Projet de loi sur le cadre régissant les relations entre le Canada et Taiwan
Deuxième lecture--Ajournement du débat
21 mai 2024
Propose que le projet de loi S-277, Loi concernant un cadre visant à renforcer les relations entre le Canada et Taiwan, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de prendre la parole aujourd’hui pour entamer les discussions sur le projet de loi S‑277, Loi sur le cadre régissant les relations entre le Canada et Taiwan, que j’ai déposé au Sénat à la fin de l’année 2023.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est une avancée importante dans nos relations avec la République de Chine, ou Taïwan, comme on l’appelle de plus en plus souvent, en établissant un cadre général plus clair et plus solide pour notre politique étrangère afin de mieux refléter et prendre en compte les réalités de notre partenariat grandissant.
Il n’y a rien de particulièrement controversé au sujet de ce projet de loi, à moins d’être un partisan de Pékin qui insiste que Taïwan n’a pas le droit souverain de décider de son propre avenir. L’existence de Taïwan en tant que nation autodidacte, indépendante, autonome et démocratique est depuis longtemps une évidence. C’est une réalité qui devrait rallier toutes les démocraties et les partisans de la liberté. Taïwan est un pays libre qui devrait rester libre de choisir son propre avenir et son propre gouvernement.
Le Canada entretient avec Taïwan des relations économiques mutuellement bénéfiques qui ne cessent de se développer. Aujourd’hui, Taïwan est le douzième partenaire commercial du Canada, son sixième partenaire en Asie, et le total des échanges bilatéraux annuels dépasse désormais les 12 milliards de dollars. En cette troisième décennie du XXIe siècle, il est tout simplement juste et approprié d’officialiser et de normaliser autant que possible les relations mutuelles entre les deux pays.
Il est opportun que le Canada prenne des mesures pour moderniser ses relations avec Taïwan, notamment en raison de l’évolution des relations entre Taïwan et notre grand ami, voisin, partenaire et allié, les États‑Unis d’Amérique.
Les États‑Unis ont fait preuve d’un grand leadership pour assurer le maintien de l’indépendance de Taïwan, et j’applaudis toutes les administrations américaines depuis Harry Truman pour le rôle décisif que leurs promesses de sécurité pour Taïwan ont joué dans l’établissement de cette grande démocratie de la zone pacifique.
Avant de parler des initiatives américaines concernant Taïwan, de mon projet de loi et de ce que nous devrions faire en tant que Canadiens, je crois qu’il convient d’examiner l’histoire sociale et politique de cette nation insulaire subtropicale unique du Pacifique située à 100 milles de la côte continentale de l’Asie du Sud‑Est.
L’histoire est importante et instructive, mais il est devenu douloureusement évident que de nombreux Canadiens connaissent mal la véritable histoire de leur pays, une histoire essentiellement noble et distinguée qui, malheureusement, a été systématiquement dénaturée et calomniée sous le régime actuellement en place à Ottawa.
Nos institutions, en particulier nos écoles et nos universités, sans parler de Parcs Canada et de notre soi-disant ministère du Patrimoine canadien, ne servent pas les intérêts des Canadiens en ne respectant pas l’histoire de notre pays et en véhiculant tant de faussetés à son sujet.
Pour avoir de véritables connaissances, il faut connaître la véritable histoire. Étant donné que tant de Canadiens semblent ne plus apprécier notre propre histoire, je suis sûr que leur connaissance de l’histoire de Taïwan est encore plus faible.
Cependant, je pense que si nous comprenons mieux l’histoire et l’évolution politique de Taïwan, nous comprendrons pourquoi Taïwan mérite notre soutien continu, pourquoi elle a le droit à l’autodétermination et pourquoi nous devrions soutenir le projet de loi à l’étude.
Taïwan est entrée dans la conscience du monde occidental lorsqu’elle a été repérée en 1517 par des marins portugais, qui l’ont inscrite sur leurs cartes de navigation sous le nom d’Ilha Formosa, ce qui signifie « la belle île » en portugais.
Bien que les Portugais ne s’y soient jamais installés, ils lui ont donné un nom qui a perduré pendant des siècles, et ce, à juste titre. En effet, ayant visité Taïwan à quatre reprises, je peux assurer à tous ceux qui n’y sont pas allés que c’est vraiment un bel endroit.
Sur le plan topographique, du nord au sud, environ deux tiers de l’île est montagneux et domine le côté est. L’autre tiers, les plaines fertiles de l’Ouest, abrite environ 90 % de la population.
Au début du XVIIe siècle, Formose avait une population estimée à plus de 100 000 personnes originaires de l’île. Les Espagnols ont tenté d’établir des colonies permanentes à cette époque, mais leurs efforts n’ont jamais abouti. Ils ont finalement été expulsés par les Néerlandais, qui avaient leurs propres ambitions.
C’est à cette époque que des Chinois hans du continent ont émigré à Taïwan, nombre d’entre eux amenés par les Néerlandais en tant qu’ouvriers. La Hollande s’est retirée de l’île en 1660.
En 1683, l’île a été officiellement annexée par la Chine continentale et est passée sous le contrôle de la dynastie Qing, la dernière des nombreuses dynasties royales qui ont régné sur la Chine continentale de 2100 avant Jésus‑Christ à 1911, une période de plus de 20 siècles. De la fin du XVIIe siècle à la fin du XIXe siècle, Formose a été de plus en plus peuplée par des Chinois hans venus du continent.
Après la fin de la première guerre sino-japonaise en 1895, la souveraineté reconnue de la Chine continentale sur Taïwan a pris fin avec la signature du traité de Shimonoseki, par lequel la Chine a cédé la péninsule coréenne et Taïwan au Japon « à perpétuité ».
