Le Code criminel
Deuxième lecture--Ajournement du débat
6 octobre 2022
Propose que le projet de loi S-251, Loi abrogeant l’article 43 du Code criminel (appel à l’action numéro 6 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui dans cette enceinte, située sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe, en tant que représentant de la province de la Nouvelle-Écosse, située au Mi’kma’ki, pour m’exprimer à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-251, Loi abrogeant l’article 43 du Code criminel (appel à l’action numéro 6 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada).
D’abord, j’aimerais souligner que ce projet de loi visant à mettre en œuvre l’appel à l’action no 6 de la Commission de vérité et réconciliation n’est qu’un petit pas, mais un pas nécessaire, vers la réconciliation ou, comme l’a dit plus éloquemment le sénateur Christmas, la réconciliACTION.
Je signale également que je ne considère pas cette abrogation comme étant une panacée qui mettra fin à toute la violence contre les enfants. J’aimerais sincèrement qu’une telle panacée existe. Cela dit, l’abrogation de l’article 43, qui, à l’heure actuelle, protège les parents qui utilisent le châtiment corporel pour éduquer leur enfant, représentera un premier pas dans cette importante démarche au Canada. Je crois que tous les sénateurs souhaiteraient que la violence contre les enfants cesse complètement. Nous pouvons contribuer modestement à l’atteinte de cet objectif en appuyant l’adoption rapide du projet de loi S-251 au Sénat.
Honorables sénateurs, le châtiment physique s’entend de « l’utilisation de la force pour infliger de la douleur ou du désagrément dans le but de corriger ou de modifier un comportement ». Comme je vais vous l’expliquer aujourd’hui, le châtiment physique n’est ni nécessaire ni utile pour guider et discipliner les jeunes.
En effet, l’appel à l’action numéro 6 de la Commission de vérité et réconciliation est étayé par des preuves scientifiques incontestables, par conséquent, allons de l’avant pour faire de cette recommandation une réalité.
Le journaliste Carl DeGurse a récemment écrit un article pour le Winnipeg Free Press sur les questions relatives à ce que certains appellent la « violence corrective » ou les « punitions correctives » et l’éducation des enfants. Il nous rappelle à quel point il est difficile d’être parent, et je peux dire, d’après mon expérience personnelle, qu’il a tout à fait raison et que ceux qui donnent la fessée ou frappent autrement leurs enfants ne sont pas méchants ou n’agissent pas par cruauté. Ils ont peut-être assimilé cette technique d’éducation par le biais de leurs propres expériences ou en l’ayant vue pratiquée dans leur entourage.
Je vais expliquer aujourd’hui qu’il existe de bien meilleures façons d’encadrer les enfants et de leur inculquer la discipline, des façons qui contribuent à leur bonne santé physique et mentale sans risquer de leur faire du tort. Ces réprimandes peuvent être fermes et complètes. Ces techniques ne reposent toutefois pas sur la violence ou d’autres formes de punitions corporelles. Nous savons également aujourd’hui que la fessée et d’autres formes de violence contre les enfants ont souvent l’effet inverse de celui recherché par les parents. Qui plus est, nous savons maintenant que ce qui est appelé « violence corrective » ou « punition corrective » cause en fait du tort.
En abrogeant cet article du Code criminel — qui offre une protection aux personnes qui ont recours à la violence comme un outil éducatif — et en faisant la promotion à l’échelle du pays de mesures de soutien pour les parents fondées sur des données probantes, nous pouvons protéger les enfants contre la violence, en plus d’aider les parents canadiens à apprendre et à appliquer des pratiques éducatives efficaces et beaucoup moins dommageables.
Je pense aussi que l’abrogation de l’article 43 est une étape nécessaire de notre évolution vers le type de société que nous aspirons à devenir : une société qui offre des milieux sûrs aux prochaines générations pour leur permettre de grandir et de s’épanouir, qui cherche à reconnaître et à corriger les torts historiques, qui accorde une place prioritaire au bien-être des enfants, qui défend ceux qui n’ont pas encore la capacité de le faire eux-mêmes et qui a évolué de façon à ce que ses pratiques éducatives passent des punitions corporelles aux conseils et à la discipline positive.
L’adoption de ce projet de loi permettra au Canada de respecter son engagement à respecter la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies — que notre pays a ratifiée en 1991 — et de mettre en œuvre les 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Le projet de loi donne également suite aux nombreux rapports qui ont demandé l’abrogation de cet article au cours des dernières décennies, y compris le rapport de 2007 du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, qui demandait cette abrogation d’ici 2009. Honorables sénateurs, 13 ans se sont écoulés depuis.
Je vous rappelle ce que dit l’article 43 du Code criminel du Canada :
Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.
