, elles ne concernent pas les psychologues, les infirmières auxiliaires, ni le personnel hospitalier responsable des patients au quotidien et qui les aident notamment à aller à la toilette, à prendre un bain ou une douche et à s’alimenter. Ainsi, ces dispositions n’ont qu’une portée très limitée.

J’ai réfléchi à l’histoire de Roger Foley dont a parlé le sénateur Plett, et j’ai pris connaissance dans la presse des deux conversations enregistrées par M. Foley. Aucun des deux hommes enregistrés par M. Foley n’est médecin ou infirmier. L’un d’eux travaille fort probablement comme comptable à l’hôpital en question, car il a averti M. Foley que si ce dernier demeurait hospitalisé, on lui ferait payer 1 800 $ par jour. À mon avis, ce n’est pas le genre de propos qu’un membre du personnel infirmier aurait tenu. Je suppose donc que cet employé fait partie de l’administration de l’hôpital. Cet homme a également dit à M. Foley que s’il ne voulait pas payer ce montant quotidien de 1 800 $, il devrait peut-être envisager d’autres options, y compris l’aide médicale à mourir. Ce membre du personnel administratif de l’hôpital ne serait pas visé par les dispositions du projet de loi dont il est question aujourd’hui.

Il s’agit du premier volet des principes que l’on nous propose.

Le deuxième volet est que quiconque est reconnu coupable sera puni sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Vous vous souviendrez qu’il y a environ un an et demi, nous avons modifié le Code criminel pour changer la peine imposée pour les infractions punissables par procédure sommaire, sauf dans lorsqu’une peine précise est mentionnée. Dans le cas qui nous occupe, aucune peine n’est précisée, et c’est donc la règle générale qui s’applique : une peine maximale de deux ans d’emprisonnement, une amende de 5 000 $, ou les deux peines.

Si l’une des personnes ciblées, un médecin ou un infirmier praticien, était reconnue coupable, elle serait reconnue coupable d’une infraction criminelle. Comme vous le savez, un médecin reconnu coupable d’une infraction criminelle devra faire face à une procédure disciplinaire et il sera très probablement radié.

Ce qui est proposé ici, c’est grosso modo la peine capitale pour les médecins.

Examinons maintenant le deuxième paragraphe : « Le paragraphe (1) ne s’applique pas si les renseignements [...] sont fournis à la personne à la demande de celle-ci. » On parle de « la personne », mais il faut que ce soit un patient parce qu’il s’agit d’une relation de nature médicale. Par conséquent, l’exception à l’infraction s’applique quand c’est le patient qui demande l’information.

Prenons l’exemple d’un patient dans un centre de soins palliatifs qui sait que sa mort approche. Il se trouve dans ce centre parce que, malheureusement, sa mort est imminente. Imaginons que ce patient éprouve des souffrances insupportables. Il n’en peut plus. Une fois par jour ou par semaine, un médecin vient dans sa chambre pour lui parler. Le patient dit au médecin : « Je n’en peux plus. Je suis ici depuis déjà une semaine ou deux. Je sais que je suis au seuil de la mort. Je n’en peux plus. Pouvez-vous faire quelque chose jusqu’à ce que Dieu vienne me chercher? »

Pour répondre à cette question, le médecin peut seulement dire ceci : « Eh bien, monsieur Dalphond, étant donné que vous éprouvez des souffrances insupportables, nous pouvons notamment vous offrir une sédation palliative continue. Ainsi, vous tomberez dans une sorte de coma. Vous ne souffrirez plus parce que vous ne sentirez plus la douleur. » Toutefois, il ne peut pas en dire davantage. Il ne peut pas dire : « Eh bien, il existe une autre option. La sédation palliative continue vous plongera dans le coma, mais l’aide médicale à mourir pourrait mettre fin à vos souffrances pendant que vous êtes conscient. »

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Je suis désolée, sénateur Dalphond, mais votre temps de parole est écoulé.

L’honorable Salma Ataullahjan [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-7 et de l’amendement proposé par le sénateur Plett, qui a pour but de garantir que toute conversation sur l’aide médicale à mourir soit toujours à l’initiative du patient.

Mon soutien s’explique par la simple raison suivante : personne ne devrait recommander l’aide médicale à mourir à autrui. Cet amendement veillerait à ce que seul le patient puisse amorcer la conversation sur l’aide médicale à mourir, et ce n’est qu’à ce moment qu’il serait possible de discuter de cette procédure de fin de vie.

