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PÉRIODE DES QUESTIONS — Le ministère du Patrimoine canadien

Le soutien aux langues autochtones

19 mars 2019


J’ai une question complémentaire à celle que j’ai posée ce matin au comité. Les Premières Nations que je représente posent d’autres questions.

Au titre du projet de loi C-91, la seule obligation positive du gouvernement est de consulter les organismes autochtones pour répondre à l’objectif de fournir un financement adéquat, stable et à long terme pour les langues autochtones. Il s’agit peut-être de l’objectif déclaré, mais, si on n’accorde pas de droits linguistiques précis aux Autochtones et que le gouvernement n’a pas l’obligation positive correspondante de mettre en œuvre ces droits, le projet de loi C-91 n’équivaut à rien de plus qu’un énoncé de politique idéaliste. Il préserve le contrôle bureaucratique du gouvernement sur le financement de toutes les initiatives liées aux langues autochtones, notamment le piège du financement global, qui oblige les communautés à se livrer concurrence entre elles pour les fonds disponibles et qui les dresse les unes contre les autres.

Le projet de loi ne prévoit rien pour la grande question des nouveaux fonds destinés aux écoles d’immersion : il ne mentionne que les programmes d’immersion, et non les écoles.

La question que je souhaite vous poser, monsieur le ministre, est la suivante : si le gouvernement est fermement résolu à opérer la réconciliation et à adhérer à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, pourquoi n’utilisez-vous pas simplement cette déclaration comme fondement pour ce projet de loi? Les solutions pour revitaliser, protéger et promouvoir les langues autochtones sont clairement décrites dans la déclaration, plus particulièrement dans les articles 13 et 14. Pourquoi le gouvernement ne prend-il pas sa première mesure concrète pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en faisant en sorte que le projet de loi C-91 reflète entièrement les solutions proposées dans ce document?

L’honorable Pablo Rodriguez, C.P., député, ministre du Patrimoine canadien et du Multiculturalisme [ - ]

Merci beaucoup, sénateur, et merci aussi pour les questions que vous avez posées ce matin. La journée a été occupée aujourd’hui. J’ai passé 40 minutes au comité ce matin. J’ai maintenant le plaisir d’être ici avec vous.

Ce sont des questions extrêmement importantes. Honorables sénateurs, il s’agit d’un projet de loi extrêmement important qui a été élaboré en collaboration avec des nations autochtones de tout le pays à la suite de vastes consultations ayant duré deux ans. Avec les Inuits, les Premières Nations, les Métis et des représentants d’autres groupes divers, nous nous sommes réunis pour ce projet de loi qui repose sur 12 principes et qui reconnaît, pour la première fois, les langues autochtones comme un droit fondamental conformément à l’article 35 de la Constitution. C’est important.

Le projet de loi reconnaît également l’importance de contribuer à l’atteinte des objectifs de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. C’est aussi dans le projet de loi. Ce dernier mentionne également un financement stable et à long terme. Normalement, ce n’est pas le genre de choses qui se trouvent dans les projets de loi. Le fait d’indiquer qu’il faut assurer un financement stable et à long terme lie les mains du gouvernement. Malgré tout, c’est indiqué dans la mesure législative.

Le projet de loi C-91 crée également le poste de commissaire aux langues autochtones. Ce bureau sera là pour effectuer des recherches au début et nous expliquer la situation des différentes langues autochtones. Que devrions-nous faire de mieux? Le financement est-il suffisant? Le financement est-il nécessaire pour réaliser ce que nous souhaitons faire en matière de langues autochtones?

Honorables sénateurs, ce sont là les principaux aspects du projet de loi. Pouvons-nous l’améliorer? S’il y a moyen, nous le ferons. La porte est toujours ouverte. Nous poursuivons les discussions et nous sommes disposés à recevoir des propositions d’amélioration, mais nous devons agir maintenant parce que des langues s’éteignent un peu partout. Aucune langue n’est à l’abri dans notre pays, honorables sénateurs. Elles sont toutes menacées. Elles disparaissent. Nous devons prendre des mesures dès maintenant, et le projet de loi nous permet de nous engager sur cette voie immédiatement.

L’honorable Dennis Glen Patterson [ - ]

Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le ministre, vous avez parlé d’élaboration conjointe et des Inuits.

Comme vous le savez, je suis très préoccupé par le fait que les Inuits, qui ont d’abord participé de bonne foi à la démarche d’élaboration conjointe, sont d’avis que le gouvernement a complètement laissé de côté leurs opinions réfléchies sur ce que le projet de loi devrait inclure. En août 2018, ils ont été insultés qu’on leur offre trois pages de la mesure législative en trois jours et qu’on leur demande de signer une entente de confidentialité. Ils se sont alors retirés du processus d’élaboration conjointe, disant que le gouvernement avait agi de mauvaise foi.

Ma question porte sur la langue inuite, l’inuktut. C’est la langue autochtone la plus vigoureuse au Canada, ce qui ne l’empêche pas d’être en déclin. Quelles mesures prenez-vous pour garantir la prise en compte des judicieux conseils et des préoccupations que les Inuits soumettent à votre équipe? Selon eux, le projet de loi ne reflète aucune de leurs préoccupations.

M. Rodriguez [ - ]

Merci de votre question, sénateur. Je vous remercie également de votre excellent travail, dont j’ai eu un exemple ce matin au comité. Il s’agit de questions difficiles, mais nécessaires, et je suis ici pour y répondre au meilleur de mes connaissances.