Cette disposition a fait l’objet d’une contestation en vertu de la Charte en 2004. À l’époque, l’arrêt de la Cour suprême — une décision partagée à six contre trois qui a donné lieu à une grande confusion dans le public sur le sens de « ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances » — comprenait une série de lignes directrices à suivre en ce qui concerne les coups portés aux enfants. Ces lignes directrices soulignaient que les enseignants pouvaient raisonnablement recourir à la force pour faire sortir un enfant de la classe, imposaient une tranche d’âge de 2 à 12 ans dans laquelle les coups étaient autorisés et interdisaient de frapper un enfant présentant un handicap cognitif, de frapper avec un outil, de frapper un enfant sur la tête et de frapper sous l’effet de la colère.
Il est intéressant de noter que la Cour n’a fait aucune mention particulière des intervenants du domaine des services sociaux — tels que les travailleurs sociaux, les travailleurs des services à l’enfance, les agents correctionnels, les agents de police, les pédopsychiatres et les psychologues, et bien d’autres encore — qui doivent, jour après jour, gérer des jeunes aux comportements parmi les plus difficiles et les plus perturbateurs. Ces intervenants ne semblent pas pouvoir bénéficier de la protection offerte par l’article 43.
Un jour, alors que je parlais de cet arrêt avec un juriste, il m’a lancé cette raillerie : « Joyeux anniversaire. Maintenant que tu as deux ans, nous pouvons te frapper. » Une autre personne a résumé ainsi l’esprit de l’arrêt :
Il n’y a pas de mal à frapper un enfant, tant que la violence est préméditée et que rien de plus gros qu’un poing n’est utilisé.
Par ailleurs, l’article 43 n’offre que peu de protection additionnelle, voire aucune, qui n’existerait pas déjà dans le Code criminel, comme les dispositions utilisées pour se défendre lorsqu’on est accusé de voies de fait.
L’article 43 est un anachronisme, un vestige archaïque de lois rédigées en 1892 qui autorisaient le recours à la punition corporelle contre les employés, les épouses et les enfants. Tout cela est chose du passé aujourd’hui. Les employeurs qui frappent leurs employés et les maris qui frappent leur épouse ne sont plus protégés par la loi, mais le Code criminel permet toujours qu’on lève la main sur des enfants.
Chers collègues, nous sommes nombreux à le savoir, ce n’est pas la première fois que le Sénat est saisi d’un projet de loi qui vise à corriger cette situation. La dernière fois que nous avons débattu d’un projet de loi semblable, c’était en 2017. À l’époque, le projet de loi avait franchi l’étape de la deuxième lecture et le comité devait l’étudier lorsque le Parlement a été prorogé. Vous vous souviendrez que le dernier sénateur à se faire le champion de l’abrogation de l’article 43 a été l’honorable Murray Sinclair, qui a été président de la Commission de vérité et réconciliation. Il avait repris le flambeau des mains de l’ancienne sénatrice Hervieux‑Payette, qui avait présenté ce projet de loi huit fois. J’ai le privilège de poursuivre leur travail.
Pour donner plus de contexte, plusieurs versions du projet de loi S-251 ont été présentées à la Chambre des communes et au Sénat depuis 1989. En fait, c’est la 18e fois que ce projet de loi est présenté. J’ai bon espoir que nous pourrons enfin franchir les étapes subséquentes. Je crois qu’il est de bon augure que le chiffre 18 soit un symbole de chance dans la tradition juive, étant par ailleurs le synonyme du mot chai, qui signifie « vie ». Je crois que c’est un heureux hasard. Dans cette enceinte, nous avons la possibilité de promouvoir une meilleure chai pour nos enfants en abrogeant l’article 43 du Code criminel à la 18e tentative pour y arriver.
Comme beaucoup d’entre vous le savent, des discours mûrement réfléchis ont été prononcés dans cette enceinte au sujet de l’abrogation de l’article 43, mais il s’est écoulé cinq années depuis notre dernier débat sur la question, en 2017. Dans l’intervalle, la société canadienne a considérablement évolué. Je vous invite à réfléchir à tout ce que nous avons appris sur les séquelles des pensionnats autochtones depuis. Aujourd’hui, nous en savons tellement plus sur les effets dévastateurs des coups infligés aux enfants, notamment sur leur développement et leur santé, y compris leur santé mentale. Nous savons maintenant que les techniques parentales qui incluent des châtiments corporels ne sont plus acceptables dans la société canadienne, même au sein de certaines organisations qui les toléraient ou en faisaient la promotion dans les décennies précédentes.
En termes simples, dans un Canada moderne et équitable, il ne devrait pas exister de protection juridique spéciale pour les gens qui frappent un enfant. Il existe déjà des recours judiciaires contre les agressions. Pourquoi ceux-ci ne s’appliqueraient-ils pas aussi aux enfants? Pourquoi faudrait-il que les enfants soient moins protégés contre la violence que tout autre groupe de Canadiens?
Beaucoup de Canadiens se posent ces mêmes questions et militent pour l’abrogation de l’article 43. Des groupes de la société civile, comme UNICEF Canada, Corinne’s Quest, le Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes, et plus de 650 organisations et éminents Canadiens appuient actuellement la Déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents et implorent le gouvernement fédéral d’abroger l’article 43.
