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Projet de loi de crédits no 1 pour 2021-2022

Deuxième lecture

30 mars 2021


L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Propose que le projet de loi C-27, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2022, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole une deuxième fois aujourd’hui pour vous présenter le projet de loi C-27, projet de loi de crédits no 1 pour 2021-2022. À titre de rappel, un projet de loi de crédits est un mécanisme permettant de retirer les fonds nécessaires du Trésor pour couvrir les dépenses liées aux programmes et aux services gouvernementaux. Ce projet de loi de crédits est le premier de l’exercice financier qui commencera le 1er avril 2021.

Comme vous le savez, un projet de loi de crédits provisoires est un élément régulier du cycle budgétaire. Chaque hiver, dans le Budget principal des dépenses, le gouvernement indique les montants dont il a besoin pour financer ses opérations au cours du prochain exercice financier.

Peu après, le gouvernement dépose le projet de loi de crédits provisoires afin d’autoriser le financement pour les trois premiers mois de l’exercice financier, jusqu’à ce que les parlementaires aient étudié adéquatement et approuvé le Budget principal des dépenses.

L’an dernier, le processus entourant les projets de loi de crédits du gouvernement a été différent. Vous vous souviendrez que le 20 avril 2020, en réponse aux circonstances extraordinaires qui ont découlé de la pandémie de coronavirus, la Chambre des communes a adopté une motion visant à modifier temporairement l’article 81 du Règlement.

Cela a fait en sorte, entre autres choses, que l’étude du Budget principal des dépenses de 2020-2021 a été prolongée jusqu’à décembre — sept mois plus tard qu’au cours des années précédentes.

C’est la première fois qu’une approche aussi exceptionnelle pour les travaux des subsides a été adoptée. Habituellement, les ministères reçoivent en juin la totalité des crédits fondés sur le Budget principal des dépenses. Il a toutefois été nécessaire de procéder ainsi en raison des circonstances extraordinaires causées par la propagation de la COVID-19. De plus, conformément à l’article 81 temporairement modifié du Règlement, un deuxième projet de loi de crédits provisoires a été présenté en juin aux parlementaires. Ce projet de loi était nécessaire pour financer les activités et les programmes des organismes fédéraux entre juillet et décembre. Cette approche a tenu compte des pressions bien réelles sur les liquidités de certains ministères et organismes qui offraient des programmes et des services de base aux Canadiens tout en étant mis à rude épreuve par la pandémie. Le projet de loi respectait également le droit du Parlement d’avoir l’occasion d’étudier le Budget principal des dépenses. Cette année, nous retrouvons un cycle budgétaire typique.

Le projet de loi de crédits provisoires de l’exercice 2021-2022 couvre une partie des dépenses gouvernementales prévues dans le Budget principal des dépenses présenté à la Chambre des communes le 25 février. Il demande un montant maximal de 59,3 milliards de dollars. Ces sommes ont déjà été approuvées dans le Budget principal des dépenses; il ne s’agit donc pas de nouvelles dépenses budgétaires. Comme c’est habituellement le cas dans les projets de loi de crédits provisoires, les sommes demandées ont été calculées en fonction du douzième des sommes prévues dans le Budget principal des dépenses et correspondent en théorie aux besoins en liquidités mensuels. En ce qui a trait au Budget principal des dépenses, il fournit des renseignements sur 342,2 milliards de dollars en dépenses proposées pour 123 organismes, y compris 141,9 milliards de dollars en dépenses votées et 200,3 milliards de dollars en dépenses législatives.

Le financement du Budget principal des dépenses et de ce projet de loi de crédits provisoires permettra au gouvernement de continuer à faire les investissements dont les Canadiens ont besoin pour lutter contre la COVID-19, et il contribuera à mettre en place les conditions favorables à une reprise économique. Il correspond à la réponse du gouvernement face à la pandémie de COVID-19, qu’il s’agisse de soutien financier pour les Canadiens et pour les entreprises, de financement pour les vaccins, d’un soutien accru pour les outils destinés à la santé mentale et aux soins virtuels, entre autres investissements. Des quelque 342,2 milliards de dollars de dépenses proposées dans le Budget principal des dépenses, 22,7 milliards de dollars concernent la réponse à la pandémie de COVID-19.

