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Le Code criminel—La Loi sur les Indiens

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat

17 octobre 2023


Son Honneur la Présidente [ + ]

Sénateur Tannas, il y avait une question. Aviez-vous terminé de poser votre question, sénateur Cotter?

L’honorable Brent Cotter [ + ]

Le sénateur Tannas avait commencé à y répondre. Il m’a répondu en privé, mais je pense qu’il aimerait y répondre devant cette assemblée.

L’honorable Scott Tannas [ + ]

Si ma mémoire est bonne, vous parliez de l’arrangement en Saskatchewan. D’après ce que j’ai cru comprendre, ce dernier repose sur une formule intéressante qui prévoit qu’un pourcentage revient à la nation hôte et qu’un pourcentage est versé dans la cagnotte destinée à toutes les Premières Nations. Puis, les casinos n’étant pas exploités par les Premières Nations, qui sont évidemment administrés par la province, contribuent aussi à cette cagnotte destinée à toutes les Premières Nations. Il y a une histoire intéressante derrière la négociation de cet arrangement.

Le point est le suivant : le projet de loi ne viserait pas à préserver ni à torpiller une telle formule. Il reconnaît et cherche à affirmer la compétence des communautés. Elles pourront décider de ce qu’elles feront. Si un modèle de redistribution de la richesse s’impose, elles pourront prendre cette décision. Si un modèle de redistribution de la richesse doit être établi dans un domaine comme l’extraction de l’uranium, l’industrie pétrolière et gazière ou l’industrie forestière — pour qu’une communauté qui ne se trouve pas à proximité de ces ressources obtienne quelque chose —, elles pourront décider de faire toutes ces choses. Ce n’est pas à nous ni à la province de prendre ces décisions.

Il est probablement juste de dire que l’entente en Saskatchewan — possiblement à la suite d’essais et d’erreurs ou en raison des circonstances — est la plus équitable pour les Premières Nations hôtes et, bien évidemment, pour les Premières Nations non‑hôtes. Ce modèle sera peut-être adopté partout au pays. Cela dit, il revient à ces gouvernements de prendre les décisions, tout comme la richesse est redistribuée dans notre fédération avec des transferts et la péréquation.

Le sénateur Cotter [ + ]

Si vous me le permettez, j’aimerais vous poser une question sur les champs de compétence, sénateur Tannas. Dans le préambule, il est question des droits intrinsèques des peuples autochtones, comme la sénatrice McCallum y a fait allusion précédemment, sauf que le projet de loi consiste en fait en une délégation de pouvoirs au titre du Code criminel. Cela pique ma curiosité.

De plus, le libellé du projet de loi indique que lorsqu’une Première Nation fait part au gouvernement du Canada de son intention d’établir un régime de jeu dans sa réserve, aux fins de ce régime, cette Première Nation est réputée ne pas faire partie de la province dans laquelle elle est située. Je suis étonné du caractère singulier de cette disposition législative selon laquelle, dans certaines circonstances, une Première Nation ne fait plus partie de la province. J’aimerais que vous m’expliquiez ces formalités liées aux champs de compétence.

Le sénateur Tannas [ + ]

Oui. Cela fait partie du défi de la réconciliation. Il en sera probablement ainsi pour des choses comme les services sociaux à l’enfance et à la famille, l’éducation, la santé et toute une variété de domaines au fil du temps, et il faudra alors s’en occuper.

Tout ce que nous souhaitions faire, et c’est la chose la plus simple à faire aujourd’hui, c’était de faire en sorte que les gouvernements autochtones des réserves aient des compétences identiques aux provinces. C’était la chose la plus simple à faire. Avec le temps, il pourrait y avoir d’autres manières de procéder. À un moment donné, il se pourrait que des provinces ne soient plus d’accord et que nous devions élaborer un programme national en matière de jeu. Qui sait? Chose certaine, je ne voudrais pas que d’autres belles paroles au sujet d’un programme national en matière de jeu qui « un jour, peut-être » inclurait les Premières Nations nous empêche de poser aujourd’hui un geste à la fois simple et élégant.