Dernièrement, neuf organismes nationaux de services aux enfants, dont la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et la Ligue pour le bien-être de l’enfance du Canada, ont présenté des arguments exhaustifs pour l’abrogation. Le texte se trouve sur le site Web du Centre hospitalier pour enfants de l’Est de l’Ontario, le CHEO. Il traite d’enjeux comme les droits des enfants, la protection contre les agressions, les données probantes montrant que la violence faite aux enfants est liée à des méfaits personnels et sociétaux durables, l’évolution des attitudes canadiennes à l’égard des punitions corporelles, les développements à l’échelle internationale et les contextes juridiques.
Je vais aborder ce qui s’est produit depuis la tenue des derniers débats sur la question, il y a cinq ans. Premièrement, je parlerai du droit des enfants à ne pas être frappés ou, pour l’exprimer de manière plus poignante, le droit des enfants à ne pas être agressés. Rappelons la définition du terme « agression » au Canada, aux termes de l’article 265.1 du Code criminel : se livre à une agression quiconque d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement.
Lorsque l’on utilise le terme « châtiment corporel » ou « mesures disciplinaires », on utilise peut-être un euphémisme qui signifie « agression ». Comparativement au reste du monde, le Canada tire de l’arrière en matière de protection des droits de l’enfant et des engagements pris en vue de réduire la violence envers les enfants.
En 1979, la Suède a ouvert la voie proscrivant le châtiment corporel de l’éducation des enfants en toutes circonstances. Depuis, 62 autres pays ont adopté des lois faisant de même, dont 11 pays depuis la dernière fois que le Sénat a débattu d’un projet de loi pour abroger l’article 43. Cela comprend le Népal, la France, l’Afrique du Sud, le Japon, la République de Corée et la Colombie.
Aujourd’hui, nous avons eu le privilège d’accueillir au Sénat Jillian van Turnhout, sénatrice de la République d’Irlande, qui a joué un rôle important pour amener l’Irlande à se joindre aux autres pays qui ont interdit les châtiments corporels infligés à des enfants. Cela s’est passé en 2015.
Nous devrions avoir honte que notre pays n’ait pas rempli ses engagements internationaux visant à mettre fin à la violence envers les enfants. Le Canada a signé et ratifié la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, qui dit ceci, à l’article 19 :
Les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié.
Depuis qu’il a ratifié cette convention, en 1991, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a évalué les progrès du Canada à maintes reprises, et il vient de le faire cette année aux fins des cinquième et sixième rapports combinés. À chaque évaluation, on a soulevé l’absence de mesures en matière de droits de l’enfant de la part du Canada, et nombre de ces rapports recommandent d’abroger l’article 43.
De plus, en 2015, le Canada s’est engagé à soutenir le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies. Dans ce document, l’objectif 16.2 réclame de mettre fin à toute forme de violence contre les enfants. En 2018, le Canada a signé en tant que pays pionnier le Partenariat mondial pour mettre fin à la violence envers les enfants. Le Canada signe des accords internationaux pour prévenir la violence contre les enfants et il dit ce qu’il faut, mais quelles mesures prend-il? L’objectif des pays pionniers consiste à faire figure de chefs de file dans la prévention de la violence envers les enfants. Comment le Canada peut-il faire partie de ce groupe si nous permettons encore que nos enfants soient frappés?
Il faut nous demander ce qu’il faudra pour que nous abrogions l’article 43, que le rapport de la Commission de vérité et réconciliation décrit comme « des reliques d’un passé révolu qui n’ont plus leur place dans les écoles et les foyers canadiens ». L’appel à l’action no 6 dit simplement : « Nous demandons au gouvernement du Canada d’abroger l’article 43 du Code criminel du Canada. »
Cet appel à l’action se trouve à la section du rapport consacrée à l’éducation, ce qui démontre les conséquences majeures et durables qu’ont entraînées les établissements d’enseignement sur les peuples autochtones. Le legs honteux des pensionnats a eu des conséquences négatives importantes sur les communautés et les familles autochtones pendant des décennies.
De nombreux parlementaires de toutes allégeances ont pris la parole dans cette enceinte et à l’autre endroit pour condamner ce qui s’est passé dans les pensionnats et pour présenter des excuses. Beaucoup se sont engagés à soutenir la mise en application des 94 appels à l’action.
Le premier ministre Harper a pris la parole à la Chambre des communes le 11 juin 2008 afin de présenter des excuses au nom du Canada pour le rôle de ce dernier dans la création des pensionnats autochtones. Il a indiqué qu’on mettrait en place de nouvelles solutions juridiques pour s’attaquer aux répercussions de ces pensionnats et établir « une nouvelle relation » entre les peuples autochtones et les autres Canadiens.