Dans le cadre de sa réponse, le gouvernement a mis sur pied des programmes comme la Prestation canadienne d’urgence, la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants et la Subvention salariale d’urgence du Canada, en plus d’offrir du soutien ciblé à des régions, à des secteurs économiques et à des organismes sans but lucratif qui aident les Canadiens. Ce faisant, le gouvernement exerce une véritable pression sur plusieurs ministères, qui doivent non seulement continuer à fournir les programmes et les services de base, mais aussi assurer les mesures d’urgence.

Honorables sénateurs, le travail du gouvernement est de s’assurer que toutes les organisations fédérales peuvent continuer de fournir leurs programmes et leurs services de base, mais il consiste aussi à mettre en place des mesures d’urgence pour offrir les programmes et les services sur lesquels les Canadiens et les Canadiennes comptent chaque jour pour répondre à leurs besoins en ce qui a trait à la COVID-19.

Ces organisations fédérales doivent simplement avoir la capacité financière nécessaire pour le faire. Le financement provisoire proposé dans le projet de loi leur fournira les fonds nécessaires en attendant que le Budget principal des dépenses soit examiné et fasse l’objet d’un débat, et que la totalité des crédits soient adoptés plus tard cet automne.

Chers collègues, j’aimerais aussi dire quelques mots au sujet du processus du budget des dépenses, dont font partie les crédits provisoires, et sur la transparence des dépenses du gouvernement. Les budgets des dépenses représentent un élément essentiel de notre système parlementaire et permettent d’assurer la responsabilisation et la transparence en ce qui concerne l’utilisation des fonds publics par le gouvernement.

Les Canadiens et les parlementaires ont le droit de connaître, d’examiner et de remettre en question la façon dont tous les fonds publics sont dépensés. À cette fin, j’inviterais mes honorables collègues à consulter l’ensemble des renseignements supplémentaires sur les plans de dépenses du gouvernement dans le récent budget des dépenses.

En fait, pour chacun des documents du Budget principal des dépenses, le gouvernement a publié une liste détaillée des autorisations de dépenses approuvées par le Parlement au moyen d’autres lois. On y trouve une ventilation complète des dépenses prévues par article courant, comme le personnel, les services professionnels, les paiements de transfert, etc. Ces renseignements se trouvent aussi dans l’InfoBase du GC, un outil en ligne facile à utiliser.

Honorables sénateurs, la conception d’outils numériques de ce genre et la publication d’ensembles de données sur les dépenses nous donnent l’occasion d’examiner et d’étudier l’engagement du gouvernement à fournir aux parlementaires et aux Canadiens davantage d’informations pour qu’ils sachent où vont les fonds publics et comment ils sont dépensés. Pour continuer de donner suite à son devoir en matière de responsabilisation et d’ouverture, le gouvernement rend aussi compte des dépenses réelles dans les comptes publics à la fin de chaque exercice.

Honorables sénateurs, je constate que le gouvernement s’est engagé à faire preuve d’ouverture et de transparence envers les Canadiens et leurs représentants pendant la crise de la COVID-19. Il a mis en place des mesures spéciales pour aider les citoyens, les entreprises et les collectivités de toutes les régions en cette période difficile. Bon nombre de ces mesures ont été adoptées au Parlement dans le contexte de lois d’urgence, et elles continuent d’aider les Canadiens pendant la crise.

Honorables collègues, ce projet de loi est d’une importance cruciale pour la santé et le bien-être constant des Canadiens. Je tiens à vous remercier, tous et toutes, d’avoir contribué une fois de plus à protéger la population canadienne en ces temps difficiles. Je salue également encore une fois le travail assidu et fort apprécié des membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui a fait une étude en profondeur de ce projet de loi.

