Question de privilège
Report de la décision de la présidence
11 juin 2019
Honorables sénateurs, nous reprenons l’étude de la question de privilège. Le sénateur Ngo a la parole.
Merci, Votre Honneur. J’aimerais aujourd’hui donner mon appui à la question de privilège du sénateur Patterson.
Je fais moi-même partie du Comité des peuples autochtones et j’estime que la réunion de ce matin a porté sérieusement atteinte aux privilèges du sénateur et à ceux des membres conservateurs du comité.
Comme l’a signalé le sénateur Patterson, l’article 12-20(4) du Règlement du Sénat dit ceci :
Un comité du Sénat ne peut suivre aucune procédure incompatible avec les dispositions du Règlement ou les pratiques du Sénat.
En limitant de manière aussi arbitraire les interventions de chacun à cinq minutes par amendement, le comité a directement contrevenu au Règlement du Sénat et aux pratiques exemplaires de la Chambre haute.
L’article 7 du Règlement encadre la fixation de délai pour les travaux des comités et il dit clairement que cette décision revient au Sénat, et non au comité concerné.
Votre Honneur, j’ai eu le malheur de voir de mes yeux la présidente du comité et divers autres sénateurs invoquer la fixation de délai pour interrompre le sénateur Patterson et l’empêcher de participer de manière constructive, comme il en avait le droit, à l’étude du projet de loi d’initiative parlementaire dont il était alors question. Ce n’est pas arrivé seulement une fois, Votre Honneur, mais plusieurs, comme l’a expliqué le sénateur. Les gens l’ont interrompu plusieurs fois — portant du coup atteinte à ses privilèges — pendant qu’il essayait de faire valoir son point.
Les sénateurs doivent comprendre que si nous acceptons cette atteinte aux privilèges, il est possible que cela se reproduise au sein d’autres comités. L’atteinte aux privilèges d’un sénateur peut rapidement devenir l’atteinte aux privilèges d’autres sénateurs si rien n’est fait.
Votre Honneur, comme vous le savez, pour que ce qui s’est produit soit considéré une atteinte aux privilèges, l’incident doit satisfaire à quatre conditions de base. Je crois que les travaux qui se sont déroulés au Comité des peuples autochtones ce matin satisfont à chacune de ces conditions.
Premièrement, comme le sénateur Tannas l’a expliqué, la question de privilège doit être soulevée à la première occasion. Il s’agit de la première occasion. Par ailleurs, plus tôt aujourd’hui, on nous a expliqué pourquoi il était difficile de fournir un préavis écrit concernant cette atteinte aux privilèges.
Deuxièmement, il faut que la question se rapporte directement aux privilèges d’un sénateur. Ce matin, au comité, on a refusé au sénateur Patterson le droit de parler d’amendements, de poser des questions aux témoins et de demander des précisions. La présidente du comité a interrompu à plusieurs reprises le débat sur les amendements. Depuis que je suis au Sénat, c’est du jamais vu. Par ailleurs, on n’a malheureusement accordé que cinq minutes à tous les sénateurs conservateurs pour parler des amendements, contrairement à ce que le sénateur Sinclair a dit.
Troisièmement, la question doit être soulevée dans le but d’obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder. Je suis prêt à appuyer la motion du sénateur Tannas tendant à renvoyer le projet de loi C-262 au comité pour que le sénateur Patterson et le reste du comité puissent débattre du projet de loi et recevoir des réponses des représentants du ministère de la Justice.
Enfin, la question doit viser à corriger une atteinte grave et sérieuse. Le refus de donner au sénateur Patterson la possibilité de débattre est une obstruction flagrante de sa capacité de s’acquitter de son devoir de parlementaire comme membre d’un comité sénatorial. En qualité de sénateurs, l’une de nos principales fonctions est de débattre des mesures législatives et non de nous faire taire les uns les autres.
Votre Honneur, je suis peut-être naïf, mais je ne crois pas qu’il y ait déjà eu une telle atteinte au privilège au Canada, du moins depuis que je siège au Sénat du Canada.
Les comités sénatoriaux sont censés être la marque distinctive de notre travail au Parlement précisément parce que chaque membre a la possibilité de se pencher sur des mesures législatives et des questions complexes d’importance nationale sans limitation ou crainte d’être muselé. C’est pour cette raison que nous appelons le Sénat la Chambre de second examen objectif.
