Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers
Motion d'amendement--Report du vote
12 juin 2019
Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-48 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :
a)à la page 2, par adjonction, après la ligne 23, de ce qui suit :
« Droits des peuples autochtones du Canada
3.1 Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte à la protection des droits des peuples autochtones du Canada découlant de leur reconnaissance et de leur confirmation au titre de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Obligation du ministre
3.2 Le ministre prend toute décision sous le régime de la présente loi en tenant compte des effets préjudiciables que la décision peut avoir sur les droits des peuples autochtones du Canada reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. »;
b)à la page 16, par adjonction, après la ligne 14, de ce qui suit :
« Examen et rapport
32 (1) Au début de la cinquième année suivant la date d’entrée en vigueur du présent article, les dispositions de la présente loi sont soumises à l’examen approfondi d’un comité soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte, constitué ou désigné à cette fin.
(2) Il est tenu compte, dans cet examen, de tout rapport portant sur une évaluation régionale visée à l’article 33.
(3) Dans l’année qui suit le début de l’examen, le comité remet un rapport à la ou aux chambres l’ayant constitué ou désigné.
Évaluation régionale
33 (1) Les paragraphes (2) à (7) s’appliquent en cas de sanction du projet de loi C-69, déposé au cours de la 1re session de la 42e législature et intitulé Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
(2) Dans les cent quatre-vingts jours suivant la date à laquelle sont en vigueur le présent article et l’article 93 de la Loi sur l’évaluation d’impact, le ministre de l’Environnement établit un comité chargé d’effectuer l’évaluation régionale des activités visées par la présente loi.
(3) Avant d’établir ce comité, le ministre de l’Environnement offre aux gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan ainsi qu’à tout corps dirigeant autochtone au sens de l’article 2 de la Loi sur l’évaluation d’impact agissant pour le compte d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones qui possède ou occupe des terres situées dans la section de la côte de la Colombie-Britannique visée au paragraphe 4(1) de la présente loi d’être partie à un accord concernant la constitution conjointe d’un comité chargé de procéder à l’évaluation régionale et prévoyant les modalités de celle-ci.
(4) En cas de conclusion d’un accord visé au paragraphe (3), le ministre de l’Environnement nomme le ou les membres du comité, ou en approuve la nomination, et fixe ou approuve le mandat de celui-ci.
(5) Le comité remet au ministre de l’Environnement un rapport sur l’évaluation au plus tard quatre ans après l’entrée en vigueur du présent article.
(6) Le ministre de l’Environnement fait déposer le rapport visé au paragraphe (5) devant chaque chambre du Parlement dans les trente premiers jours de séance de celle-ci suivant sa réception.
(7) La Loi sur l’évaluation d’impact s’applique, avec les adaptations nécessaires, à l’égard de l’évaluation régionale effectuée par le comité ainsi établi comme s’il s’agissait d’un comité établi en vertu de l’article 93 de cette loi. ».
Dans l’esprit du traité « Un plat, une cuillère » et après mûre réflexion, je propose une nouvelle disposition qui est nécessaire pour protéger les droits des peuples autochtones du Canada.
Cette disposition prévoit ce qui suit : Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte à la protection des droits des peuples autochtones du Canada, etc. Il s’agit d’une disposition de non-dérogation habituelle que l’on trouve dans de nombreuses autres mesures législatives. En outre, cette disposition exige que le ministre de l’Environnement prenne toute décision sous le régime de la présente loi en tenant compte des effets préjudiciables que la décision peut avoir sur les droits des peuples autochtones du Canada reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le deuxième amendement est aussi une nouvelle disposition, qui vise à assurer la participation des parties intéressées, y compris les peuples autochtones des régions côtières de la Colombie-Britannique et les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan.
Cet amendement exige que le ministre de l’Environnement établisse un comité chargé d’effectuer l’évaluation régionale des activités visées par la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers.
Avant d’établir ce comité, le ministre doit offrir aux gouvernements de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et de l’Alberta ainsi qu’à tout corps dirigeant autochtone agissant pour le compte d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones qui possède ou occupe des terres situées dans la section de la côte de la Colombie-Britannique visée au paragraphe 4(1) de la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers d’être partie à un accord concernant la constitution conjointe d’un comité chargé de procéder à l’évaluation et prévoyant les modalités de celle-ci.
L’amendement exige en outre que le Parlement — un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes — procède à un examen des dispositions de la loi après cinq ans en tenant compte de tout rapport portant sur une évaluation régionale.
Honorables sénateurs, je vous encourage à examiner ces amendements et à voter en leur faveur. Je pense, après avoir étudié attentivement la question, qu’ils constituent le meilleur compromis pour protéger la côte Ouest du Canada, les intérêts économiques du pays et les droits des peuples autochtones de cette région.
Sénateur Sinclair, accepteriez-vous de répondre à une question?
Bien sûr.
Honorables sénateurs, je suis intriguée par ce que je vois ici, et cela me donne espoir. Je comprends bien la disposition de non-dérogation. Je comprends que les provinces qui sont les plus préoccupées par le projet de loi sur l’évaluation d’impact doivent avoir une place à la table de négociations. J’aimerais poser une question sur l’évaluation régionale. Si ma mémoire des discussions est fidèle, les gens se sont prononcés pour ou contre le projet de loi C-69 et l’évaluation d’impact, telle que la définit le projet de loi, mais l’évaluation régionale est une des nouvelles dispositions qui est très forte et très populaire.
Il s’agit d’une évaluation régionale relative au moratoire sur les pétroliers. De plus, si un projet potentiel devait en être au stade conceptuel — et nous savons combien de temps cela peut prendre —, il couvrirait une grosse partie du travail de base qui est nécessaire pour l’évaluation régionale, ce qui pourrait fournir de l’information à cet effet et, peut-être, accélérer le processus d’évaluation d’impact pour les provinces et les promoteurs.
Mon interprétation est-elle exacte? La disposition pourrait-elle avoir cet effet?
Merci de votre question, honorable sénatrice. Votre observation est essentiellement juste. Permettez-moi de signaler que, selon certaines des observations entendues par le comité lors des audiences tenues dans les collectivités et de celles sur la Loi sur l’évaluation d’impact, peu de données scientifiques sont transmises aux collectivités au sujet des répercussions potentielles des projets d’exploitation des ressources et du transport de pétrole par oléoduc d’un bout à l’autre du pays, des coûts d’un éventuel déversement, des risques courus par ces collectivités et de la façon dont on préviendrait ces risques.
De plus, il s’agissait de savoir comment les économies des territoires traversés par les oléoducs seraient touchées par les projets. L’évaluation régionale vise à rassembler des données scientifiques et économiques dans l’intérêt des populations et des régions touchées par un projet particulier.
L’évaluation régionale proposée par cet amendement ne porte pas seulement sur le moratoire, même si c’est en partie le cas. Elle fera également partie de tout projet qui devrait bénéficier soit de la levée de l’interdiction, soit de son assouplissement.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer l’amendement du sénateur Sinclair. Comme vous le savez, le Canada dispose de certaines des plus grandes réserves de pétrole au monde. Comme l’a dit le premier ministre Justin Trudeau il y a quelques années, aucun pays qui trouverait 173 milliards de barils de pétrole dans le sol ne les laisserait là. Le Canada possède 3,4 fois plus de pétrole que les États-Unis et 6,5 fois plus que la Chine. Au rythme de production actuel, nos réserves connues pourraient produire du pétrole pendant au moins 30 ans.
Extraire ce pétrole et l’acheminer vers les marchés de façon viable et durable sera l’un de nos principaux défis économiques, environnementaux et démocratiques pour les années à venir. Certains pourraient dire que ce pétrole devrait être gardé sous terre, mais une telle attitude serait, à mon avis, aussi irresponsable que celle d’encourager la libre exploitation de ces ressources sans aucune considération environnementale.