J’espère que nous comprenons tous ce que signifie l’expression « à perpétuité », bien que la dictature communiste de Pékin ignore cette déclaration et cette obligation juridiques de manière égoïste et opportuniste.
En 1911, après 10 ans de soulèvements, l’histoire de la Chine s’est irrémédiablement transformée avec l’effondrement et le renversement de la dynastie Qing et l’établissement de la République de Chine sous la direction de Sun Yat-sen, universellement considéré comme le fondateur de la Chine post‑impériale, tant sur le continent qu’à Taïwan.
Malheureusement, Sun Yat-sen est mort relativement jeune, une dizaine d’années plus tard, et ce fut le début de près de 40 ans de conflits perpétuels en Chine continentale entre les républicains et les communistes. Bien que cela fasse maintenant 129 ans que la Chine continentale a renoncé à sa souveraineté sur Taïwan et 75 ans que les républicains y ont établi leur souveraineté, les communistes veulent toujours régler de vieux comptes. Toutefois, Taïwan a tourné la page, mettant le passé derrière elle, et Pékin devrait en faire de même.
Imaginez que la Chine ou le Japon prétendent soudainement que la Corée leur appartient aujourd’hui parce qu’ils l’ont déjà gouvernée ou qu’ils en ont revendiqué la propriété territoriale à un moment donné. Aucun pays démocratique occidental n’accepterait une telle revendication, et pour cause. La situation de Taïwan mérite les mêmes conclusions. Rappelez-vous que, de 1895 à 1945, Taïwan était légalement un territoire japonais, et que le droit, les écoles et le gouvernement japonais ont dominé l’île pendant cette période.
Au cours de cette période, le Japon a intensifié ses efforts en vue de créer une société japonaise, mais avec peu de réussite dans l’ensemble. Après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement républicain de la Chine a pris le contrôle de Taïwan et a déclaré l’île province du continent. Cependant, Taïwan était un territoire souverain du Japon depuis 1895; elle n’avait pas été conquise par l’expansion du Japon impérial pendant la Seconde Guerre mondiale. Par conséquent, la revendication de souveraineté sur Taïwan par la Chine continentale n’a jamais été appuyée en droit international par ses alliés, quelles que soient les forces politiques qui surveillaient le gouvernement de la Chine continentale au début de l’après-guerre, entre 1945 et 1950.
Malheureusement, la fin de la Seconde Guerre mondiale en Asie du Sud-Est a également signifié la reprise de la guerre civile en Chine entre les forces anticommunistes du Kuomintang, sous le général Chiang, et les communistes, sous Mao, ce qui a mené au renvoi du gouvernement nationaliste à Taïwan en 1949 et à l’établissement de la dictature communiste sur le continent.
En 1950, la guerre de Corée a commencé. La Corée a fini par être divisée principalement en raison du soutien de Pékin aux communistes en Corée du Nord. Des Canadiens se sont battus et sont morts dans cette guerre pour sauver la liberté en Corée, comme ils l’ont fait à Hong Kong.
Si vous avez l’occasion d’aller en Corée, je vous recommande vivement de visiter le cimetière commémoratif des Nations unies situé à Busan, où sont enterrés les militaires canadiens morts au combat. C’est une magnifique oasis au milieu de cette grande ville portuaire très animée, et le respect des Coréens à l’égard des sacrifices que d’autres personnes ont faits pour eux est tout à fait évident. Comme 70 ans ont passé, il se peut que le souvenir du rôle qu’a joué le Canada dans cette guerre s’estompe, mais je peux vous assurer que les Coréens n’oublient pas notre sacrifice.
L’Asie du Sud-Est actuelle a été en grande partie forgée pendant cette période de quatre ans entre la prise de contrôle de la Chine par les communistes en 1949 et la fin de la guerre de Corée en 1953. À l’heure actuelle, il y a encore un État voyou au pouvoir héréditaire en Corée du Nord et une dictature communiste à Pékin. Ces deux États policiers, ces deux dictatures, aiment menacer, intimider et brimer tant leurs propres citoyens que d’autres pays sans vraiment faire de distinction.
On estime que, sous le règne de terreur de Mao, de 40 à 80 millions de personnes sont mortes à cause de la faim, d’exécutions massives et de travaux forcés dans les prisons. L’assassinat de millions de personnes en Corée du Nord par des moyens similaires est également bien documenté.
En fin de compte, que peut-on apprendre de ce qui s’est passé dans cette région du globe, au cours des 75 dernières années? Eh bien, en 1952, la dictature de Pékin a également envoyé des troupes au Tibet et elle a annexé le pays contre la volonté du peuple tibétain. Bien que les communistes la désignent toujours comme une « région autonome », ils ont complètement aboli le gouvernement tibétain en 1959.
Cela fait écho à l’une des conduites dont le monde entier a été témoin à la fin des années 1930, avant l’invasion de la Pologne, quand des troupes ont envahi l’Autriche et la Tchécoslovaquie et annexé ces nations indépendantes. C’était inacceptable à l’époque, tout comme en 1952 au Tibet, et c’est toujours inacceptable aujourd’hui.
Les communistes ont détruit plus de 6 000 monastères au cours du Grand bond en avant de Mao, détruisant le magnifique patrimoine culturel et architectural du Tibet et tuant près de 1 million de Tibétains en cours de route. Ils auraient probablement aussi détruit la majorité de leurs propres trésors culturels, sauf que les nationalistes ont eu la prévoyance de les envoyer à Taïwan, en 1949. Ils sont d’ailleurs exposés cycliquement et en permanence au Musée national de Taïwan — un arrêt incontournable lorsqu’on visite ce pays pour la première fois.