Le Comité sénatorial des affaires juridiques a entendu un grand nombre de témoins qui appuient les conversations à l’initiative du patient. Chers collègues, nous avons entendu l’histoire de Roger Foley, et le sénateur Dalphond en a également fait mention. Malheureusement et tristement, nous avons entendu de nombreuses histoires similaires qui mettent en évidence les lacunes de notre système de soins de santé. Si nous ne remédions pas à ces lacunes, je crains que l’aide médicale à mourir ne devienne une solution de rechange commode aux soins de santé inadéquats.

Le Comité des affaires juridiques a été mis au courant d’une réalité très préoccupante qui s’ajoute aux retards dans notre système de soins de santé : la discrimination fondée sur la capacité physique. Une tendance de plus en plus répandue vers l’idéologie de la discrimination fondée sur la capacité physique a contribué à l’élargissement de l’aide médicale à mourir. La discrimination fondée sur la capacité physique est devenue si omniprésente dans notre société que beaucoup de personnes ne se rendent même pas compte qu’elles y participent ou que ce problème existe. Par conséquent, ce type de discrimination demeure bien ancré dans notre structure sociale. Nous devons la reconnaître et faire tout notre possible pour l’enrayer.

Si nous sommes déterminés à faciliter l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible, alors le moins que nous puissions faire serait de mettre en place des mesures pour interdire aux principaux fournisseurs de soins de santé et aux professionnels de la santé d’aborder les premiers le sujet.

La volonté de vivre est profondément ancrée en chacun d’entre nous. Pendant nos moments de faiblesse, nous nous fions aux conseils de nos proches et des fournisseurs de soins primaires. Nous comptons aussi sur les professionnels de la santé pour améliorer notre qualité de vie et notre longévité.

Bien qu’un patient passe peu de temps avec un médecin à discuter de son état de santé, l’écart entre le pouvoir du patient et celui du médecin est considérable. Ce déséquilibre peut amener un patient à prendre des décisions involontaires, surtout pendant des moments de faiblesse.

Le déséquilibre de pouvoir entre médecin et patient restreint l’autonomie du patient. Il convient d’ajouter que les médecins diffèrent les uns des autres. Nous avons entendu des patients expliquer qu’on les avait poussés à choisir l’aide médicale à mourir alors qu’il restait encore des options médicales à explorer.

De plus, il ne faudrait pas tenir pour acquis que tous les professionnels de la santé respectent les normes éthiques et morales comme ils sont censés le faire. Si nous avons à cœur de prévenir, ou à tout le moins de réduire les erreurs et les abus tout en protégeant l’autonomie des personnes les plus vulnérables, l’amendement proposé est tout indiqué. Merci.

L’honorable Marie-Françoise Mégie [ - ]

Honorables sénateurs, je me lève aujourd’hui pour m’opposer à l’amendement proposé par l’honorable sénateur Plett. Voter pour cet amendement serait un recul considérable pour notre société. Pourquoi vouloir criminaliser les professionnels de la santé alors que leurs pratiques sont déjà encadrées par des lois fédérales et provinciales? Il existe des codes de déontologie pour nos professions respectives enchâssées dans les lois provinciales. Il est clairement énoncé dans le Code de déontologie du Collège des médecins du Québec, à l’article 14, que :

Le médecin doit favoriser les mesures d’éducation et d’information dans le domaine où il exerce.

Dans le Code de déontologie de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, à l’article 40, il est indiqué ceci, et je cite :

L’infirmière ou l’infirmier doit fournir à son client toutes les explications nécessaires à la compréhension des soins, traitements ou autres services professionnels qu’il lui prodigue.

On n’offre pas l’aide médicale à mourir. C’est une demande provenant du patient. Ce dernier doit donc être bien informé. Je souligne que le droit des patients à décider de façon libre et éclairée inclut le droit de recevoir des informations justes et compréhensibles concernant leur état de santé.

J’espère faire comprendre en cette Chambre que nous devons bien peser les conséquences d’enchâsser des infractions criminelles à l’encontre des médecins et des soignants dans le cadre de leur pratique. Le stress que vivent les professionnels est déjà assez important pour que nous n’ajoutions pas l’épée de Damoclès au-dessus de la tête des membres du corps médical et infirmier. C’est inutile et néfaste à la libre pratique de la médecine dans notre pays.

