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La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture

17 mai 2022


L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition)

Propose que le projet de loi S-245, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (attribution de la citoyenneté à certains Canadiens), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi d’être de nouveau la marraine du projet de loi S-245, auparavant le projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (attribution de la citoyenneté à certains Canadiens).

Lors de la précédente législature, le projet de loi S-230 avait été adopté par le Sénat après avoir été débattu et étudié par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Le projet de loi avait été adopté à l’unanimité et renvoyé à la Chambre des communes, mais il est mort au Feuilleton lorsque les élections ont été déclenchées.

Comme je l’avais mentionné à l’époque au sujet du projet de loi S-230, ce projet de loi, le projet de loi S-245, vise une certaine lacune dans la Loi sur la citoyenneté, qui concerne un petit groupe de Canadiens qui ont perdu leur citoyenneté canadienne ou qui sont devenus apatrides en raison de changements de politique.

Beaucoup de ces personnes ont grandi au Canada à partir d’un jeune âge. Bien qu’elles soient nées à l’étranger, plusieurs sont arrivées au Canada lorsqu’elles étaient jeunes, certaines en tant que nourrissons. Ces personnes ont reçu leur éducation au Canada, elles ont élevé leurs enfants au Canada, et elles ont travaillé et payé des impôts au Canada. Pourtant, elles ont atteint l’âge de 28 ans sans savoir que leur citoyenneté leur serait retirée en raison d’un changement de politique prévu dans la Loi sur la citoyenneté de 1977, qui exige que les Canadiens nés à l’étranger demandent de conserver leur citoyenneté rendus à 28 ans. Comme il a déjà été expliqué, cette loi — la règle des 28 ans — a été adoptée, puis oubliée. Les gens qui n’ont pas présenté une demande pour garder leur citoyenneté avant d’avoir 28 ans sont devenus des « Canadiens perdus » le jour de leur 28e anniversaire.

En 2008, le projet de loi C-37, qui a abrogé la disposition sur l’âge de 28 ans et qui a inclus tous les Canadiens n’ayant pas encore 28 ans dans le changement de politique, a laissé de côté un petit groupe de Canadiens ayant fêté leur 28e anniversaire, plus précisément les personnes nées dans la période de 50 mois s’étalant du 15 février 1977 au 16 avril 1981. C’est pour ce petit groupe qu’on appelle les « Canadiens perdus » que le projet de loi à l’étude est de nouveau présenté au cours de la présente législature.

Grâce à l’adoption du projet de loi S-245, nous pourrons rétablir la citoyenneté de ce dernier groupe de « Canadiens perdus » touchée par la règle des 28 ans de sorte qu’ils se voient accorder les droits et les opportunités accordés à tous les Canadiens.

Je tiens à remercier la sénatrice Omidvar d’avoir accepté d’être, une fois de plus, la porte-parole pour cet important projet de loi et d’avoir collaboré avec moi et les défenseurs de longue date de cette importante cause comme Don Chapman.

Honorables sénateurs, je vous demande encore une fois d’appuyer ce projet de loi, au lieu de le renvoyer au comité, afin qu’il puisse passer directement à l’étape de la troisième lecture et à la Chambre des communes, comme nous l’avons déjà fait durant la législature actuelle pour d’autres projets de loi bien connus qui sont eux aussi morts au Feuilleton à l’autre endroit, c’est-à-dire le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste visuel officiel du Parlement), le projet de loi S-214, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle, le projet de loi S-216, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (utilisation des ressources d’un organisme de bienfaisance enregistré), et le projet de loi S-223, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (trafic d’organes humains).

Après l’intervention de la sénatrice Omidvar, je vais demander la permission d’accélérer l’étude de ce projet de loi à la faveur des « Canadiens perdus », qui attendent depuis beaucoup trop longtemps que ce projet de loi soit adopté. Merci.

L’honorable Ratna Omidvar [ - ]

Je vous remercie, sénatrice Martin, de défendre inlassablement les « Canadiens perdus ». Je suis la porte-parole officielle pour le projet de loi. J’ai toujours pensé qu’un porte-parole était quelqu’un qui devait être défavorable ou s’opposer à un projet de loi, mais ce n’est certainement pas le cas cette fois-ci. Je suis très favorable à ce projet de loi, comme vous le savez bien.

Quand je suis devenue sénatrice en 2016, comme on savait que je m’intéressais à la citoyenneté, j’ai commencé à recevoir de nombreux courriels à propos des « Canadiens perdus ». Pour être honnête, je n’avais jamais entendu cette expression qui me rendait vraiment perplexe. Pour ceux d’entre nous qui sont venus vivre au Canada, qui savent à quel point c’est un privilège d’être Canadien, il est inconcevable qu’on puisse perdre involontairement sa citoyenneté à cause de ce que je qualifierais d’erreur et de cafouillage bureaucratiques.