Merci. Meegwetch.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-27 est le premier projet de loi de crédits pour le nouvel exercice 2021-2022. Il est qualifié de « projet de loi de crédits provisoires », et il avance les fonds prévus dans le Budget principal des dépenses pour permettre au gouvernement de fonctionner jusqu’à l’adoption du projet de loi sur le Budget principal des dépenses, qui a habituellement lieu en juin.

Je parlerai d’abord des projets de loi de crédits de l’exercice précédent parce que, comme nous le savons, le cycle budgétaire se poursuit d’un exercice à l’autre. Il est donc important d’examiner les projets de loi de crédits des exercices antérieurs. Les initiatives des exercices antérieurs se poursuivent lors du prochain exercice. On ne peut donc pas examiner séparément chaque exercice. L’exercice précédent était différent des autres à cause de la pandémie. Par conséquent, certaines initiatives relatives à la pandémie de COVID-19 de l’exercice précédent continueront au cours du présent exercice, et c’est là-dessus que je commencerai mon intervention.

La dernière année a posé des défis aux parlementaires et aux autres personnes qui tentaient de faire un suivi des dépenses du gouvernement relatives à la COVID-19. Du début de la pandémie jusqu’au début août, le gouvernement a produit un rapport bimensuel sur la COVID-19 et l’a fourni aux parlementaires. Il a cessé de le produire au début août quand le Parlement a été prorogé, et il ne l’a jamais repris. Résultat : il est alors devenu presque impossible de faire le suivi des dépenses liées à la COVID-19. J’ai mentionné ce problème à quelques reprises l’an dernier. Je l’ai signalé trois fois au sénateur Gold au Sénat, ainsi qu’à la ministre des Finances, Mme Freeland, et au président du Conseil du Trésor, M. Duclos.

Dans ses derniers rapports, le directeur parlementaire du budget mentionne également l’absence de renseignements concernant les dépenses liées à la COVID-19. Il signale qu’aucun document public publié par le gouvernement ne contient une liste complète des mesures relatives à la COVID-19 annoncées jusqu’à maintenant ou une mise à jour des coûts prévus. Nous ne pouvons donc pas faire de suivi de ces dépenses.

On doit aussi au directeur parlementaire du budget une autre observation intéressante : il rappelle que, bien que le gouvernement ne communique pas toutes les dépenses relatives à la COVID-19, les ministères et organismes fédéraux sont tenus de déclarer ces renseignements et d’inscrire les dépenses réelles chaque mois dans le Système central de gestion des rapports financiers. Autrement dit, les données sont disponibles, mais le gouvernement ne les communique tout simplement pas aux parlementaires. Dans ses derniers rapports, le Comité sénatorial permanent des finances nationales recommande d’ailleurs que le gouvernement recommence à communiquer les renseignements relatifs aux dépenses concernant la COVID-19.

Le 10 mars, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes a adopté une motion portant sur les données relatives aux dépenses causées par la COVID-19. On dirait qu’il souhaite obtenir la même chose que moi. En voici le texte :

[...] le Comité oblige la production, du Secrétariat du Conseil du Trésor, de tous les rapports mensuels sur les dépenses COVID-19 et les données sur les dépenses COVID-19 telles que divulguées par les agents financiers supérieurs de tous les ministères respectifs et que ces documents soient déposés au Comité au plus tard le mercredi 17 mars 2021 et que le Comité soit mis à jour sur une base mensuelle au 15ième jour de chaque mois.

Il y a donc des parlementaires à l’autre endroit qui aimeraient, eux aussi, obtenir de l’information financière sur les dépenses que le gouvernement a faites en lien avec la pandémie de COVID-19. J’attends la réponse du gouvernement avec impatience.

En terminant, le gouvernement refuse de révéler aux parlementaires la nature et l’ampleur des dépenses occasionnées par la COVID-19, ce qui nous complique la tâche quand vient le temps d’exercer la surveillance qui est attendue de nous. Les représentants du gouvernement ont beau répéter que celui-ci agit de manière transparente et qu’il nous rend des comptes, je peux assurer à mes honorables collègues que c’est loin d’être le cas. Je travaille avec ce genre de données tous les jours, et même s’il est possible d’en obtenir de très haut niveau, elles ne sont pas suffisamment détaillées pour permettre la surveillance.