Par ailleurs, en 1952, le traité de San Francisco a mis fin à l’occupation du Japon d’après-guerre par les Alliés et a rendu le contrôle et la souveraineté au peuple et au gouvernement du Japon. Il est important de noter que, dans ce traité, le Japon a renoncé à toute revendication légale sur Taïwan. Après cette renonciation, Taïwan s’est retrouvée seule, comme une enfant orpheline, pendant trois ans. Mais cela fait maintenant près de 75 ans qu’elle est seule, et l’enfant orpheline a grandi.
D’autres changements politiques importants sont intervenus plus tard dans les années 1990, lorsque la colonie britannique de Hong Kong et la colonie portugaise de Macao sont passées sous le contrôle de Pékin, selon la formule « un pays, deux systèmes », par laquelle les communistes promettaient une large autonomie à ces deux colonies prospères et florissantes. Les développements ultérieurs, en particulier à Hong Kong, ont mis en évidence la duplicité et le manque de sincérité inhérents aux relations avec les dirigeants actuels de la dictature communiste.
La promesse d’un Pékin plus raisonnable, représentée par Deng Xioping et Zhao Ziyang dans les années 1980, a été perdue et remplacée par un autoritarisme mesquin et oppressif. N’est-il pas révélateur que Pékin attende du Royaume-Uni et du Portugal qu’ils respectent leurs obligations découlant de traités concernant Hong Kong et Macao, alors qu’ils refusent d’honorer leurs propres promesses? Le Pékin communiste n’a pas d’honneur. Cependant, Taïwan, la Corée du Sud et le Japon ont tous connu de magnifiques transformations sociale, économique et politique depuis le début des années 1950. Aucun de ces pays n’avait de racines démocratiques. En effet, la Corée et Taïwan ont été pendant des siècles coincés entre les ambitions de la Chine impériale et du Japon impérial. Mais ces trois pays sont devenus des nations modernes et prospères du monde industrialisé, dotées d’une économie dynamique et d’un niveau de vie élevé. Ce sont de grands amis et alliés du monde occidental. En fait, ils font tous partie intégrante du monde occidental.
Ces trois nations sont libres et prospères, un archipel de démocratie juste au-delà du continent où se trouvent la Chine communiste, la Corée du Nord et la Russie. Dans une partie du monde où la liberté est encore refusée à tant de personnes, elles sont un exemple de ce qui peut être accompli lorsque les valeurs démocratiques sont sincèrement recherchées et adoptées.
L’organisme sans but lucratif étatsunien Freedom House — fondé en 1941 sous la présidence d’honneur du républicain Wendell Willkie et de la démocrate Eleanor Roosevelt — est mieux connu pour sa défense de causes politiques qui ont trait notamment à la démocratie, à la liberté politique et aux droits de la personne. Cet organisme se base sur la conviction profonde qu’on peut promouvoir la liberté dans les pays démocratiques où les gouvernements doivent rendre des comptes à la population. Selon son système de cote de réputation, Taïwan obtient une note de 94 % au chapitre de la liberté. C’est une note semblable à celle du Canada et du Japon et même plus élevée que celle obtenue par les États‑Unis et par une grande partie de l’Europe. En revanche, la Russie, la Chine communiste et la Corée du Nord obtiennent respectivement les notes de 13 %, de 9 % et de 3 %.
Avant d’aller plus loin, je tiens à mentionner que dans mon discours d’aujourd’hui, lorsque je parle de l’attitude de la Chine continentale à l’égard de Taïwan, je fais délibérément référence aux actions des pouvoirs autoritaires de Pékin — le Parti communiste chinois et ses dirigeants — et non au peuple chinois en général. Cela n’a rien à voir avec le peuple de cette grande et ancienne civilisation, qui se trouve piégé dans son propre pays par cette dictature monolithique de Pékin. Il n’en reste pas moins que depuis 1949, Pékin n’a joué absolument aucun rôle politique ou économique dans l’évolution et le développement de la Taïwan moderne. La suzeraineté régionale sur Taïwan doit être considérée comme une chose qu’il vaut mieux laisser dans les livres d’histoire, une circonstance qui disparaît rapidement et à juste titre dans le rétroviseur.
Je pense simplement qu’il est triste et malheureux pour la paix et la stabilité du monde que le gouvernement de Pékin soit menaçant et que le monde occidental ait de plus en plus de mal à lui faire confiance. Pendant un certain temps, à la fin du XXe siècle, les relations ont semblé s’améliorer, mais elles se sont détériorées dernièrement, et la dictature communiste en est responsable.
Si vous voulez imaginer à quoi pourrait ressembler une Chine démocratique, il vous suffit de regarder Taïwan. Je n’ai pas trouvé de meilleure illustration. La Taïwan moderne compte aujourd’hui environ 96 % de Chinois appartenant à l’ethnie han, ce qui, fait intéressant, la rend ethniquement plus chinoise que la Chine continentale elle-même, qui compte un peu plus de 91 % de Chinois appartenant à l’ethnie han et qui est beaucoup plus diversifiée sur le plan culturel.
Alors que la croissance et l’économie de la Chine s’essoufflent, celles de Taïwan restent fortes, sa croissance ayant dépassé celle de la Chine au cours des dernières années. Je pense que Pékin éprouve un certain ressentiment à l’égard de la grande réussite sociale et économique qui se manifeste aujourd’hui à Taïwan. Nous sommes bien conscients qu’ils la convoitent.