Le pétrole demeurera une source d’énergie majeure à l’échelle mondiale dans l’avenir immédiat. Selon l’Agence internationale de l’énergie, d’ici 2040, même si les pays adoptent toutes les mesures nécessaires pour maîtriser les changements climatiques, la demande mondiale de pétrole atteindra 106 millions de barils par jour, soit 11 millions de plus qu’à l’heure actuelle.
Comme vous le savez, les États-Unis constituent actuellement l’unique marché étranger pour notre pétrole. Il faut que cela change, non seulement parce que le monopole fait baisser les prix, mais aussi parce que les États-Unis produisent de plus en plus de pétrole et que leur demande devrait se stabiliser ou même diminuer.
Nos voisins ont commencé à exporter leur pétrole. Autrefois uniques clients, ils sont devenus compétiteurs. Nous devons donc trouver de nouveaux marchés. Nous savons où ils se trouvent : en Asie.
Les experts s’entendent sur ces faits, de même que le sénateur Harder et l’actuel gouvernement. Je suis à peu près certain que l’opposition est d’accord également.
Selon les prévisions, notre production de pétrole brut devrait augmenter de 1,5 million de barils par jour d’ici 2035. Si les projets de la canalisation 3 d’Enbridge, de l’oléoduc Keystone XL de TransCanada et de l’oléoduc Trans Mountain, acheté par le gouvernement, vont de l’avant, il se pourrait que nous n’ayons pas à accroître davantage les capacités de transport par oléoduc. J’admets que c’est un scénario très optimiste. D’ailleurs, les trois quarts de cette production accrue seraient destinés aux États-Unis, qui n’auront peut-être pas besoin de tout ce pétrole brut dans le futur. Quoi qu’il en soit, il serait imprudent et malavisé de même refuser d’envisager d’autres projets de développement des capacités. Or, c’est précisément ce que ferait le projet de loi C-48 s’il devenait loi; il nous empêcherait de faire des plans pour l’avenir.
Il stopperait tout projet de pipeline, quelle qu’en soit la nature, sans tenir compte de l’évolution des marchés de l’énergie au Canada et à l’étranger, de l’évolution des technologies de transport et de la volonté des nations autochtones concernées. Le moratoire sur les pétroliers serait permanent et, d’un point de vue politique, extrêmement difficile à lever.
C’est pourquoi je me suis opposé, en principe, au projet de loi C-48 à l’étape de la deuxième lecture. Après avoir suivi de près les travaux du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, après avoir parlé avec des biologistes et des pilotes de navire, après avoir discuté de la question avec beaucoup d’entre vous et après avoir écouté le discours très éloquent du sénateur Harder hier soir, je n’ai toujours pas changé d’avis. Cela dit, selon moi, le simple fait de rejeter le projet de loi C-48 n’est pas la solution. Ce n’est pas la solution parce que, premièrement, cette approche irait à l’encontre des promesses électorales du gouvernement. Deuxièmement — et ce point est plus important encore —, rejeter le projet de loi C-48 reviendrait à ne pas tenir compte de la volonté de la Chambre élue et des souhaits de la majorité des habitants de la Colombie-Britannique et des Premières Nations côtières. Troisièmement, le rejet du projet de loi serait une forme d’attaque du Sénat à l’endroit de la Chambre des communes.
Si le Sénat joue son rôle constitutionnel et légitime, les confrontations de ce genre sont inévitables. Cependant, avant de nous lancer dans un tel affrontement, nous devons être convaincus que ce bras de fer entre les deux Chambres du Parlement servira l’intérêt des Canadiens.
Nous devons également avoir la conviction que le Sénat, en tant qu’institution, ne ressortira pas gravement affaibli de cette confrontation. Je suis convaincu que, dans ce cas-ci, ces conditions ne sont pas réunies. Nous nous trouvons dans une situation où des régions du Canada sont dressées l’une contre l’autre et les émotions sont à fleur de peau. Cela se comprend. Dans un tel cas, j’estime que le Sénat, la Chambre des régions, la Chambre de second examen objectif, a le devoir de tenter de trouver un compromis qui satisfera, autant que possible, les besoins de toutes les provinces concernées en tenant compte de l’intérêt national. Pour ce faire, il faut viser l’apaisement des tensions entre les régions.
À mon avis, la solution la plus prometteuse est l’amendement du sénateur Sinclair, c’est-à-dire l’établissement, dans le projet de loi C-48, d’une évaluation d’impact régionale conjointe, fédérale-provinciale-autochtone, pour la côte nord de la Colombie-Britannique, en vertu de la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact, le projet de loi C-69, suivie d’un examen parlementaire complet.
Cette formule est avantageuse à plusieurs titres. Pendant les audiences du Comité des transports, comme vient de le dire le sénateur Sinclair, plusieurs témoins ont déploré l’absence de données scientifiques appuyant la décision du gouvernement d’imposer un moratoire sur l’accostage de pétroliers dans les ports de la côte nord de la Colombie-Britannique. La réalité est que le Canada souffre d’un grave manque d’information à ce sujet. Une évaluation d’impact à l’échelle régionale permettrait de combler ce vide.
Une évaluation d’impact à l’échelle régionale, telle qu’elle est envisagée dans le projet de loi C-69, c’est une évaluation environnementale de grande envergure. À l’issue du processus, les Canadiens disposeraient de données complètes et fiables sur la richesse de l’environnement de cette région de la Colombie-Britannique, sur les meilleurs moyens de protéger cet environnement et sur les risques et les avantages de l’éventuelle circulation de pétroliers le long de cette côte. Le contexte énergétique et économique contemporain serait pris en considération, de même que l’évolution des espèces et des technologies. La tenue d’une étude d’impact à l’échelle régionale et, par la suite, d’un examen parlementaire approfondi de la loi donnerait l’espoir aux provinces productrices de pétrole et aux entreprises et travailleurs qui œuvrent dans ce secteur que le moratoire soit levé dans l’avenir si les conditions nécessaires sont respectées.
L’étude d’impact à l’échelle régionale serait menée conjointement par le gouvernement du Canada, les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan et les Premières Nations concernées, ce qui lui conférerait une crédibilité accrue. Cette mesure pourrait aussi permettre — je ne me fais pas trop d’illusion, mais quand même — d’apaiser quelque peu les tensions et peut-être même d’amorcer un dialogue, de sorte qu’on puisse se mettre, ensemble, à la recherche de solutions alternatives pour assurer à la fois la protection de l’environnement et la survie de l’industrie pétrolière canadienne. Cela pourrait se faire, par exemple, par la mise en place de ce que l’on appelle, sur le plan international, une zone de protection marine à grande échelle, comme il en existe une dans la région de la Grande barrière de corail en Australie.
Je note que, pendant les audiences du Comité des transports et des communications, des témoins ont plaidé en faveur d’un tel réexamen de la loi après une certaine échéance. La Fédération Maritime du Canada a notamment affirmé ce qui suit :
Nous […] recommandons fortement [que le projet de loi] prévoie l’examen périodique du besoin de recourir au moratoire […] [C]e mécanisme d’examen constituerait un outil non négligeable par lequel s’assurer que le moratoire repose sur une évaluation appropriée des risques par suite de circonstances nouvelles.
L’amendement qu’a proposé le sénateur Sinclair permet une solution qui, à mon avis, serait acceptée par la majorité des Canadiens.
Six mois après la mise en œuvre du moratoire, le ministre de l’Environnement serait tenu de procéder à une évaluation d’impact régionale initiée par les instances fédérale, provinciales et autochtones en vertu de l’article 93 de la nouvelle loi sur l’évaluation d’impact, le projet de loi C-69.