L’honorable Frances Lankin [ + ]

Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Tannas [ + ]

Oui.

La sénatrice Lankin [ + ]

Merci beaucoup. Je comprends l’intention derrière ce que vous essayez de faire et j’y suis généralement favorable. Les détails et les conséquences seront toujours importants, et je sais que le comité y travaillera et qu’un certain nombre de choses pourront être proposées.

J’ai quelques questions. Je vais les poser de manière à ce qu’elles soient toutes regroupées en une seule question. Elles font suite aux questions qui ont été posées.

Premièrement, chaque province et les Premières Nations qui y vivent ont actuellement des ententes différentes. Vous semblez connaître celle de la Saskatchewan. Je connais très bien celle de l’Ontario. Comme en Saskatchewan, une partie des recettes générales recueillies par les casinos non autochtones est mise en commun pour être reversée à d’autres Premières Nations. La province n’est pas obligée de le faire, et cela pourrait changer à l’avenir. Je me demande si vous avez examiné cette possibilité.

Deuxièmement, vos recherches vous ont-elles permis de recueillir des renseignements sur les mécanismes utilisés dans les différentes provinces? Il m’apparaît important de jeter un coup d’œil à l’historique de ces pratiques. D’après une brève conversation, je crois comprendre — mais je peux me tromper — que l’Alberta, par exemple, a déjà eu un fonds commun, la fondation Wild Rose, je crois, dont les Premières Nations de l’Alberta devaient bénéficier. La province y a toutefois mis fin. Bref, les démarches des provinces, qui ont souvent souhaité avant toute chose voir le gouvernement fédéral assumer pleinement ses responsabilités à l’égard des Premières Nations, risquent de disparaître.

Je mentionnerai aussi un deuxième point : quand j’étais membre du conseil d’administration de la Société des loteries et des jeux de l’Ontario, j’ai présidé le comité de la responsabilité sociale, qui se concentrait sur le jeu responsable et sur tous les autres volets de la responsabilité sociale. Nous avons reçu des prix, pendant plusieurs années d’affilée, pour le programme consacré au jeu responsable et à la prévention à l’intention des personnes à risque. Votre projet de loi prévoit-il que cela fasse aussi partie du cadre national?

Le sénateur Tannas [ + ]

En ce qui a trait au premier point que vous avez soulevé, chaque province a un mécanisme différent, et nous n’avons pas consacré beaucoup de temps à l’étude de ces mécanismes parce que nous voulions écarter les provinces de l’équation. C’est que, dans certains cas, la province s’attribue 70 % des profits et envoie une petite portion, selon ce qu’elle décide, à qui elle veut, et elle laisse 15 % des profits à la communauté hôte; il existe une grande variété de systèmes de loteries avec des pourcentages de tous ordres. Ce n’est pas à nous de prendre des décisions à ce sujet.

Dans le cas qui nous occupe, nous transférons la compétence, comme nous l’avons fait avec les provinces. Il n’y a aucune condition. L’entente sur le transfert de ces pouvoirs aux provinces tient sur trois pages, dont deux pages de signatures. Elle n’était pas complexe et ne comportait pas les nombreuses conditions que le gouvernement fédéral disait vouloir dans l’avenir.

Je sais que c’est risqué. Je sais que notre réflexe est de nous dire que nous ne pouvons pas leur faire confiance à ce sujet. Eh bien, je suis désolé, mais nous devons leur faire confiance. Nous devons croire en la capacité des gouvernements autochtones de bien faire les choses. C’est là l’objectif.

À propos du deuxième élément, qui en quelque sorte rejoint le premier, il faut comprendre que, selon moi, les exploitants connaissent leur clientèle, et ils ont mis à exécution l’idée d’une commission autochtone du jeu dont ils seraient tous membres. L’Assemblée des Premières Nations a d’ailleurs adopté une motion visant la création d’un cadre il y a à peine quelques mois. Elle effectue le travail nécessaire pour préparer le terrain.