D’autres problèmes devraient nous inquiéter, notamment l’absence de budget depuis deux ans, la proposition d’augmenter le pouvoir d’emprunt du gouvernement au titre du projet de loi C-14, actuellement à l’étude à la Chambre des communes, ainsi que le refus de fournir l’information financière de base qui est demandée par les parlementaires.

Honorables sénateurs, les projets de loi de crédits provisoires ne sont généralement pas étudiés par le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Ils sont plutôt adoptés par le Sénat, et les questions relatives au Budget provisoire des dépenses sont soulevées pendant l’étude du projet de loi de crédits relatif au Budget principal des dépenses. Cependant, lorsqu’on se penche sur le projet de loi C-27 et ses annexes, et lorsqu’on examine sommairement le Budget principal des dépenses, on y trouve certains renseignements, et des questions intéressantes peuvent être soulevées.

Premièrement, ni le Budget principal des dépenses ni le Budget provisoire des dépenses pour la prochaine année ne fait mention des mesures relatives à la COVID-19. Lorsque l’état de pandémie a été déclaré, le gouvernement a indiqué les dépenses relatives à la COVID-19 dans tous les budgets des dépenses, y compris les budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C).

Cependant, le gouvernement ne fournit plus cette information. Les honorables sénateurs se rappelleront peut-être que j’en ai demandé la raison au sénateur Gold, il y a deux semaines. Sans cette information, il sera beaucoup plus difficile pour les parlementaires de surveiller les dépenses relatives à la COVID-19.

L’année dernière, le Sénat a approuvé le Budget provisoire des dépenses de 44 milliards de dollars. Cette année, on demande l’approbation de crédits de 59 milliards de dollars, une hausse de 15 milliards de dollars. Comme je l’ai déjà dit, le Budget provisoire des dépenses prévoit les fonds permettant au gouvernement de fonctionner jusqu’à l’approbation du Budget principal des dépenses, habituellement en juin. Par conséquent, je m’attends à ce que le Budget provisoire des dépenses demande les fonds pour environ le tiers de l’exercice. L’an passé, le gouvernement a demandé 35 % des crédits provenant du Budget principal des dépenses. Cette année, il en demande 41 %.

Je sais que l’ensemble ou une bonne partie des fonds pour certaines initiatives, comme les subventions, peuvent être demandés dans les budgets provisoires. Toutefois, les explications pour d’autres montants ne peuvent pas être obtenues avant notre examen du Budget principal des dépenses. Par exemple, l’Agence de la santé publique du Canada demande les onze douzièmes d’une partie de ses fonds. Ces sommes pourraient être liées à des mesures de lutte contre la COVID-19, mais puisque le gouvernement n’en fait plus mention, il est impossible de tirer des conclusions.

Comparons ce poste avec les fonds demandés dans le Budget provisoire des dépenses pour la Commission des débats des chefs. Le gouvernement demande, dans le projet de loi, les onze douzièmes du montant figurant dans le Budget principal des dépenses. Comme nous nous attendons à ce que des élections aient lieu cette année, verser la majeure partie des fonds en début d’exercice est justifiable.

Je m’en voudrais si je concluais mes observations sans parler du financement des plans de dépenses du gouvernement, y compris le Budget provisoire des dépenses comme il est décrit dans le projet de loi C-27.

Le projet de loi C-14, dont est saisi l’autre endroit, propose de faire passer le plafond d’endettement du gouvernement, qui a été établi par le Parlement en 2017 à 1,1 billion de dollars, à 1,8 billion de dollars. Compte tenu des préoccupations exprimées par de nombreuses personnes et organisations au sujet de la proposition d’augmenter considérablement le plafond d’endettement du gouvernement, je m’attends à ce que le projet de loi C-14 soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales pour qu’on l’étudie. Je vais garder mes observations au sujet du plafond proposé pour les emprunts jusqu’à l’étude du projet de loi.