Les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan et les représentants des Premières Nations côtières seraient invités à participer à l’organisation de cette évaluation régionale.
Le mandat et la composition du comité chargé de mener l’évaluation régionale seraient négociés entre Ottawa, ces trois provinces et les Premières Nations de la côte nord.
L’évaluation d’impact régionale devrait être achevée avant le début de l’examen parlementaire et devrait être prise en compte dans le cadre de ce dernier.
Il est important de souligner que l’amendement inscrirait également une disposition de non-dérogation dans le projet de loi C-48 afin de protéger les droits autochtones reconnus et garantis par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Honorables sénateurs, le Canada est fondé sur des compromis. Dans l’histoire du pays, il est souvent arrivé que les parties intéressées des deux côtés soient insatisfaites et mécontentes des accords conclus. Toutefois, au fil du temps, les Canadiens se sont rendu compte que les compromis constituent l’unique solution et l’unique façon d’assurer le fonctionnement du pays.
Un compromis est une situation où deux parties qui ont des intérêts divergents, mais légitimes, font des concessions. En raison de sa nature même, un compromis ne satisfait personne entièrement, mais il nous permet d’avancer collectivement.
Comme plusieurs parmi vous l’ont affirmé, le projet de loi C-48 est devenu une question d’unité nationale. Nous savons tous quelles sont les solutions aux questions d’unité nationale : le dialogue, l’ouverture d’esprit et, oui, les compromis.
Je suis convaincu que l’ajout, dans le projet de loi C-48, de la mention d’une étude régionale d’impact conjointe, suivie d’un examen parlementaire approfondi, constitue précisément le genre de compromis qui permettra à notre pays d’aller de l’avant. Ces mesures permettront de protéger l’environnement de la côte nord de la Colombie-Britannique tout en renforçant nos connaissances sur la richesse biologique de la région et sur les impacts positifs, négatifs, environnementaux et économiques du transport de pétrole brut le long de la côte, en tenant compte de l’évolution rapide des marchés et des technologies.
En conséquence, les décisions futures qui seront prises au sujet du moratoire le seront sur des bases scientifiques rigoureuses, et l’avenir ne sera pas bloqué à l’infini, comme il le serait si nous adoptions le projet de loi C-48 dans sa forme actuelle.
Honorables sénateurs, le Canada est à la fois un producteur de pétrole et un pays qui a à cœur l’environnement. Il faut donc que toutes les parties fassent des concessions. Trouver une manière d’exploiter les ressources naturelles et d’en faire le commerce de façon durable est essentiel et dans l’intérêt du Canada. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-48 fait fi de cette réalité en empêchant l’accroissement de notre capacité d’exportation vers les marchés mondiaux du pétrole. Il faut trouver un meilleur équilibre.
Le Sénat a une occasion unique de proposer une solution équilibrée. Je crois qu’un mécanisme régional d’évaluation auquel participeraient conjointement le Canada, les provinces pétrolières, les provinces touchées et les Premières Nations de la côte nous permettrait d’obtenir une telle solution. Il protégerait la côte nord de la Colombie-Britannique. Il offrirait aux provinces productrices de pétrole des occasions futures. Il donnerait aux décideurs, à nous tous, un accès à une foule de renseignements sur la faune du littoral, sur les différentes solutions pour la protéger, sur les avantages et les inconvénients du transport maritime de pétrole brut — en tenant compte de l’état actuel et futur du marché du pétrole —, sur les techniques modernes de construction navale et sur les dangereuses conditions de navigation dans le secteur.
La motion à l’étude vise à répondre aux besoins et aux demandes de l’ensemble des intervenants concernés. Elle n’est pas parfaite. Elle ne rendra pas tout le monde heureux, mais c’est un amendement proposé de bonne foi. Il représente une solution raisonnable et pragmatique alors qu’aucune solution ne semblait possible. Il offre un compromis : un bon compromis, un compromis canadien.
Merci.
J’ai une question, Votre Honneur. Le sénateur Pratte accepterait-il de répondre à une question?
Bien sûr.
Sénateur, merci beaucoup de votre discours. La première question qui me vient à l’esprit après avoir écouté votre discours et celui du juge Sinclair, c’est : avez-vous eu l’occasion d’examiner le processus du début à la fin? Comment se compare-t-il au projet de loi C-69 dans son état actuel, après que le gouvernement aura accepté on ne sait combien d’amendements? Ce que les gens recherchent, c’est une forme de certitude et une compréhension réelle des délais et du processus.
Je ne sais pas si vous avez pu mettre le processus à l’essai. Est-ce que l’un de vous deux a eu l’occasion de faire une évaluation du début à la fin? À quel délai pouvons-nous nous attendre si tout fonctionne, que la population autochtone est satisfaite, que les provinces sont satisfaites et que le gouvernement fédéral est satisfait? Les chances sont que, dans un cas comme celui-là, on se retrouve avec une panoplie de bonnes intentions, mais qu’au bout du compte, rien ne se fasse.
Avez-vous examiné la question et extrapolé à savoir quel est l’objectif ultime? Quel est le délai? À quoi ressemble le processus que vous suggérez comparativement au projet de loi C-69?
Je suis désolé, sénateur Pratte, mais votre temps est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à quelques questions?
Pour répondre à cette question, oui, s’il vous plaît.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
En fait, lorsque nous travaillions sur cet amendement, nous étions très conscients de l’importance cruciale de la question des délais. Nous en avons entendu parler à maintes reprises lors du débat sur le projet de loi C-69. L’amendement prévoit que le lancement des négociations pour l’établissement du comité chargé d’effectuer l’évaluation se ferait dans les 180 jours, ou environ six mois, après l’entrée en vigueur de la loi, et qu’un rapport sur l’évaluation devrait être déposé au plus tard quatre ans après cette date.
Il y a une échéance. Il ne fait pas oublier non plus le comité parlementaire, qui dispose d’un an pour mener une étude à ce sujet. Les délais sont précisés dans l’amendement et, bien sûr, ils seront inclus dans la loi si l’amendement est adopté.
Puis-je poser une question? Je suis néophyte en la matière. Ma question sera donc simple.
Combien de temps un tel processus prend-il et quels en sont les effets sur ce projet-là?
Eh bien, la beauté...
En fait, je veux parler des effets du processus sur n’importe quel projet. Je suis désolé. Vous pouvez poursuivre.
La beauté de l’amendement, si je puis dire, vient du fait que, comme nous le savons tous, il n’y aura pas de pipeline sur la côte nord de la Colombie-Britannique au cours des cinq prochaines années. Nous en sommes tous conscients.
Nous savons aussi qu’il nous manque beaucoup d’informations. On l’a vu dans les deux comités qui ont étudié le projet de loi C-69 et, surtout, le projet de loi C-48. Dans les deux camps, on ignore beaucoup de choses. Nombreux sont ceux qui soutiennent que le gouvernement n’a pas suffisamment de renseignements pour justifier l’interdiction des pétroliers. D’autres font valoir que l’écologie de la région est extraordinaire et pure. Nous avons entendu cet argument très souvent. Pourquoi est-elle si pure et importante? Nous avons des données, mais nous n’avons pas toutes les données. À quel point les nouvelles techniques et technologies en matière de sécurité de la navigation sont-elles pertinentes?
Il nous manque beaucoup d’informations. L’évaluation régionale nous permettrait de recueillir beaucoup de renseignements qui contribueront à faire avancer les projets parce qu’ils auront été obtenus d’avance. Nous n’aurons pas à la refaire si un autre projet de pipeline ou de transport de pétrole est envisagé sur la côte nord de la Colombie-Britannique.