Le monde, y compris les habitants de la Chine continentale, constate également la réussite de l’État démocratique chinois de Taïwan, et Pékin craint que la population de la Chine continentale n’en prenne de plus en plus conscience. Si Taïwan peut faire foi du potentiel de la Chine, et je crois que c’est le cas, un gouvernement démocratiquement élu en Chine pourrait accomplir de grandes choses pour ses citoyens et pour le monde. Elle pourrait être une force universelle pour le bien. J’espère que cela se produira de mon vivant, de notre vivant à tous.
Entretemps, Taïwan reste un grand ami, un allié et un partenaire commercial du Canada. En outre, Taïwan ne vole pas notre technologie et ne détruit pas de grandes entreprises canadiennes comme Nortel, ne pirate pas les communications des députés canadiens, ne s’ingère pas dans les élections canadiennes, n’intimide pas sa diaspora au Canada en la menaçant et en persécutant sa parenté restée à Taïwan. Elle n’enlève pas non plus des citoyens canadiens pour les prendre en otage.
Pourtant, en dépit de tous ses progrès et de son autonomie, Taïwan se trouve toujours injustement marginalisée par la communauté internationale. Comment et pourquoi cela se produit‑il? Comme on pouvait s’y attendre, la situation tire ses origines des Nations unies. En 1971, les Nations unies, qui étaient de plus en plus activistes et anti-occidentales, ont voté en faveur du transfert du siège réservé à la Chine de la République de Chine, c’est-à-dire Taïwan, à la République populaire de Chine sur le continent. Pour être juste, comme la République populaire de Chine dirigeait la Chine continentale depuis 22 ans à cette époque, sa souveraineté était fonctionnellement indéniable. Toutefois, cela soulève la question suivante : pourquoi ignore-t-on alors près de 75 ans de souveraineté nationale ininterrompue à Taïwan? La souveraineté de Taïwan est bien établie par tout critère raisonnable en vertu du droit international.
Lorsque le Canada a tenu les Jeux olympiques en 1976, le gouvernement Trudeau, qui avait rompu ses relations diplomatiques avec Taïwan avant même que les Nations unies ne le fassent, a refusé de laisser Taïwan participer sous son nom légal de République de Chine, se rangeant ainsi du côté des Nations unies et de la Chine plutôt que du côté de nos alliés américains et taïwanais. Ce n’était pas la bonne chose à faire. Apparemment, l’amour de la dictature de Pékin est un trait de caractère de la famille Trudeau.
Cependant, lorsque les États-Unis ont finalement reconnu la République populaire de Chine comme le représentant légitime de la Chine en 1979, ils ne voulaient pas isoler complètement Taïwan sur la scène mondiale. Les Américains ont fait preuve de courage et de leadership en adoptant simultanément la loi sur les relations avec Taiwan, une loi qui a mis en place une politique délibérément ambiguë envers Taïwan afin de préserver la stabilité politique dans la région. Bref, ils n’étaient pas prêts à l’abandonner socialement ou économiquement ni à voir son existence paisible compromise.
De nos jours, la relation de travail entre le Canada et Taïwan ressemble beaucoup à celle entre les États-Unis et Taïwan, à l’exception de la présence militaire notable de la 7e flotte américaine dans le Sud-Ouest du Pacifique. Cependant, nous n’avons pas de loi équivalente, ni même de simulacre, pour renforcer notre relation avec Taïwan et réitérer notre engagement à l’égard de sa capacité à choisir sa propre voie. Le temps est venu de légiférer afin d’améliorer nos relations bilatérales avec Taïwan. Non seulement il s’agit de la bonne chose à faire, mais les sondages indiquent que les Canadiens seraient d’accord pour que nous renforcions cette relation.
Pendant les quatre premières décennies sous sa propre administration, Taïwan a connu une existence difficile. C’était un État à parti unique soumis à la loi martiale. Je ne minimise pas les excès de l’État à cette époque, je ne les excuse pas et je ne prétends pas qu’ils n’ont pas existé, mais regardez ce qui est apparu au XXIe siècle. Le pays qui a été créé au cours de notre vie est une Taïwan qui mérite d’être célébrée et imitée. Aujourd’hui, Taïwan est une démocratie multipartite et un pays prospère et développé ayant un taux d’alphabétisation de plus de 99 %, soit la population la plus alphabétisée au monde.
En tant que cheffe de file mondiale dans la production de semi‑conducteurs, Taïwan est très importante sur le plan technologique pour la société occidentale. Taïwan est une société avancée selon toutes les mesures du progrès social, et la force et la vitalité de ses établissements médicaux, de son secteur des transports, de ses établissements d’enseignement et de ses institutions scientifiques sont sans égales.
Taïwan est également une cheffe de file régionale en matière de droits individuels, et une grande partie de ses progrès est attribuable aux libertés qu’elle a mises à profit : la liberté de parole, la liberté d’expression, la liberté de se réunir, la liberté de la presse, la liberté économique et la liberté de choisir ceux qui les gouvernent.
Je crois qu’il y a plusieurs bonnes raisons pour lesquelles la situation actuelle exige que le Canada renforce ses liens avec Taïwan à l’aide d’une mesure législative qui reflète l’approche proactive adoptée par les législateurs des États-Unis, du Royaume‑Uni et d’autres démocraties aux vues similaires ces dernières années pour renforcer et moderniser les relations.
