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Un avenir à zéro émission nette

Interpellation--Suite du débat

14 février 2023


Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation de la sénatrice Coyle sur le climat. Je mettrai l’accent sur les répercussions qu’ont les changements climatiques sur la santé humaine et sur la façon dont les systèmes de santé pourraient y répondre.

Pour commencer, je tiens à saluer le leadership dont a fait preuve la sénatrice Coyle et tous les efforts qu’elle a déployés pour créer et promouvoir le groupe des Sénateurs pour des solutions climatiques.

Les changements climatiques ne représentent pas seulement une menace pour l’environnement de la planète et l’économie mondiale. Ils constituent aussi une menace existentielle pour la santé humaine et nos systèmes de santé. En 2009, le journal médical The Lancet a décrit les changements climatiques comme la principale menace sanitaire mondiale du XXIe siècle. Leurs conséquences sont à la fois directes et indirectes. Pour ce qui est des conséquences directes, la fréquence de phénomènes météorologiques extrêmes, comme des inondations, des ouragans, des vagues de chaleur et des feux de forêt, nuit à notre santé et à notre capacité de fournir des soins de santé. Diverses maladies d’origine hydrique surviennent dans des zones inondées, et il devient extrêmement difficile d’avoir accès à des soins essentiels en temps opportun à cause des dommages aux infrastructures, telles que les routes et les ponts. Les feux de forêt entravent l’accès aux établissements de soins actifs, tout en augmentant la demande de soins à cause de leurs effets sur les troubles respiratoires. Nous sommes tous conscients de l’incidence des ouragans sur les infrastructures des soins de santé, ainsi que du fait que les vagues de chaleur augmentent les risques de décès.

Cependant, ce qui est peut-être moins compris, ce sont les répercussions indirectes des changements climatiques sur la dispersion géographique de maladies ou l’apparition de nouvelles maladies — particulièrement de maladies infectieuses. Par exemple, dans ma province, on observe une augmentation des infections transmises par les tiques qui peuvent mener à la maladie de Lyme. Cette situation s’explique par l’augmentation du nombre de tiques à pattes noires et le prolongement de leur durée de vie en raison d’hivers plus cléments. Leurs morsures propagent la bactérie Borrelia burgdorferi, la cause de la maladie de Lyme, ce qui entraîne une augmentation du nombre de personnes qui ont contracté la maladie. Selon l’Association canadienne de santé publique, cette situation — ces répercussions indirectes des changements climatiques sur la santé humaine — est alimentée par de nombreuses modifications complexes aux voies de transmission des maladies qui sont sensibles aux changements climatiques. Par exemple, le virus du Nil occidental est arrivé en Ontario en 2013 et il s’est étendu depuis à l’ensemble de la province.

Je veux que nous soyons conscients — dès maintenant — de certaines des vilaines maladies transmises par les tiques et les moustiques qui semblent se répandre au Canada en raison du changement climatique. Elles portent des noms impressionnants, comme l’anaplasmose granulocytaire humaine, la babésiose et l’encéphalite de La Crosse. Croyez-moi, aucun d’entre nous ne souhaite avoir un cas grave de l’une de ces maladies, même si nous pouvions prononcer leur nom. Leurs effets se font le plus durement sentir sur les populations qui sont plus susceptibles d’être en mauvaise santé et qui ont du mal a obtenir un logement abordable, à parvenir à la sécurité alimentaire et à avoir accès à des soins de santé de qualité. L’impact du changement climatique ne fera qu’aggraver ces inégalités. Pour s’attaquer à ce problème, il faut tenir compte des déterminants sociaux de la santé et prendre les mesures nécessaires pour protéger les établissements de soins de santé des phénomènes météorologiques violents, par exemple en les éloignant des plaines inondables.

Nous devons être prêts. Il y a deux domaines clés au sein des systèmes de santé où il est nécessaire de se préparer dès maintenant. Il s’agit de l’état de préparation au traitement et des risques pour les infrastructures de santé.