Nous devons conserver la confiance sacrée dans la relation qu’entretiennent les soignants avec leurs soignés, surtout lorsqu’il s’agit d’obtenir un consentement libre, informé et éclairé sur un sujet aussi irrémédiable que l’aide médicale à mourir. Cet amendement pourrait mettre en danger cette nécessaire confiance et ajouter un stress indu aux personnes admissibles et à leurs proches. Le Code de déontologie du Collège des médecins du Québec stipule à l’article 18, et je cite :

Le médecin doit chercher à établir et à maintenir avec son patient une relation de confiance mutuelle et s’abstenir d’exercer sa profession d’une façon impersonnelle.

De son côté, le Code de déontologie de l’OIIQ, soit l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, stipule à l’article 28, et je cite :

L’infirmière ou l’infirmier doit chercher à établir et maintenir une relation de confiance avec son client.

Les professionnels doivent toujours agir dignement dans leurs fonctions. Je peux respecter que mon honorable collègue s’oppose, pour des raisons qui lui sont siennes, à toute pratique d’aide médicale à mourir. Cependant, je ne puis l’appuyer dans sa tentative de criminaliser indûment nos professionnels de la santé. Pour conclure, je partage cette histoire que j’ai lue avec intérêt qui s’intitule « Un pasteur utilise l’aide médicale pour mourir ». Vous la trouverez sur le site Web de l’organisme Canadian Mennonite. Quand ce pasteur avait fait une demande d’AMM, le personnel médical de l’hôpital lui avait suggéré d’arrêter de manger. Le pasteur a ensuite été informé qu’il était admissible à l’AMM et que c’était une option légale pour lui. Il a donc demandé son transfert dans un autre hôpital qui acceptait de la lui prodiguer.

Qu’est-ce qui est mieux à votre avis? Un médecin qui suggère au patient de mourir de faim ou celui qui donne des explications sur l’aide médicale à mourir à un patient? Lequel de ces deux professionnels devrait être reconnu coupable d’infraction? Je laisse cette question à votre réflexion. J’espère, chers collègues, que vous allez rejeter cet amendement. Merci.

L’honorable Mary Jane McCallum [ - ]

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet de l’amendement que le sénateur Plett propose d’apporter au projet de loi C-7. Je m’inquiète, moi aussi, de la tournure que prend le débat. Il ne progresse pas dans la direction que souhaitent les Premières Nations et la communauté des personnes handicapées.

J’ai travaillé dans les réserves en tant que professionnelle de la santé pendant plus de 30 ans. En janvier 2021, je suis allée dans la réserve d’où je viens pour y fournir des services dentaires. En cours de route, j’ai parlé de l’aide médicale à mourir avec beaucoup d’infirmières et de médecins. Bon nombre d’entre eux n’avaient pas entendu parler du projet de loi à l’étude ni du projet de loi C-14.

Dans ce contexte, comme les sénateurs pourraient-ils évaluer le travail d’évaluation des capacités qui sera nécessaire? Comment pourraient-ils l’évaluer au nom des professionnels de la santé? Il ne nous incombe pas, honorables sénateurs, de décider de cela par nous-mêmes. C’est une décision qui doit être prise par les professionnels de la santé. De plus, ce n’est pas uniquement aux professionnels de la santé que les gens demandent conseil. Ils ont accès à des renseignements sur Internet et d’autres sources douteuses. Nous plaçons les professionnels de la santé et les patients dans une position très précaire sans leur consentement en connaissance de cause.

On a déjà dit qu’il est difficile d’assurer l’accès à un nombre approprié de professionnels de la santé, notamment des médecins et des infirmières. Quand on examine les mesures de sauvegarde, on constate qu’il est difficile d’assurer que les Premières Nations dans les communautés éloignées aient accès à un seul médecin, et encore moins deux. Les médecins et les infirmières praticiennes visitent les communautés pendant deux jours chaque deux semaines. De plus, ils font une rotation. Les infirmières sont les principales professionnelles de la santé et elles font une rotation d’une communauté à l’autre dans différentes régions du Canada, dans le cadre de différents contrats.

Pour pouvoir discuter avec un patient de l’aide médicale à mourir, le fournisseur de soins de santé doit établir un lien de confiance avec lui. De plus, le fournisseur doit comprendre le contexte historique de l’oppression. La relation de confiance prend des années à établir, ce qui est particulièrement vrai dans les communautés autochtones. Le professionnel de la santé doit connaître la langue du patient. Or, bon nombre d’entre eux ne la parlent pas. Dans le cadre du système actuel, c’est impossible. Beaucoup de patients ne savent pas écrire, et je ne parle même pas de comprendre pleinement les nuances des concepts liées à l’aide médicale à mourir.