D’abord, à cet égard, le Congrès américain a adopté une série de mesures législatives au cours des dernières années en ce qui concerne les relations avec Taïwan, y compris l’adoption de plusieurs lois, notamment l’initiative États-Unis-Taiwan sur la première loi de mise en œuvre de l’accord commercial du XXIe siècle de 2023; le projet de loi ordonnant au secrétaire d’État d’élaborer une stratégie visant à faire en sorte que Taïwan retrouve le statut d’observateur au sein de l’Organisation mondiale de la santé, et à d’autres fins, en 2022; l’initiative internationale de protection et de renforcement des alliés de Taïwan de 2019; et, enfin, en 2018, l’adoption de la loi sur les voyages à Taïwan, encourageant les visites bilatérales par des représentants de tous les échelons.
De nombreuses autres initiatives ont été entreprises ou font actuellement l’objet d’un examen par le Congrès, y compris la loi de 2023 sur le conflit de dissuasion à l’égard de Taïwan; la loi de 2023 sur la protection de Taïwan, qui a été adoptée; la loi de 2023 sur la non-discrimination de Taïwan concernant son inclusion au sein du Fonds monétaire international, qui a été adoptée; un projet de loi modifiant la loi sur l’assurance de Taïwan, qui a été adoptée; et la loi de 2023 sur la solidarité internationale à l’égard de Taïwan, qui a également été adoptée par le Congrès américain.
Comme vous pouvez le constater, les législateurs aux États-Unis sont exceptionnellement proactifs pour moderniser leurs politiques étrangères relatives à Taïwan. Je félicite les Américains pour leur prévoyance, leur loyauté et leur engagement.
De même, les commissions parlementaires du Royaume-Uni ont étudié la situation dans l’Indo-Pacifique et demandent de plus en plus à leur gouvernement de renforcer les relations avec Taipei. La commission de la défense de la Chambre des communes du Royaume-Uni a publié un rapport pour 2023, intitulé UK Defence and the Indo-Pacific: Government Response to the Committee’s Eleventh Report of Session 2022–23, qui exhorte le gouvernement à se préparer à une série d’actions de la Chine à l’égard de Taïwan.
Dans son rapport, la commission a déclaré que si l’Indo-Pacifique est une région économiquement fertile, elle est également un creuset essentiel de la concurrence géopolitique entre la Chine et l’Occident, la mer de Chine méridionale et Taïwan étant les points de friction les plus préoccupants. Le rapport indique :
[...] Il semble que la Chine ait l’intention de confronter Taïwan, que ce soit par une action militaire directe ou par des attaques dans la « zone grise » dans les années à venir. Tout conflit à Taïwan aura des conséquences redoutables dans le monde entier et mettra en péril l’ordre international fondé sur des règles [...]
De même, la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes du Royaume-Uni a également publié un rapport en 2023 qui accorde une attention particulière aux relations entre le Royaume-Uni et Taïwan. Le rapport, intitulé Tilting Horizons : the Integrated Review of the Indo-Pacific, indique :
[...] L’accent mis sur Taïwan par notre commission reflète notre conviction résolue de l’importance de protéger le droit à l’autodétermination et de choisir son propre gouvernement, sans menace ni coercition [...]
Le rapport dit ensuite ceci :
Taïwan est déjà un pays indépendant, sous le nom de République populaire de Chine. Taïwan possède toutes les qualités requises pour un État, y compris une population permanente, un territoire défini, un gouvernement et la capacité d’établir des relations avec d’autres États; il ne lui manque qu’une reconnaissance accrue à l’échelle internationale.
Le rapport fournit également une longue liste de recommandations, y compris : que le gouvernement encourage les visites ministérielles au Royaume-Uni et à Taïwan; que l’on appuie la campagne du Royaume-Uni pour que Taïwan soit incluse dans l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, mieux connu sous le nom de PTPGP; qu’il soit mieux établi que la politique d’une seule Chine adoptée par le Royaume-Uni, à l’instar de celle du Canada, n’est pas la même que celle adoptée par la Chine, une reconnaissance qui empêcherait les décideurs de se montrer trop prudents dans leurs interactions avec les représentants taïwanais; que le Royaume-Uni renforce ses efforts de coopération actuels avec Taïwan; que le Royaume-Uni adopte une politique efficace de diplomatie dissuasive pour contribuer à la protection du droit à l’autodétermination du peuple de Taïwan; que le Royaume‑Uni favorise davantage les investissements dans les industries de Taïwan; et, enfin, que le Royaume-Uni insiste pour que l’on inclue Taïwan au sein d’organismes internationaux, y compris l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’Agence internationale de l’énergie et l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, dans l’intérêt de tous les pays.
Je vous présente ces initiatives récentes prises par des législateurs aux États-Unis et au Royaume-Uni comme un exemple des efforts proactifs entrepris dans le monde entier par des démocraties aux vues similaires pour renforcer et moderniser les relations avec Taïwan.
Les Américains continuent de faire preuve d’un grand leadership relativement à cet état insulaire, et notre approche devrait autant que possible leur apporter un soutien.
J’estime, chers collègues, que le projet de loi S-277 est conforme aux efforts de maintien et de renforcement d’une relation mutuellement bénéfique.
Une autre raison de nous rapprocher de Taïwan, c’est la précieuse relation commerciale bilatérale entre le Canada et cet État, dont l’épanouissement profiterait à nos deux pays. Je peux également attester que, lors de mes visites à Taïwan, je vois les valeurs canadiennes se refléter dans la société taïwanaise et je pense que la plupart des Canadiens ressentiraient la même chose après avoir passé un peu de temps dans ce pays. C’est un pays formidable. Taipei, la capitale, est l’une des grandes villes les plus sûres au monde, un endroit très accueillant et agréable. Je ressens toujours une affinité réelle avec ce pays lorsque j’y suis. Les Taïwanais traitent bien leurs amis et leurs alliés. Ils apprécient leurs amis.