Le premier domaine est l’état de préparation au traitement. Comme nous nous en souvenons tous, lorsque la COVID-19 est arrivée, nous n’étions pas préparés. Les stocks d’équipements de protection individuelle étaient insuffisants, la capacité de pointe des urgences et des unités de soins intensifs était insuffisante, les systèmes de surveillance, d’établissement de rapports et de suivi étaient inadéquats, la coordination nationale de la réponse faisait défaut et j’en passe. Cela ne doit pas se reproduire. Nous avons besoin d’une capacité de surveillance des maladies coordonnée à l’échelle nationale, avec un organisme de reddition de comptes central. Cela inclut une base de données nationale sur la santé qui puisse fournir des informations en temps réel pour guider les décisions politiques et aider à orienter les ressources et les interventions là où elles sont nécessaires et au moment opportun.

Nous devons aussi pouvoir rapidement fournir les traitements qui, à notre avis, pourraient être nécessaires. Par exemple, pour traiter les diverses maladies causées par la tique vectrice de la bactérie, il existe des médicaments tels que la doxycycline, la clindamycine et l’azithromycine. Il ne s’agit pas de produits exotiques, mais bien de médicaments courants.

Toutefois, comme on l’a constaté, ce n’est pas parce qu’il s’agit de médicaments courants qu’ils seront disponibles lorsque nous en aurons besoin. Nous avons actuellement de la difficulté à obtenir d’autres types de médicaments courants, comme des médicaments contre la fièvre pour les enfants ou encore des analgésiques. Récemment, j’ai fait plusieurs Shoppers Drug Mart à Ottawa pour acheter certains médicaments contre la congestion des sinus, mais je n’ai trouvé que des étagères vides. Nous ne pouvons pas nous retrouver dans la même situation.

Cette situation va de pair avec la préparation de nos fournisseurs de soins de santé. Je sais qu’il y a d’excellents médecins dans cette enceinte. Toutefois, face à une personne souffrant de malaises persistants et graves, de sueurs, de maux de tête, de nausées et de fatigue, combien d’entre nous songeraient à la babésiose? Si notre examen de base décelait la présence d’une anémie hémolytique — un problème de santé qui provoque la destruction des globules rouges —, on envisagerait certainement toutes les causes possibles, mais on ne songerait peut-être pas à demander une analyse microscopique à la recherche de parasites, ou encore un test de détection d’anticorps par immunofluorescence indirecte.

Soyons clairs : je ne parle pas de la préparation à la pandémie. Nous pourrions effectivement connaître des pandémies dues au changement climatique, mais il est plus probable que nous assistions à une augmentation progressive de divers types de maladies infectieuses. Elles se faufileront lentement jusqu’à nous, à moins que nous ne gardions un œil attentif.

En septembre 2020, le Lancet a publié un article intitulé « A pledge for planetary health to unite health professionals in the Anthropocene » dans lequel on proposait un engagement interprofessionnel à l’égard de la santé de la planète. Cet engagement ajoute la protection de la santé de la planète aux engagements fondamentaux que prennent les professionnels de la santé lorsqu’ils entreprennent leur carrière.

Reconnaissant cela, le plan stratégique de 2020 de l’Association médicale canadienne mentionne le bien-être environnemental. La Fédération des étudiants et des étudiantes en médecine du Canada, par l’entremise de son groupe de travail sur la réponse adaptative en matière de santé et d’environnement, a travaillé à l’élaboration de matériel pédagogique qui pourrait être intégré aux programmes d’études de médecine.

Bien qu’il reste beaucoup à faire, des initiatives sont déployées dans toutes les facultés de médecine du Canada, et je suis heureux de dire que la Faculté de médecine de l’Université Dalhousie est l’un des chefs de file dans ce domaine.

