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La Loi sur les télécommunications

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat

27 septembre 2023


L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition)

Propose que le projet de loi C-288, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications (renseignements transparents et exacts sur les services à large bande), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que marraine au Sénat du projet de loi C-288, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications (renseignements transparents et exacts sur les services à large bande). Ce projet de loi arrive à point et il est nécessaire : trop d’endroits dans notre pays — en particulier dans les régions rurales — ne sont toujours pas connectés à des réseaux à large bande.

Je tiens d’abord à saluer mon collègue de l’autre endroit, le député Dan Mazier, qui travaille sans relâche pour faire en sorte que tous les Canadiens aient un accès égal aux technologies de communication.

En 2019, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, a lancé une enquête de huit mois sur une série de plaintes de Canadiens portant sur les torts causés par des pratiques de vente au détail trompeuses d’entreprises canadiennes de télécommunications. Le rapport a notamment soulevé les pratiques inacceptables suivantes : des employés de centres d’appel de grandes entreprises de télécommunications qui ajoutent des services au compte d’un client sans permission, des employés de magasin qui brouillent les détails des contrats et des vendeurs de porte-à-porte qui déforment les prix des contrats.

Parmi les principales recommandations, mentionnons que le CRTC : crée un code de conduite Internet obligatoire qui pourrait inclure des mesures de protection tarifaires pour la durée d’un contrat, un peu comme celles qui sont prévues dans le Code sur les services sans fil pour les services de téléphone cellulaire; exige des fournisseurs de services qu’ils accordent aux clients une période d’essai pour leur permettre d’annuler un service qui ne correspond pas à ce qu’on leur avait offert; élargisse le mandat de la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision, ou CPRST — le médiateur du domaine des télécommunications —, afin qu’elle puisse enquêter sur les plaintes concernant les pratiques de vente trompeuses ou agressives; et instaure un programme national de « client mystère » pour vérifier que le personnel de vente au détail n’induit pas les clients en erreur.

Il vaut la peine de mentionner que le rapport ne fait aucune différence entre les entreprises de télécommunications qui s’adonnent à ces pratiques trompeuses et celles qui ne le font pas. Avant de procéder à cette enquête, la CPRST a examiné un échantillon de 441 plaintes pour cerner les sources de frustration pour les clients. Elle a constaté que plus de la moitié — 53 % des plaintes — signalaient un écart entre les attentes au point de vente et l’expérience vécue par la suite. Dans 41 % des plaintes, le client affirme ne pas avoir été prévenu que son contrat autorise le fournisseur à modifier unilatéralement un tarif ou un service. Le Canada a vu le nombre de plaintes faire un bond de 57 % en 2017-2018, la plupart concernant les fournisseurs de services sans fil, et ce, malgré l’entrée en vigueur, en décembre 2017, du Code sur les services sans fil révisé, dont le but est de protéger les consommateurs. Je donne un aperçu de quelques cas.

Une cliente de Laval, au Québec, a accepté de souscrire à un forfait de services de téléphonie résidentielle, d’Internet et de télévision pour 111 $ par mois, mais on lui a ensuite facturé 131 $ par mois. Le fournisseur lui a dit qu’elle n’était pas admissible à l’offre de 111 $ par mois. Une cliente de Langley, en Colombie-Britannique, a reçu une offre de son fournisseur de services pour un nouvel appareil mobile, qui comprenait un plan de protection de l’appareil. La cliente a payé 280 $ pour l’appareil et elle croyait qu’elle avait conclu un contrat au mois. L’appareil a été endommagé et elle a reçu un appareil remis à neuf comme remplacement. Lorsque la cliente a fait état de son insatisfaction, on lui a répondu qu’elle avait souscrit à un plan de 24 mois et qu’il y aurait des frais de 500 $ pour l’annuler.

Un client de la Saskatchewan a souscrit à un service Internet fourni par satellite. Le service en question a bien fonctionné pendant quelques jours, puis la vitesse a commencé à diminuer, particulièrement lorsque le client utilisait Internet pour jouer à des jeux vidéo ou regarder quelque chose sur Netflix. Le fournisseur a alors dit au client qu’il lui faudrait un nouveau plan pour obtenir la vitesse voulue.