Malheureusement, le comportement de plus en plus provocateur de Pékin à l’égard de Taïwan, y compris l’intimidation militaire, n’est pas justifié, mais exige que ceux qui veulent la paix et la stabilité dans la région signalent que Taïwan n’est pas seule au monde. La création et la militarisation d’îles artificielles dans la région et l’organisation manifeste d’exercices militaires à proximité de Taïwan, y compris le franchissement délibéré de la ligne médiane du détroit de Taïwan, sont des exemples clairs de provocations diplomatiques de la part de la dictature communiste qui sont devenues beaucoup trop courantes ces dernières années.
Taïwan se fait constamment intimider, mais il est clair qu’elle ne disparaîtra pas. Son peuple est courageux, résistant et déterminé à choisir son propre avenir, mais elle a besoin du soutien de ses amis et elle le mérite.
En réalité, la relation bilatérale actuelle ne favorise pas la pleine réalisation du partenariat. Elle ne tient pas compte des réalités des relations actuelles que nous, ainsi que la plupart des démocraties occidentales modernes, entretenons avec Taïwan.
C’est pourquoi le projet de loi S-277 codifie en termes clairs et directs la politique du gouvernement du Canada visant à préserver et à promouvoir des relations étroites entre le peuple canadien et le peuple taïwanais, dans les domaines économique, culturel et juridique.
Je tiens à souligner une nouvelle fois que ce projet de loi n’est en aucun cas un document radical. Il ne demande pas la reconnaissance de Taïwan en tant qu’État souverain et ne modifie pas non plus le statu quo dans nos relations avec Pékin, de sorte qu’il est conforme à la politique d’une seule Chine menée par le Canada. Le projet de loi stipule explicitement que le Canada doit mener ses relations étrangères en se fondant sur le fait que la paix et la stabilité dans la région indo-pacifique sont dans l’intérêt politique, sécuritaire et économique du Canada et constituent des questions d’intérêt international. La paix et la stabilité sont dans l’intérêt de tous. La meilleure façon de protéger le statu quo consiste à s’assurer que les relations avec Taïwan sont solides et durables et que l’indépendance de Taïwan est respectée et défendue.
Bien que notre politique d’une seule Chine reconnaisse la République populaire de Chine comme le seul gouvernement de la Chine, elle ne fait que prendre acte de la revendication de la République populaire de Chine selon laquelle Taïwan fait partie de la Chine. Elle n’accepte ni ne soutient la position de Pékin, pas plus que nos alliés les plus proches.
Telle a toujours été notre position. Elle doit rester ainsi. Comme l’ont déclaré les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada devant les comités parlementaires, notre politique d’une seule Chine est délibérément souple et stratégiquement ambiguë afin de permettre la poursuite de relations non officielles, du commerce et des investissements avec le peuple taïwanais.
Néanmoins, je pense que notre politique étrangère doit reconnaître la nouvelle réalité, à savoir que l’État de Taïwan est devenu l’un nos partenaires commerciaux à la croissance la plus rapide, qu’il fait partie des plus grandes économies du monde et qu’il est un allié d’une importance stratégique considérable pour le Canada et ses alliés dans la région indopacifique. Il est grand temps d’adopter une politique étrangère qui nous permettra d’exprimer clairement notre soutien à nos alliés, en particulier face à des manifestations aussi flagrantes d’intimidation et de coercition.
Je ne vais pas m’aventurer à commenter plus longuement la position de Pékin sur Taïwan; ce n’est pas là l’objectif du projet de loi. Toutefois, il faut reconnaître que la Chine a déclaré ouvertement qu’elle n’écarterait pas la possibilité de recourir à la force pour réunifier le pays ou annexer Taïwan. Il est essentiel que l’Occident démocratique traite ces menaces illégitimes comme des provocations inutiles et inacceptables.
Honorables sénateurs, l’autodétermination d’une nation n’est pas une question d’opinion subjective. C’est un droit et un principe fondamental du droit international. Il est reconnu dans l’article 1 de la Charte des Nations unies.
Bien que le Canada, et une grande partie de la communauté internationale n’aient pas reconnu Taïwan comme un État souverain, nous devons certainement accepter et soutenir son droit à l’autodétermination.
Dans ce contexte, et dans l’intérêt de la paix et de la sécurité, le projet de loi S-277 précise que le Canada considérera tout effort visant à déterminer l’avenir de Taïwan par des moyens non pacifiques, ou au moyen de boycottages ou d’embargos, comme une menace à la paix et à la sécurité de la région indopacifique et comme très préoccupant pour le Canada.
En outre, bien que Taïwan s’associe déjà régulièrement à des alliés tels que les États-Unis et le Canada dans le cadre d’opérations de sécurité, le projet de loi propose que le Canada continue de favoriser une coopération concrète en matière de sécurité et de défense entre le Canada et Taïwan, notamment en appuyant la participation de Taïwan aux dialogues sur la sécurité et aux exercices militaires dans la région.
Le projet de loi propose de déclarer que le gouvernement du Canada soutient la participation de Taïwan aux organisations internationales multilatérales, notamment l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation de l’aviation civile internationale et Interpol, et d’encourager d’autres États et organisations non gouvernementales à soutenir cet objectif de façon que Taïwan puisse jouer un rôle correspondant à sa position dans la région indopacifique. Taïwan a une contribution à apporter qui améliorera les choses au sein de ces organisations internationales, et il est certes temps qu’elle y participe pleinement.