Tout d’abord, je tiens à préciser que tout le monde était présent lors des consultations, y compris les Inuits, et que le processus a duré environ deux ans. Il y a eu une cinquantaine de consultations au total, dont 20 ont été menées par le gouvernement. Toutes sortes de moyens permettaient aux gens de faire connaître leur point de vue et leur opinion. Ils pouvaient par exemple présenter un mémoire en ligne. C’est de là qu’est parti le projet de loi.

Quand je dis que 12 principes sous-tendent le projet de loi, je veux dire qu’ils en constituent le fondement, y compris en ce qui concerne le nouveau commissariat. Il y aura du financement stable et à long terme. Les droits linguistiques seront enfin reconnus comme des droits fondamentaux, et nous ferons progresser la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Tous ces sujets ont fait consensus, et tout le monde était d’accord : pas seulement le gouvernement, les Métis et les Premières Nations, mais aussi les Inuits.

Cela dit, les Inuits voulaient aller plus loin. Je le comprends et je le respecte, sénateur. Voilà pourquoi je dis depuis le début et pourquoi je répète aujourd’hui que ma porte est toujours ouverte et que je serai toujours ouvert à la discussion, comme nous le faisons maintenant. J’étais à Iqaluit il y a deux semaines et j’ai participé à de nombreuses rencontres avec la présidente Kotierk, son équipe et plusieurs spécialistes. Nous avons discuté de manière constructive du projet de loi, des prochaines étapes, de ce qu’il y aurait à faire et de ce qu’il y aurait à améliorer.

Nous voulons avancer tous ensemble parce que nous voulons que tout le monde en profite, y compris les Inuits qui se battent depuis tellement longtemps pour préserver leur langue et leur culture.

Le sénateur Patterson [ - ]

Je suis heureux de vous entendre parler de principes, monsieur le ministre, mais on ne peut pas préserver et valoriser une langue autochtone en se fondant uniquement sur des principes.

Les Inuits ont participé au processus d’élaboration conjointe avant de s’en retirer. Après ce malheureux départ, le projet de loi a été rédigé, présenté à la Chambre, puis renvoyé au Sénat, qui en est maintenant saisi. Cependant, vous avez nommé un représentant spécial ministériel pour consulter les Inuits dans ce dossier, et je vous en remercie. Vos collaborateurs ont parlé de la possibilité d’élaborer un projet de loi parallèle qui tiendrait compte du fait bien particulier et heureux que la langue inuktitute se porte bien, même si elle connaît certaines difficultés.

Lorsqu’ils m’ont offert une séance d’information à titre de porte-parole, vos collaborateurs m’ont aussi parlé de la possibilité de conclure un accord en vertu de l’article 9, au titre du projet de loi.

Les Inuits vont perdre toute possibilité de s’assurer que leurs préoccupations sont prises en considération dans la mesure législative si cette dernière est adoptée sans que des concessions soient faites pour tenir compte de leurs préoccupations particulières. Ma question est la suivante: avant que le comité examine enfin le projet de loi, êtes-vous prêt à lui présenter un rapport sur les résultats obtenus par votre représentant spécial ainsi que sur les discussions que vous avez dit être en cours, notamment avec le gouvernement du Nunavut, sur les mesures pouvant être intégrées à l’accord en vertu des articles 9 et 10 et la possibilité d’un projet de loi distinct? Pourriez-vous nous tenir au courant des progrès que vous avez réalisés avant qu’ait lieu le vote à l’étape de la troisième lecture?

M. Rodriguez [ - ]

Merci, sénateur. Nous faisons preuve d’ouverture et de transparence depuis le début.

Vous parlez du mois d’août. Nous nous sommes alors entendus avec tous les groupes nationaux sur les principes fondamentaux du projet de loi. Comme je l’ai expliqué avant, il était question notamment des principes et de la reconnaissance des droits.

Par la suite, nous avons commencé à discuter des étapes suivantes. C’est là que nous en sommes maintenant. Je dois dire respectueusement que je ne comprends pas tout à fait pourquoi vous dites que les Inuits se sont retirés du processus, puisque nous avons des discussions bilatérales avec eux de façon régulière. Comme je l’ai souligné, j’étais à Iqaluit il y a deux semaines. J’ai rencontré la présidente Kotierk et les représentants de diverses organisations inuites lorsque j’étais à New York pour parler de ce sujet en particulier aux Nations Unies.

Mon secrétaire parlementaire, mon personnel et moi saisissons toutes les occasions de poursuivre la discussion avec eux, car leur objectif est d’une importance fondamentale. Je comprends parfaitement leur démarche, et je les appuie. Nous devons nous assurer de pouvoir répondre à leurs demandes. Je ne prendrai jamais d’engagement que je ne suis pas en mesure de remplir. Je détermine la teneur des discussions et des exigences en collaboration notamment avec d’autres ministres, dont les ministres de la Justice et des Services aux Autochtones, et avec d’autres personnes.

Pour que nous puissions dire oui à une idée, je dois d’abord m’assurer d’être en mesure de l’approuver. Cela dit, visons-nous un but commun? Oui, tout à fait. Comment y arriverons-nous? C’est ce dont nous discutons actuellement.

Dès le début, dès maintenant, au moment de l’adoption du projet de loi, nous instaurons aussi des mécanismes de financement qui permettront d’acheminer des fonds vers les collectivités et de commencer à préparer les enseignants, à produire des livres et des dictionnaires, et à poser des gestes concrets afin de préserver et de revitaliser les langues autochtones, dont l’inuktut.

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