L’éthique est un domaine que la loi ne peut pas réglementer. On en a ou on n’en a pas. Ce n’est pas une chose que l’on propose en disant : « Désormais, nous allons respecter l’éthique. » Lorsque j’étais gestionnaire, j’ai vu des professionnels de la santé prendre des libertés avec le code de conduite de leur profession. Par ailleurs, des travaux de recherche montrent que la surveillance exercée par les organismes de réglementation auprès des groupes en autoréglementation est inadéquate.

Les obligations professionnelles ne sont pas toujours respectées, d’autant plus que beaucoup de médecins se font dire de donner des rendez-vous de 10 minutes et de voir leurs patients seulement quatre fois par année. Telle est la réalité de nos jours dans les communautés autochtones. Je le sais, car j’ai soulevé la question auprès des hôpitaux. Encore une fois, nous nous butons au fossé créé par le problème de chevauchement de compétences que connaissent les Autochtones en raison d’autres lois adoptées par le Sénat. En l’occurrence, les patients et les professionnels de la santé sont placés dans une situation sans issue.

Des personnes ont communiqué avec nous, et leur voix mérite d’être entendue. Un médecin m’a écrit cette semaine :

Nous consacrons beaucoup de temps et d’énergie à la prévention du suicide. J’ai pourtant l’impression qu’on envoie un drôle de message aux Canadiens handicapés et en fin de vie : « Nous aussi, nous pensons que votre vie ne vaut pas d’être vécue, alors si vous souhaitez vous tuer, nous ne vous en empêcherons pas. Nous allons même vous y aider. » Qu’est-ce qui rend le droit à l’aide médicale à mourir assez important pour que l’on contraigne les médecins à aller contre leur conscience et contre leur gré pour la proposer à leurs patients? Si au moins nous mettions autant d’énergie à assurer un accès universel aux soins palliatifs ou aux services en santé mentale. La plupart des gens qui choisissent l’aide médicale à mourir ne le font pas parce qu’on est incapable de contrôler adéquatement leur douleur, mais parce qu’ils craignent de perdre leur autonomie et parce qu’ils ne peuvent plus pratiquer les activités qui leur procurent du plaisir sous prétexte qu’ils ont perdu leur dignité et qu’ils constituent un fardeau pour leur famille.

Or, il s’agit d’abord et avant tout de problèmes d’ordre mental, et ce n’est pas en aidant une personne à se suicider qu’on les réglera. Ces craintes accablantes peuvent être atténuées en accompagnant le patient, en faisant valoir ses droits, en l’encourageant et en l’aidant à voir les choses autrement. Je vous invite à consulter les recherches d’Harvey Chochinov sur la dignité dans les soins, car elles portent aussi là-dessus.

En général, les personnes qui disent vouloir mourir appellent en réalité à l’aide, et leur désespoir est temporaire. Si nous assouplissons les mesures de sauvegarde et les critères d’admissibilité, nous devrons dire adieu à trop de patients qui, avec un peu de soutien, auraient pu continuer à mener une vie bien remplie. Malheureusement, l’aide médicale à mourir ne touche pas seulement la personne qui la reçoit, elle bouleverse aussi la vie de ses proches, de ses amis et de son entourage.

Je sais que ce n’est pas facile, mais je vous en implore : cessez d’élargir les critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir et d’assouplir les mesures de sauvegarde déjà en vigueur. Je sais qu’en m’exprimant ainsi, je parle au nom de bon nombre de mes patients, amis et proches. Je vous remercie.

Honorables sénateurs, c’est en tant que médecin et formateur de médecins que je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’amendement proposé. J’aimerais d’abord préciser que je m’oppose respectueusement à l’amendement.

À mon avis, cet amendement va à l’encontre de l’aspect le plus fondamental de la prestation des soins de santé, c’est-à-dire le caractère sacré et confidentiel des communications entre la personne qui souffre et qui veut être soignée et la personne qui lui offre ces soins. Cette relation repose sur le respect, la compassion et la confiance. Non seulement il serait imprudent de s’ingérer dans cette relation en l’assujettissant à des dispositions pénales, mais on risquerait aussi de nuire aux rapports entretenus avec les Canadiens qui sont aux prises avec des souffrances intolérables. On ne devrait pas s’ingérer dans cette relation en adoptant une modification au Code criminel qui menace d’imposer une peine d’emprisonnement de deux ans moins un jour aux cliniciens qui ne se plient pas à ses exigences.

