Projet de loi modifiant certaines lois et d'autres textes en conséquence (armes à feu)
Deuxième lecture--Suite du débat
13 juin 2023
Honorables sénateurs, comme je le disais, le projet de loi C-21 ne s’attaque pas vraiment aux causes profondes de la violence armée, comme le commerce illégal de la drogue, la toxicomanie, la contrebande, la violence des gangs. Encore une fois, je citerai les paroles du contrôleur des armes à feu de la Saskatchewan :
Si vous […] regardez les armes à feu saisies et utilisées pour commettre des crimes […] vous ne trouverez pas d’armes d’assaut. Elles ne sont pas utilisées. Ces armes ont l’air effrayantes, mais c’est une illusion d’optique, car toutes les armes à feu peuvent avoir l’air effrayantes […] c’est vraiment l’utilisation finale qui compte.
Si l’on regarde les nouvelles américaines […] on constate qu’il n’y a pas de réglementation, pas de vérification, pas de programmes d’éducation, pas d’exigences en matière d’entreposage sécuritaire et que les armes à feu ne sont pas enregistrées. C’est un paradigme totalement différent de celui qui prévaut ici.
Le gouvernement exploite souvent les événements survenus aux États-Unis et l’absence de règles dans ce pays pour défendre la législation canadienne, pour consolider ses propres bases et pour donner l’impression aux électeurs des zones urbaines qu’il est intraitable sur la criminalité.
Mais ces mesures se retournent parfois contre eux. Le projet de gel des ventes d’armes de poing a en fait déclenché une frénésie d’achat. Et de nombreuses armes de poing sont devenues clandestines, des armes de poing familiales, parce qu’il est très compliqué de les transférer à un de ses enfants. Bien sûr, en fin de compte, cette mesure entraînera la fermeture de centaines de petites entreprises dans tout le pays, qui emploient des milliers de personnes vendant des armes légales à des acheteurs sains d’esprit, et non à des criminels.
Ce projet de loi risque également de créer un précédent pour d’autres éventuelles interdictions ou confiscations jugées nécessaires par le gouvernement pour « le bien commun ainsi que la sécurité et le bien-être des citoyens », comme il le prétend. C’est une pente savonneuse.
Malheureusement, ce projet de loi fait bien peu pour sauver des vies innocentes. Il s’en prend aux chasseurs, aux collectionneurs et aux tireurs sportifs, mais pas aux criminels.
N’oublions pas non plus l’effet important, mais toujours omis de ce projet de loi sur le coût de la vie. Posséder une arme à feu pour chasser pourrait être utile à bien des Canadiens. Alors que nourrir sa famille coûte de plus en plus cher, avoir un chevreuil ou un orignal dans le congélateur peut véritablement changer la donne. De plus, tuer le coyote qui tue son bétail permet d’éviter de pertes de revenu et aide à nourrir sa famille.
Toutefois, ce genre de raisonnement pratique ne fait pas partie de la mentalité au Parlement. Espérons que nous examinerons tous les aspects de ce projet de loi, y compris les dommages collatéraux possibles pour les entreprises et les chasseurs, en particulier les Autochtones, qui ont le droit ancestral et issu de traités de chasser.
Pensons à l’incidence sur les familles. Traitons les dépendances qui mènent à la criminalité. Appliquons la loi dans toute sa rigueur à l’égard de ceux qui commettent des actes criminels avec des armes à feu. Ne réduisons pas le financement des services de police et ne sous-finançons pas les contrôleurs des armes à feu. Soutenons leur bon travail, appuyons la possession légale d’arme à feu et punissons les méchants le plus sévèrement possible.
La Chambre des communes avait le devoir et la responsabilité de produire un meilleur projet de loi; elle a failli à la tâche. C’est donc maintenant à nous qu’incombe cette responsabilité. Assurons-nous de faire en sorte que le projet de loi C-21 puisse vraiment rendre le Canada plus sûr. Assurons-nous également que la législation canadienne respecte les citoyens qui obéissent à la loi. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-21, qui apporte des modifications au Code criminel et à la Loi sur les armes à feu.
Le projet de loi propose des changements à la législation du Canada en matière d’armes à feu afin de mieux protéger les collectivités contre la violence armée, en particulier la violence fondée sur le sexe, de combattre la contrebande et de cibler les armes fantômes, des armes sans aucune traçabilité souvent fabriquées illégalement au moyen d’imprimantes 3D.
En outre, élément crucial, le projet de loi officialise le gel de la vente, de l’achat, du transfert et de l’importation d’armes de poing adopté l’année dernière.