Honorables sénateurs, en terminant, je remercie mes collègues du Comité des finances nationales de leur excellent travail. Je remercie également la greffière du comité, Maxime Fortin, et son équipe de leur soutien au cours de la dernière année.

Honorables sénateurs, voilà qui conclut mes observations au sujet du projet de loi C-27.

L’honorable Kim Pate [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui concernant le projet de loi C-27.

C’est la pandémie qui a façonné le Budget principal des dépenses 2021-2022. Aujourd’hui, plus d’un an après, on constate que cette pandémie a eu des retombées démesurées sur la santé, la situation économique et financière et la sécurité des Canadiens les plus marginalisés. Néanmoins, ces effets dévastateurs ne s’expliquent pas par le virus seulement, et le vaccin ne suffira pas pour y remédier. Trop souvent, les choix politiques faits dans des documents comme ceux-ci, élaborés dans des lieux de privilèges comme celui-ci et l’autre endroit, donnent lieu à des mesures qui, même si leurs auteurs sont bien intentionnés, peuvent faire beaucoup de mal.

Les politiques économiques actuelles normalisent la pauvreté et font fi des inégalités, ne garantissent pas l’accès aux produits de première nécessité ni le respect des droits de la personne et abandonnent à leur sort ceux qui sont dans le besoin et en danger, dans les rues et les établissements, non seulement quand il y a une crise à l’échelle nationale, mais aussi au quotidien.

Les mesures en réponse à la COVID-19 dont parle le Budget principal des dépenses incluent la Subvention salariale d’urgence du Canada, la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer destinée aux entreprises, la Prestation canadienne de la relance économique et la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants à l’intention des personnes qui ont perdu leurs emplois et leurs revenus. Ces mesures ont surtout préservé le statu quo économique en essayant d’empêcher ceux qui vivent au-dessus du seuil de pauvreté de tomber sous le seuil au lieu de s’assurer que personne ne reste dans la misère.

Ce sont les gens les plus démunis qui souffrent et meurent le plus pendant cette pandémie.

En marge de ces politiques se trouve 1 personne sur 10 vivant au Canada. Parmi les femmes, les nouveaux arrivants, les personnes racialisées et les personnes handicapées se trouvent un nombre disproportionné de personnes qui luttent pour survivre à cette pandémie sans bénéficier d’une assistance adéquate pour sortir de la pauvreté. C’est le cas, par exemple, des femmes handicapées qui n’avaient pas d’emploi ou qui ont perdu leur emploi et qui n’ont pas pu accéder à la Prestation canadienne d’urgence parce qu’elles touchaient de prestations d’aide sociale. Ces femmes dépendent maintenant des banques alimentaires pour se nourrir. Elles n’ont pas les moyens d’acheter de masques ou du désinfectant. C’est le cas également des femmes prises au piège parce qu’elles sont isolées avec leur agsresseur et n’ont pas les moyens économiques de fuir, sans compter que les refuges sont remplis au maximum de leur capacité ou présentent un risque accru d’exposition à la COVID-19. Les femmes qui vivent dans la rue risquent de se faire infliger une amende pour violation d’un couvre-feu ou d’une obligation de rester à la maison. Or, ces femmes n’ont pas de lieu sûr où se réfugier. N’oublions pas les femmes occupant un emploi précaire à temps partiel désigné comme essentiel durant la pandémie, qui sont exposées à un risque élevé de contracter la COVID-19 dans le cadre d’un travail qui ne paie même pas suffisamment pour répondre à leurs besoins essentiels.

Le projet de loi C-27 arrive au Sénat alors qu’un budget est attendu dans les prochaines semaines qui précisera si le gouvernement entend ramener le Canada dans la situation où il était auparavant ou s’il insistera sur une véritable relance qui nous fera tous progresser, non seulement pour laisser cette pandémie derrière, mais pour laisser également derrière la pauvreté et les inégalités qui en exacerbent les pires effets.