J’ai une grande confiance en nos collègues spécialistes des maladies infectieuses. Je sais qu’ils sont à la hauteur de ce défi. Je tiens également à saluer et à remercier notre collègue, la sénatrice Osler, pour son travail exemplaire à l’échelle nationale sur ce dossier.

J’ai bon espoir que ce travail nécessaire se fera bien et rapidement.

Le deuxième domaine est celui des risques pour les infrastructures de santé. Les infrastructures de santé sont des installations que beaucoup d’entre nous tiennent pour acquises, surtout les gens qui vivent dans de grands centres urbains. L’hôpital? Oui, il se trouve juste au bout de la rue. Le poste d’ambulances? Il y en a une à environ 15 minutes de route. Une pharmacie? Il y en a une au Centre Rideau.

Les établissements de soins de santé ne sont pas à l’abri des phénomènes météorologiques extrêmes qui peuvent endommager ou détruire n’importe quoi, allant des routes, ce qui rend difficile l’accès à un hôpital en cas d’urgence, aux ports, ce qui nuit au bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement de produits médicaux. Cette réalité nous fait réaliser que ces infrastructures essentielles pourraient être inaccessibles au moment où nous en avons le plus besoin.

Prenons, par exemple, la question des inondations. Selon une étude sur les répercussions des inondations sur les infrastructures de santé, les établissements de soins de santé sont confrontés à la fois à une réduction de leur capacité et à une augmentation de la demande. En ce qui concerne les récentes inondations au Bangladesh, l’UNICEF a dit ceci :

Les inondations ont endommagé les points d’eau et les installations sanitaires, ce qui augmente le risque de maladies d’origine hydrique [...] L’accès aux services de santé et de nutrition a été réduit en raison des dommages subis par 90 % des installations de soins de santé.

Pour en revenir au Canada, lors des récentes inondations en Colombie-Britannique, de nombreux patients ont dû être évacués des hôpitaux et des établissements de soins de longue durée, et l’accès aux établissements de soins actifs dans les zones ravagées par les inondations est devenu problématique.

Un récent exercice de cartographie des inondations pour les centres de soins de santé canadiens exposés à des risques d’inondation a permis de tirer la conclusion suivante :

Un nombre surprenant d’établissements sont exposés à un risque d’inondation, et ce, dans la plupart des provinces et des territoires. C’est au Manitoba et au Yukon qu’on trouve le plus fort pourcentage d’établissements exposés à un risque d’inondation [...] Le Yukon compte un petit nombre d’établissements au total, et une grande partie d’entre eux sont situés dans la plaine inondable. Cette situation montre qu’un désastre climatique causé par les changements climatiques pourrait perturber et endommager des infrastructures de santé importantes au moment où on a le plus besoin d’elles.

Confrontés à la réalité des changements climatiques, que peut-on faire, alors? Fort heureusement, beaucoup de possibilités s’offrent à nous. Nous pouvons envisager des possibilités d’action dans deux domaines complémentaires, c’est-à-dire rendre les établissements de santé écologiquement durables et les rendre résilients aux changements climatiques.

Les systèmes de santé sont responsables d’environ 4 % des émissions de carbone mondiales, et les établissements de santé peuvent prendre des mesures afin de réduire considérablement leur empreinte carbone. À la COP 27, le Forum économique mondial a produit un article intitulé « Here’s how healthcare can reduce its carbon footprint, » qui parle de cet enjeu important. Rappelons, par exemple, que parmi tous les immeubles financés par les fonds publics, les hôpitaux sont ceux qui ont la plus forte intensité énergétique : ils émettent 2,5 fois plus de gaz à effet de serre que les immeubles commerciaux. Délaisser les carburants fossiles pour favoriser l’énergie renouvelable pourrait donc avoir des effets considérables.

D’autres solutions novatrices peuvent aussi avoir un effet positif.