Merci beaucoup de cette réponse. Il y a une question que je me pose en tant qu’homme d’affaires. Si on veut que les gens recommencent à investir au pays — car on sait que bien des investisseurs du secteur pétrolier et gazier ont quitté le pays pour investir aux États-Unis et ailleurs —, quelles garanties peut-on offrir aux gens d’affaires qui veulent faire des investissements rentables et avoir une meilleure idée de ce qui les attend avant d’investir dans un autre projet? Quelles garanties peut-on leur offrir?
Vous me demandez si nous pouvons offrir des garanties. Ce que nous pouvons faire, c’est prendre une décision. C’est pour cela qu’on offre un compromis. On peut décider d’imposer un moratoire permanent aux pétroliers, et alors, il ne se passera plus rien. En revanche, avec cet amendement, on peut imposer un moratoire pour cinq ans, voire plus longtemps, mais, pendant ce temps, bien des choses peuvent arriver dans les provinces productrices de pétrole, au gouvernement fédéral ou chez les Premières Nations de la région. La situation peut évoluer pendant ces cinq années. Si l’industrie parvient à nous convaincre, d’ici cinq ans, alors nous aurons peut-être la possibilité de lever ce moratoire.
J’ai examiné cet amendement. D’abord, je pense qu’il empire le projet de loi. Il prouve que toutes ces choses auraient dû être faites avant la présentation du projet de loi C-48 à la Chambre des communes et que nous ne devrions pas avoir à mener une évaluation régionale dans cinq ans. J’ai sous les yeux la partie sur l’évaluation régionale, à la deuxième page, que mon voisin de banquette a portée à mon attention. Après l’avoir lue deux fois, je n’ai toujours aucune idée de ce qu’elle signifie. Vous pourriez peut-être expliquer au Sénat ce que veut dire le troisième paragraphe après l’intertitre « Évaluation régionale ».
Je suis désolé, pourriez-vous répéter le passage exact...
Au paragraphe 33(3) qui est proposé, on peut lire ceci : « Avant d’établir ce comité, le ministre de l’Environnement offre [...] » Qu’est-ce que cela signifie?
Le ministre doit offrir aux gouvernements et aux Premières Nations de négocier les modalités de l’évaluation régionale. C’est ce que le paragraphe veut dire. Ce me semble très clair : « [...] d’être partie à un accord concernant la constitution conjointe d’un comité chargé de procéder à l’évaluation régionale et prévoyant les modalités de celle-ci. »
Ce qui est compliqué, c’est la définition du corps dirigeant autochtone parce qu’elle renvoie à une autre loi. Si on prend le temps de s’y arrêter, on comprend que les intérêts des Premières Nations sont ceux des groupes autochtones qui possèdent ou habitent des terres situées sur la côte nord de la Colombie-Britannique.
Je suis désolé, sénateur Pratte, mais votre temps de parole est écoulé. La sénatrice McCallum a la parole.
Honorables sénateurs, je me joins aujourd’hui au débat sur l’amendement du sénateur Sinclair à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers.
En tant que membre du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, je m’inquiète sérieusement des répercussions néfastes et irréversibles que peuvent avoir les projets énergétiques et les activités connexes. Il me semble que, malgré toutes les précautions prises pour en atténuer les risques, ces projets et les activités s’y rapportant finissent invariablement par causer des dégâts irréparables.
J’ai parfois l’impression, chers collègues, que nous traitons bien cavalièrement l’environnement dans lequel nous vivons et que nous jouons l’avenir des personnes vivant à proximité de ces projets à la roulette.
Je comprends tout à fait que nous devons concilier environnement et économie, mais la ligne entre les deux est mince, et j’estime que c’est à nous de faire le nécessaire pour que ces deux éléments se complètent au lieu de se nuire. À mes yeux, c’est ce que ferait l’excellent amendement du sénateur Sinclair en exigeant que le moratoire fasse l’objet d’un examen cinq ans après son entrée en vigueur.
Sans vouloir faire de jeu de mots, je dirais que l’industrie est comme une machine bien huilée. Elle est capable de présenter des arguments convaincants pour qu’on lui fasse confiance lorsqu’il s’agit de mener à bien des projets et des initiatives. Cependant, il y a des situations où il faut aussi se porter à la défense de l’environnement.
De semaine en semaine, nous apprenons des nouvelles troublantes sur la situation précaire de nos fragiles écosystèmes. Il vient un temps où nous devons éviter les risques afin de préserver l’environnement et de prévenir certains dangers qui le menacent. C’est ce que nous voulons faire avec ce projet de loi.
Honorables sénateurs, je pourrais parler longtemps de l’importance du projet de loi C-48 et de ce qu’il représente pour la région et les peuples concernés. Cependant, j’aimerais profiter de cette occasion pour me faire la porte-parole de l’une des résidantes de cette région. J’aimerais lire un extrait d’une lettre que j’ai reçue de la chef Marilyn Slett, présidente de l’initiative Great Bear des Premières Nations côtières :
Mesdames et messieurs les sénateurs, [...] Jusqu’à présent, nous avons entendu tous les arguments favorables ou défavorables au projet de loi C-48, qui vise à imposer un moratoire relatif aux pétroliers. Ce projet de loi protégerait l’écosystème unique et fragile de la côte nord de la Colombie-Britannique contre les risques d’un déversement catastrophique, en interdisant, dans les zones concernées, le mouillage, le chargement ou le déchargement des pétroliers transportant plus de 12 500 tonnes d’hydrocarbures bruts ou persistants.
Tous les arguments contre le projet de loi sont motivés par des intérêts économiques à court terme qui ne sont pas viables et qui sont axés sur des intervenants situés loin de la côte et donc loin des conséquences d’un déversement dans les eaux littorales.
Tous les arguments en faveur du projet de loi proviennent de gens qui auraient à subir les conséquences d’un déversement — les collectivités côtières qui vivent de la pêche et les Premières Nations qui ont des milliers d’années de culture et d’histoire dans une région qui non seulement assure leur subsistance, mais définit leur identité. Ils demandent depuis près de 50 ans d’interdire la circulation des grands pétroliers dans ces eaux. Il y a eu les motions adoptées à l’unanimité par l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique et la Chambre des communes en 1971 et en 1972, respectivement, qui s’opposaient à la circulation des pétroliers le long de la côte de la Colombie-Britannique, puis la création de la zone d’exclusion volontaire des pétroliers en 1985, qui est toujours en place.
En revanche, les arguments contre le projet de loi et contre un demi-siècle de raisonnement pondéré de la part de l’ensemble du spectre politique sont relativement nouveaux. Ils se sont considérablement intensifiés depuis la chute du prix mondial du pétrole, qui rend les sociétés énergétiques et leurs partisans plus désireux que jamais d’acheminer le pétrole brut de l’intérieur vers les marchés. C’est tout à fait normal, puisque l’opposition au projet de loi C-48 est presque exclusivement motivée par l’appât du gain à court terme du secteur pétrolier.
Toutefois, il ne s’agit pas d’un débat typique entre l’économie et l’environnement, et les partisans du projet de loi C-48 ne se concentrent pas uniquement sur la protection des écosystèmes fragiles qui bordent la côte nord de la Colombie-Britannique et de la faune abondante qui en dépend. Le développement économique est essentiel pour les collectivités côtières, à l’instar de toutes les autres régions du Canada. Rien n’en donne une conscience aussi aiguë que de voir son gagne-pain menacé en permanence par une catastrophe environnementale dévastatrice indépendante de sa volonté.
