Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
Troisième lecture--Ajournement du débat
10 juin 2021
Je souhaite tout d’abord remercier le sénateur Dalphond et la sénatrice Duncan de leur appui. Je remercie aussi le sénateur Plett d’avoir présenté des excuses. Je comprends tout à fait les règles, et je sais que les choses doivent changer et qu’elles changeront. Merci.
La première partie vise à modifier le titre et le préambule du projet de loi pour y ajouter les termes « mise en œuvre » et « mettre en œuvre ». On souhaite ainsi mettre l’accent sur le but du projet de loi et l’exprimer plus clairement : il s’agit de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Même si le projet de loi ne mène pas à la mise en œuvre immédiate de la déclaration, il vise manifestement à produire un résultat, c’est-à-dire l’application de la déclaration en droit canadien. Cette partie de l’amendement établit clairement cet objectif.
La formulation « atteindre les objectifs de la Déclaration » qui figure actuellement dans le préambule n’oblige aucunement le gouvernement à mettre en œuvre les articles de la déclaration. Le terme proposé, « mettre en œuvre », requiert qu’on donne force de loi aux articles de la déclaration.
D’après le ministre Lametti, ce projet de loi « reconnaît que les instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, comme la déclaration, peuvent être utilisés comme outils d’interprétation du droit canadien ». Cet objectif doit donc se refléter dans le titre et le préambule.
La deuxième partie de mon amendement consiste à ajouter une disposition qui indique que cette loi lie Sa Majesté du chef du Canada. Autrement dit, la Couronne doit respecter les mots et les normes qu’elle inscrit dans la loi. Conformément à l’article 17 de la Loi d’interprétation :
Sauf indication contraire y figurant, nul texte ne lie Sa Majesté ni n’a d’effet sur ses droits et prérogatives.
Bien que l’on puisse penser que le projet de loi C-15 lie implicitement ou nécessairement la Couronne parce que sa raison d’être serait compromise dans le cas contraire, les tribunaux sont loin d’être clairs ou cohérents dans leur interprétation. Les lois fédérales sont tout aussi incohérentes. Au vu de cette incohérence et de cette ambiguïté, il faut absolument clarifier l’intention du législateur.
De plus, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones énonce les normes minimales pour veiller à la survie et à la dignité des Autochtones. La responsabilité de régler les problèmes associés à ces enjeux ne relève pas d’un ministère unique ni seulement du gouvernement fédéral. Si ce dernier a l’intention de mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies, les répercussions dépasseront le rôle de Services aux Autochtones Canada ou de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada. Tous les ministères et organismes fédéraux seraient concernés. Voilà pourquoi il faut à tout le moins que la loi lie Sa Majesté du chef du Canada pour éviter toute ambiguïté potentielle.
La troisième partie de mon amendement vise à inclure les mots « force de loi » dans la section qui porte sur l’objet de la loi. C’est particulièrement important, car, sans cela, le projet de loi C-15 ne donnera pas force de loi, en droit canadien, à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n’ajoute rien de nouveau au cadre juridique canadien, puisque les tribunaux se fondent déjà sur la Déclaration des Nations unies pour résoudre les ambiguïtés législatives, comme ils le font avec d’autres instruments internationaux en matière de droits de la personne.
Cette partie de l’amendement indique de façon claire et sans équivoque que les tribunaux doivent se fonder sur la Déclaration pour interpréter les droits constitutionnels des peuples autochtones et les obligations du gouvernement fédéral envers les peuples autochtones. De plus, ma proposition d’ajouter le paragraphe c) à l’article 4 vise à établir l’obligation du Canada d’utiliser la déclaration pour interpréter les droits et obligations constitutionnels prévus à l’article 35. Par le passé, des tribunaux ont indiqué qu’ils n’allaient pas invoquer la déclaration pour donner plus de vigueur à l’article 35, à moins que des dispositions législatives explicites soient adoptées en ce sens. Ainsi, cette partie de l’amendement donne aux tribunaux des lignes directrices claires à cet égard.
La quatrième partie de mon amendement vise à ajouter l’obligation de tenir des consultations et de collaborer avec des conseils, des gouvernements et d’autres entités autorisés à agir pour le compte d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones titulaire de droits, ainsi que d’adopter une approche spécifique à chaque groupe.
Sans cette partie de l’amendement, le projet de loi C-15 reconnaît, certes, la diversité, mais ne s’engage pas à ce que celle-ci guide ou motive les actions des organes politiques et juridiques canadiens. Le Canada a déjà déclaré son engagement à adopter une approche fondée sur les différences, dans la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les communautés autochtones du Canada ont une grande variété de cultures, de traditions, de spiritualités, de langues et de besoins. Si le projet de loi ne s’engage pas à utiliser cette diversité pour éclairer la mise en œuvre de la déclaration, il ne pourra pas remplir l’objectif et la responsabilité uniques qu’il a envers les différentes nations.
Cette partie de l’amendement garantit que la consultation se fera directement auprès des titulaires de droits prévus à l’article 35 et en collaboration directe avec eux. Pour dire les choses clairement, les organisations politiques autochtones ou les organismes de défense des droits des Autochtones comme l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l’Inuit Tapiriit Kanatami ne sont pas des titulaires de droits en vertu de l’article 35.
La cinquième et dernière partie de mon amendement reconnaît la nécessité pour le ministre, dans les 60 jours suivant la sanction royale, de rendre public un processus de participation des Autochtones à l’élaboration du plan d’action ainsi qu’à sa mise en œuvre par des groupes et des personnes titulaires de droits en vertu de l’article 35.
Comme cela a été dit de nombreuses fois, les Autochtones n’ont vraiment pas été inclus dans la rédaction et l’élaboration de ce projet de loi. Alors que le gouvernement a manqué — une fois encore — à sa responsabilité fiduciaire dans la rédaction du projet de loi, cette partie de mon amendement garantirait que le processus prévu par le gouvernement pour la participation des titulaires de droits soit rendu public en ce qui concerne leur participation au plan d’action. Ce genre de garanties et de transparence ont fait cruellement défaut jusqu’à présent.
Honorables sénateurs, j’espère que ces détails sur mon amendement ont été utiles. Même si le projet de loi reste imparfait, il est évident que ces amendements contribueraient à l’améliorer. J’espère que les préoccupations des peuples qui seront directement touchés par ce projet de loi seront prises en considération, et que nous pourrons briser le cycle des lois coloniales prescriptives qui sont au cœur des différends qui minent la relation du Canada avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis qui cohabitent sur ce territoire.