Parmi les autres pistes d’action, mentionnons la possibilité de fournir les soins en clinique externe non plus à l’hôpital, mais dans des lieux communautaires offrant une meilleure efficacité énergétique, et la possibilité d’utiliser davantage de soins de santé virtuels de qualité dont l’impact environnemental est moindre, comme la télésanté et les systèmes de surveillance de la santé à domicile. Ces options auraient aussi l’avantage d’éliminer des déplacements entre la maison et l’hôpital, et donc de réduire l’empreinte carbone liée au transport.

Les établissements de soins de santé doivent aussi accroître leur résilience climatique. Dans ce domaine, de bonnes initiatives sont en cours de préparation. Je vais vous en faire part brièvement.

L’Organisation mondiale de la santé a publié le guide Établissements de santé résilients face au changement climatique et écologiquement viables — Orientations de l’OMS. Publié récemment, un rapport de l’OMS intitulé Cadre opérationnel pour renforcer la résilience des systèmes de santé face au changement climatique offre des conseils très pertinents pour réduire l’incidence des changements climatiques sur la santé humaine et les soins de santé.

De son côté, notre gouvernement fédéral a publié le document Évaluation de la vulnérabilité en matière de santé et de l’adaptation aux changements climatiques : Guide de travail pour le secteur canadien de la santé. Ce document vise à aider les établissements de soins de santé à évaluer leur préparation aux changements climatiques, puis remédier à ses lacunes.

Par ailleurs, la Coalition canadienne pour un système de santé écologique, en partenariat avec la Province de la Nouvelle-Écosse, a publié The Health Care Facility Climate Change Resiliency Toolkit, trousse sur la résilience des établissements de soins de santé que ceux-ci peuvent utiliser pour améliorer leur état de préparation aux changements climatiques.

Comme vous le constatez, honorables sénateurs, il y a déjà un bon travail d’amorcé, mais il reste encore beaucoup à faire.

Dans l’ensemble, les systèmes de soins de santé au Canada occupent le troisième rang mondial pour la plus grande empreinte carbone par habitant. Avant la pandémie, nos systèmes de soins de santé étaient responsables d’environ 5 % de nos émissions annuelles de gaz à effet de serre. Dans les faits, les émissions de gaz à effet de serre par habitant dans le secteur de la santé ont augmenté de 2018 à 2019.

En 2021, le Canada s’est engagé à respecter les recommandations du programme de la santé COP 26 de l’OMS, notamment à mettre en place des systèmes de santé durables, résilients au changement climatique et à faible empreinte carbone; à mener des recherches sur l’adaptation de la santé; à inclure les priorités sanitaires dans les contributions déterminées; et à faire entendre la voix des professionnels de la santé en tant que défenseurs d’une volonté plus forte à l’égard des changements climatiques. J’y ajouterais ceci : veiller à la pleine intégration des communautés autochtones, inuites et métisses à la création, au développement, à la mise en œuvre et à l’évaluation de tout le travail qui doit être fait.

Nous avons besoin d’une initiative nationale cohérente pour établir les directives, coordonner les efforts des différentes administrations, et soutenir la réglementation et la mise en œuvre des changements durables dans les systèmes de santé. Cela nécessitera une collaboration entre des partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux; l’avis des experts canadiens, comme Santé Canada, l’Agence de la santé publique du Canada, l’Institut national de santé publique du Québec, des universités et des agences de subvention; ainsi que de l’expertise internationale, comme l’Organisation mondiale de la santé et les U.S. Centers for Disease Control and Prevention. La Stratégie nationale d’adaptation proposée actuellement est un contexte idéal pour répondre à ce besoin. Nous ne devons pas laisser cette stratégie d’adaptation échouer sur les rochers de l’inactivité.

C’est un défi de taille — un défi existentiel —, mais c’est notre défi. Comme nous, Canadiens, l’avons montré à maintes reprises au cours de notre histoire, nous sommes à la hauteur de n’importe quel défi. Wela’lioq, merci.

