Aller au contenu

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture

30 mai 2024


L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition)

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi S-279, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu, concernant les données sur les organismes de bienfaisance enregistrés. Le projet de loi S-279 exige que tout organisme de bienfaisance enregistré indique, dans la déclaration de renseignements qu’il présente au ministre en vertu de l’article 149.1(14) de la Loi de l’impôt sur le revenu, le nombre d’administrateurs, de fiduciaires, de dirigeants ou d’autres responsables qui, à sa connaissance, font partie de chacun des groupes désignés définis à l’article 3 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Ces groupes désignés sont les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les membres de minorités visibles. Forts de ces informations, ils doivent produire un rapport résumant celles-ci qui sera remis au Parlement et rendu accessible aux parties intéressées.

La raison d’être du projet de loi S-279 est claire, comme l’a indiqué l’honorable sénatrice Ratna Omidvar dans son discours. Son objectif est de fournir des données sur la diversité et l’équité des structures de gouvernance au sein du secteur caritatif.

Le projet de loi S-279 est issu du rapport sénatorial de 2019 intitulés Catalyseur du changement : Une feuille de route pour un secteur de la bienfaisance plus robuste, rédigée par un comité spécial dont j’ai fait partie, et plus précisément de la recommandation 8 du rapport :

Que le gouvernement du Canada, par l’intermédiaire de l’Agence du revenu du Canada, inclue des questions dans les formulaires T3010 (pour les organismes de bienfaisance enregistrés) et T1044 (pour les organismes sans but lucratif constitués en vertu d’une loi fédérale) au sujet de la représentation de la diversité dans les conseils d’administration en fonction les lignes directrices existantes sur l’équité en matière d’emploi.

Lors des témoignages, nous avons entendu Cathy Winter, gestionnaire du programme DiverseCity onBoard à l’Université Ryerson, maintenant connue sous le nom de l’Université de Toronto. Je la cite :

Le Canada compte au-delà de 170 000 organisations caritatives sans but lucratif et des centaines d’organismes du secteur public, qui sont dirigés en grande partie par des conseils d’administration ne représentant pas la diversité des communautés du pays.

Christopher Fredette, professeur agrégé de l’Odette School of Business à l’Université de Windsor a aussi fait valoir l’importance de la diversité au sein des conseils d’administration en recommandant :

[...] de veiller à ce que [...] le recensement des besoins, l’établissement des priorités, la prise de décision et la répartition des ressources soient entreprises par des gens qui sont légitimement représentatifs des membres de leur organisme et de leur communauté; et deuxièmement, de veiller à ce que les intérêts de la communauté et des habitants soient bien compris.

On nous a dit également que plus de la moitié des organismes de bienfaisance n’ont pas de protocoles pour enregistrer ces données.

Cependant, honorables collègues, malgré les bonnes intentions qui sous-tendent ce projet de loi, je me demande si ce dernier est nécessaire et où il nous mènerait. Les organismes de bienfaisance suivent actuellement différents processus pour choisir les membres de leur conseil d’administration. Ils peuvent procéder par nomination ou suivre un processus mixte de nomination et d’élection, selon les dispositions prévues dans leur constitution et leur règlement. Sommes-nous en train de dire que le gouvernement doit participer à ce processus en imposant des exigences en matière de diversité? Si la réponse est oui, quelles seraient les conséquences pour ces organismes de bienfaisance?

Je note que, par nature, les niveaux de diversité actuels des structures de gouvernance de nombreux organismes de bienfaisance reflètent le mandat unique de chacun. Par exemple, un organisme de bienfaisance qui se consacre aux besoins d’un groupe ethnique précis sera souvent dirigé par un conseil d’administration composé de représentants de ce groupe ethnique. Peut-on considérer qu’il s’agit d’un manque de diversité?

Même si le projet de loi précise que le rapport préparé par le ministre ne doit pas nommer les organismes de bienfaisance, les administrateurs, les fiduciaires ou les dirigeants, la présence même d’un tel rapport créerait une lentille à travers laquelle la diversité de la gouvernance des organismes de bienfaisance serait perçue. Peut-être cherchons-nous au mauvais endroit. Peut‑être la diversité que nous recherchons est-elle déjà présente et qu’elle se reflète dans la diversité des organismes de bienfaisance eux-mêmes plutôt que dans la structure de gouvernance de chacun.

Aujourd’hui, nous sommes saisis de ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, ce qui signifie que nous décidons si nous en approuvons le principe et le renvoyons au comité. J’admets que je suis indécise sur le principe, mais je soutiendrai le renvoi du projet de loi en comité pour un examen plus approfondi. J’espère que j’obtiendrai des réponses à mes questions à cette étape. Merci.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Haut de page