Il suffit de demander à la nation Heiltsuk, qui ressent toujours les effets économiques négatifs de l’échouement du remorqueur Nathan E. Stewart en 2016, qui a déversé plus de 100 000 litres de diesel et d’autres carburants dans les zones de pêche avoisinantes. Que serait-il advenu si ce remorqueur avait été un énorme pétrolier chargé de bitume dilué toxique? L’échouement du Nathan E. Stewart a été catastrophique, mais un déversement de pétrole aurait été encore bien pire. C’est presque trop effrayant à imaginer.
On examine rigoureusement les arguments en faveur de l’interdiction des grands pétroliers depuis des décennies, et ils résistent encore à l’épreuve du temps. Les arguments contre l’interdiction sont fondés sur l’opportunisme politique et la pensée économique à court terme d’intérêts particuliers rivalisant pour le profit.
Ce que nous vous demandons de faire est simple. Nous supposons que vous avez déjà réfléchi attentivement et rationnellement au projet de loi C-48, dans sa forme actuelle, mais nous vous demandons maintenant d’effectuer un second examen objectif de la demande sans précédent et, bien franchement, irresponsable de certains sénateurs de rejeter ce projet de loi en entier.
Nous vous demandons de prendre un peu de recul et d’avoir une vision à long terme, une perspective qui tienne compte des efforts déployés de longue date pour interdire les pétroliers dans cette région et des nombreuses raisons de procéder ainsi, et qui tienne aussi compte des promesses qui ont été faites encore et encore aux Premières Nations côtières dans un esprit de réconciliation.
Nous, les membres des Premières Nations côtières, entretenons un lien de respect mutuel avec l’océan. Comme l’ont déclaré les aînés heiltsuks qui ont aussi témoigné devant la commission d’enquête sur les ports de la côte Ouest de 1977 : « Un déversement de pétrole et c’en est fini de nous. » Nous n’avons pas l’intention de partir de chez nous en quête d’autres perspectives si notre territoire devait être détruit par un déversement de pétrole, ce qui risque fort d’arriver si ce projet de loi n’est pas adopté. Il y a beaucoup de travail à faire, et la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers est une mesure importante pour l’amélioration du système d’intervention en cas de déversement de pétrole en milieu marin.
Par ailleurs, l’adoption du projet de loi C-48 serait conforme aux appels à la réconciliation lancés par le Canada en permettant aux Premières Nations côtières de continuer à vivre en harmonie avec leurs territoires traditionnels. Les enseignements des Premières Nations côtières sont ancrés dans notre relation avec le monde naturel et les cycles des récoltes. Nous avons survécu à des tentatives d’assimilation et de génocide culturel. Nous implorons les sénateurs du Canada de nous permettre de conserver notre mode de vie en lien avec un océan sain et intact.
Nous vous demandons aussi de considérer les répercussions économiques de ce projet de loi dans une perspective à long terme. Alors que les dirigeants du secteur pétrolier et les politiciens de l’Alberta lancent des appels exaspérés à « l’unité nationale » et à une réduction massive de la réglementation, qui entrave les profits à court terme, nous vous demandons de prendre en considération les intérêts économiques non seulement des générations actuelles, mais aussi des générations futures.
Le long de la côte nord du Pacifique, les Premières Nations côtières travaillent à mettre en place une économie durable depuis de nombreuses années. Chez nous, la protection des ressources est une question de survie. L’océan est notre corbeille à pain et il nous procure nourriture et revenus.
En d’autres termes, nous vous demandons de tenir compte de l’économie ici même, le long de la côte, qui serait menacée par les déversements de pétrole — les quelque 7 500 emplois permanents sur des territoires ancestraux qui génèrent près de 400 millions de dollars de recettes par année —, et non seulement de l’économie à des centaines de kilomètres à l’intérieur des terres.
Cordialement,
La présidente des Premières Nations côtières,
Chef Marilyn Slett
Honorables sénateurs, il arrive qu’une lettre comme celle-ci, qui communique un point de vue aussi rationnel et exprimé avec autant de conviction, se passe de commentaires.
Il s’agit d’un cycle d’expansion et de ralentissement bien connu à l’intérieur des terres, à l’abri des conséquences d’une catastrophe potentielle. Les hauts et les bas de ce cycle peuvent être difficiles à prédire. Toutefois, comme l’a indiqué la chef Slett, l’économie des régions côtières, en revanche, est stable, constante et bien moins volatile. L’économie de ces régions, qui génère des centaines de millions de dollars chaque année, et le gagne-pain de leurs habitants pourraient être détruits de façon irréversible si le projet de loi C-48 n’est pas adopté.
Cinq ans après la mise en œuvre de l’amendement du sénateur Sinclair, les Premières Nations côtières pourront, de concert avec les provinces, déterminer les aspects importants du processus d’évaluation régionale. Je pense qu’il s’agit d’une approche équilibrée et inclusive, qui nous guidera dans l’examen de cette question dans un proche avenir.
Honorables sénateurs, je vous demande de suivre comme moi les conseils de la chef Slett. Appuyons l’amendement du sénateur Sinclair et le projet de loi C-48. Je vous invite à adopter une optique à long terme en ce qui a trait aux retombées économiques de ce projet de loi. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer cet amendement au projet de loi C-48. Il y a deux raisons pour lesquelles j’appuie l’amendement.
Premièrement, l’ajout des évaluations régionales est important. Dans les mois qui suivront la sanction royale, une évaluation régionale sera lancée. C’est bon pour l’Alberta, parce que la province participera à la création du cadre de l’évaluation. L’avis et les intérêts de l’Alberta seront protégés par ce processus.
C’est probablement plus que ce que pourrait prévoir toute disposition du projet de loi C-69 en matière d’évaluations régionales. Ces dernières débuteraient avant que des projets soient proposés. Elles recueilleraient des données importantes pour l’évaluation d’impact.
Il faut se rappeler que, à l’heure actuelle, aucun projet n’est prévu dans cette région. Si un projet était proposé dans le futur, une bonne partie des données scientifiques requises auraient déjà été recueillies. Cela accélérera le processus pour les promoteurs et rendra le processus d’évaluation d’impact plus court. Honorables sénateurs, la durée de l’évaluation d’impact est très importante pour l’Alberta et cette disposition a son importance.
Deuxièmement, l’amendement permet de réaffirmer les droits des Autochtones et les droits relatifs aux traités. D’abord et avant tout, cette disposition est importante pour le peuple nisga’a. Il reconnaît le traité moderne et le droit du peuple nisga’a de vouloir se développer économiquement. Ce fut une erreur, au moment de l’élaboration du projet de loi, de ne pas consulter adéquatement les Nisga’as et de ne pas tenir compte de leurs demandes. L’amendement corrige cette erreur.
En fait, Eva Clayton, la présidente des Nisga’a, a écrit une lettre destinée à nous tous. J’aimerais lire certaines parties de cette lettre pour qu’elle paraisse au compte rendu.
La nation Nisga’a n’appuie pas l’imposition d’un moratoire qui s’appliquerait à des régions visées par son traité, puisque le projet de loi C-48 fait totalement fi des principes d’autonomie gouvernementale et de gestion de l’environnement qui sont au cœur du traité des Nisga’a.
[...] le traité des Nisga’a est le premier traité moderne en Colombie-Britannique. Il représente également le premier traité au Canada, voire dans le monde, qui leur confère pleinement le droit à l’autonomie gouvernementale et le pouvoir d’édicter des lois, des droits qui sont protégés par la Constitution.
En vertu de ce traité, nous avons des droits substantiels dans la région du Nass, qui englobe une zone de 26 000 kilomètres carrés de notre territoire traditionnel dans le Nord-Ouest de la Colombie-Britannique. En outre, nous avons la compétence législative sur environ 2 000 kilomètres carrés dans la vallée de la rivière Nass, connus sous le nom de terres Nisga’a.