J’ai toujours pensé qu’un tel contrôle arbitraire et une telle intimidation à l’endroit d’un membre d’un comité dans le but de réprimer sa liberté d’expression ne pouvaient se voir que dans des dictatures communistes.
Quel genre de message envoyons-nous si nous ne dénonçons pas le musellement manifeste d’un parlementaire et n’y remédions pas de manière appropriée?
Votre Honneur, j’estime que la question de privilège mérite de faire l’objet d’une décision de votre part et j’espère, respectueusement, que vous rendrez votre décision dans les plus brefs délais. Merci.
Je ne suis pas membre du comité, mais je sens que j’ai le devoir d’intervenir quand j’entends des mots tels que « Kremlin » ou « censure communiste », car c’est tout à fait inapproprié dans le contexte du processus parlementaire au Canada.
J’aimerais parler des éléments des privilèges auxquels atteinte aurait été portée ce matin. De nombreux sénateurs ont indiqué avoir été soumis à une attribution de temps, limitant le débat au Sénat. Le Règlement du Sénat prévoit pour chacun de nous un temps de parole précis, que ce soit au sujet d’un projet de loi, d’une motion ou d’une interpellation. Ainsi, à mon sens, il est tout à fait recevable, pour faire le travail que nous faisons, que la majorité des membres d’un comité décide, pour faire progresser l’étude d’un projet de loi, qu’une certaine période est allouée par amendement, sans égard au nombre d’amendements présentés.
Votre Honneur, si l’on se reporte au Règlement du Sénat, je crois que vous êtes le seul à imposer des limites de temps lorsque nous débattons, notamment à l’égard d’une question de privilège ou d’un recours au Règlement. C’est votre prérogative.
Je n’ai rien entendu qui m’incite à penser que l’attribution de temps a été imposée au comité. On a suivi la procédure régulière et décidé d’allouer cinq minutes au débat sur chaque amendement. C’est probablement convenable.
Pour ce qui est de la question de privilège à titre de sénateur, nous avons le privilège de débattre. Nous avons aussi des restrictions de temps lorsque la situation le justifie.
J’ai également entendu deux sénateurs, le sénateur Patterson et le sénateur Tannas, dire qu’ils avaient tous deux une motion pour régler le problème. En ce qui me concerne, seul le sénateur Patterson, qui a soulevé la question de privilège, devrait pouvoir dire qu’il a une certaine motion.
S’agissant de la motion que le sénateur Patterson veut présenter pour obtenir réparation à une atteinte aux privilèges, je précise que le projet de loi a été renvoyé au Sénat et subira une troisième lecture. Chaque sénateur a la possibilité de proposer des amendements, des sous-amendements, et cetera, selon le temps imparti et les règles du débat prévues dans notre Règlement. À mon avis, il n’y a pas de réparation à accorder, puisque nous aurons une autre occasion de débattre du projet de loi à l’étape de la troisième lecture, étape au cours de laquelle tout sénateur pourra proposer un amendement.
Pour ce qui est des questions de privilège, je constate que ce qui est signalé comme une atteinte aux privilèges n’a, en fait, aucun fondement. Quant à la réparation, elle aura lieu — espérons-le — dans les prochains jours, en ce sens que chaque sénateur sera en mesure de proposer des amendements et des sous-amendements dans le cadre du débat.
J’espère, Votre Honneur, que vous ne jugerez pas recevable la question de privilège invoquée par le sénateur.
Je serai bref, Votre Honneur.
J’appuie la question de privilège soulevée par le sénateur Patterson au sujet des événements qui ont eu lieu aujourd’hui. Je dois vous dire, Votre Honneur, que bien que je siège depuis des années au Sénat, je n’ai jamais été témoin d’un acte qui compromette autant les privilèges de tous les sénateurs. Même si ce qui s’est passé aujourd’hui visait le sénateur Patterson, la même chose pourrait arriver à n’importe qui d’entre nous.