En outre, le projet de loi charge le gouvernement de soutenir la participation de Taïwan aux accords commerciaux internationaux, notamment l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste.
Enfin, le projet de loi contient des dispositions supplémentaires qui visent à renforcer la coopération internationale entre le Canada et Taïwan, notamment en soustrayant le président ou les hauts fonctionnaires de Taïwan à l’exigence d’obtenir un visa lorsque le but premier de leur visite ne s’inscrit pas dans le cadre d’une visite officielle. Cette mesure permettra simplement de multiplier les possibilités de « diplomatie d’escale ».
Le projet de loi permettra aussi de désigner le bureau du représentant du gouvernement de Taïwan au Canada comme le Bureau du représentant de Taïwan et de désigner le Bureau commercial du Canada à Taipei comme le Bureau du représentant du Canada à Taïwan.
Honorables sénateurs, le projet de loi S-277 propose des dispositions rédigées en langage clair relatives à des initiatives pleines de gros bon sens pour renforcer les relations entre le Canada et l’un de nos principaux partenaires commerciaux et alliés stratégiques dans la région indo-pacifique. Cette initiative est pleinement soutenue par les représentants de Taipei ici, à Ottawa.
Comme je l’ai dit, les déclarations de politiques énumérées dans le projet de loi ne sont ni radicales ni nouvelles dans leur reconnaissance de la nécessité de renforcer les relations.
Outre les efforts, dont j’ai parlé, qui sont déployés dans d’autres démocraties aux vues similaires, en mars 2023, le Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine de la Chambre des communes a publié un rapport intérimaire intitulé Le Canada et Taïwan : une solide relation en des temps agités.
Il s’agit d’un excellent rapport et je félicite les membres du comité spécial pour leur initiative opportune. Le rapport présente finalement 12 recommandations relatives aux relations entre le Canada et Taïwan. Il indique :
Le comportement agressif de la [République populaire de Chine] à l’égard de Taïwan rappelle avec brutalité que le statu quo pacifique entre les deux acteurs reste précaire.
Il conclut que, dans un contexte où la République populaire de Chine se montre de plus en plus agressive, il est important de favoriser les échanges entre le Canada et Taïwan afin d’assurer le maintien de la paix et de la stabilité.
Pour des raisons de temps, je ne citerai pas toutes les recommandations, mais parmi ses conclusions, le comité spécial recommande :
Que le gouvernement du Canada offre et déclare son engagement clair et inébranlable [à ce] que l’avenir de Taïwan doi[ve] être décidé uniquement par le peuple de Taïwan.
En outre, le rapport recommande que « le gouvernement du Canada appuie le renforcement des relations entre le Canada et Taïwan en encourageant les visites de délégations parlementaires ».
Il recommande également :
Que le gouvernement du Canada se penche sérieusement sur les retombées positives des visites diplomatiques à Taïwan.
Que le gouvernement du Canada collabore avec ses alliés afin de favoriser les possibilités d’une véritable participation de Taïwan aux organisations multilatérales [...]
Que le gouvernement du Canada cherche à bénéficier de l’expérience acquise par Taïwan dans la lutte contre la désinformation et l’ingérence étrangère [...]
Que le gouvernement du Canada explore des façons possibles de collaborer avec l’industrie taïwanaise des semiconducteurs afin d’encourager l’innovation au Canada.
[Qu’]Affaires mondiales Canada travaille [...] pour promouvoir le rôle du Canada en tant que fournisseur clé de minéraux essentiels à des partenaires aux valeurs semblables, y compris Taïwan [...]
Que le gouvernement du Canada donne priorité à l’examen de la demande de Taïwan d’adhérer à l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste.
Le rapport recommande par ailleurs ceci :
Que le gouvernement du Canada collabore avec ses alliés, y compris le G7, afin de faire connaître son appui au maintien du statu quo pacifique dans le détroit de Taïwan et d’envisager l’adoption de pratiques exemplaires sur la coopération avec Taïwan concernant la paix et la sécurité.
Et il recommande aussi :
Que le gouvernement du Canada, en réponse aux exercices militaires dans le détroit de Taïwan, demande publiquement à la République populaire de Chine de s’abstenir d’intensifier ses menaces militaires.
Ce que propose ce projet de loi n’a rien de nouveau ni de déraisonnable. Il s’agit, à bien des égards, de propositions qui correspondent aux recommandations d’un comité parlementaire, un comité qui a entendu de nombreux experts du domaine. Je dirais que les initiatives stratégiques proposées dans ce projet de loi sont cohérentes avec les valeurs de notre pays.
Le projet de loi est également conforme à la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique et il s’appuie sur celle-ci, qui précise que le Canada doit continuer à travailler avec ses partenaires pour repousser toute action unilatérale menaçant la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan, et qu’il doit resserrer sa relation économique avec Taïwan ainsi que les liens entre les populations des deux pays tout en favorisant sa résilience.
Chers collègues, je suis arrivé au Sénat du Canada il y a plus de 15 ans. Au cours de ma première année ici, j’ai participé ici, sur la Colline, à la célébration de la fête nationale organisée par le Bureau économique et culturel de Taipei. La salle était aux trois quarts vide. Au cours des années suivantes, les participants se sont faits de plus en plus nombreux, et l’attachement à Taïwan est devenu de plus en plus évident.
Cette année, l’activité était bondée de parlementaires de tous les horizons politiques et d’invités soutenant Taïwan avec enthousiasme. En tant que sénateur engagé dans la promotion de la liberté et des principes démocratiques dans le monde, je dois dire que c’était un magnifique spectacle.