Une enquête en caméra cachée réalisée en 2018 par Marketplace, une émission de protection des consommateurs diffusée sur CBC, a révélé que les représentants à domicile de compagnies de télécommunications promettaient des prix permanents pour le service Internet, faisaient la promotion de prix fictifs et mentaient au sujet de la vitesse. Qui plus est, de nombreux clients ont été trompés puisqu’on leur avait affirmé qu’ils pourraient accéder à la technologie de fibre optique directement chez eux, alors que leur maison était encore branchée à un réseau au câblage de cuivre relié à un nœud de réseau en fibre optique situé à plusieurs rues de là.

Cette situation nous amène à parler de la nécessité du projet de loi C-288. Lorsqu’il a justifié la raison d’être de cette mesure législative, le député Dan Mazier a dit :

Il est essentiel d’avoir accès à un Internet de qualité. Les Canadiens des régions rurales du pays comprennent particulièrement les effets dévastateurs associés à un service Internet de piètre qualité.

Il a d’ailleurs ajouté, à juste titre :

Si les députés en discutaient avec les Canadiens d’un bout à l’autre du pays, ils constateraient que bon nombre se sentent trompés et escroqués par les fournisseurs de services Internet. En effet, des millions de Canadiens sont frustrés de constater que les services Internet pour lesquels ils paient sont loin d’être à la hauteur de ce qu’ils devraient être.

Les consommateurs prennent des décisions d’achat basées sur l’information qu’ils reçoivent. Lorsqu’il s’agit d’Internet, les Canadiens s’attendent à des services de la plus haute qualité. Malheureusement, lorsque les consommateurs décident de ce qu’ils considèrent être le meilleur fournisseur de services Internet pour eux, ils n’ont pas accès aux renseignements les plus exacts et réalistes.

Comme l’a dit M. Mazier, « [l]es Canadiens doivent savoir ce pour quoi ils paient », et c’est pour cela qu’il a présenté le projet de loi C-288. Le projet de loi C-288 répond aux préoccupations exprimées par les Canadiens, surtout ceux qui vivent en région rurale et qui se procurent des services Internet dispendieux avant de se rendre compte que la vitesse du service n’est pas celle qui leur avait été annoncée. Les vitesses annoncées aux consommateurs qui achètent des services Internet ne sont pas garanties, et elles correspondent rarement au minimum ou à la moyenne.

Actuellement, le gouvernement permet que les fournisseurs de services Internet annoncent des vitesses maximales théoriques. Ils utilisent des formules comme « jusqu’à » dans les publicités pour que les consommateurs croient que leur service Internet est meilleur qu’il l’est en réalité.

Le projet de loi C-288 corrige cette situation en donnant aux consommateurs de l’information exacte et transparente concernant les services à large bande fixes. Autrement dit, il fait en sorte que les consommateurs de services Internet savent ce qu’ils achètent.

Tout d’abord, le projet de loi C-288 obligerait les fournisseurs de services Internet à présenter aux Canadiens les vitesses de téléchargement et de téléversement habituelles et non pas les vitesses maximales théoriques. Il fournit aussi aux Canadiens les paramètres de qualité de service durant les périodes de pointe. Les internautes veulent savoir quelle sera la vitesse aux périodes de pointe et non au milieu de la nuit, lorsque les gens dorment. Cette mesure accorde la priorité aux consommateurs en leur donnant les informations dont ils ont besoin pour prendre les bonnes décisions concernant leur utilisation personnelle et professionnelle d’Internet.

Enfin et surtout, le projet de loi C-288 sera bien appliqué. Grâce à un amendement présenté par les conservateurs au Comité permanent de l’industrie et de la technologie, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes doit tenir des audiences publiques afin d’assurer l’observation, le contrôle et l’application de la loi.

Honorables sénateurs, le projet de loi vise à lever le voile et à fournir des informations honnêtes qui permettent aux consommateurs de prendre des décisions éclairées au sujet des services Internet qu’ils achètent.