L’honorable Jim Quinn [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer les efforts collaboratifs visant à nous sensibiliser aux problèmes que connaît notre environnement à l’échelle mondiale. Mes brèves observations aujourd’hui porteront sur le secteur maritime et feront état de certains des efforts progressifs déployés dans ce secteur pour améliorer son rendement environnemental en général, et au Canada en particulier.

Avant de commencer, je tiens à souligner le leadership de nos collègues les sénateurs Coyle et Kutcher, qui ont beaucoup contribué en réunissant les sénateurs en faveur des solutions pour le climat. Ils ont organisé des discussions et des présentations données par des experts internationaux et nationaux qui s’efforcent d’informer le public et les gouvernements des graves problèmes que posent les changements climatiques pour notre planète. Comme l’a souligné de façon si saisissante l’un de nos présentateurs, « il ne s’agit pas seulement de sauver notre planète; il s’agit en fait de sauver l’humanité ».

Je remercie les sénateurs Coyle et Kutcher pour leur leadership dans ce dossier qui est si important pour nous tous, car les efforts internationaux doivent contribuer à un travail cumulatif et parvenir à des solutions pour ralentir et, espérons-le, renverser un jour les changements climatiques et leurs effets dévastateurs.

Le transport maritime a toujours été l’épine dorsale du transport des personnes et des marchandises sur le plan local, national et, bien entendu, international. Son incidence sur l’économie mondiale est donc indéniable. Au cours des deux dernières années, les chaînes d’approvisionnement mondiales ont connu de graves perturbations qui ont entraîné des pénuries de biens essentiels et une augmentation rapide des prix. En effet, cette situation était et est encore largement alimentée par la forte demande des consommateurs, ce qui a entraîné une augmentation historique des coûts du transport maritime. Après tout, dans le monde, environ 90 % des biens de consommation courante, qu’il s’agisse de produits alimentaires, d’appareils électroniques, d’automobiles, de vêtements, de produits énergétiques, de meubles ou autres, sont principalement transportés par bateau.

Au Canada, plus de 80 % des biens de consommation courante transitent par nos ports. Les 17 administrations portuaires que compte le Canada assurent la manutention de 340 millions de tonnes de marchandises par an, représentent plus de 200 000 emplois, et ont des retombées économiques directes de 36 milliards de dollars.

Compte tenu de l’énorme quantité de marchandises transportées par bateau dans le monde entier et des activités incessantes des ports — qui sont toutes essentielles à l’approvisionnement du monde —, il ne fait aucun doute que nous devons trouver des moyens de réduire leur incidence sur l’environnement. Il est également important d’adopter une approche globale destinée à trouver des solutions pour réduire l’incidence des activités de transport maritime sur l’environnement.

L’Organisation maritime internationale des Nations unies est la tribune où les 175 pays membres traitent de tous les enjeux liés au transport maritime. L’organisation repose sur quatre piliers, dont l’un concerne la prévention et la réduction de la pollution générée par les navires.

Au cours des décennies, de nombreux règlements et normes ont été développés conjointement au sein de l’organisation sur différents enjeux, comme le resserrement des règlements sur les rejets des navires, l’établissement de règles sur la gestion des eaux de ballast des navires afin d’éviter l’introduction d’espèces envahissantes, la création d’exigences relatives au type de peintures employées sur les bateaux — cela peut sembler étrange, mais il faut beaucoup de peinture sur un bateau — afin d’éliminer des substances comme le plomb et de nombreuses autres initiatives visant à réduire l’impact environnemental des navires.

Cependant, une des initiatives possiblement les plus importantes est la création des zones de contrôle des émissions, des zones désignées à différents endroits dans le monde où les navires doivent employer des carburants qui réduisent considérablement les émissions, notamment celles de soufre et d’oxyde nitreux.

Dans notre cas, nous partageons avec les États-Unis une zone de contrôle des émissions qui s’étend à 200 miles depuis la côte et à l’intérieur de laquelle les navires en exploitation au large ou pénétrant dans nos eaux sont tenus d’utiliser des carburants beaucoup plus propres. Cela réduit considérablement les émissions des navires en exploitation dans nos eaux côtières et nos ports, ce qui est fort avantageux pour d’importants segments de notre population ainsi que pour nos écosystèmes marins et terrestres.