Les Premières Nations peuvent également s’inspirer de l’exemple des États-Unis. Lorsqu’on a cédé les droits et le pouvoir aux nations autochtones, il y a eu des perturbations et des bouleversements, et il a fallu qu’une coopérative instaure des normes satisfaisantes et les bonnes politiques. Mais encore là, les nations sont libres de prendre ces décisions. Il s’agit d’activités commerciales qui se déroulent sur leur territoire.

On pourrait passer des mois, voire des années à inventer des règles, des règlements et des conditions pour façonner la manière dont les Premières Nations exerceront ce droit qui, selon eux, leur appartient déjà. Ce n’est pas ce que nous devons faire. Ce n’est pas ce qui a été fait dans le cas des provinces. Nous avons fait confiance aux provinces, nous avions confiance qu’elles instaureraient les règles, les règlements, les systèmes et les modalités de transfert de richesse qui s’imposent. Si nous croyons à cette cause, nous devons faire de même pour les gouvernements autochtones.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Une brève question, sénateur Tannas, si vous le permettez. Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a beaucoup entendu parler du déficit d’infrastructures dans les communautés autochtones. Je crois qu’on nous a dit qu’il faudrait 32 ans au gouvernement pour répondre financièrement aux besoins actuels en infrastructures des Premières Nations. En outre, les Premières Nations n’ont pas toutes des sources de revenus et, faute de revenus, elles ne peuvent pas emprunter de l’argent et ne peuvent pas construire les infrastructures dont elles ont besoin.

Pouvez-vous nous aider à comprendre comment ces fonds pourraient contribuer à atténuer les problèmes d’infrastructures dans les réserves?

Le sénateur Tannas [ + ]

Oui. Assurément, pour les réserves hôtes, cela constituerait une importante source de revenus. Le chef Roy Whitney de la Nation des Tsuut’ina estime qu’au cours de l’existence du casino Grey Eagle, l’Alberta a reçu un demi-milliard de dollars de sa communauté, qui aurait pu utiliser ce montant pour des infrastructures de ce genre. L’argent les aiderait à administrer tous les programmes que nous leur refilons.

Cela ne fait aucun doute — il est question de centaines de millions de dollars par an, qui iraient aux communautés pour des activités économiques dans les réserves, où l’on a investi des capitaux pour que cela se produise.

L’honorable Pat Duncan [ + ]

Le sénateur Tannas accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Tannas [ + ]

Je suis ouvert jusqu’à 18 h.

La sénatrice Duncan [ + ]

Merci. Je vais poser cette question sans avoir une connaissance approfondie de votre projet de loi.

Pendant cette discussion, je n’ai entendu personne parler de la situation dans le Nord, alors que la situation dans les trois territoires est complètement différente. Au Yukon, Diamond Tooth Gerties, à Dawson City, est, à ma connaissance, la première maison de jeu à avoir obtenu une licence au Canada. Selon les restrictions prévues par leur licence, un certain pourcentage de l’argent recueilli doit être investi dans des travaux dans la collectivité, y compris des travaux d’amélioration et de restauration.

Par ailleurs, je vous ai entendu dire que ces mesures s’appliqueraient dans les réserves. Or, nous n’avons pas de réserves au Yukon. Nous entretenons des relations de gouvernement à gouvernement. Comment diable ce projet de loi pourrait-il s’appliquer à la situation du Yukon? Je ne connais pas la situation du Nunavut ou des Territoires du Nord-Ouest. À ma connaissance, leur situation n’est pas la même que pour Diamond Tooth Gerties.

Selon vous, comment ce projet de loi pourrait-il s’appliquer au Nord, plus particulièrement au Yukon?

Le sénateur Tannas [ + ]

J’en ai parlé dans mon discours, et nous n’avons pas passé beaucoup de temps sur le Nord parce qu’il ne s’y passe pas grand-chose au chapitre du jeu, n’est-ce pas? Ce n’est pas quelque chose... Dans le Code criminel, les territoires ne sont pas mentionnés. Seules les provinces sont mentionnées, pas les territoires.

L’objectif actuel est de nous occuper du jeu dans les réserves des Premières Nations, qui comptent actuellement une trentaine de casinos en activité.