J’appuie ces mesures et j’espère que le projet de loi C-21 franchira les dernières étapes du processus législatif, mais la raison pour laquelle je prends aujourd’hui la parole est que je souhaite parler du rôle des armes à feu dans les communautés autochtones et présenter certaines de mes réflexions qui, je l’espère, aideront les sénateurs dans la poursuite de notre débat et de l’étude de cette mesure législative.
Pour de nombreuses familles autochtones, y compris la mienne, la chasse est au cœur de l’histoire, de la culture, de notre mode de vie et de notre subsistance. Les droits de récolte des Autochtones sont des droits issus de traités et ils ont été enchâssés dans la Constitution en 1982. Toute loi relative aux armes à feu doit respecter ces droits. En outre, le droit de chasser et de trapper est intimement lié à la sécurité alimentaire des Autochtones, à leur culture, à leurs rites de passage et à la formation de leur identité.
Avec la permission de mon mari et de mon fils, j’aimerais vous raconter une histoire de famille pour illustrer mes propos. Mon mari, ses frères, mon frère, mon père et d’autres membres de la famille élargie se réunissent chaque automne pendant une semaine dans un camp de chasse familial. Mon plus jeune fils, Gabe, y va depuis qu’il est tout petit. Il y a appris de nombreuses leçons de vie, notamment la survie en forêt, le pistage, la relation sacrée qui nous unit aux animaux que l’on chasse, et le maniement sécuritaire des armes à feu.
Un jour, il est parti avec son père et le mien. Ce matin-là, ils avaient procédé à une cérémonie de purification des fusils et des munitions pendant laquelle il a prié pour devenir chasseur. Ses prières ont été exaucées lorsqu’il a été le premier à apercevoir un chevreuil sur la ligne de coupe et que celui-ci y est resté suffisamment longtemps pour qu’il puisse convaincre son père que c’était le bon moment. Il a fait exactement ce qu’on lui avait appris. Il est sorti du véhicule lentement et avec détermination. Il a visé sa cible, pris une grande inspiration, puis visé de nouveau. Une fois qu’il a été sûr de son coup, il a appuyé sur la gâchette.
Lorsque le chevreuil est tombé, il s’est approché de l’animal, les larmes aux yeux. Il a déposé du tabac et il a remercié le chevreuil d’avoir donné sa vie afin que lui et sa famille puissent se nourrir. Son père lui a montré comment faire les autres offrandes et comment veiller à la salubrité de la nourriture qu’il apporterait à la maison. Dans ce moment, avec humilité et gratitude, il a compris la complexité du droit sacré de chasser.
Allen m’a téléphoné, et j’avais les larmes aux yeux. Nous savions que Gabe avait entamé une nouvelle étape de sa vie, et que c’était un important rite de passage dans son parcours.
Lorsqu’ils sont arrivés à la maison, Gabe a aidé son père à préparer, emballer et congeler la viande. Le lendemain, nous avons organisé un festin avec quatre aînés. Gabe m’a aidé à préparer le ragoût de chevreuil et il a offert le reste de la viande aux aînés qui étaient réunis autour de notre table, les aînés qui lui ont appris à devenir un homme, à assumer ses responsabilités envers sa famille, sa communauté et les animaux qu’il chasserait ainsi qu’à entretenir une relation sacrée avec la terre. Quelques années plus tard, lorsqu’il a ramené son premier orignal au camp de chasse, on lui a donné du tabac et sa première plume d’aigle. Il avait prouvé qu’il pouvait survivre dans la brousse et qu’il était capable de nourrir sa famille.
C’est avec beaucoup de fierté que je peux dire que nos trois fils sont des chasseurs traditionnels compétents et que je ne souffrirai jamais de la faim. En effet, chers collègues, la chasse, la pêche et le piégeage sont des activités qui renforcent les liens communautaires, permettent de transmettre des enseignements sacrés et favorisent le sens des responsabilités à l’égard de notre communauté et du monde naturel. Comme l’a dit le regretté Harold Cardinal à mon mari, les formidables compétences d’Allen dans la brousse étaient transférables et c’est l’une des raisons pour lesquelles il a été un chef d’entreprise couronné de succès.
Chers sénateurs, ma famille dispose d’une variété d’armes, grandes et petites, qui sont spécifiques à l’animal qui sera récolté. Nous possédons aussi des armes familiales qui ont été transmises de génération en génération. Mon père a fait don des armes de mon grand-père à nos fils en reconnaissance de leur travail acharné au camp et du fait qu’ils sont d’excellents chasseurs traditionnels. Chacune de ces armes est légale et entreposée en toute sécurité.