Le Canada lui-même fait également preuve de leadership à l’égard de cet important aspect de la réduction de la pollution et de l’écologisation des activités en mer et dans les ports.

En 2007, divers intervenants de l’industrie marine au Canada ont formé l’Alliance verte, le principal programme de certification environnementale pour l’industrie maritime nord-américaine. Il s’agit d’une initiative volontaire qui permet à ses participants d’améliorer leur performance environnementale au-delà des exigences réglementaires. L’Alliance verte cible des enjeux environnementaux clés liés à la qualité de l’air, de l’eau et des sols ainsi qu’aux relations avec les communautés. Il s’agit d’une initiative inclusive, rigoureuse et transparente qui regroupe des participants de plusieurs types, c’est-à-dire des armateurs, des ports, des terminaux, des chantiers maritimes et les entreprises de la voie maritime basées au Canada et aux États-Unis.

Pour obtenir la certification Alliance verte, les participants doivent remplir toutes les exigences du processus de certification, lequel est assorti de résultats clairs et mesurables vérifiés par des experts de l’industrie tous les deux ans. On s’assure ainsi que les résultats sont maintenus tout en encourageant l’amélioration continue. L’Alliance verte compte également parmi ses membres des associations, des supporteurs et des partenaires, chacun soutenant à sa façon les participants dans leurs efforts en vue de réduire leur empreinte écologique.

Après des débuts modestes axés sur les Grands Lacs et la voie maritime du Saint-Laurent, l’Alliance verte rassemble aujourd’hui des centaines de membres d’horizons différents dans toute l’Amérique du Nord, qui partagent tous le même objectif : améliorer le bilan environnemental de l’industrie maritime par des actions concrètes et mesurables.

L’influence de l’association s’est étendue de l’autre côté de l’Atlantique, jusqu’en France, où l’Alliance verte Europe a été créée en 2020. Elle fonctionne selon le même modèle éprouvé qui a été créé ici même au Canada. Tout récemment, un grand exploitant de traversiers en Australie est devenu membre de l’Alliance verte, ce qui démontre clairement la valeur, le travail et le leadership de cet organisme en ce qui concerne les activités maritimes en mer et dans les ports, et montre que des mesures peuvent être prises pour réduire leur empreinte environnementale. Je salue l’excellent travail de l’Alliance verte et le rôle de chef de file qu’elle joue sur la scène internationale.

En tant que directeur général de longue date de l’un des ports les plus actifs du Canada, Port Saint John, au Nouveau-Brunswick, je m’en voudrais de ne pas parler brièvement des autorités portuaires canadiennes et de la façon dont le changement climatique peut les affecter, elles ainsi que notre économie. J’aimerais également mentionner certaines des initiatives que ces autorités ont prises et qu’elles continuent de déployer.

Les ports font partie de l’infrastructure essentielle du Canada, car ils relient la terre à l’eau et, par la suite, aux routes intérieures et aux liaisons ferroviaires qui sont particulièrement vulnérables aux conditions météorologiques, à l’érosion, aux incendies, aux inondations, à la montée des eaux et à d’autres phénomènes liés au changement climatique.

Quelques exemples montrent la réalité et les risques potentiels de ces facteurs liés aux changements climatiques. Nous nous souvenons tous des incendies et des inondations qui ont touché nos ports de la côte Ouest, notamment celui de Vancouver. Ces événements ont coûté des milliards de dollars à notre économie, en plus de perturber considérablement nos chaînes d’approvisionnement. Les ports de la côte Ouest n’ont pas été les seuls à être touchés. En effet, les ports du Centre et de l’Est du Canada ont également dû composer avec divers phénomènes météorologiques qui ont perturbé leurs opérations et nui à l’efficacité des chaînes d’approvisionnement.