Après avoir reçu le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation en 2015, le premier ministre Trudeau a fait référence aux excuses présentées par le gouvernement précédent et a ajouté ceci :
Nous allons, en partenariat avec les communautés autochtones, les provinces, les territoires et d’autres partenaires essentiels, mettre intégralement en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation […]
D’autres dirigeants fédéraux comme Tom Mulcair, Elizabeth May, Yves-François Blanchet et Jagmeet Singh ont souligné l’importance des appels à l’action et la nécessité de les mettre en œuvre. L’ancien chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, a réclamé un plan pour donner suite à tous les appels à l’action et a dit ceci:
Nous allons progresser dans la mise en œuvre des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation parce que c’est un enjeu très important qui devrait transcender la politique.
Certains ont réclamé plus que des excuses. Comme l’a dit l’ancien député Romeo Saganash : « Des excuses, une fois exprimées, ne valent que les gestes qui les suivent. »
Prenons ces paroles à cœur, honorables sénateurs. Nous pouvons abroger l’article 43.
En lui-même, ce legs peu reluisant justifie que le Sénat procède à l’abrogation. À mon avis, répondre à cet appel à l’action de la Commission de vérité et réconciliation est une raison suffisante pour que les parlementaires procèdent rapidement à l’adoption du projet de loi. Il y a cependant d’autres éléments à prendre en compte pour justifier l’abrogation et ces éléments soutiennent l’appel à l’action de la commission.
Honorables sénateurs, les impacts négatifs à long terme des punitions corporelles données aux enfants sont démontrés par des données probantes. Des centaines d’études menées dans divers pays depuis des décennies ont montré que les punitions corporelles représentent une menace pour la santé mentale et physique des enfants et qu’elles mènent à une dégradation du comportement de ces derniers avec le temps. En outre, chose très importante, aucune recherche n’indique que les punitions corporelles, peu importe le type, ont un effet bénéfique pour l’enfant ou qu’elles améliorent les résultats en santé physique et mentale.
Ces données appuient un changement de mentalité et de comportement en ce qui concerne les punitions corporelles comparable à la transformation sociale qui s’est opérée à la lumière des données relatives aux avantages du port de la ceinture de sécurité ou aux impacts de la fumée secondaire. La perception de la société concernant ces enjeux avait atteint un point de bascule et nous avons agi. Je crois que c’est aussi le cas en ce qui concerne les punitions corporelles données aux enfants et nous avons le pouvoir d’agir.
D’ailleurs, une étude récente montrait les impacts négatifs des punitions corporelles sur le développement du cerveau de l’enfant. Les enfants qui se font taper réagissent de façon exagérée aux menaces qu’ils perçoivent et c’est ce qui explique le lien qu’on établit entre les punitions corporelles et l’augmentation du nombre d’agressions par les enfants. Ceux qui reçoivent des coups finissent par en donner aux autres.
Les données probantes compilées depuis 2015 démontrent désormais clairement que ce que l’on appelait autrefois la « force corrective légère » a également des effets négatifs considérables sur les enfants. En 2016, les chercheurs Gershoff et Grogan-Kaylor ont réalisé une méta-analyse exhaustive de 75 études scientifiques relatives aux fessées ne causant pas de blessures physiques et destinées à sanctionner le mauvais comportement d’un enfant. Ce type de punition est conforme aux directives de la décision de la Cour suprême de 2004. Un tel usage de la force ne laisse pas de marque, ne touche pas la tête ou la zone autour de la tête et n’est pas infligé à l’aide d’un instrument. Il s’agit du type d’agression que l’on appelle familièrement la fessée. Gershoff et Grogan-Kaylor ont montré que, dans l’ensemble, la fessée entraîne plus d’agressivité, plus de problèmes de santé mentale, des relations plus difficiles avec les parents et une diminution des capacités cognitives. Dans leur conclusion, ils déclarent :
[...] il n’y a aucune preuve que la fessée est bénéfique pour les enfants et tout indique qu’elle risque de leur nuire.
Plus récemment, en 2021, la revue médicale The Lancet a publié une analyse de 69 études longitudinales prospectives sur la fessée des enfants et ses effets sur le comportement. Certains ont fait valoir, à l’appui de la fessée, qu’il s’agit d’un problème du type de « l’œuf ou la poule », c’est-à-dire que nous ne savons pas si la fessée provoque le mauvais comportement de l’enfant ou si le mauvais comportement pousse les parents à donner la fessée. Il s’agit d’une question importante. L’étude de 2021 visait à aborder cette question de front. On a analysé des études dans le cadre desquelles on a suivi des enfants sur une longue période pour voir si la fessée permettait de prédire des changements dans leur comportement, en tenant compte, bien sûr, de leurs comportements problématiques antérieurs. Les chercheurs ont constaté que la fessée est un facteur systématiquement associé à l’aggravation des problèmes de comportement de l’enfant au fil du temps et que ce lien est nettement établi quelles que soient les caractéristiques de l’enfant et des parents. Ils en ont conclu que la fessée est préjudiciable au développement et au bien-être des enfants.
Certains ont fait valoir que les données contre le recours à la fessée ne sont pas suffisamment probantes parce qu’on ne peut démontrer avec certitude que la fessée est la cause de toutes ces conséquences négatives. Il est vrai que les preuves expérimentales, qui constituent le fondement de la science, sont difficiles à obtenir en ce qui concerne la fessée, car nos comités d’éthique ne permettent pas de réaliser des expériences dans lesquelles les enfants sont désignés au hasard pour être battus.