Le terme « patient » désigne une personne qui souffre. Le rôle du fournisseur de soins par rapport à la souffrance a toujours inclus et continue de comprendre tout ce qui vise à réconforter le patient et à l’informer des remèdes à sa disposition tout en respectant son autonomie.

Cela ne veut pas dire que le clinicien doive imposer ses propres valeurs. Cela ne veut pas dire non plus que le clinicien doive inciter ou forcer le patient à accepter une solution qu’il ne souhaite pas. Cela veut dire, en revanche, que le clinicien ne doit pas omettre d’informer le patient à propos de l’éventail de solutions pouvant être envisagées pour soulager la souffrance.

Il revient au clinicien de discuter des avantages et des inconvénients de chacune des solutions possibles avec son patient. En outre, le clinicien doit reconnaître et accepter la souffrance du patient, et comprendre qu’il ne s’agit pas de son expérience personnelle et qu’il ne lui appartient pas de la juger, de l’invalider ou de la nier.

Lorsque la souffrance du patient devient intolérable et que le patient en a informé le clinicien, il revient alors au clinicien d’informer respectueusement son patient des options qui pourraient être envisagées pour soulager cette souffrance. Au Canada, en 2021, ces options pourraient inclure l’aide médicale à mourir. C’est le principe des soins axés sur le patient. Ce principe entre en contradiction directe avec les pratiques usuelles fondées sur le paternalisme, dans le cadre desquelles le clinicien sait ce qui convient le mieux au patient et les valeurs du clinicien définissent ce qui convient le mieux, même si le patient ne partage pas les mêmes valeurs.

Sur le plan pratique, cet amendement nuirait aux patients qui éprouvent des souffrances intolérables et qui ne savent pas que l’aide médicale à mourir est disponible. Soyons bien clairs : il s’agit de donner l’information à propos de l’aide médicale à mourir, ce qui ne signifie pas que ces patients la choisiront ou la recevront.

Nous savons que le rapport de force entre un patient et un médecin est déséquilibré. Un médecin ne devrait jamais tenter de contraindre un patient d’accepter une intervention qui n’est pas acceptable, mais il ne devrait pas non plus cacher de l’information sous prétexte qu’il n’est pas en faveur d’une intervention. Il ne revient pas au médecin de déterminer les options qui doivent être envisagées par le patient. Le médecin est tenu de fournir l’information nécessaire pour permettre au patient de faire ce choix.

Le déséquilibre du rapport de force peut avoir une grande portée. En plus des patients qui éprouvent des souffrances intolérables, mais qui ne sont pas au courant de l’aide médicale à mourir, il y a ceux qui pourraient avoir l’impression qu’ils seront abandonnés, stigmatisés ou jugés par leur médecin s’ils lui posent des questions sur une procédure qu’il désapprouve. Cette situation aura pour conséquence de les priver de l’exercice de leur droit d’envisager l’aide médicale à mourir comme une option.

À cause de cet amendement, un médecin respectant le droit constitutionnel de son patient de recevoir de son prestataire de soins de santé de confiance des renseignements qu’il pourrait prendre en compte dans sa propre prise de décision pourrait être reconnu coupable d’une infraction par procédure sommaire. On ne parle pas là du clinicien qui fournirait l’aide médicale à mourir, mais de celui qui respecte le droit d’un patient à l’information.

Cet amendement pourrait s’avérer être un fardeau lourd et inutile pour le clinicien. Quand considère-t-on que la demande a été faite? En matière de responsabilité criminelle, l’exception s’applique-t-elle seulement quand le patient demande explicitement des renseignements sur l’aide médicale à mourir? Et si le patient explique qu’il souffre atrocement et aimerait savoir s’il n’y aurait pas quelque chose à faire, dont son médecin et lui n’auraient pas encore parlé, pour améliorer la situation, que se passe-t-il?

En bref, cet amendement fait planer le spectre d’une peine de prison pour les prestataires de soins pratiquant de manière éthique et bouleverse la pratique contemporaine des soins centrés sur le patient. Il encourage une vision paternaliste du type « je sais ce qui est bon pour vous ». Ce faisant, il nie aux personnes souffrant de manière intolérable leur droit à l’égalité d’accès à des mesures légitimes et légalement reconnues qu’elles pourraient envisager si elles le souhaitaient.