OpenMedia, un organisme dont le mandat consiste à préserver le caractère ouvert et abordable d’Internet, souscrit à cet objectif. Dans une déclaration, il a dit :

Lorsque vous souscrivez à un forfait Internet, vous avez le droit de savoir ce pour quoi vous payez. C’est une simple question de vérité et de transparence. Si un fournisseur d’accès à Internet annonce certaines vitesses, les consommateurs ont le droit de savoir, AVANT d’acheter, si ces vitesses reflètent fidèlement le rendement moyen du réseau.

Comme je l’ai déjà mentionné, le projet de loi C-288 modifiera la Loi sur les télécommunications afin d’obliger les fournisseurs de services Internet à donner aux consommateurs les renseignements exacts sur la qualité et la vitesse des services Internet pendant les périodes de pointe plutôt que des renseignements fondés sur des possibilités théoriques ou des scénarios optimaux. De tels termes sont trompeurs pour les consommateurs, qui croient qu’ils recevront un certain niveau de service dans tous les cas, alors qu’en fait, le meilleur scénario pourrait ne jamais se produire.

Selon un expert, le CRTC a explicitement exclu les restrictions contre les publicités trompeuses sur les niveaux de qualité de service lors de l’élaboration de son Code sur les services Internet de 2019. Ce projet de loi pourra donc atténuer ce qui peut être considéré comme une erreur dans l’élaboration de ce code.

Vous vous demandez peut-être quelles sont les conséquences de l’absence de renseignements précis lors de la décision d’achat.

Les principales préoccupations sont que les consommateurs paient trop cher pour les services qu’ils obtiennent et ne se procurent probablement pas le service qui correspond le mieux à leurs besoins. Dans notre monde interconnecté, où beaucoup de gens travaillent de plus en plus à domicile, cette situation peut avoir de graves répercussions pour les dirigeants d’entreprises à domicile qui s’efforcent de soutenir la concurrence à l’échelle mondiale.

À l’heure actuelle, les Canadiens sont parmi ceux qui paient le plus cher au monde pour les services d’accès à Internet et de télécommunications sans fil, mais leur accès à Internet haute vitesse à large bande et aux services de télécommunications sans fil figure aussi parmi les plus limités des pays développés. Selon les données du CRTC, dans 38 % des collectivités rurales et éloignées, les services d’accès à Internet haute vitesse à large bande sont inadéquats. Dans le cas des communautés des Premières Nations, l’accès se situe à moins de 30 %, tandis que la moyenne canadienne, milieux urbains compris, est nettement supérieure à 80 %.

On promet la couverture complète des milieux ruraux et éloignés en 2030, mais, à ce moment-là, une vitesse de téléchargement de 50 mégaoctets par seconde et une vitesse de téléversement de 10 mégaoctets par seconde seront sans aucun doute nettement insuffisantes pour les fonctions de la bande passante dont jouiront alors les villes. Ces vitesses pourraient aussi être tout à fait inadéquates pour les entreprises à domicile en milieu rural qui cherchent à rester concurrentielles.

Je crois que le projet de loi C-288 améliorera la reddition de comptes et la transparence dans le secteur canadien des télécommunications en levant le voile du secret afin que les Canadiens sachent à quoi s’en tenir sur la qualité des services à large bande qu’ils achètent. Le projet de loi n’aura pas d’incidence directe sur l’amélioration de l’accès aux services haute vitesse à large bande dans les régions rurales et éloignées, mais il améliorera au moins la reddition de comptes et la transparence, ce qui suscitera idéalement une plus grande concurrence tout en bonifiant l’offre aux consommateurs.

Un rapport du Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes a souligné l’importance des objectifs contenus dans ce projet de loi. Selon ce rapport, le CRTC devrait obliger les fournisseurs de services Internet à rendre accessibles les renseignements concernant les vitesses de téléchargements et de téléversement habituelles auxquelles les consommateurs peuvent s’attendre durant les périodes de pointe, ce qui leur permettra de prendre des décisions d’achat plus éclairées, sur la base d’informations précises et transparentes.

Des témoins au comité de la Chambre ont aussi déclaré que le projet de loi C-288 renforcerait la nouvelle orientation du CRTC visant à garantir la concurrence et les droits des consommateurs.