Cependant, de nombreux chercheurs ont utilisé des méthodes statistiques quasi expérimentales pour obtenir des résultats dont la fiabilité était la plus proche possible de celle de résultats expérimentaux. Des études distinctes employant ces méthodes et portant sur des données recueillies en Colombie, au Japon et aux États-Unis en sont toutes parvenues à la conclusion qu’après avoir été statistiquement associés en fonction de leurs caractéristiques démographiques, familiales et individuelles, les enfants qui reçoivent la fessée se comportent moins bien et obtiennent de moins bons résultats aux tests cognitifs que les enfants qui ne reçoivent pas de fessée. Ces études apportent la preuve solide que la fessée a des effets négatifs sur les enfants.
Un autre argument avancé est que le fait d’étreindre un enfant après une fessée réduit tout méfait potentiel. Les recherches ont effectivement permis de conclure à maintes reprises qu’il est bon pour le développement des enfants de leur manifester de l’amour et de la chaleur. Cependant, cet amour et cette chaleur ne suffisent pas à contrecarrer les méfaits de la fessée. Les recherches ont montré que la fessée est liée à l’augmentation de l’agressivité des enfants au fil du temps, peu importe à quel point les parents sont chaleureux envers leurs enfants.
Chers collègues, il n’existe pas de données de recherche solides qui montrent que les châtiments corporels légers sont un moyen efficace d’améliorer le comportement ou qu’ils sont, de quelque manière que ce soit, systématiquement bénéfiques pour les enfants. En revanche, de nombreuses études montrent que les enfants qui se font frapper sont plus susceptibles de devenir agressifs et de développer des problèmes de santé mentale. Bref, la fessée rend le travail des parents plus difficile, et non plus facile.
Au cours de mes recherches, j’ai également entendu certains arguments selon lesquels la Bible approuve le châtiment corporel des enfants. En tant que fils d’un pasteur presbytérien et pratiquant de longue date, j’estime que ce n’est pas le cas. Y a-t-il un passage dans la Bible où les paroles de Jésus-Christ encouragent les parents à frapper leurs enfants? Non. C’est tout le contraire. Jésus-Christ a reconnu la responsabilité d’un parent d’élever son enfant de façon charitable et prévenante, et cela n’inclut pas le fait de frapper les enfants.
Dans la Bible autorisée, au chapitre 11, verset 11, de l’Évangile selon saint Luc, on peut lire :
Quel est le père parmi vous si son fils lui demande du pain, lui donnera une pierre? [O]u s’il lui demande un poisson, lui donnera-t-il à la place d’un poisson un serpent?
Au chapitre 10, verset 15, de l’Évangile selon saint Marc, on peut lire :
En vérité, je vous dis : [q]uiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n’y entrera pas.
Voici ce qu’on peut lire au chapitre 19, verset 14, de l’Évangile selon saint Matthieu :
Mais Jésus dit : [« ]Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi; car le royaume du ciel est pour ceux qui leur ressemblent.[ »]
Est-ce qu’il est ici question de la fessée selon vous?
Est-ce qu’il y a des passages de la Bible qui ont été interprétés comme des encouragements à frapper les enfants? Oui, principalement dans l’Ancien Testament, en particulier le Livre des Proverbes.
Avant de traiter de cette question, je veux être clair : le Livre des Proverbes n’est pas un manuel d’éducation des enfants.
Le chapitre 13, verset 24, du Livre des Proverbes va comme suit :
Celui qui épargne son bâton hait son fils, mais celui qui l’aime se hâte à le discipliner.
C’est ce qui a servi de base au dicton que bon nombre de personnes attribuent à la Bibile, « Qui aime bien châtie bien ». Eh bien cette phrase ne figure pas dans la Bible. Elle a été écrite par un certain Samuel Butler, un poète du XVIIe siècle, et figure dans un poème intitulé Hudibras, dans lequel une histoire d’amour est comparée à un enfant, et où la fessée est indiquée, par dérision, comme une façon de faire croître l’amour. Les vers sont les suivants :
Quel autre remède peut guérir les accès
Des amants qui perdent leurs esprits?
L’amour est un garçon guidé par les poètes;
Alors qui aime bien châtie bien.
Mais si on décortique même ce verset dans le Livre des Proverbes, est-ce que cela signifie vraiment que le parent utilise à mauvais escient un bâton pour battre un enfant? Pas du tout. Au contraire, dans la Bible, le bâton n’est pas un instrument de châtiment corporel. Le berger l’utilise pour guider, protéger et compter ses moutons.
Rappelez-vous l’image du bâton dans le verset 4 du psaume 23 :
Oui même si je marche par la vallée de l’ombre de la mort [...] tu es avec moi; ton bâton et ta houlette me réconfortent.