Allen, mon mari, a été le coproducteur de deux vidéos sur les droits de chasse des peuples autochtones et l’obtention d’un permis de possession et d’acquisition. L’Alberta Fish and Wildlife et la GRC ont participé à la production de ces vidéos dans le but d’établir des relations entre les policiers, les agents de conservation et les chasseurs autochtones. Tout Canadien — autochtone ou non — qui souhaite acheter une arme à feu doit demander un permis de possession et d’acquisition. Il existe également des dispositions de longue date dans le processus de délivrance des permis qui aident les Autochtones à obtenir leur permis de possession et d’acquisition et, par conséquent, qui assurent la préservation des droits de chasse des Autochtones.
En même temps, les collectivités autochtones sont fréquemment touchées par la violence liée aux armes à feu — souvent pour des raisons découlant de traumatismes historiques et intergénérationnels. Comme les autres Canadiens, les Autochtones veulent et méritent une protection contre les menaces qui pèsent sur la sécurité de la collectivité telles que la violence fondée sur le sexe et la violence des gangs, ainsi que des mesures visant à réduire le risque de suicide.
Sénateurs, mon mari a été très clair : si une de ses armes à feu devenait interdite, il la mettrait hors service ou la remettrait, car le droit de chasser — un droit sacré qui nous a été accordé par le Créateur et non par le gouvernement — n’est pas lié à l’utilisation d’une arme à feu précise, et le droit de vivre dans une communauté sûre est lui aussi sacré.
Sénateurs, le fait est que le projet de loi C-21 ne changerait pas la classification d’une seule arme à feu. L’automne dernier, le gouvernement a proposé des amendements pendant l’étude en comité à l’autre endroit qui auraient modifié la classification. Certaines communautés et organisations autochtones avaient alors dit qu’elles n’avaient pas été suffisamment consultées à ce sujet. Je suis heureuse que le gouvernement ait pris une pause à ce moment et qu’il ait passé plusieurs mois à discuter avec des organisations et des détenteurs de droits autochtones, y compris l’Assemblée des Premières Nations; le Ralliement national des Métis; l’Inuit Tapiriit Kanatami; la Fédération métisse du Manitoba; le Tribal Chiefs’ Ventures Incorporated, qui représente plusieurs Premières Nations du territoire du Traité no 6 en Alberta; les Manitoba Keewatinowi Okimakanak; la nation métisse de la Colombie-Britannique; le Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage, qui s’occupe des droits de récolte dans le Nord du Québec; le Conseil des Autochtones de l’Île-du-Prince-Édouard; la nation wolastoqey du Nouveau-Brunswick; et l’Association des chefs de police des Premières Nations.
D’après ce que j’ai entendu au sujet de ces discussions, plusieurs grands thèmes sont ressortis : premièrement, un grand nombre d’organisations et de peuples autochtones sont d’accord avec le principe voulant que certaines armes à feu sont trop dangereuses et inappropriées pour une utilisation à des fins civiles; deuxièmement, la préservation des droits de chasse et des armes à feu utilisées pour exercer ces droits est une priorité absolue pour les communautés autochtones; troisièmement, il est important pour les Autochtones de pouvoir transférer leurs armes à feu d’une génération à l’autre; et, enfin, on a souligné à maintes reprises que les organisations et les détenteurs de droits autochtones veulent collaborer avec le gouvernement sur les questions liées à la réglementation des armes à feu. Entreprendre des consultations dès le début du processus et les poursuivre de façon continue peut aider à optimiser l’adhésion au sein des communautés autochtones, à maximiser l’efficacité des lois et à réduire au minimum la désinformation à propos d’un projet de loi ou d’un changement en particulier.
Dans la foulée de consultations exhaustives, l’amendement présenté l’automne dernier a été retiré. D’autres amendements, notamment ceux axés sur la lutte contre la prolifération des armes à feu fantômes, ont été présentés de nouveau, puis adoptés. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-21 enchâsserait dans la loi le gel des armes de poing qui est en vigueur depuis un an; maintiendrait l’interdiction d’environ 1 500 fusils de style arme d’assaut qui a été adoptée en 2020; et établirait une définition technique des fusils de style arme d’assaut à utiliser à l’avenir afin d’éviter que les fusils de style arme d’assaut nouvellement conçus ou fabriqués entrent sur le marché canadien.
Pour les chasseurs, l’important est que les armes d’épaule utilisées pour la chasse aujourd’hui demeurent légales après que le projet de loi C-21 aura été adopté. Le projet de loi contribuera à protéger tous les Canadiens, y compris les peuples autochtones, contre la violence armée, en plus de rendre nos collectivités plus sûres.
Chers collègues, faisons ce qu’il faut pour que le projet de loi C-21 soit renvoyé au comité pour étude le plus rapidement possible. Hiy hiy.