Votre Honneur, des règles ont été établies par notre institution pour protéger la minorité. C’est pourquoi nous les avons : parce que l’autre partie a la majorité et que, par conséquent, elle peut abuser de cette majorité, ce qui mène à la tyrannie. C’est pourquoi nous avons des règles. C’est pourquoi nous avons la capacité de prolonger et d’approfondir le débat. Nous croyons que nous avons le droit de participer au processus. Il ne s’agit pas d’un droit exclusif de la majorité.
La fixation d’un délai dans le cas d’une procédure de comité est traitée au chapitre 7 du Règlement. Je ne vais pas passer en revue l’article 12-20(4), dont vous avez déjà beaucoup entendu parler, mais l’attribution du temps est toujours une décision du Sénat et non du comité lui-même. Par conséquent, le comité n’a en aucun cas le pouvoir de fixer de délais pour limiter le débat et encore moins d’interrompre les observations d’un sénateur.
J’aimerais expliquer un peu le contexte, Votre Honneur, car c’est important. Le sénateur Patterson a proposé un amendement et il a parlé de ce qu’il proposait. Des sénateurs de l’autre côté trouvaient qu’il s’éternisait et ils l’ont interrompu. C’est ce qui s’est passé.
Dans ce cas-ci, il n’y avait aucune motion de fixation de délai. Tout cela faisait partie de la procédure. Un sénateur de l’autre côté — le sénateur Sinclair, je crois — a demandé la mise aux voix, et le vote a eu lieu. Aucun autre sénateur de notre côté n’a eu le droit d’intervenir. Aucun. Cela n’avait rien à voir avec la fixation de délais. C’est plutôt que la présidente a coupé court au débat. Il y a eu la fixation de délais, la demande de mise aux voix, puis le vote, et aucun autre sénateur n’a été autorisé à prendre la parole. Je n’ai pas pu prendre la parole.
En fait, Votre Honneur, j’ai dû interrompre les travaux du comité de façon plutôt abrupte. Je l’ai fait à contrecœur parce qu’on ne m’avait pas donné la chance de participer au débat. Je voulais simplement lire une lettre que le premier ministre de l’Alberta avait écrite au premier ministre du Canada à propos du projet de loi. On m’a refusé le droit de le faire. On m’a refusé le droit d’intervenir.
En fait, un sénateur a dit que je devrais quitter la pièce. « Le Sénat n’appartient pas à une seule personne. Il appartient à tous les Canadiens. » C’est ce que j’ai dit à la réunion. Je pense que c’était une grave erreur.
La motion qui a été adoptée à la majorité visait à limiter le débat à cinq minutes au total, ce qui représentait 20 secondes par personne. Aucun membre du comité n’a pu prendre la parole pour discuter d’amendements sérieux pendant plus de 20 secondes. La présidente a fait entrer les fonctionnaires sans nous permettre de leur poser des questions. Pas un seul membre du comité n’a pu prendre la parole au sujet d’un article ou d’un amendement. La présidente a d’abord affirmé que les fonctionnaires étaient là pour répondre aux questions, mais elle n’a permis à personne de leur en poser. C’est une atteinte grave et sérieuse aux règles et aux usages du Sénat.
Une telle atteinte entrave ma capacité de remplir mes fonctions, mais elle touche aussi la capacité de tous les sénateurs. En effet, un jour, vous vous retrouverez dans une situation semblable et vous vous souviendrez de cette réunion. Si nous ne protégeons pas cette capacité dès maintenant, une majorité pourrait en profiter pour museler chacun d’entre vous, et vous le savez. Vous l’avez appris durant toutes les années que vous avez passées dans la vie publique. Vous savez qu’il suffit de fermer les yeux une ou deux fois pour que la pratique s’implante pour de bon. Nous le regretterions amèrement.
S’il y a bien une chose que nous devons protéger, c’est notre droit à tous de nous exprimer. Si cela dérange la majorité, tant pis. C’est là le but. Nous sommes censés déranger la majorité. Vous n’êtes pas censés nous écraser. Vous n’avez pas le droit d’agir ainsi, du moins pas au Canada et pas au Sénat.
Je souhaite appuyer la motion du sénateur Patterson. Votre Honneur, j’espère que vous protégerez notre droit de participation parce que je crois que c’est ce que vous dicte l’honneur. Je suis d’avis que la motion du sénateur Patterson sur la question de privilège doit être maintenue.