Le Comité des finances nationales du Sénat et son pendant de l’autre endroit ont tous deux souligné la nécessité de s’attaquer, dans le cadre de la relance, à l’insécurité économique et à la marginalisation des Canadiens. Les deux comités ont unanimement demandé que le Parlement examine dans les meilleurs délais l’instauration possible à l’échelle nationale d’un revenu de base garanti. La majorité des sénateurs ont réclamé la même chose. Le gouvernement tiendra-t-il compte de cette recommandation? Se rappellera-t-il son engagement à mettre en œuvre les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, notamment celui qui réclame l’instauration d’un revenu de base garanti qui contribuerait à lutter contre le sexisme et le racisme et à offrir davantage de sécurité aux femmes?

Le gouvernement a reconnu à maintes reprises que la pauvreté entraîne de graves répercussions sociales et économiques, et il s’est engagé à l’éliminer.

L’instauration au Canada du Supplément de revenu garanti pour les aînés et de la Prestation fiscale canadienne pour enfants montre que les programmes de revenu garanti aident considérablement les gens à sortir de la pauvreté et contribuent positivement à l’emploi et à la croissance économique et, partant, au PIB. Des programmes pilotes au Manitoba et en Ontario révèlent que la sécurité fournie par un revenu de base garanti incite les gens à chercher du travail, à démarrer des entreprises, à poursuivre des études et des projets artistiques, et à apporter une contribution positive à la collectivité.

La Prestation canadienne d’urgence et les programmes qui lui ont succédé ont prouvé que le Canada a l’ingéniosité et les moyens nécessaires pour mettre en œuvre un programme de l’ampleur d’un revenu minimum garanti national. Dans ce cas, pourquoi n’a-t-on pas encore adopté cette mesure?

Je suppose qu’on hésite à le faire en partie à cause du coût, ou du choc qu’il peut provoquer en quelque sorte, car on peut avoir l’impression, du moins à première vue, qu’une telle mesure comporte des coûts récurrents considérables. Selon le directeur parlementaire du budget, le coût annuel initial pourrait s’élever à 79 milliards de dollars.

Or, ce calcul ne prend pas en considération les dizaines de milliards de dollars qu’on économiserait chaque année en réaffectant à un programme de revenu minimum garanti les ressources actuellement consacrées à certains programmes fédéraux de soutien du revenu, comme le crédit pour la TPS. Il ne tient pas compte non plus des dizaines de milliards de dollars qu’on économiserait en remplaçant les programmes provinciaux et territoriaux d’aide sociale par un moyen plus efficace d’aider les gens à se sortir de la pauvreté.

Ce qui est plus important, toutefois, c’est que le Canada absorbe systématiquement dans ses budgets et prévisions budgétaires, sans remise en question, les coûts liés au défaut de s’attaquer à la pauvreté. Or, ces coûts combinés représentent de 72 à 84 milliards de dollars par année. Le coût de la pauvreté inclut les dépenses supplémentaires liées aux soins d’urgence, aux services policiers et aux établissements carcéraux. Il comprend également l’augmentation des coûts des programmes visant à s’attaquer aux pires symptômes de la pauvreté mais qui, au final, laissent les gens au bord du gouffre financier. Je songe notamment aux banques alimentaires et aux refuges pour sans-abris.

Lorsqu’on parle de la façon de financer un revenu minimum garanti, il doit aussi être question des impôts. Examinons brièvement le fait que les programmes provinciaux et territoriaux d’aide sociale, précisément ceux que remplaceraient des mesures de revenu minimum garanti, sont scrupuleusement conçus en fonction de la crainte manifeste que les pauvres seront égoïstes ou cupides ou qu’ils se la couleront douce s’ils reçoivent des prestations de soutien au revenu. En fait, on empêche les gens de garder des biens comme une voiture ou d’épargner, ce qui leur permettrait pourtant d’avoir une certaine sécurité de revenu et de se sortir de situations de crise.

Lorsque les gens arrivent à se trouver du travail, tous les revenus de plus de quelques centaines de dollars sont entièrement récupérés et leur font même courir le risque de ne plus être assurés pour certains services de santé. À quels autres Canadiens demande-t-on de travailler dans de telles conditions?