Les Canadiens préfèrent toujours entretenir des relations positives et mutuellement bénéfiques avec le gouvernement de Pékin, s’il en manifeste la volonté, mais celui-ci ne peut pas nous dire qui sont nos amis. C’est à nous seuls de le déterminer. À ce titre, personne au Canada ne dit que Taïwan et la Chine continentale ne peuvent pas former un seul et même pays. Nous pensons simplement que c’est aux Taïwanais de décider.
En octobre dernier, j’ai eu le privilège de diriger une délégation de sénateurs qui s’est rendue à Taïwan. Il ne s’agissait pas de ma première visite en République de Chine, mais ce l’était pour les collègues sénateurs qui m’accompagnaient, et ils ont été incontestablement émus et impressionnés par ce qu’ils ont vu et vécu. Nous avons eu d’excellentes réunions pendant près d’une semaine et nous avons terminé par un excellent dîner de travail et une discussion avec Joseph Wu, ministre des Affaires étrangères. Bien sûr, le point culminant de notre visite a été une audience d’une heure dans le bureau présidentiel avec la présidente Tsai Ing-wen. Je sais que mes collègues qui ont participé à cette audience conviendront que nous avons eu un échange merveilleux avec la présidente. Elle tenait à ce que nous disions à tous les Canadiens à quel point notre amitié est importante pour le peuple de la République de Chine.
Au cours de notre audience, j’ai également eu le privilège de présenter à la présidente une copie du projet de loi à titre de souvenir personnel.
Honorables sénateurs, il est important que le Parlement du Canada, au moyen d’un projet de loi comme celui-ci, appuie une déclaration visant à renforcer les relations entre le peuple canadien et le peuple taïwanais. C’est important pour les Taïwanais et pour les Canadiens, car le projet de loi concerne autant le Canada que Taïwan, la façon dont nous nous considérons comme un allié, comme un ami et comme un pays qui se soucie de ses amis.
Je vous demande instamment d’accorder une attention particulière à ce projet de loi. Je pense qu’il présente un cadre conforme aux conclusions d’un comité parlementaire, à notre stratégie pour l’Indo-Pacifique et à notre politique d’une seule Chine. Le Canada devrait toujours défendre les valeurs liées aux droits de la personne et aux principes démocratiques, et notre politique étrangère devrait refléter le fait que nous nous rangeons, ouvertement et sans équivoque, aux côtés des démocraties aux vues similaires aux nôtres, en particulier celles qui sont injustement menacées et intimidées.
Taïwan a connu une naissance et une enfance douloureuses en tant que nation. À partir de 1971, elle a été abandonnée et marginalisée par une grande partie de la communauté internationale, mais le peuple taïwanais a tenu bon malgré les obstacles qui se dressaient devant lui. Pratiquement livrés à eux‑mêmes, les Taïwanais ont néanmoins créé une nation prospère, démocratique et industrialisée où la primauté du droit est primordiale, et les libertés démocratiques, profondément ancrées. En bref, ils ont accompli quelque chose de très rare sur le plan politique : ils ont accepté la défaite et l’ont transformée en victoire.
Les peuples épris de liberté applaudissent partout à leur réussite, et il incombe au Canada de contribuer à faire en sorte, dans la mesure de ses possibilités réalistes, que cette nation libre, démocratique et autonome reste libre et indépendante.
Taïwan a besoin de notre soutien. Taïwan mérite notre soutien, et j’encourage tous mes collègues à soutenir le renvoi de ce projet de loi au comité dès que possible. À cette heure tardive, je vous remercie du temps et de l’attention que vous avez consacrés à cette question complexe et très importante.
Sénateur MacDonald, acceptez-vous de répondre à une question?
Sénateur Woo, je suis très étonné que vous souhaitiez poser une question.
Est-ce un oui?
Bien sûr, allez-y.
Je vous remercie de promouvoir des liens plus étroits entre les habitants de Taïwan et du Canada, une initiative que j’appuie.
J’ai été frappé par la référence, dans le préambule de votre projet de loi — et à plusieurs reprises dans votre discours —, à la distinction entre la politique d’une seule Chine du Canada et le « principe d’une seule Chine » adopté par la République populaire de Chine. Cela correspond beaucoup à ce qui est connu comme le consensus de 1992 entre Pékin et Taipei, qui a été négocié entre les gouvernements de Taïwan et de la République populaire de Chine de l’époque. Cela a mené à l’épanouissement des relations de part et d’autre du détroit et à des liens plus étroits entre le continent et Taïwan.
Êtes-vous en train de proposer que le consensus de 1992 serve de base à notre poursuite de liens plus étroits entre le Canada et Taïwan?
Non, je ne pense pas avoir parlé de cela dans mon discours. Ce que je dis, c’est que nous sommes en 2024 et non en 1992, que les choses évoluent et que les habitants de Taïwan ont très clairement fait savoir qu’ils voulaient décider eux‑mêmes de leur avenir, et je pense que nous devrions les soutenir.
Pourtant, le préambule de votre discours fait spécifiquement référence à ce que j’interprète comme le consensus de 1992. Vous avez répété à plusieurs reprises que vous souteniez la distinction entre la politique d’une seule Chine et le principe d’une seule Chine. C’est l’essence même du consensus de 1992. Si vous souteniez cette base, cela nous aiderait à comprendre comment nous pouvons effectivement renforcer les liens entre le Canada et Taïwan d’une manière qui soit cohérente avec le principe que votre propre discours et votre propre projet de loi semblent proposer.
C’est peut-être ce que vous avez compris de mon discours, mais ce n’est certainement pas ce que mon discours disait. J’appuie le droit de Taïwan de décider de son propre avenir.