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Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2019

Troisième lecture

20 juin 2019


Honorables sénateurs, la semaine dernière, j’ai longuement parlé du projet de loi C-97 à l’étape de la deuxième lecture. Toutefois, il y a une question dont on a discuté par la suite au Comité des finances, et je tiens à faire quelques observations à ce sujet. C’est la question des « consultations ».

Après avoir entendu l’insatisfaction et la frustration exprimées par certains témoins, le Comité des finances s’inquiète de l’objet des consultations menées par le gouvernement. Il s’agit d’un thème qui est revenu non seulement au Comité des finances, mais aussi à d’autres comités sénatoriaux qui ont étudié des parties différentes du projet de loi d’exécution du budget.

L’un de nos principaux rôles, en tant que Chambre de second examen objectif, c’est de veiller à ce que la voix de tous les intervenants soit entendue au cours du processus législatif, mais il incombe au gouvernement d’entendre le point de vue de tous les Canadiens avant de présenter une mesure législative. Je parle notamment de bonnes consultations transparentes et concrètes avec l’industrie et les groupes d’intervenants intéressés qui pourraient être touchés par la mesure législative proposée.

Bien que les représentants du gouvernement qui ont comparu devant les divers comités lors de l’étude préalable du projet de loi C-97 aient indiqué qu’ils avaient entrepris des consultations, nous avons entendu des témoins qui disaient le contraire et qui craignaient que le gouvernement et les fonctionnaires n’aient pas tenu de consultations sérieuses au sujet d’un certain nombre d’articles du projet de loi et, dans certains cas, qu’ils n’en aient pas tenu du tout.

Je peux donner quelques exemples. À la sous-section C de la section 9 de la partie 4 de la loi d’exécution du budget, dont le comité de l’agriculture et des forêts a été saisi, le gouvernement propose des modifications à la Loi sur les aliments et drogues, entre autres, pour permettre au ministre de la Santé de classifier certains produits comme étant exclusivement des aliments, des drogues, des cosmétiques ou des instruments et pour prévoir la surveillance de la conduite d’essais cliniques relatifs à des drogues, à des instruments ou à certains aliments à des fins diététiques spéciales.

Des représentants du secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire qui ont comparu devant le comité trouvaient assez préoccupant de ne pas connaître les effets de ces changements sur leur secteur, surtout en ce qui a trait à la réglementation en vigueur en vertu de Loi sur la salubrité des aliments au Canada.

Carla Ventin, première vice-présidente, Relations gouvernementales, Produits alimentaires et de consommation du Canada, a parlé au comité des modifications proposées. Elle a dit :

L’effet cumulatif de tous ces changements modifiera de façon permanente le paysage de l’industrie alimentaire au Canada. On ne sait pas exactement à quoi ressembleront ces changements et quel en sera l’impact sur le secteur et les Canadiens, et cela fait partie du problème.

Même si nous apprécions le programme ambitieux du gouvernement, l’industrie a eu du mal à suivre le rythme. Nous constatons que les consultations sont précipitées et qu’il y a peu de commentaires ou que les délais sont imprévisibles. Pour l’industrie, cela signifie qu’il peut être difficile de fournir une contribution significative. Pour le gouvernement, que l’on risque de négliger des questions cruciales. Pour les Canadiens, il peut y avoir des conséquences imprévues.

Dans le groupe de témoins suivant, des fonctionnaires de Santé Canada ont expliqué au comité que ces modifications visaient à améliorer les règlements sur les produits thérapeutiques de pointe au Canada. Les fonctionnaires ont indiqué que les modifications proposées n’auraient pas d’incidence sur les industries agricole et agroalimentaire. C’est seulement durant l’étude préalable du Sénat que les intervenants ont obtenu des précisions au sujet des changements proposés.

Dans la partie 1 du projet de loi, le gouvernement propose d’instaurer le Crédit canadien pour la formation, un compte d’épargne virtuel où s’accumulent 250 $ par année jusqu’à concurrence de 5 000 $ que les Canadiens admissibles peuvent réclamer afin de réduire les frais de scolarité et de formation admissibles.

En comité, lorsqu’on a demandé aux intervenants et aux experts si le gouvernement avait mené des consultations au sujet de ces propositions, M. Dan Kelly, président et chef de direction de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, a répondu : « Il n’y a eu absolument aucune consultation. »

M. Larry Rousseau, vice-président exécutif du Congrès du travail du Canada, et d’autres témoins du groupe, des professionnels de la fiscalité et d’universitaires, ont exprimé les mêmes sentiments.

À la section 25 de la partie 4 du projet de loi, le gouvernement propose d’apporter des changements radicaux aux services offerts aux Autochtones. La section prévoit notamment les modifications suivantes : la dissolution d’Affaires autochtones et du Nord Canada en abrogeant la Loi sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, la création de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada en édictant la Loi sur le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord ainsi que la désignation d’un ministre responsable de la supervision du ministère.