— depuis l’an 2000 —
[...] notre nation possédait le pouvoir légal et constitutionnel de gérer ses propres affaires.
Elle ajoute :
Ce projet de loi a été déposé avant que nous ayons eu l’occasion de discuter des importantes répercussions qu’il aurait sur la nation Nisga’a et le traité des Nisga’a.
Enfin, elle dit : « Pour les membres de la nation Nisga’a, il s’agit entièrement du fait que la Constitution nous garantit le droit d’avoir véritablement voix au chapitre en ce qui concerne ce qui se passe sur nos territoires. Un processus doit donc être ajouté au traité et il doit préciser que les décisions sont fondées sur une évaluation environnementale rigoureuse, où les données scientifiques jouent un rôle de premier plan, et que tous les facteurs pertinents sont adéquatement cernés et analysés. On s’assure ainsi d’établir un équilibre nécessaire entre la prospérité économique et la protection de l’environnement. »
La nation Nisga’a n’a jamais appuyé et n’appuiera jamais un projet qui pourrait dévaster ses terres, ses sources alimentaires et son mode de vie.
« Par ailleurs, nous ne pouvons pas nous laisser faire lorsqu’on impose des restrictions arbitraires et injustifiées à la région visée par notre traité, et pas à d’autres. »
Il est regrettable que, sur cette question aux immenses conséquences pour la nation Nisga’a et tous les Canadiens, le gouvernement ait procédé sans offrir d’accommodements véritables à ceux qui ne voient pas les choses du même œil que les peuples autochtones qui ont le plus à perdre.
Honorables sénateurs, cette disposition profite aussi à l’Alberta. Elle affirme que la nation Nisga’a a le droit de développer son économie, par exemple au moyen d’un port, de la même façon que des nations autochtones peuvent envisager un projet de pipeline avec des investisseurs non autochtones. Bien qu’aucun projet ne soit proposé pour l’instant, la porte demeure ouverte à d’éventuels projets.
De plus, cet article est bon pour le Canada. Il démontre que, contrairement à ce qu’on entend souvent, les Autochtones ne s’opposent pas au développement. Nous avons ici un exemple d’une Première Nation qui souhaite des normes environnementales élevées ainsi que l’élaboration de bons projets d’exploitation des ressources qui ne présentent pas de danger. J’oserais dire que c’est ce que veulent la plupart des Canadiens : des projets qui créent des emplois et stimulent l’économie tout en protégeant l’environnement pour nos enfants et nos petits-enfants.
Enfin, cette clause rejoint l’annonce de l’Alberta concernant la création d’un fonds d’un milliard de dollars pour la participation des Autochtones à des projets d’exploitation des ressources. L’Alberta essaie déjà de changer le discours à propos des Autochtones dans le cadre de son important travail. J’entrevois un avenir où les peuples autochtones entreprendront des projets liés aux pipelines et aux ports avantageux pour l’ensemble du pays tout en conservant leur mode de vie traditionnel, car il n’est pas nécessaire de choisir entre les deux. Nous pouvons faire les deux.
Enfin, honorables sénateurs, je pense qu’un vote en faveur de cet amendement réfléchi et axé sur le compromis est à bien des égards un vote pour l’Alberta et les Autochtones. Merci.
L’honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
Oui.
Honorable sénatrice, je vous remercie de votre contribution. J’ai quelques questions.
Le groupe Eagle Spirit est très avancé dans l’élaboration d’une vision et d’une proposition. Serait-il disposé à appuyer l’amendement proposé par le sénateur Sinclair et cette approche particulière? De même, les Nisga’as appuient-ils cette approche? Cette approche permettrait-elle à ces parties d’aller de l’avant maintenant ou seraient-elles obligées d’attendre la fin des réunions et du délai de cinq ans avant de lancer un projet quelconque?
Je vous remercie de votre question. J’ai rencontré de nombreux groupes autochtones qui s’intéressent aux pipelines, dont, évidemment, Eagle Spirit. Je pense que la Coalition nationale des chefs est un autre groupe qui pourrait être intéressé par ce genre de projets. Je ne vois pas pourquoi elle refuserait de laisser la porte ouverte à des projets de développement. Je n’ai pas parlé directement à la coalition, mais je suppose qu’elle est intéressée.
Après avoir étudié attentivement le projet de loi C-69 au cours des huit derniers mois, je dirais que le point fort de cette mesure législative réside dans la tenue des évaluations régionales et l’étape préparatoire. Le projet de loi présente des problèmes, que nous avons tenté de régler, mais le point fort réside dans les évaluations régionales, car elles permettront de recueillir des données scientifiques solides, sur lesquelles pourront reposer les propositions des promoteurs. En outre, l’étape préparatoire sera beaucoup plus rapide. On saura clairement ce qui doit être étudié et ce qui doit être fait dans le processus d’évaluation d’impact.
Je pense que la tenue d’une évaluation régionale dès le départ, alors que le projet se met en branle et que le promoteur — par exemple, Eagle Spirit — obtient le financement nécessaire, permettra la réalisation des projets de ce genre. Je pense que cette approche obtiendra l’appui des promoteurs et des investisseurs.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-48 semble nous placer entre le marteau et l’enclume. D’aucuns diraient que le marteau, c’est la catastrophe environnementale que constituerait un déversement d’hydrocarbures sur la côte nord de la Colombie-Britannique et qui détruirait à jamais les moyens de subsistance et les traditions de ceux qui vivent sur l’eau ou à proximité. D’autres diraient que l’enclume, c’est la catastrophe économique des actifs pétroliers retenus en Alberta et en Saskatchewan.
Le discours que l’on entend désormais au Sénat et ailleurs est que le choix est binaire. On nous a amenés à croire que nous sommes coincés entre ces deux possibilités et qu’il n’y en a pas d’autres.
Mais le sommes-nous vraiment? Dans notre zèle simplificateur, ne sommes-nous pas obnubilés par ces deux hypothèses? Ne nous sommes-nous pas laissés conduire dans une impasse par ces arguments exagérés et, si j’ose dire, alarmistes qui nous amènent d’un côté comme de l’autre au naufrage?
Et si nous n’étions pas à la veille de ce naufrage annoncé? Et si, des deux côtés du débat, la situation n’était pas aussi menaçante et incontournable qu’on a bien voulu nous le faire croire? Et s’il y avait, en fait, une troisième voie? Sommes-nous prêts à la trouver?
Je crois que l’amendement dont nous sommes saisis est cette voie. Je parle d’une façon de naviguer en toute sécurité et consciemment entre les deux extrêmes qui nous ont été présentés comme les seules options.
À l’heure actuelle, il n’y a aucun risque de déversement important de pétrole, car il n’y a aucun grand pétrolier à moins de 126 kilomètres de la côte nord de la Colombie-Britannique. De plus, il n’y a actuellement aucun risque que des actifs pétroliers en Alberta et en Saskatchewan deviennent inutilisables, car aucun pipeline ne relie les Prairies à la côte nord de la Colombie-Britannique et aucun projet concret n’a été proposé à cet égard. Si le projet Trans Mountain obtient le feu vert la semaine prochaine et se concrétise, le risque d’actifs bloqués est d’autant plus réduit.
L’adoption du projet de loi C-48 dans sa forme actuelle, qui vise à interdire de façon permanente la circulation de pétroliers sur la côte nord de la Colombie-Britannique, pourrait mener au transport restreint du pétrole de l’Alberta et de la Saskatchewan vers la Colombie-Britannique. Inversement, le rejet du projet de loi C-48 pourrait miner la zone d’exclusion volontaire des pétroliers au large de la côte nord de la Colombie-Britannique, ce qui augmenterait le risque d’un déversement de pétrole. C’est pourquoi nous devrions éviter les deux scénarios.