Si les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon ou quelqu’un d’autre a des suggestions, nous en serions certainement heureux. Cependant, d’après ce que nous avons pu constater, il faudrait quelque chose de complètement différent de ce qui se trouve dans le Code criminel et de ce que nous proposons, qui vise expressément les réserves.

La sénatrice Duncan [ + ]

Sénateur Tannas, Diamond Tooth Gerties a obtenu un permis bien avant l’époque où j’ai eu l’âge légal d’y boire ou d’y jouer — c’est vrai, je vous l’assure. Ces conditions spéciales ont été autorisées par le Canada au moyen d’un permis et elles ont servi de moteur pour le développement économique et touristique pendant toutes ces années. De plus, le Yukon a des relations de gouvernement à gouvernement avec les Premières Nations. Pour toutes ces raisons, ne pensez-vous pas que ce cas mériterait peut-être d’être examiné par le comité ou le groupe responsable de l’étude de ce projet de loi? À cet égard, je n’envisagerais pas de proposer un amendement sans effectuer de vastes consultations — pour revenir au point de la sénatrice Batters — auprès des gouvernements du territoire et de la Première Nation. Il faut au moins inclure ces trois parties.

Le sénateur Tannas [ + ]

Nous ne cherchons pas à compliquer davantage les choses. Je ne présumerai pas que vous pouviez boire ou non en 1985, mais ces ententes et ce transfert de responsabilités ont eu lieu en 1985. Donc, le casino Diamond Tooth Gerties a probablement obtenu son permis avant que les responsabilités ne soient transférées aux provinces. Est-ce exact?

D’une façon ou d’une autre, rien de tel ne se passe dans le Sud avec les jeux de hasard des Premières Nations. De toute évidence, un permis fédéral a été accordé d’une façon ou d’une autre, et c’est sur cette base que les opérations se déroulent. C’est un cas unique, et nous ne cherchons pas à résoudre ce problème. Je n’entends même pas dire que c’est un problème. J’ai plutôt entendu dire que tout fonctionne à merveille, alors je ne vois pas pourquoi nous voudrions nous y attarder s’il n’y a pas de problème à régler.

Cependant, ce qu’on nous dit, c’est qu’il y a un gros problème au sein des 30 communautés des Premières Nations qui exploitent les jeux de hasard à l’heure actuelle. Il y a un problème avec le partage des recettes et les ententes unilatérales décidées par une seule partie, c’est-à-dire la province, qui ne laissent d’autre choix aux Premières Nations que de dire oui à l’entente, quelle qu’elle soit.

Je voulais revenir au projet de loi C-218. Ce projet de loi et les changements apportés aux dispositions sur les jeux de hasard et la façon dont la province gère ce secteur ont eu une incidence sur la façon dont les Mohawks, les autres chefs de l’Ontario et l’Assemblée des chefs du Manitoba peuvent faire respecter les droits inhérents concernant les jeux de hasard. Lorsque nous avons parlé aux Mohawks, ils nous ont dit qu’il leur est actuellement impossible de faire respecter ces droits inhérents. En Ontario, les dispositions seront contestées en cour, en février 2024.

Nous sommes maintenant saisis du projet de loi C-218 et de votre projet de loi. Ces deux projets de loi pourront-ils coexister? Comment les Premières Nations pourront-elles appliquer ces deux projets de loi à la fois?

Le sénateur Tannas [ + ]

Il est neutre sur le plan technologique. Le projet de loi ne mentionne pas si oui ou non une Première Nation a le droit d’organiser des paris en Ontario. Le projet de loi ne dit pas qu’elle n’en a pas le droit, mais il ne dit pas non plus qu’elle en a le droit.

C’est le même problème que les provinces ont entre elles. C’est le même problème que nous avons avec les Bahamas. Il s’agit de gouvernements souverains qui ne savent pas comment protéger l’industrie du jeu sur leur propre territoire dans le monde actuel.

Les tribunaux sont probablement la meilleure solution, mais, à mon avis et selon le conseiller législatif à la rédaction, ce projet de loi n’aura aucune incidence, positive ou négative, dans un sens ou dans l’autre.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Honorables sénateurs, le consentement n’est pas accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je vais quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures.

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