Ne mettons pas les patients dans une position où ils sont obligés d’accepter, pour leur bien, ce qui leur est dit ou d’accepter d’être laissés dans le noir à propos de certaines choses. Votez contre cet amendement.

Merci, meegwetch.

L’honorable Renée Dupuis [ - ]

Honorables sénateurs, j’aimerais vous faire part des raisons pour lesquelles je voterai contre cet amendement. Il me semble que la façon dont l’amendement est rédigé est trop large. « Fournir des renseignements », c’est beaucoup trop vague. Quand on parle de « fournir des renseignements sur l’aide médicale à mourir à une personne affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables » ou de « fournir des renseignements à une personne... », on ne précise pas dans quel contexte on fournirait ces renseignements. Par exemple, dans une résidence pour personnes âgées, il y a un groupe communautaire de résidants qui organise des séances d’information au sujet de l’aide médicale à mourir. Serait-il possible qu’il y ait, dans l’assistance, des personnes souffrant potentiellement de problèmes de santé graves et irrémédiables? Peut-être n’éprouvent-elles pas de souffrances intolérables, par ailleurs. Je pense que c’est un amendement qui est beaucoup trop vague. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un contexte de droit criminel; c’est un amendement qui risque de court-circuiter l’effort réel fourni par les collèges des médecins de chaque province afin de faire respecter des normes d’éthique.

Je terminerai en disant que le rapport de pouvoir entre le patient et le médecin existe; il y a réellement un rapport de pouvoir. Il a évolué, et espérons qu’il continuera d’évoluer. Toutefois, comme patient, on s’attend aujourd’hui à ce qu’un médecin, à défaut de pouvoir nous guérir, nous informe de l’ensemble des moyens raisonnables qui existent pour soulager nos souffrances. Je crois qu’on ne peut pas présumer que les patients connaissent toute l’étendue ou le détail de ces moyens. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénatrice Miville-Dechêne, je vois que votre main virtuelle est levée; est-ce pour débattre de l’amendement?

L’honorable Julie Miville-Dechêne [ - ]

Je voulais revenir sur une partie de l’amendement présentée dans le discours du sénateur Plett. Je crois qu’il a fait référence à la loi de Victoria, en Australie, sur l’aide médicale à mourir. Or, il nous a dit que cette loi — et il avait raison sur ce point — interdisait au médecin d’amorcer la conversation sur l’aide médicale à mourir.

Toutefois, tout comme la sénatrice Dupuis, je tiens à faire les nuances qui s’imposent sur ce que prévoit la loi. Je vais donc citer un extrait de la loi de Victoria. Donc, le fait qu’un médecin parle d’aide médicale à mourir en premier lieu à son patient :

[...] doit être considéré comme un comportement non professionnel au sens et aux termes de la Health Practitioner Regulation National Law.

Or, cette loi ne se retrouve certainement pas dans le Code criminel, mais est plutôt l’équivalent d’une réglementation professionnelle qui figurerait dans une loi provinciale au Canada, si on fait la transposition.

Je voudrais terminer en disant que, comme d’autres, j’ai beaucoup de difficulté à comprendre qu’un médecin puisse amorcer cette conversation. Je comprends que les circonstances peuvent varier et, à mon avis, il est difficile de faire la lumière sur ce genre de conversation privée, et surtout de criminaliser ce genre de conduite. Cependant, pour moi, il est difficile de comprendre qu’un médecin puisse amorcer cette conversation; cela doit se produire seulement dans de très, très rares cas. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion d’amendement veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

À mon avis, les non l’emportent.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

La sonnerie retentira pendant 15 minutes. Le vote aura lieu à 16 h 11.

Convoquez les sénateurs.

L’honorable Fabian Manning [ - ]

Votre Honneur, j’aimerais prendre un instant pour expliquer mon vote.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Allez-y, sénateur Manning.

Le sénateur Manning [ - ]

J’ai décidé de m’abstenir de voter comme je l’ai fait lors des votes précédents. Je ne crois pas à l’aide médicale à mourir, un point, c’est tout. J’ai de sérieuses réserves à cet égard, et c’est pourquoi je me suis abstenu de voter. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Merci. Nous reprenons le débat.

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