« Châtie bien » ne veut pas dire battre l’enfant. Au contraire, c’est la responsabilité du parent de guider, de discipliner et de protéger. Dans la Bible, le bâton est un instrument qui sert à guider, à discipliner et à protéger. Il ne sert pas à frapper. « Châtier » ne signifie pas obligatoirement frapper. Cela signifie corriger.
De nombreux commentateurs de la Bible et organisations parentales chrétiennes appuient cette perspective. D’autres non. Le bâton est une métaphore pour conseils et discipline. Ce n’est pas une directive pour frapper un enfant. Il est possible de discipliner un enfant sans lui donner la fessée.
Thomas Haller, un expert en parentalité et en relations chrétiennes, dit qu’un enfant peut être traité avec « grâce, intégrité et amour ».
Les législateurs, comme nous, devraient jouer un rôle dans l’abandon des pratiques éducatives qui encouragent les parents à frapper leurs enfants. Nous pouvons abolir la protection spéciale qui est accordée par l’article 43 aux gens qui frappent les enfants.
J’insiste sur cet aspect crucial : nous pouvons soutenir la transmission des connaissances sur les meilleures méthodes d’intervention, fondées sur les données probantes, pour aider les parents et tout autre adulte à adopter des façons différentes et non violentes pour discipliner et guider les enfants de manière efficace. Nous avons ces connaissances maintenant, et nous en savons bien plus sur le sujet qu’il y a cinq ans. Nous pouvons redresser ce tort maintenant.
Sénateurs, il est temps de mettre en œuvre l’appel à l’action no 6. Cela fait presque 10 ans depuis que le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation a été présenté. Procurer un environnement sûr et sécuritaire où les enfants peuvent grandir et s’épanouir est ce que nous souhaitons tous. Cela doit s’appliquer au foyer, mais aussi partout ailleurs. Nous avons de multiples outils dans notre trousse d’orientation des enfants, et nous pouvons les utiliser pour améliorer la vie et les perspectives d’avenir de tous les enfants de notre merveilleux pays. Abroger l’article 43 est un ajout essentiel et nécessaire à notre trousse à outils.
Je vous demande tous d’unir vos efforts pour que nous puissions renvoyer rapidement cette mesure législative au comité, qui l’étudiera en profondeur. Nous devons honorer les engagements que nous avons pris, en tant que pays, de protéger les droits de nos enfants et de faire avancer le processus de réconciliation.
Il est important de mener ce projet de loi à bien pour pouvoir dire, une fois de plus, que le Sénat du Canada pose des gestes concrets pour aider les enfants de notre pays à grandir en sécurité et à s’épanouir.
Je conclus aujourd’hui sur ces paroles de Marvin Bernstein, défenseur des enfants et de la jeunesse à l’Île-du-Prince-Édouard :
[...] nous devons tous prendre position et déclarer avec conviction qu’il est inacceptable de frapper un enfant en toutes circonstances. Il faut protéger le corps fragile et le cœur tendre de nos concitoyens les plus vulnérables.
Meegwetch. Wela’lioq. Merci.
Si le sénateur Kutcher accepte de répondre à une question, j’en aurais une à lui poser.
Je promets d’y répondre.
En fait, je ne sais pas au juste ce que vous avez répondu, car votre micro n’était pas allumé. Si je parle fort de temps en temps, ce n’est pas à dessein, mais plutôt parce que je suis un peu dur d’oreille. Puisque vous souriez, je présume que vous acceptez de répondre à une question. Je vous vois lever les deux pouces.
Sénateur Kutcher, avant de poser ma question, je dirai que le fait que, comme vous l’avez mentionné, l’on ait fait 17 tentatives au cours de multiples législatures — sous divers gouvernements — indique peut-être que l’idée ne suscite pas autant d’intérêt que l’affirment certains.
La Cour suprême du Canada s’est penchée sur la question de savoir si l’article 43 est constitutionnel et conforme à la Charte canadienne des droits et libertés. Je cite :
Le châtiment corporel ne peut pas être utilisé à l’égard d’un enfant en raison de la colère éprouvée ou en représailles pour quelque chose qu’il a fait.
Les objets, comme les ceintures ou les règles, ne doivent jamais être utilisés contre un enfant, et un enfant ne doit jamais être frappé ou giflé au visage ou à la tête.
Tout recours à la force contre un enfant ne peut être dégradant, inhumain ou entraîner un préjudice ou la perspective d’un préjudice.
La Cour suprême ajoute :
La gravité de l’inconduite de l’enfant n’est pas pertinente pour décider si la force utilisée était raisonnable. La force utilisée doit être légère, peu importe ce que l’enfant a fait.
Et enfin :
Les parents/gardiens ne peuvent utiliser qu’une force (ou un châtiment corporel) légère ou ayant un « effet transitoire ou insignifiant ».