Honorables sénateurs, il y a encore quelques sénateurs qui désirent se prononcer sur cette question, mais je demande aux sénateurs d’éviter de répéter des points qui ont déjà été soulevés et de parler le plus brièvement possible.
Tout comme le sénateur Christmas, j’aimerais expliquer pourquoi des limites ont été imposées pour chaque amendement étudié au comité aujourd’hui. Un visionnement de la vidéo montre que le climat est rapidement devenu acrimonieux, principalement en raison du manque de respect manifesté à l’endroit de la présidente, notre okimaw esquao, la sénatrice Dyck. En particulier, on voit un membre du comité tenter d’interrompre constamment, d’intervenir sans lever la main, de verser de nouveaux témoignages au compte-rendu durant l’étude article par article, et ce, sans avoir la parole et tout en parlant en même temps que la présidente, qui fait son travail. Le comportement du sénateur tient parfois de l’intimidation. Il élève la voix, crie après la présidente et la harcèle, tandis qu’elle s’efforce de maintenir l’ordre.
À un moment donné, le sénateur accuse les sénateurs autochtones en disant : « Ce sont là des considérations d’intérêt personnel. Cela n’a rien à voir. » Il voulait dire que lui et ses collègues veillent aux intérêts des Canadiens, mais que les sénateurs autochtones ne travaillent que pour faire avancer leurs propres intérêts.
Je comprends qu’il s’agit d’un recours au Règlement. J’aurais dû en parler en comité, mais j’ai manqué de temps. J’aurais demandé au sénateur de présenter des excuses et de retirer ce qu’il avait dit.
En somme, Votre Honneur, nous n’aurions probablement pas eu à recourir à l’attribution de temps pour le débat si tous les membres du comité s’étaient montrés respectueux de la présidente, qui a le devoir d’assurer le bon déroulement de la réunion.
De plus, il y a eu un vote par appel nominal pour chaque article, pour chaque amendement et pour plus d’une motion d’ajournement; chaque fois, cela a pris beaucoup de temps. Nous avons donc dû limiter le débat. Si nous nous étions concentrés uniquement sur les amendements et non sur toutes les interruptions, le temps de parole n’aurait peut-être pas été limité à cinq minutes par amendement. Merci beaucoup.
Je n’avais pas l’intention de prendre la parole sur cette question et, si je le fais, ce n’est absolument pas parce que j’aurais été offensé par ce que quelqu’un d’autre a dit, comme c’était le cas de la sénatrice qui a parlé avant moi. Si je l’avais été, cela aurait été en raison de commentaires du genre : « De toute évidence, les sénateurs conservateurs travaillent ensemble pour permettre un génocide et il faudra en parler aux prochaines élections. » C’est un commentaire qui a été relancé sur Twitter par un des sénateurs dénoncés il y a quelques jours.
Étonnement, personne n’a été offensé par ce message sur Twitter concernant la promotion et l’habilitation d’un génocide. C’est correct. Que quelqu’un emploie le mot « Kremlin » et nous voilà offensés outre mesure au point qu’il faille prendre la parole à ce sujet.
Votre Honneur, je voudrais simplement refaire la chronologie des événements. J’espère que personne ne se lèvera pour invoquer le Règlement pour dire que je ne le fais pas correctement. J’espère pouvoir me rendre jusqu’à la fin de mon intervention.
Le sénateur Christmas a expliqué la raison pour laquelle il fallait imposer l’attribution de temps. C’est pourtant contraire au Règlement du Sénat, sauf quand certains comités ou certains sénateurs veulent le faire, j’imagine, parce que, dans ces cas-là, il existe des raisons pour imposer l’attribution de temps. La raison pour laquelle il est possible d’imposer l’attribution de temps est que les conservateurs tentent d’empêcher la progression d’un projet de loi.
Votre Honneur, je lis l’avis de convocation. L’avis de convocation de la réunion de ce matin est très clair. Il a été envoyé le mardi 11 juin, à 9 heures.