Honorables sénateurs, un second examen objectif ne peut pas prédire l’avenir. Nous ne savons pas si les habitants de la côte nord de la Colombie-Britannique, particulièrement les Premières Nations qui habitent ces terres depuis des millénaires, pourraient changer d’idée quant au fait d’avoir un moratoire d’une durée indéterminée sur les pétroliers transportant une cargaison de plus de 12 500 tonnes métriques de pétrole brut ou d’hydrocarbures persistants. Par ailleurs, nous ne savons pas s’il existe une analyse de rentabilisation pour la construction d’un oléoduc entre l’Alberta et le Nord de la Colombie-Britannique ou des sociétés qui ont le savoir-faire, les fonds et l’accès aux marchés pour mener un tel projet à bien. En déclarant qu’il n’y a que deux choix possibles entourant le projet de loi C-48, nous exagérons les risques de part et d’autre du débat et nous faisons semblant d’avoir plus de renseignements que ce qui est actuellement à notre disposition.
J’appuie l’amendement proposé en partie parce qu’il admet les limites de nos connaissances. L’accès à la mer est effectivement crucial pour acheminer les ressources enclavées vers les marchés asiatiques, mais, compte tenu de l’évolution rapide des marchés énergétiques, nous ne pouvons pas être certains que ces marchés appuieront un deuxième oléoduc vers la côte Ouest.
De la même façon, si on réussissait à prouver que la construction d’un pipeline vers la partie nord-ouest de la côte Pacifique est plus que justifiée, ce serait irresponsable de notre part de présupposer que tous les habitants de la côte Ouest refuseront toujours que soient aménagées des installations permettant aux pétroliers d’exporter, de manière sûre et durable, le pétrole et le gaz canadiens vers les marchés asiatiques. Ne devrions-nous pas leur laisser le droit de changer d’avis si jamais de nouvelles données étaient portées à leur attention quant aux retombées et aux risques que pourrait comporter la circulation de pétroliers dans la partie nord de la côte britanno-colombienne?
Après tout, la question n’est pas de savoir si on doit bloquer la construction d’un pipeline vers la partie nord de la côte en imposant un moratoire à la circulation des pétroliers, puisque, pour le moment, il n’y en a pas, de pipeline. Nous devons nous demander si les Premières Nations qui seront le plus directement touchées par le moratoire devraient avoir le droit de déterminer elles-mêmes si elles jugent que les risques valent la peine d’être courus — si tant est que les circonstances justifient un tel projet, évidemment.
Honorables sénateurs, ce que dit l’amendement, en gros, c’est que nous ne sommes pas en mesure de déterminer si une interdiction permanente est justifiée. Nous ne savons pas si les Premières Nations côtières changeront d’avis à ce sujet. Nous ne savons pas si un pipeline au nord est nécessaire et, s’il y a lieu, qui pourrait en construire un. Nous ne savons pas si la demande en Asie correspondra aux décennies d’exportations canadiennes de pétrole qui seraient nécessaires pour justifier la construction d’un pipeline et d’un terminal. Nous ne pouvons qu’imaginer les conditions géopolitiques futures du commerce transpacifique, surtout en ce qui concerne une ressource stratégique comme le pétrole. Nous ne savons pas non plus quelles percées technologiques l’avenir nous réserve, que l’on pense aux méthodes de transport du pétrole brut, à la sécurité des pétroliers ou aux énergies renouvelables plus abordables et plus accessibles.
L’évaluation régionale proposée, qui est une partie essentielle de l’amendement, permettrait de répondre à certaines de ces questions. En fait, le projet de loi C-48 contient déjà une disposition sur la possibilité de mener un examen réglementaire sur, premièrement, les plus récentes preuves et données scientifiques sur le comportement des produits pétroliers lors d’un déversement; deuxièmement, les innovations et les avancées technologiques dans le domaine du transport du pétrole et, troisièmement, l’état de la technologie de nettoyage. L’amendement rendra cet examen réglementaire obligatoire en plus de l’élargir par l’entremise du processus d’évaluation régionale qui est envisagé dans le projet de loi C-69.
Les tenants et les opposants du projet de loi C-48 s’entendent sur deux sujets : les limites du régime canadien de préparation et d’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures le long de la côte nord de la Colombie-Britannique et l’absence de protection des côtes en général. La subsistance et le développement économique des nations côtières dépendent de la santé de l’océan. Une évaluation régionale comme celle du projet de loi C-69 permettrait de faire la lumière sur les risques pour cet écosystème unique et ouvrirait la voie à un plan de protection des côtes qui, si l’interdiction est levée, permettrait de rassurer tous les résidants de la côte quant à l’existence de mesures de protection environnementale.
Un examen obligatoire par le Parlement fondé sur les conclusions d’une évaluation régionale, telle que celle prescrite dans le projet de loi C-69, avec une consultation significative des Premières Nations, est un exemple de la façon dont le Sénat peut faire preuve de prudence et de sagesse.
Honorables sénateurs, avec le projet de loi C-48, l’autre endroit nous demande s’il faut interdire définitivement les pétroliers au large de la côte nord de la Colombie-Britannique.
Notre réponse devrait être que nous ne sommes pas prêts à répondre à la question. Il est regrettable que le gouvernement nous pose une question à laquelle il est impossible de répondre pour l’instant. L’interdiction des pétroliers est une promesse électorale qu’a faite le chef du Parti libéral, qui est maintenant premier ministre. Nous devrions considérer le projet de loi C-48 dans ce contexte.
Si on accepte la convention de Salisbury, il ne faut pas voter contre le projet de loi. Je reconnais que certains sénateurs n’adhèrent pas à la convention de Salisbury. Si vous êtes de ce camp, vous devriez tout de même vous demander si le projet de loi C-48 mérite que le Sénat, en votant contre un projet de loi d’initiative ministérielle, pose un geste de défiance rare, qui ne s’est produit que quatre fois depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Si vous croyez que ces critères rigoureux ont été respectés, nous pouvons quand même prendre le temps de soumettre un amendement raisonnable à l’autre endroit. J’estime que c’est le genre d’amendement que nous avons trouvé.
Honorables sénateurs, je ne peux pas avoir la certitude que le gouvernement acceptera cet amendement. J’ai cependant bon espoir qu’il sera étudié sérieusement. Après tout, sur la côte nord de la Colombie-Britannique, tant les nations autochtones qui appuient le moratoire que les nations autochtones qui s’y opposent se sont dites favorables à un examen obligatoire des dispositions du projet de loi C-48 et à une consultation en bonne et due forme des autorités provinciales et autochtones concernées.
Par ailleurs, cet amendement est conforme au principe de l’autodétermination des peuples autochtones, ce qui n’était pas le cas de la première version du projet de loi C-48. Pour reprendre la métaphore colorée que le sénateur Sinclair a employée il y a un instant : un plat, une cuillère.
Évidemment, certains récrimineront contre l’amendement, soutenant qu’il est préjudiciable à l’environnement ou aux provinces enclavées. Nous ne causons aucun préjudice. Il n’y a aucun déshonneur à ce qu’un sénateur de la Colombie-Britannique dise aux résidants de la côte nord que le pays n’est pas prêt pour une interdiction permanente des pétroliers le long de cette côte. Au même titre, il n’y a aucun déshonneur à ce qu’un sénateur de l’Alberta dise aux Albertains que la levée d’une interdiction des pétroliers n’est pas une panacée pour les défis plus grands qui guettent l’industrie pétrolière et gazière au Canada. Toutefois, il y a déshonneur si nous nous servons du projet de loi C-48 pour alimenter la division et attiser le mécontentement interprovincial.