Cela contraste avec la façon dont nous traitons les Canadiens les plus fortunés et comment nous semblons accepter leur comportement. Comme d’autres collègues, le sénateur Downe notamment, l’ont souligné, chaque année, l’évitement fiscal et l’évasion fiscale font perdre des milliards de dollars au Canada et permettent aux plus riches de payer beaucoup moins que leur juste part d’impôts. En 2019, le Canada a perdu au moins 8 milliards de dollars en recettes fiscales au profit des paradis fiscaux. Le simple fait de mettre un terme à ces pratiques pourrait permettre au Canada de mettre la main sur au moins 10 à 15 milliards de dollars par année.

Le problème ne s’arrête toutefois pas là. Depuis 1980, le taux d’imposition des personnes ayant les revenus les plus élevés au pays est passé de 43 % à 33 %, et le taux d’imposition des entreprises a chuté de 36 % à 15 %. Pendant la même période, 90 % des avantages des allégements fiscaux relatifs aux gains en capital ou aux achats d’actions ou encore des crédits d’impôt pour dividendes sont allés au 1 % le plus riche.

Ce sont tous là des coûts que le Canada a choisi de prendre en charge dans son processus budgétaire. Un maigre 1 % d’impôt supplémentaire à l’intention de ceux qui possèdent plus de 20 millions de dollars pourrait par exemple permettre de recueillir 10 milliards de dollars par année. Un organisme comme la Commission du droit du Canada pourrait jouer un rôle essentiel afin de nous guider sur la voie d’une réforme fiscale systémique et fondée sur des faits.

En fonction du système actuel, les 40 % de Canadiens ayant le moins de ressources financières ne détiennent que 1,2 % de la richesse au pays. L’année dernière, en pleine pandémie et crise économique, les 44 personnes les mieux nanties du Canada se sont enrichies d’au moins 53 milliards de dollars.

À l’approche d’un budget qui promet d’assurer la reprise économique pour tous les Canadiens, tous les yeux seront tournés vers une ministre des Finances qui, durant sa carrière, a notamment suivi la montée des inégalités de revenus découlant de la transformation de l’économie par les progrès technologiques et la mondialisation.

Cet après-midi, beaucoup d’entre nous ont reçu un message de la vice-première ministre Freeland qui indiquait ce qui suit :

Je sais que, coûte que coûte, aucun membre de notre équipe ne cessera de travailler pour vous soutenir. Nous continuerons à bâtir un Canada meilleur, plus fort et plus résilient [...] Nous nous préparons à relever les défis de l’avenir.

Un nombre croissant de Canadiens estiment que le revenu minimum garanti doit faire partie de cet avenir, et l’Île-du-Prince-Édouard est prête à lancer un projet pilote de mise en œuvre.

Des mesures telles qu’une initiative nationale en matière de garde d’enfants font également partie de la solution, mais elles ne suffisent pas à elles seules à répondre aux besoins des femmes qui occupent deux ou trois emplois précaires au salaire minimum et qui ne sont pas suffisamment payées pour s’offrir un logement ou nourrir leurs enfants. Comme nous le rappellent les défenseurs du revenu de base, le fait est que les pauvres ont besoin d’argent. Ils doivent pouvoir compter sur la stabilité économique, avoir la possibilité de renoncer à un salaire insuffisant pour acquérir de nouvelles compétences, retourner à l’école ou démarrer une entreprise, et avoir la liberté de planifier leur avenir. Bon nombre d’entre nous tiennent leur avenir pour acquis. Un avenir ne devrait pas être un luxe réservé aux plus privilégiés.

Le projet de loi C-27 n’offre rien de nouveau. Comme beaucoup de Canadiens, nous attendons avec impatience que le gouvernement tienne sa promesse de rebâtir en mieux pour tous avec un budget qui assure la reprise, qui soutient tous les Canadiens et qui assure leur avenir. Meegwetch, merci.

Son Honneur le Président [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

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