Ordre du jour
1. Projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones
Étude article par article
2. Projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
Étude article par article
Le sénateur Sinclair a dit que nous aurions dû être prêts; nos amendements auraient dû être prêts. Nous nous sommes rendus à une réunion sans savoir que nous allions faire l’étude article par article du projet de loi C-262. Pourquoi aurions-nous eu un seul amendement de prêt pour ce projet de loi? Nous ne savions pas qu’il allait en être question. Nous étions là pour faire ce qui était prévu dans l’avis de convocation.
Puis, brusquement — on vient de nous dire comment les choses ont été faites de façon désordonnée, Votre Honneur —, il y a eu un vote pour modifier l’ordre du jour et traiter un projet de loi d’initiative parlementaire alors que nous avions l’obligation de nous pencher sur le projet de loi C-91.
Quelques détails sur la chronologie du cheminement de ce projet de loi, le projet de loi C-262, Votre Honneur : première lecture à la Chambre des communes le 21 avril 2016; début des discours à l’étape de la deuxième lecture le 5 décembre 2017; renvoi à un comité le 7 février 2018; présentation du rapport du comité à la Chambre le 9 mai 2018, après 91 jours; troisième lecture le 31 mai 2018.
Ce projet de loi a poireauté 769 jours à la Chambre des communes, mais maintenant qu’il est ici, voilà que le temps presse et que les ministres se mettent à nous écrire pour nous demander de hâter le pas.
Le projet de loi C-262 est ici depuis 371 jours. La première lecture a eu lieu le 31 mai 2018. Le 23 octobre, le sénateur Sinclair a ajourné le débat. Je répète, honorables sénateurs : le 23 octobre 2018, le sénateur Sinclair a ajourné le débat. Il a attendu jusqu’au 29 novembre avant de prendre la parole à l’étape de la deuxième lecture. C’est 37 jours que nous aurions pu consacrer à étudier un projet de loi qu’il nous demande maintenant d’adopter à tout prix. C’est bien ce que j’ai dit : 37 jours, le 29 novembre.
Je ne crois pas avoir besoin de vous rappeler, chers collègues, qu’ensuite la session s’est interrompue le 15 décembre pour reprendre seulement à la mi-février. Après nous être assis dans le coin, là-bas, le sénateur Sinclair et moi avons convenu sur l’honneur de renvoyer le projet de loi au comité le 16 mai. Nous avions scellé notre entente d’une poignée de main. Devant les ministres, le sénateur a nié l’existence de cette entente, mais à moi, il a dit : « C’est vrai, c’était une condition pour que vous fassiez progresser le projet de loi. » Je lui ai rappelé qu’il avait approuvé mes conditions d’une poignée de main. C’est ce que j’appelle sceller une entente, moi.
Nous avions une entente. Nous attendons toujours la comparution des ministres, mais en ce qui nous concerne, nous avons respecté notre partie de l’entente et nous étions présents aux trois dernières réunions.
Aujourd’hui, nous avons participé à une réunion portant sur un projet de loi différent, et voilà ce qui est arrivé. On dit que cinq minutes sont suffisantes. Or, chers collègues, tous les sénateurs qui ont pris la parole ici sur cette question ont disposé de plus de cinq minutes. Tout à coup, cinq minutes, c’est bien suffisant pour que le sénateur Patterson puisse soulever des préoccupations au sujet des peuples autochtones de sa région? Il n’est pas le seul à avoir été limité à cinq minutes; tous les autres membres du comité ont eu droit à cinq minutes. Ils n’ont pas pu poser de questions. Ils n’ont pas pu dire qu’ils allaient appuyer le projet de loi. Ils n’ont pas pu dire qu’ils allaient s’opposer au projet de loi. Ils n’ont pas eu le temps de le faire parce que le sénateur Patterson a abusé de son temps de parole et qu’il a parlé pendant cinq minutes d’une question qui est très importante pour lui.
Puis, on nous dit que nous retardons les choses. Le sénateur Sinclair aurait très bien pu prendre la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi le 24 octobre. Il a attendu jusqu’au 29 novembre pour le faire. Ce n’était pas si important.