À plusieurs reprises, Sénateur Kutcher, vous avez au moins laissé entendre que toute forme de châtiment corporel constitue un abus. À la lumière de ces lignes directrices, en quoi le fait d’utiliser la force pour saisir un enfant qui pique une crise et l’installer dans un siège de voiture, ou le fait de prendre un enfant de 5 ans qui pique une crise parce qu’il ne veut pas aller à l’école, de le saisir de force, et de l’installer sur le siège arrière d’une voiture pour l’emmener à l’école, sont-ils considérés, à votre avis, comme des abus physiques? Cela fait partie de l’éducation des enfants.
Merci beaucoup de votre question, sénateur Plett. Comme vous, j’ai des problèmes d’ouïe, mais je n’ai pas eu de problème à vous entendre.
Vous posez une question très importante et qui tracasse constamment les gens dans le cadre de ce débat. Quelles sont les limites acceptables à votre interaction avec vos enfants lorsqu’ils se comportent mal ou ont des difficultés? C’est une question fondamentale et tous les parents ici présents ont déjà été aux prises avec celle-ci. Je le sais bien. Je suis moi-même aux prises avec cette question.
Je me souviens très bien de l’époque où j’étais interne à l’Hôpital pour enfants malades de Toronto. Ma femme et notre fils de 2 ans, à l’époque, sont venus me voir parce que je faisais des gardes de 48 heures. Nous étions là, dans la rotonde de l’hôpital pour enfants le plus prestigieux du monde, et notre fils a décidé de piquer une crise. J’étais assis là, dans ma blouse blanche de pédiatre, aux côtés d’un enfant qui piquait une crise, et tout le monde me regardait en se demandant quel genre de parent j’étais. Nous avons simplement attendu que ça passe.
Vous savez, comme beaucoup d’entre nous ici, je n’ai pas été à l’abri des punitions corporelles dans mon enfance. Nous avons été nombreux à en recevoir. Permettez-moi de vous dire, sénateur Plett, que personne ne voudrait recevoir certaines des punitions que j’ai subies. Comme probablement bon nombre d’entre nous, je me suis juré que je ne ferais pas la même chose si jamais j’avais des enfants. Ceux parmi nous qui ont la chance d’avoir des petits-enfants souhaitent tous qu’ils grandissent sans être frappés à tout bout de champ. C’est ce que ce projet de loi tente de régler.
Merci beaucoup de votre question.
Je vais seulement poser une autre question, parce que je ne veux pas que cela devienne un débat. Je vais probablement prendre la parole sur le projet de loi, comme je l’ai fait par le passé. D’ailleurs, j’ai déjà été porte-parole pour une autre version de ce projet de loi.
Encore une fois, je suis tout à fait d’accord pour qu’on laisse l’enfant faire sa crise, et cela a fonctionné pour vous. Cependant, nous n’avez pas parlé de ce qu’on fait si la crise s’éternise. Je conviens tout à fait qu’il serait formidable de pouvoir élever un enfant sans jamais avoir à employer la force. Vous avez raison de dire qu’on a peut-être eu recours à des moyens qui n’auraient pas dû être employés pour vous discipliner. Des méthodes qui sont illégales depuis des années ont été utilisées à mon endroit, et de la part non pas de mon père, mais de mes enseignants. Je ne sais pas pourquoi. Je pensais être un élève modèle, mais certains enseignants n’étaient pas de cet avis. J’ai eu un professeur d’éducation physique qui m’a tenu en place sur une chaise pendant que le directeur me battait sans retenue avec une ceinture de cuir.
Cela ne m’a pas empêché de devenir sénateur, même s’il m’arrive parfois de m’emporter. C’est peut-être à cause de cette raclée, mais je ne le pense pas.
Alors que j’étais le porte-parole au sujet d’un projet de loi similaire, ma petite-fille, qui avait 13 ou 14 ans à l’époque, a écrit une lettre au Sénat pour lui dire qu’elle appuyait une forme de fessée si les enfants ne se comportaient pas bien. Ce ne sont pas tous les enfants qui s’y opposent. Je ne pense pas qu’elle avait déjà reçu la fessée. En fait, je ne le sais pas, c’était peut-être le cas. Enfin, elle pensait que c’était acceptable.
Encore une fois, dans votre réponse à ma question, vous avez fait référence aux cas extrêmes. C’est ce qui me pose problème dans ce débat. Nous parlons toujours des cas extrêmes pour illustrer le recours à la force. Une tape sur les fesses n’est pas un recours à la force; elle peut être utilisée pour dire à la personne de s’enlever du chemin.
Lorsque nous parlons du projet de loi, il nous faut aborder ce qui est légal en ce moment. Le type d’agression qui a été soulevé par beaucoup d’intervenants — dont vous — est illégal depuis des années, comme je viens de le lire. Je suis désolé : je n’ai pas posé de question finalement. Je vais m’arrêter ici. Vous pouvez nous faire part de vos observations. Je prendrai la parole à ce sujet plus tard.
Merci beaucoup. Je pense que les membres de cette assemblée pourraient être choqués de constater que le Sénateur Plett et moi partageons beaucoup de points communs concernant notre enfance.