Nos ports sont également exposés à d’autres risques importants liés aux changements climatiques, par exemple dans le secteur du marais de Tantramar, qui relie le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Cette zone est protégée par une série de digues très anciennes qui risquent de se rompre parce que les conditions météorologiques favorisent constamment l’érosion et l’élévation du niveau de la mer. Cela signifie qu’à court ou à moyen terme, les protections offertes par ces digues s’estomperont.

On ne peut pas laisser une telle situation se produire parce que le port d’Halifax, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et la Transcanadienne — tous des maillons cruciaux de la chaîne d’approvisionnement canadienne — se trouvent dans cette zone et deviendraient inutilisables. De toute évidence, la rupture de ces digues aurait des effets catastrophiques sur des localités comme Sackville, au Nouveau-Brunswick, et Amherst, en Nouvelle-Écosse, entre autres. Cela provoquerait une inondation qui dévasterait l’économie locale, provinciale et nationale.

Nos ports prennent aussi des mesures pour réduire et atténuer leurs propres effets sur les changements climatiques, en cherchant à protéger l’environnement et les écosystèmes portuaires. Toutes les administrations portuaires canadiennes sont membres de l’Alliance verte et y participent activement. Je suis heureux de pouvoir dire qu’elles ont franchi avec aise les divers niveaux du programme.

Les ports sont déterminés à améliorer leur rendement et à assumer leurs responsabilités, non seulement en poursuivant l’écologisation de leurs activités, mais également en étant des partenaires responsables dans leur collectivité. L’élaboration de politiques environnementales portuaires est un autre aspect de cette question, tout comme les vérifications et les rapports environnementaux qui leur permettent de rendre des comptes au public. La création de programmes verts — comme des taux réduits pour les sociétés de transport maritime dont les navires sont certifiés par leur propre programme visant la réduction des émissions liées à leurs activités — est une autre façon de promouvoir les mesures prises par les ports dans ce domaine.

Les ports établissent des partenariats avec le public et des peuples autochtones pour que les préoccupations et les commentaires contribuent à guider les projets portuaires de façon durable sur le plan environnemental. Les ports permettent aussi aux navires d’utiliser les prises de quai; ils peuvent ainsi couper les moteurs et éteindre les générateurs qui consomment du carburant. Les ports s’efforcent également de protéger et de créer des habitats de poisson. Ils collaborent avec des experts, des universités, des collèges, des groupes autochtones et des groupes environnementaux de la région pour créer des programmes de surveillance et de protection des mammifères marins et d’autres espèces. Il y a bien d’autres initiatives.

Enfin, je tiens à souligner les initiatives prises par Port Saint John. En effet, la totalité de l’énergie utilisée par les terminaux de croisière, les bureaux administratifs et les terminaux appartenant au Port proviendra du projet éolien Burchill, qui sera bientôt mis en service, ce qui réduira considérablement l’empreinte carbone du port. Ce projet s’inscrit dans le cadre du nouveau plan de décarbonation et de durabilité de Port Saint John, qui est élaboré en partenariat avec des intervenants, notamment avec un concours de présentation sur la décarbonation de l’écosystème portuaire proposé aux étudiants de niveau postsecondaire du Nouveau-Brunswick.

En conclusion, j’espère que mon exposé souligne le fait qu’il existe aujourd’hui un intérêt renouvelé et un sentiment d’urgence pour aller plus loin et plus vite dans l’établissement d’une économie verte qui inclut un secteur maritime écologiquement viable. J’espère avoir brossé un tableau qui montre clairement que le Canada est effectivement un chef de file mondial dans le secteur maritime, comme il l’est dans d’autres secteurs pour ce qui est de faire avancer les solutions aux changements climatiques.

Merci de votre attention et, encore une fois, je tiens à remercier les sénateurs Coyle et Kutcher de leur leadership. Meegwetch. Merci.

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