Votre Honneur, je ne sais pas si cela aura une incidence sur votre décision, mais nous n’étions pas là pour faire de l’obstruction aujourd’hui. Nous étions là pour étudier des mesures législatives du gouvernement, comme nous avons le devoir de le faire. Tous les sénateurs étaient là pour étudier ces mesures. Le fait est qu’on nous a alors dit de nous occuper d’une question que nous ne devions pas aborder, parce que nous n’étions pas seulement saisis d’un seul projet de loi du gouvernement, mais bien de deux. Cependant, la présidente du comité, le parrain du projet de loi et sept autres sénateurs ont fait fi de chacun des points que nous avons soulevés.
Oui, il s’agissait de votes inscrits, parce que nos collègues demandaient continuellement de procéder de la sorte.
Votre Honneur, je suis désolé d’avoir pris plus que les deux minutes qui m’étaient allouées, mais j’aimerais que vous preniez ces observations en considération.
Dans mon discours du 19 février 2019, je parlais du harcèlement permanent qui sévit au Sénat et en comité. Je disais notamment ceci :
Je suis inquiète, chers collègues, parce que, même si je siège au Sénat depuis peu de temps par rapport à la plupart des sénateurs, j’ai été témoin à quelques reprises de situations que je qualifierais de harcèlement personnel dans cette enceinte. Le harcèlement dont je parle est l’intimidation dans sa forme la plus élémentaire. Certaines personnes estiment peut-être que cette infraction n’est pas si grave, mais elle cause néanmoins des torts personnels à la victime. Il faut rapidement régler les problèmes qui surviennent, et ce, à la source. Il n’est pas nécessaire que les comportements soient illégaux pour que nous soyons encouragés à promouvoir activement le changement et le perfectionnement.
Depuis ce discours, j’ai constaté les effets cumulatifs de l’intimidation. J’ai vu des sénateurs, y compris un président, auxquels on a coupé la parole et qu’on a ridiculisés à maintes reprises devant des témoins et du personnel. À une autre occasion, j’ai présenté mes excuses à des témoins, deux chefs et une dirigeante autochtones, que l’on a fait attendre pendant 15 minutes alors qu’un sénateur nous entretenait d’un sujet qui aurait pu attendre. Quelquefois, en tant qu’Autochtone, je pense que ce comportement frise le racisme et la discrimination.
Les peuples autochtones au Canada ont attendu des vies entières pour ravoir des droits fondamentaux qu’on leur avait retirés. Le problème est essentiellement lié aux terres et à l’extraction des ressources. En tant que peuples autochtones, nous devons protéger notre santé, notre terre, notre corps et notre droit à l’autodétermination, et c’est pour cette raison que ce projet de loi est si important pour nous.
Un sénateur a déclaré : « J’avais l’impression d’être au Kremlin ». Eh bien, sénateurs, j’y ai vécu, au Kremlin…
Pardon, sénatrice McCallum. Les questions que vous soulevez sont extrêmement importantes. Si vous le désirez, vous êtes tout à fait libre de faire un rappel au Règlement ou de soulever la question de privilège à ce sujet.
Cependant, le débat actuel porte sur la question de privilège soulevée par le sénateur Patterson. Si vous avez n’importe quelle observation à faire là-dessus, nous sommes tout à fait disposés à vous entendre. Si votre intervention ne porte pas sur la question de privilège, je sais qu’il y aura bientôt un rappel au Règlement.
Comment voudriez-vous que nous réagissions aux effets cumulatifs de ces gestes? Je ne peux pas garder le silence et me laisser harceler. Nous voulons que les droits et la dignité de la personne soient respectés dans notre pays.
J’ai appuyé le sénateur Sinclair et la sénatrice Dyck, car je croyais que je n’aurais pas d’autre occasion de porter cette question à l’attention du Sénat et des Canadiens. Merci.
Je crois que vous n’étiez pas dans la salle lorsque des gens qui avaient manqué une réunion se sont acharnés contre la sénatrice. Ensuite, on l’a interrompue, on lui a lancé des insultes et on lui a manqué de respect. Elle a été victime d’intimidation; je le dis en tant qu’Autochtone. Quel genre de message envoie-t-on aux Autochtones? On leur donne une mauvaise impression. Ne croyez-vous pas qu’il est temps de traiter avec respect les lois qui concernent les Autochtones?
Honorables sénateurs, j’aimerais prendre un instant pour remercier tous les sénateurs d’avoir fait part de leurs impressions sur cette question très importante. Je vais prendre la question en délibéré.