En tant que sénateurs au Parlement fédéral, une partie de notre travail consiste à défendre la fédération. Oui, nous représentons nos régions, mais nous ne rendons pas service à nos régions si nous encourageons sciemment de fausses affirmations et des peurs exagérées.
Honorables sénateurs, nous ne sommes pas entre le marteau et l’enclume. Nous n’avons pas à jeter notre dévolu sur l’un ou sur l’autre en croyant qu’il n’y a pas d’autre issue. L’amendement à l’étude se veut une réaction à la situation de la côte nord de la Colombie-Britannique telle qu’elle est à l’heure actuelle, et non à ce que nous craignons qu’elle devienne.
Je ne choisis ni le marteau ni l’enclume. Je choisis plutôt l’amendement proposé qui, je crois, nous mènera à bon port. J’espère que vous vous joindrez à moi pour l’appuyer.
L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Oui.
Merci, sénateur Woo. J’ai quelques questions. Premièrement, quand vous affirmez qu’il n’y a pas d’oléoduc et que nous ne savons pas s’il y a un marché, vous oubliez qu’Enbridge était prête à consacrer des milliards de dollars au projet Northern Gateway. Il a été étouffé par le gouvernement libéral. C’était en fait la preuve dont nous avions besoin, à bien y penser. Le projet n’était pas subventionné par l’État ou rien de tel. C’était des milliards de dollars qui sont depuis partis aux États-Unis où ils serviront à d’autres projets qui créeront des emplois là-bas. C’est une preuve solide de l’existence d’une demande.
J’ai une question au sujet du programme électoral. Nous savons tous qu’il n’y avait pas de mention d’interdiction des pétroliers dans le programme. Je suis allé voir et je ne peux pas la trouver dans le manifeste. Nous savons qu’elle a été mentionnée dans un discours, peut-être deux, en pleine campagne, mais elle ne l’est pas dans le programme. La Convention de Salisbury ne s’appliquerait pas du tout.
Nous savons cependant que, dans le cadre des prochaines élections, il y a un parti qui prévoit dans sa plateforme l’abrogation du projet de loi C-48.
Oui.
La Convention de Salisbury s’appliquera et nous devrons en tenir compte. J’aimerais savoir ce que vous pensez de la possibilité que cet amendement devienne un prétexte quelconque ou une arme pour contrecarrer le plan du prochain gouvernement élu lorsqu’il voudra abroger le projet de loi C-48?
Bravo!
Je vous remercie, sénateur Tannas. Sur la question du programme électoral, nous nous souviendrons tous que lorsqu’il était candidat, Justin Trudeau avait fait des déclarations publiques en compagnie de représentants des Premières Nations côtières, dans le Nord de la Colombie-Britannique et à Vancouver. Il a pris un engagement qui a été largement diffusé à l’époque. Je crois que la plupart des électeurs conviendront qu’il s’agissait d’une promesse électorale. Nous ne sommes peut-être pas du même avis, mais il existe des preuves suffisantes : c’était bel et bien une promesse électorale.
Même si vous n’acceptez pas la légitimité de la convention de Salisbury, j’ai déjà fait valoir qu’il faut respecter deux autres critères pour voter contre l’adoption de ce projet de loi. D’abord, il existe des critères très élevés lorsque vient le moment de voter contre un projet de loi émanant du gouvernement, indépendamment de la convention de Salisbury. Nous devons tous nous demander si ces critères ont été atteints. Depuis la Seconde Guerre mondiale, seuls quatre projets de loi émanant du gouvernement ont été rejetés. Je pense qu’il serait particulièrement inusité d’ajouter le projet de loi C-48 à cette courte liste.
J’ai parlé d’un autre critère à respecter si nous envisageons de voter contre le projet de loi. Il faut se poser la question suivante : avons-nous fait de notre mieux? Avons-nous fait tous les efforts possibles pour trouver la voie, la solution, le compromis qui ne nous mettrait pas dans une position, qui ne mettrait pas le Sénat, une Chambre non élue, dans une position où il doit voter contre un projet de loi d’initiative ministérielle, ce qui aurait toutes sortes de conséquences pour notre institution?
Ce n’est pas une question qui s’adresse uniquement au Groupe des sénateurs indépendants ou aux conservateurs. Elle s’adresse à tous les sénateurs, particulièrement à ceux d’entre nous qui pourraient être ici encore de nombreuses années.
Pour ce qui est de l’autre question concernant le programme du Parti conservateur, j’ose croire que ce parti accorde de l’importance aux données probantes, à la recherche scientifique et aux consultations. Si c’est le cas et qu’il y a une évaluation régionale en cours pour recueillir des renseignements sur le risque de déversement de pétrole, la sensibilité de l’écosystème, les répercussions tant près des côtes que sur les côtes et les répercussions économiques dans le cas d’un déversement de pétrole, j’aimerais croire que tout gouvernement voudrait prendre le temps d’examiner ces renseignements avant de décider de lever ou de prolonger le moratoire.
Cet amendement nous permet de corriger exactement ce dont tout le monde se plaint, soit que nous n’avons pas suffisamment d’information pour prendre une décision. Si c’est le cas aujourd’hui, ce sera toujours le cas le 22 octobre, lorsqu’un nouveau gouvernement sera élu. Il n’aura pas, lui non plus, suffisamment d’information.
J’imagine que n’importe quel gouvernement voudrait avoir en main les informations requises avant de prendre une décision irréversible.
Sénatrice Eaton, vous avez une question?
Sénateur Woo, personne n’a encore réussi à m’expliquer pourquoi 2 000 pétroliers remplis de diesel sillonnent la côte Est le long du couloir d’icebergs chaque jour jusque dans l’Arctique. Je suis certaine que vous êtes déjà allé en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard et dans certaines régions de Terre-Neuve. Le littoral là-bas est magnifique, mais personne ne parle de déversements de pétrole ou de moratoire relatif aux pétroliers. Pourquoi est-ce que la côte Ouest est plus précieuse et plus sensible que la côte Est? Personne n’a encore réussi à me l’expliquer.
C’est une excellente question, et c’est précisément pourquoi cet amendement n’écarte pas définitivement la possibilité que les pétroliers recommencent un jour à circuler le long de la côte Ouest.
Comme je le disais plus tôt, la crainte d’un déversement majeur de pétrole dans la partie nord de la côte britanno-colombienne est purement hypothétique, parce qu’à l’heure où on se parle, aucun pétrolier ne s’approche à moins de 126 kilomètres du rivage. Il faut donc recueillir des données sur la dangerosité des pétroliers et sur la vulnérabilité de cet écosystème — qu’on dit particulièrement fragile, il faut quand même le dire. Je ne suis pas biologiste, mais nous avons entendu plusieurs discours, dont celui de la sénatrice Jaffer — que j’ai prononcé en son nom — et du sénateur Harder, qui attestent que la forêt pluviale de la côte Ouest est dans une classe à part. Nous avons besoin de données pour savoir s’il est vrai que cet écosystème est particulier au point d’être protégé à perpétuité.
Or, ces données, nous ne les avons pas encore. Je crois donc que cet amendement nous permettra d’obtenir l’information dont nous avons besoin pour prendre une décision prudente tout en songeant aux intérêts à long terme des Canadiens.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
L’honorable sénateur Sinclair, avec l’appui de l’honorable sénateur Campbell, propose en amendement que le projet de loi C-48 ne soit pas lu pour la troisième fois... puis-je me dispenser de lire l’amendement?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
À mon avis, les oui l’emportent.
Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
Nous reportons le vote à la prochaine séance.
Le vote est reporté à 17 h 30, à la prochaine séance.