Lorsque je suis intervenue par la suite en tant que porte-parole pour un important projet de loi sur la citoyenneté — je crois que c’était mon premier discours important au Sénat —, j’ai utilisé pour décrire la citoyenneté l’image d’une maison, avec beaucoup de fenêtres pour laisser entrer les rayons du soleil, mais aussi un toit solide et une porte très solides pour protéger les habitants contre les dangers de l’extérieur. Les fondations de cette maison accueillante et sécuritaire reposent sur quelques principes essentiels.

Le premier, et le plus important, c’est l’égalité entre les citoyens. Grâce à cette égalité, tous les citoyens — de naissance ou naturalisés, à simple ou à double nationalité, qu’ils aient acquis la citoyenneté depuis 50 ans ou 1 mois — sont traités également au regard de la loi. L’égalité des droits, des responsabilités et, si nécessaire, du châtiment : ce ne sont pas là des objectifs auxquels nous aspirons. Ce sont plutôt les critères de base, le minimum absolu de la façon dont l’égalité est exprimée au Canada.

En deuxième lieu, il y a le principe de facilitation de la citoyenneté, c’est-à-dire faciliter la tâche des gens souhaitant obtenir la citoyenneté. Encore une fois, cela me fait penser à l’étage principal d’une maison accueillante avec une belle grande porte accueillante où crépite un bon feu dans la cheminée pour chasser le froid. Cependant, les « Canadiens perdus » ne profitent plus de la chaleur du feu. En fait, ils ont été chassés de la maison. Pensez-y comme une expulsion.

Comme nous le savons, notre système d’immigration et nos lois sur la citoyenneté sont extrêmement complexes. À cause de cette complexité, des gens se retrouvent parfois pris dans leur filet. Ils ont du mal à en sortir et à composer avec cette situation désastreuse, bien qu’involontaire. J’admettrai que cette situation n’était pas prévue. Elle est accidentelle. Cependant, combien de fois le Sénat doit-il composer avec les conséquences dévastatrices, mais imprévues, d’une mesure législative adoptée soit par cette assemblée, soit par l’autre endroit?

La sénatrice Martin vous a déjà expliqué dans quel contexte ces Canadiens se sont « perdus ». Je ne vais donc pas répéter ce qu’elle a dit. Je voudrais simplement vous parler de la situation actuelle pour les « Canadiens perdus » qui veulent récupérer leur citoyenneté. Il s’agit d’un traitement au cas par cas. Ils doivent soumettre une demande au ministre et au ministère pour récupérer leur citoyenneté. Je me demande si ce traitement au cas par cas est équitable, alors que nous avons vraiment besoin d’une solution systémique. Ce traitement au cas par cas signifie que chaque « Canadien perdu » doit agir avec autant de détermination et de volonté que Byrdie Funk, qui s’est illustrée dans ce combat. Elle a présenté une requête au tribunal, elle a sollicité le ministre, et elle a fini par obtenir gain de cause; mais une fois de plus, c’était une démarche personnelle. La proposition de la sénatrice Martin a l’avantage de régler ce problème systémique.

Le sénateur Dalphond m’a posé une question pertinente la dernière fois : combien de personnes sont concernées? Je répondrais qu’il n’y en a pas tellement. Peut-être une centaine. Peut-être 200. Nous ne le savons pas, et c’est probablement parce que ces Canadiens ne savent pas eux-mêmes qu’ils ont perdu leur citoyenneté jusqu’à ce qu’ils demandent un passeport, et qu’ils découvrent le pot aux roses.

Lorsque vous perdez votre citoyenneté, les conséquences sont graves. Avant de pouvoir la récupérer, votre numéro d’assurance sociale pourrait ne plus être valide. Vous pourriez aussi ne pas être en mesure de décrocher à un emploi. Vous pourriez être dans l’impossibilité de voyager, et avoir un accès restreint aux soins de santé. Tout ceci alors que vous encourez une éventuelle expulsion en parallèle. C’est donc une situation très grave, même si elle ne concerne que quelques centaines de personnes. Je pense que nous conviendrons tous que l’injustice — qu’elle concerne une personne, quelques personnes ou même une centaine de personnes — demeure intolérable dans notre système.

Je voudrais aussi souligner qu’il y a d’autres « Canadiens perdus », et je félicite la sénatrice Martin pour son travail et son approche pratique en vue d’aider ceux que nous pouvons aider le plus rapidement possible. La loi ne relève pas de l’art de la perfection, mais plutôt de l’art du possible. Selon moi, cette mesure législative est à notre portée. Chers collègues, je vous incite à soutenir ce projet de loi. Merci.

Son Honneur le Président [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

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