Honorables sénateurs, cet écart de connectivité entre les régions urbaines et les régions rurales ou éloignées perdure depuis trop longtemps. En 2021, la plateforme électorale du Parti conservateur disait :

Alors que la technologie continue à évoluer, l’infrastructure de l’avenir — large bande et 5 G — sera de plus en plus essentielle à la création d’emplois.

La plateforme proposait de :

Construire une infrastructure numérique pour connecter tous les Canadiens à Internet haute vitesse d’ici 2025 [...]

Elle proposait aussi :

[d’a]ccélérer la mise en place de la large bande dans les régions rurales.

[d’a]ccélérer le processus de vente du spectre pour que ce dernier soir plus utilisé et appliquer des dispositions « à prendre ou à laisser » pour assurer qu’il est réellement développé (surtout dans les régions rurales) [...]

C’est avec plaisir que je souligne l’appui que ce projet de loi a reçu à l’autre endroit.

Comme l’a déclaré Kevin Lamoureux, secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, à propos du projet de loi, à l’étape de la troisième lecture : « En ce qui me concerne, je considère que c’est une façon d’informer et de protéger les consommateurs, et c’est pour cette raison que j’appuie le projet de loi. »

De son côté, Bryan Masse, un député néo-démocrate, s’est prononcé comme suit :

« Je félicite le député parce qu’il propose une mesure concrète visant à améliorer les services à large bande et à responsabiliser les fournisseurs en matière de publicité et de promotion, ce qui est crucial à plusieurs égards. Tout d’abord, l’importance de la publicité honnête est indéniable. Ce projet de loi rehausserait les attentes et la surveillance afin que les consommateurs obtiennent réellement les services et les vitesses annoncés, ce qui est important pour prendre des décisions d’achat. »

Avant de conclure, honorables sénateurs, je m’en voudrais de ne pas mentionner le projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication, de l’honorable sénateur Dennis Glen Patterson. C’est celui qu’il surnomme le projet de loi du « c’est à prendre ou à laisser ». Le projet de loi S-242 est le complément du projet de loi C-288, car il assure la disponibilité des licences de spectre au Canada aux fournisseurs canadiens afin d’offrir des services sans fil essentiels, comme l’accès à Internet, et d’éviter que la population soit exploitée par de grandes sociétés qui détiennent des licences et en tirent des profits faramineux.

Je cite le sénateur Patterson :

Les Canadiens qui habitent dans les régions rurales, éloignées et nordiques méritent d’avoir accès à des services de connectivité. Les sénateurs savent que je m’insurge depuis longtemps contre la politique du Canada sur les licences de spectre, qui accorde la priorité à la concurrence urbaine plutôt qu’à l’accès aux services Internet dans les régions rurales. Les communautés, qu’elles soient situées à 15 minutes des limites de Calgary ou dans le Grand Nord — par exemple Grise Fiord, au Nunavut —, n’ont pas accès à des services de connectivité. Bien qu’il y ait de nombreux facteurs pour expliquer cette situation, il n’en demeure pas moins que certaines communautés n’ont pas accès à des services de connectivité parce que les licences de spectre demeurent inutilisées.

Je crois que le projet de loi S-242 empêchera le squattage du spectre et que, jumelé à des mesures législatives comme le projet de loi C-288, il inaugurera une nouvelle ère d’entrepreneuriat rural — une nouvelle économie créée par la pandémie mondiale — où les Canadiens travaillent et travailleront plus que jamais à domicile. C’est là que les projets de loi du sénateur Patterson et du député Mazier sont très utiles pour établir des règles du jeu équitables pour les collectivités rurales et les communautés autochtones du Canada.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-288 a été adopté par la Chambre des communes, où il a bénéficié d’un appui solide, et nous en sommes maintenant saisis au Sénat. Je vous demande de l’appuyer à l’étape de la deuxième lecture et de le renvoyer à un comité, où nous pourrons entendre les témoignages de Canadiens directement touchés par cet enjeu et contribuer à garantir un accès égal et équitable à Internet pour tous. Merci.

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