J’ai toujours — comme beaucoup d’entre vous l’ont peut-être remarqué — un déficit d’attention assez sévère et un trouble de l’apprentissage. J’ai toujours été assis au siège d’honneur dans la salle de classe, sénateur Plett, c’est-à-dire juste à côté du bureau de l’enseignant, où je pouvais être traité avec la méthode médicale de l’époque, qui était le mètre étalon. C’était fréquent. Lorsque je recevais plus de quatre ou cinq interventions par jour, je devais aussi me rendre dans le bureau du directeur pour subir un autre traitement — et je pense que ma contracture de Dupuytren vient de là. Mais je ne parle pas de cela.
La recherche nous montre également qu’une correction légère, comme la fessée dont vous parliez, a un sérieux effet négatif sur les enfants. La Cour suprême ne le savait pas en 2004, car les recherches dans ce domaine sont récentes.
Le point sur lequel nous devons nous concentrer, c’est aussi de penser aux enfants au cours des autres phases du cycle de leur vie. Si votre mère ou ma mère avait un problème de démence et qu’elle s’enfuyait dans la rue, qu’on l’attrapait et qu’on lui assénait une fessée, les gens diraient : « Qu’est-ce qui ne va pas chez ce type? » Mais si notre enfant s’enfuit, qu’on l’attrape et qu’on lui donne une fessée, c’est tout à fait acceptable. Je ne pense pas que ce soit parfaitement acceptable, sénateur Plett. Je pense que c’est inapproprié dans les deux cas.
Je suis un peu plus jeune que le sénateur Plett, mais pas de beaucoup. J’ai quelques années de moins. J’ai vu dans ma classe, bien sûr, la sangle et j’ai également vu la règle d’un mètre qui servait à faire régner l’ordre dans la classe et non à prendre des mesures. Je suis heureux que mes enfants n’y aient pas été exposés. Je dois dire que je pense que nous avons évolué, en tant que société, vers une meilleure approche en matière d’éducation.
Cela m’amène à ma question. Lorsqu’une version précédente d’un projet de loi similaire a été présentée, je me souviens avoir rencontré un représentant de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants qui s’opposait à l’abrogation de l’article parce que les enseignants avaient l’impression que cela pourrait les exposer à des accusations criminelles. Avez-vous eu des contacts avec cette association?
Je vous remercie de cette question, sénateur Dalphond. Je suis certainement d’accord avec vous pour dire que notre compréhension et nos pratiques parentales ont évolué au cours des 20 ou 30 dernières années et je pense qu’elles évoluent encore dans la bonne direction. Je tiens à souligner que nous ne pouvons pas rester les bras croisés en laissant les choses évoluer. Nous devons en favoriser le cheminement. J’ai parlé de l’importance de mettre en place des programmes parentaux et des mesures d’aide aux parents, comme Familles solides, qui se trouve sur l’application Espace mieux-être, à laquelle tout Canadien peut accéder gratuitement.
Nous rencontrerons demain des représentants de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. Je sais que l’honorable sénateur Sinclair les a rencontrés à plusieurs reprises. J’ai parlé à des dizaines, voire des centaines, d’enseignants que je connais personnellement dans de nombreuses régions du pays dans le cadre de mes recherches sur le projet de loi. La plupart d’entre eux ont été choqués d’apprendre l’existence de l’article 43. Ils ne le connaissaient pas.
Au cours des 20 dernières années, j’ai travaillé sur des programmes de santé mentale dans l’ensemble du Canada et dans d’autres parties du monde. J’ai été vraiment frappé par la façon dont les enseignants se soucient de leurs élèves. Ils veulent qu’ils se portent bien. Ils veulent coordonner le mieux possible leurs interventions pour aider ces enfants à réussir, à s’épanouir et à donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils ne désirent pas les frapper.
Je pense que, en tant que membres de la société, nous devons nous assurer de soutenir nos enseignants, de leur donner les ressources nécessaires, c’est-à-dire un soutien en salle de classe et un soutien professionnel. Nous venons de célébrer la Journée mondiale des enseignants. Ils nous apportent une aide précieuse dans l’éducation de nos enfants. Nous devons les soutenir davantage parce qu’ils revêtent une très grande importance pour les enfants. Nous devons leur donner davantage d’outils. Pourquoi mettons-nous 30 élèves dans la même classe, bon sang? Il est vraiment difficile d’enseigner en même temps à un aussi grand nombre d’élèves. Les sénatrices Martin, Cordy et Deacon sont des enseignantes, alors elles peuvent nous aider à comprendre ce qu’implique cette profession. Quant à moi, je suis professeur d’université. Ce n’est pas aussi difficile.
Je vous remercie de votre question. J’ai hâte que le projet de loi soit renvoyé au comité afin que ce dernier puisse étudier en profondeur les aspects soulevés par le sénateur Plett, qui sont des préoccupations importantes. Je respecte le sénateur Plett : je le remercie de les avoir soulevés et de nous pousser à y réfléchir parce que nous devons le faire. C’est important. Espérons que le comité sera en mesure de favoriser une excellente réflexion sur le projet de loi. Merci beaucoup, sénateur Dalphond.