La section prévoit également la création de Services aux Autochtones Canada en édictant la Loi sur le ministère des Services aux Autochtones et la désignation d’un ministre responsable de la supervision du ministère.

À la première lecture de cette partie du projet de loi, j’ai eu l’impression qu’elle n’était pas assez robuste. Dans une lettre à l’intention du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, le président de Nunavut Tunngavik Incorporated écrit ce qui suit :

Je conçois que ces lois puissent être proposées principalement à des fins administratives et pour intégrer la pratique du gouvernement. D’ailleurs, elles ne semblent pas renfermer beaucoup de contenu et c’est peut-être pour cela que les groupes autochtones n’ont pas été nombreux à les commenter.

Toutefois, dans le mémoire détaillé qui est joint à la lettre, l’organisation se dit préoccupée de voir que le gouvernement a peu consulté les principaux intéressés pendant la rédaction du projet de loi. On peut notamment lire ceci dans le mémoire :

Cette partie du projet de loi d’exécution du budget soulève bien des questions. En résumé, elle manque de clarté.

L’organisation précise ensuite ce qui suit :

Il se pourrait qu’il ne s’agisse là que de simples « questions administratives », mais elles ont quand même des conséquences tant opérationnelles que politiques dans un environnement en constante évolution. Les préoccupations que nous soulevons mettent en lumière le fait que l’on élabore des lois indépendamment des peuples autochtones concernés. Il n’y a eu ni consultation ni « participation ».

Honorables sénateurs, il est inapproprié d’élaborer, en vase clos, des dispositions législatives qui pourraient avoir des effets sur notre bien-être pour des dizaines d’années, puis de les faire adopter dans le cadre d’un projet de loi omnibus d’exécution du budget, en donnant peu de temps pour les étudier et peu d’occasions d’obtenir de la rétroaction.

Le Comité des banques a aussi entendu les préoccupations de l’Institut d’insolvabilité du Canada au sujet des consultations sur la section 5 de la partie 4 du projet de loi d’exécution du budget. L’organisme a dit que le processus a été précipité et qu’il n’y a eu pratiquement aucune véritable consultation auprès des spécialistes du domaine à propos des modifications proposées.

D’ailleurs, les témoignages des fonctionnaires étaient si différents de ceux des intervenants que le Comité des banques a reconvoqué les fonctionnaires pour leur demander des explications.

Le dernier exemple est survenu la semaine dernière, après la deuxième lecture du projet de loi d’exécution du budget et après mon intervention. Je parle du témoignage d’une représentante de l’Association canadienne de produits de consommation spécialisés, l’ACPCS, au sujet de la section 9 de la partie 4 du projet de loi d’exécution du budget.

Voici ce qu’elle a dit, lorsqu’elle a témoigné devant le Comité des finances nationales :

L’ACPCS demeure déterminée à travailler avec le gouvernement pour soutenir un climat de réglementation propice aux affaires [...] Les questions ne peuvent être soulevées isolément par les ministères, sans consulter les principaux intervenants.

Elle a ensuite déclaré que son organisation avait eu quatre jours pour faire part de ses commentaires sur le projet de loi.

[...] nous avons demandé au ministère de nous donner un aperçu du projet de loi, de la politique actuelle et de l’avenir qui nous attend si jamais ces nouvelles modifications sont adoptées, mais nous n’avoir encore rien reçu.

Elle a également soulevé la question de la Gazette du Canada, car le projet de loi d’exécution du budget propose de supprimer l’exigence de publier certains renseignements commerciaux dans celle-ci. On propose plutôt que ces renseignements soient publiés sur le site web du gouvernement.

La question du maintien de la Gazette du Canada a été soulevée durant une autre séance de comité où un représentant du gouvernement a donné l’assurance que la Gazette du Canada allait continuer les publications. Je n’en suis plus certaine maintenant.

Honorables sénateurs, j’utilise le site web du gouvernement du Canada et celui de ses ministères. C’est difficile de s’y retrouver, c’est le moins qu’on puisse dire. Je comprends les préoccupations de l’Association canadienne de produits de consommation spécialisés. Leurs préoccupations sont fondées.

Honorables sénateurs, voilà qui complète mes observations au sujet du projet de loi C-97.

Je tiens à remercier le président du comité, encore une fois, le sénateur Mockler, le sénateur Pratte et le sénateur Day, le vice-président, tous les membres du Comité des finances, surtout le sénateur Boehm, qui était le parrain du projet de loi, ainsi que les autres sénateurs qui ont pris la parole au sujet du projet de loi.

De plus, merci au greffier du comité, aux analystes et aux autres fonctionnaires qui ont offert soutien et assistance pendant nos réunions. Merci.

L’honorable Nicole Eaton [ - ]

Avec le consentement du Sénat, j’aimerais déposer mon intervention à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-97. Comme nous avons appris aujourd’hui la mort tragique d’un collègue de l’autre endroit, Mark Warawa, je préférerais déposer cette intervention au lieu de vous retenir ici plus longtemps.

Son Honneur le Président [ - ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président [ - ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

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